CA Montpellier, 1re ch. B, 7 mai 2019, n° 16-04563
MONTPELLIER
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Cucine STBO (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Torregrosa
Conseillers :
Mme Rodier, M. Combes
Avocats :
Mes Bertrand, Damon, Lamy
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 10 octobre 2015, Madame C Z s'est rendue à la foire exposition de Montpellier.
Elle signait au profit de la SAS Cucine STBO, un bon de commande n° 2809 pour l'achat d'une cuisine Bahia fabricant Atma d'une valeur de 13 863 TTC, et lui versait par chèque un acompte de 7 500 .
Le 14 octobre, elle se rendait sur place pour solliciter le bénéfice de son droit de rétractation ou, à tout le moins, la résolution de la vente et la restitution du chèque d'acompte, ce à quoi le vendeur s'opposait.
S'étant rapprochée de son conseil, elle réitérait ses demandes sous la plume de ce dernier, par lettre recommandée en date du 19 octobre 2015, précisant qu'elle était disposée à trouver une solution amiable.
Toutefois, le chèque de 7 500 était encaissé. Aucune issue amiable n'était trouvée au litige.
Par acte d'huissier en date du 23 novembre 2015, Madame C Z faisait délivrer assignation à la SAS Cucine STBO, aux fins d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire sa condamnation à lui rembourser la somme de 7 500 , avec intérêts de droit à compter du 19 octobre 2015, et à lui payer la somme de 2 000 de dommages intérêts pour résistance abusive outre 1 500 au titre des frais irrépétibles.
Par jugement contradictoire en date du 26 mai 2016, le tribunal d'instance de Montpellier a :
Prononcé la nullité du bon de commande du 10 octobre 2015,
Condamné la SAS Cucine STBO à payer à Madame C Z :
- la somme de 7 500 , avec intérêts au taux légal à compter du 19 octobre 2015,
- la somme de 900 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Débouté des autres demandes,
Dit n'y avoir lieu à ordonné l'exécution provisoire.
APPEL
La SAS Cucine STBO a relevé appel de ce jugement par déclaration en date du 10 juin 2016.
L'affaire a été appelée à l'audience du 5 décembre 2018 et renvoyée à la demande des parties à celle du 19 mars 2019.
À l'appel des causes de l'audience du 19 mars 2019, l'ordonnance de clôture a été révoquée à la demande conjointe des parties, pour admettre les dernières conclusions responsives de l'intimée, et l'affaire a été clôturée à nouveau sur l'audience.
Vu les dernières conclusions de la SAS Cucine STBO en date du 26 février 2019, auxquelles il est expressément référé pour complet exposé des motifs et du dispositif ;
Vu les dernières conclusions de Madame C Z en date du 4 mars 2019, auxquelles il est expressément référé pour complet exposé des motifs et du dispositif ;
SUR CE
Sur l'obligation d'informer le consommateur de l'absence de droit de rétractation pour les commandes passées dans les foires :
Madame Z, intimée, se prévaut à titre principal des dispositions de l'arrêté du 2 décembre 2014, en vigueur au jour de la signature du bon de commande, prévoyant en son article premier que dans les foires et salons, le vendeur professionnel doit afficher de manière lisible sur un panneau de format A3 et dans une taille de caractère ne pouvant être inférieur à celle du corps 98 la phrase suivante : " le consommateur ne bénéficie pas d'un droit de rétractation pour tout achat effectué dans cette foire ou salon ou sur ce stand ".
Elle reproche premier juge de ne pas avoir répondu à ce moyen.
Pour prétendre à l'absence de ce panneau d'information lors de sa présence sur la foire et de la signature du bon de commande, l'intimée verse aux débats une attestation de Monsieur X Y selon laquelle le panneau n'était pas installé dans le stand de la société Cucine STBO, lors du passage de Madame A
La société appelante tente de contrer cette attestation en produisant :
- la facture du 19 septembre 2015 d'un imprimeur professionnel.
- des photographies du stand non datées sur lesquels figure un panneau conforme aux dispositions réglementaires.
Cependant, parmi les photos produites par l'appelante figure une photo de Madame Z, prises à son insu et sur laquelle précisément aucun panneau d'information n'apparaît.
L'appelante qui a la charge de la preuve d'avoir rempli son obligation réglementaire, ne démontre pas qu'au moment où Madame Z s'est présentée sur son stand puis a signé un bon de commande, le panneau d'information y était déjà installé.
