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Décisions

Cass. com., 7 mai 2019, n° 18-11.128

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Vebio (SAS)

Défendeur :

Cerba Healthcare (SASU), Cefid (SA), Cerba Vet (SAS), Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral (SNVEL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocat général :

Mme Beaudonnet

Conseillers :

Mme Le Bras (rapporteur), Mme Riffault-Silk

Avocats :

SCP Boutet, Hourdeaux, SCP Gatineau, Fattaccini

Versailles, 12eme ch., du 5 déc. 2017

5 décembre 2017

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 décembre 2017), que les sociétés Vebio et Cerba Healthcare ont conclu un accord de confidentialité concernant certains aspects de leurs activités de laboratoire de biologie vétérinaire, selon lequel elles s'interdisaient d'accomplir des actes pouvant porter préjudice à l'autre auprès des tiers ; que le " groupe Cerba ", composé notamment de la société Cerba Healthcare et de la société Cefid, a constitué la société de laboratoire et de biologie vétérinaire Cerba Vet ; que, reprochant à ces trois sociétés de reproduire son catalogue, de s'inspirer de ses procédures et d'exercer la médecine vétérinaire de manière illégale, la société Vebio les a, par acte du 29 février 2016, assignées en violation de l'accord de confidentialité et en concurrence déloyale ; que le Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral est volontairement intervenu en cause d'appel ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société Vebio fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de dommages-intérêts formée contre la société Cerba Healthcare, en tant que fondée sur la violation de leur convention, alors, selon le moyen, que si l'obligation est de ne pas faire, celui qui y contrevient doit des dommages et intérêts du seul fait de sa contravention ; qu'ayant constaté que la société Cerba Healthcare avait violé son obligation contractuelle de non-démarchage souscrite envers la société Vebio dans l'accord du 30 septembre 2014, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en statuant comme l'a fait et violé l'article 1145 du Code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Mais attendu que, disposant que si l'obligation est de ne pas faire, celui qui y contrevient doit des dommages-intérêts par le seul fait de la contravention, l'article 1145 du Code civil, en sa rédaction applicable en la cause, ne dispensait pas le contractant d'établir le principe et le montant de son préjudice ; que la cour d'appel a souverainement estimé que la société Vebio ne rapportait pas la preuve d'un préjudice en lien de causalité avec le manquement contractuel qu'elle constatait ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que la société Vebio fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à faire juger que la société Cerba Vet exerçait une concurrence illicite et déloyale en pratiquant des actes vétérinaires sans être une société vétérinaire inscrite à l'Ordre des vétérinaires, et de rejeter ses demandes indemnitaires alors, selon le moyen : 1°/ que l'exercice en commun de la profession de vétérinaire ne peut être entrepris qu'après inscription de la société au tableau de l'Ordre mentionné à l'article L. 242-4 du Code rural et de la pêche maritime, dans les conditions prévues par ce dernier ; que la circonstance que la société Cerba Vet aurait dû obtenir son inscription dès le 2 novembre 2016 ne lui permettait pas d'accomplir légalement des actes vétérinaires en l'absence d'inscription à l'ordre des vétérinaires, laquelle est intervenue le 21 mars 2017, si bien qu'en décidant le contraire pour en déduire que la pratique de la société Cerba Vet d'actes vétérinaires antérieurs à la date de son inscription par décision en date du 21 mars 2017 ne pouvait être considérée comme illicite, la cour d'appel a violé les articles L. 242-1, L. 242-4 et L. 241-17 du Code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article 1240 du Code civil et les principes régissant la concurrence déloyale ; 2°/ que l'exercice en commun de la profession de vétérinaire ne peut être entrepris qu'après inscription de la société au tableau de l'ordre mentionné à l'article L. 242-4 du Code rural et de la pêche maritime, dans les conditions prévues par ce dernier ; que la circonstance que les conseils, supérieur et national, de l'ordre des vétérinaires n'aient pas exigé pendant un temps l'inscription au tableau de l'ordre des sociétés de biologie vétérinaires était indifférente, dès lors que l'activité de ces dernières relevaient de la catégorie des actes de médecine des animaux ne pouvant être effectués par celles-ci qu'après leur inscription au tableau de l'ordre des vétérinaires ; d'où il suit qu'en n'expliquant pas en quoi l'activité de la société Cerba Vet antérieure à la décision d'inscription au tableau du 21 mars 2017 ne consistait pas en l'accomplissement d'actes de médecine des animaux, quand la société Vebio faisait valoir que la biologie vétérinaire - activité de la société Cerba Vet - relevait de la médecine vétérinaire et qu'elle avait été ainsi pratiquée illégalement au cours de l'année 2016, jusqu'à l'inscription au tableau, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 242-1, L. 242-4 et L. 241-17 du Code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article 1240 du Code civil et les principes régissant la concurrence déloyale ;