L'appelante prétend encore que le non-respect des dispositions réglementaires n'est assorti d'aucune sanction.
Cependant, en toute logique et sauf à vider de sens l'obligation réglementaire, le défaut de panneau d'information du consommateur relatif à l'absence d'existence d'un droit de rétractation emporte pour ce dernier la possibilité de se rétracter d'une commande passée sur une foire et d'obtenir restitution de l'acompte versé.
Madame Z qui s'est rétractée par la voix de son conseil dans le délai légal de rétractation de la loi B est bien fondée en sa demande de se voir restituer la somme de 7 500 , avec intérêts au taux légal à compter du 19 octobre 2015.
Le jugement sera donc, par ajout ou substitution de motifs, confirmé sur la condamnation prononcée.
Sur la nullité du bon de commande :
En application des dispositions de l'article L. 111-1 du Code de la consommation, le vendeur professionnel est tenu d'une obligation pré contractuelle d'information, visant à faire connaître au consommateur les caractéristiques essentielles du bien vendu.
Cette obligation impose notamment au vendeur de se renseigner sur les besoins de l'acheteur et de l'informer de l'adéquation du matériel proposé à l'utilisation qui en est recherchée. À défaut, comme au cas d'espèce, d'un plan extrêmement précis réalisé préalablement par un professionnel ou en ayant les mêmes qualités, le contrôle des métrés apparaît comme le moyen de vérifier l'adéquation des biens visés aux besoins du client.
Pour prononcer la nullité du bon de commande et condamner la société Cucine STBO à rembourser la somme de 7 500 versée, le premier juge a justement :
- rappelé qu'aux termes de l'article L. 111-1 du Code de la consommation, le professionnel communique au consommateur de manière lisible et compréhensible les caractéristiques essentielles du bien ou du service, le prix du bien ou du service, et la date ou le délai auxquels le professionnel s'engage à livrer le bien ou exécuter le service, ainsi que des informations le concernant ;
- rappelé qu'il incombe au vendeur professionnel, tenu d'une obligation de renseignement, de rapporter la preuve qu'il a exécuté cette obligation,
- constaté qu'en l'espèce, le bon de commande ne comporte aucune mention du lieu des travaux à exécuter, pas plus qu'un plan de la cuisine à aménager avec des cotes précises du lieu d'implantation des meubles, lesquels figurent en sus dans le descriptif de la première page du bon de commande nullement visé ni signé contradictoirement par les parties ; qu'en page 2 de ce bon de commande, il est mentionné un contrôle de métrés qui justifie de l'approximation du professionnel, lequel ne démontre ainsi nullement s'être libéré de son obligation de délivrance de l'information due à Madame A
En toute hypothèse, sur ce second moyen, s'il était soutenu en premier par l'intimée, le jugement serait tout autant confirmé.
Sur la demande incidente de dommages et intérêts pour résistance abusive :
La résistance abusive n'est pas suffisamment caractérisée, l'appelante ayant pu se méprendre sur l'étendue de ses droits, notamment en raison du caractère récent des dispositions réglementaires d'information du consommateur.
Par ailleurs, l'intimée ne démontre pas de préjudice financier autre que celui du retard réparé par les intérêts au taux légal et ses frais irrépétibles.
La demande de l'intimée sera donc en voie de rejet et le jugement confirmé sur ce point.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
Au regard de la somme déjà allouée en première instance, il sera fait droit à la demande de l'intimée, à hauteur d'une somme complémentaire de 1 000 , au titre de ses frais irrépétibles d'appel.
L'appelante qui succombe en toutes ses prétentions supportera les dépens de l'appel.
Par ces motifs, Vu les dispositions de l'article 1er de l'arrêté du 2 décembre 2014 relatif à l'information des consommateurs sur les foires ; Vu les dispositions de l'article L. 111-1 du Code de la consommation ; Vu les pièces produites, LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe, Juge que l'appelante est défaillante dans la charge qui lui incombe d'avoir, à l'égard de l'intimée, rempli son obligation d'information du consommateur sur l'absence de droit de rétractation pour tout achat effectué sur son stand sur la foire, Juge que l'intimée est en conséquence bien fondée à obtenir restitution de l'acompte versé, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne la société Cucine STBO à payer à Madame C Z la somme complémentaire de 1 000 en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, Condamne la société Cucine STBO aux dépens de l'appel.