Mais attendu que l'arrêt relève que les avis émanant des conseils, supérieur et national, de l'Ordre des vétérinaires montrent que la situation des laboratoires de biologie vétérinaire a évolué, ces institutions ayant peu à peu considéré que leurs actes devaient être considérés comme étant des actes de médecine des animaux ne pouvant être réalisés que par des vétérinaires inscrits ; qu'il constate que ce n'est qu'au mois de mars 2016 que le conseil national, sans exiger l'inscription des sociétés de biologie vétérinaires, a indiqué qu'il allait établir un état des lieux pour recenser les laboratoires et les vétérinaires y exerçant, et entreprendre toute action utile afin de clarifier et régulariser la situation des laboratoires privés d'analyses vétérinaires ; qu'il retient que dans un avis du 7 novembre 2016, le président de ce conseil faisait savoir que l'Ordre allait obtenir l'inscription des sociétés exerçant une activité vétérinaire ; qu'il relève, enfin, que l'inscription des sociétés de biologie vétérinaire ne s'étant mise en place qu'au cours de l'année 2016 et n'étant pas encore effective pour l'ensemble des sociétés en novembre 2016, la société Cerba Vet a formé une demande d'inscription, le 2 mai 2016, et que le rejet de sa demande a été infirmé par décision du Conseil national de l'Ordre des vétérinaires du 21 mars 2017 ; que de ces constatations et énonciations, répondant aux conclusions prétendument délaissées, la cour d'appel a pu déduire que, la société Cerba Vet ayant licitement débuté son activité, puis accompli les formalités rendues nécessaires par l'obligation d'obtenir son inscription à l'Ordre et obtenu cette inscription, sa pratique d'actes vétérinaires avant le 21 mars 2017 n'était pas illégale ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen : - Attendu que la société Vebio fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à faire juger que la société Cerba Vet exerçait une concurrence illicite et déloyale en incitant ses clients à violer leur secret professionnel et en se livrant à un recel de cette violation et, en conséquence, de rejeter ses demandes indemnitaires alors, selon le moyen, que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la censure du chef de dispositif attaqué par le deuxième moyen de cassation sur le fondement des griefs l'assortissant entraînera par voie de conséquence, en application de l'article 624 du Code de procédure civile, la censure de l'arrêt du chef de dispositif attaqué par le troisième moyen de cassation qui est dans sa dépendance, car justifié par la cour d'appel par l'analyse précédemment faite ;

Mais attendu que le deuxième moyen étant rejeté, ce moyen est sans portée ;

Et sur le quatrième moyen : - Attendu que la société Vebio fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à faire juger que la société Cerba Vet exerçait une concurrence illicite et déloyale en se livrant à des pratiques trompeuses faisant croire à sa qualité de société vétérinaire et, en conséquence, de rejeter ses demandes indemnitaires alors, selon le moyen : 1°/ que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la censure du chef de dispositif attaqué par le deuxième moyen de cassation sur le fondement des griefs l'assortissant entraînera par voie de conséquence, en application de l'article 624 du Code de procédure civile, la censure de l'arrêt du chef de dispositif attaqué par le quatrième moyen de cassation qui est dans sa dépendance, car justifié par la cour d'appel par l'analyse précédemment faite ; 2°/ que, dans ses conclusions d'appel, la société Vebio faisait valoir que la société Cerba Vet avait cherché à induire en erreur des vétérinaires inscrits à l'ordre en cherchant à usurper le titre de vétérinaire qu'elle ne pouvait pourtant utiliser faute d'être inscrite au tableau de l'Ordre des vétérinaires ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que le deuxième moyen étant rejeté, le grief de la première branche est sans portée ;

Et attendu, d'autre part, que le rejet du deuxième moyen rend inexact le postulat qui fonde le grief de la seconde branche, lequel manque dès lors en droit ; D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.