Cass. com., 7 mai 2019, n° 17-27.229
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Rotosiam (Sté), Eppe (Consorts), Battini, Batfin (SAS), Etablissements E. Eppe (SA)
Défendeur :
Carrefour (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Poillot-Peruzzetto
Avocats :
SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, SCP Delvolvé, Trichet
LA COUR : - Sur le premier moyen : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 septembre 2017), que le 9 mars 2001, la société Rotosiam, créée par MM. Battini et Eppe, les sociétés Batfin et Etablissements E. Eppe, a conclu avec la société CenCar, filiale de droit thaïlandais de la société Carrefour, un contrat de fourniture de service d'impression, soumis au droit thaïlandais, d'une durée de trois années, renouvelable tacitement ; que des contrats entre les mêmes parties, portant sur le même objet, ont ensuite été conclus, le dernier prenant fin le 4 février 2011 sans possibilité de renouvellement tacite ; que le 13 novembre 2010, la société CenCar a été cédée à la société Big C, laquelle a poursuivi le contrat jusqu'à son terme ; que la société Rotosiam et ses fondateurs ont assigné la société Carrefour en paiement de dommages-intérêts pour rupture brutale d'une relation commerciale établie ; qu'en cause d'appel, ils ont subsidiairement demandé la condamnation de la société Carrefour à réparer un préjudice distinct de celui de la rupture, subi par les sociétés Batfin et Etablissements E. Eppe, MM. J. et R. Eppe et M. J. Battini ;
Attendu que les sociétés Rotosiam, Batfin et Etablissements E. Eppe, MM. Roland et Jacques Eppe et M. Battini font grief à l'arrêt de mettre la société Carrefour hors de cause alors, selon le moyen : 1°) que les sociétés Rotosiam, Batfin et Etablissements E. Eppe, MM. Roland et Jacques Eppe et M. Battini soutenaient expressément, dans leurs conclusions d'appel, d'une part, que la rupture dont ils demandaient réparation concernait la relation commerciale directement nouée et poursuivie en France avec la société Carrefour, dont les relations contractuelles unissant les deux filiales thaïlandaises ne constituaient qu'une modalité d'exécution, et, d'autre part, que " le fait générateur de la rupture " consistait dans la décision prise en France par la société Carrefour de céder sa filiale thaïlandaise ; qu'ils soutenaient, ce faisant, de façon expresse, que le fait dommageable invoqué s'était produit en France ; qu'en retenant néanmoins qu'" il n'[était] pas contesté qu'aucun fait dommageable ne s'[était] produit en France ", la cour d'appel, qui a dénaturé les conclusions des demandeurs, a violé l'article 4 du Code de procédure civile ; 2°) que l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce constitue une loi de police qui s'applique à toute relation commerciale nouée et poursuivie en France par des opérateurs économiques français ; qu'en ne se fondant, pour écarter l'application au litige de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, que sur l'absence d'un lien de rattachement avec la France des relations contractuelles ayant existé entre les sociétés CenCar et Rotosiam, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si l'existence d'une relation commerciale, même informelle, nouée et poursuivie en France par le groupe Eppe et la société Carrefour, opérateurs économiques français, qui était expressément invoquée par les parties en demande, ne suffisait pas à justifier l'application de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, loi de police française, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte et de l'article 16 du règlement n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles ; 3°) qu'en toute hypothèse, une action en responsabilité délictuelle est soumise à la loi du pays avec lequel le fait dommageable présente les liens les plus étroits ; qu'en ne s'attachant, pour écarter l'application au litige de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, qu'à la rupture des seules relations contractuelles ayant existé entre les sociétés thaïlandaises CenCar et Rotosiam, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la rupture de la relation commerciale nouée et poursuivie en France par le groupe Eppe et la société Carrefour, qui était expressément invoquée par les demandeurs, ne présentait pas, quant à elle, un lien étroit avec la France, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et de l'article 4 du règlement n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles ; 4°) qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métier, de rompre brutalement une relation commerciale établie, même demeurée informelle, sans préavis écrit tenant compte de la durée de celle-ci ; qu'en ne s'attachant, pour mettre la société Carrefour hors de cause, qu'à la rupture des seules relations contractuelles ayant existé entre les sociétés thaïlandaises CenCar et Rotosiam, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la société Carrefour n'avait pas rompu, non pas les contrats unissant les filiales thaïlandaises, mais la relation commerciale qu'elle avait nouée et poursuivie, en France, avec les parties en demande, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ; 5°) qu'une action en responsabilité délictuelle est soumise à la loi du pays avec lequel le fait dommageable présente les liens les plus étroits ; qu'en se fondant, pour écarter l'application au litige de l'article 1382 ancien du Code civil, sur l'absence de liens permettant de rattacher à la France l'action en responsabilité exercée, sans rechercher si la faute imputée à la société Carrefour, qui consistait à avoir volontairement donné aux demandeurs de fausses assurances quant à son intention de soutenir durablement l'activité de la société Rotosiam en Thaïlande, n'était pas étroitement liée à la France, pour avoir été commise en France, par une société française, à l'occasion de négociations menées avec d'autres opérateurs français, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et de l'article 4 du règlement n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles ; 6°) que commet une faute la société-mère qui, pour inciter une société à conclure avec l'une de ses filiales un contrat impliquant de lourds investissements, l'assure fallacieusement de sa volonté de soutenir le projet et d'en garantir la pérennité ; qu'en se bornant à retenir, pour mettre la société Carrefour hors de cause, que les relations contractuelles rompues concernaient exclusivement deux sociétés thaïlandaises et qu'aucune immixtion dans leur gestion n'était démontrée, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la société Carrefour n'avait pas commis une faute en donnant aux parties en demande de fausses assurances quant à son intention de soutenir durablement l'activité de la société Rotosiam en Thaïlande, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
Mais attendu qu'après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, que les documents contractuels existants concernent exclusivement les sociétés CenCar et Rotosiam et que les sociétés Carrefour et CenCar sont deux personnes morales distinctes, la seconde fût-elle une filiale à 100 % de la première, ce dont elle a exactement déduit que la rupture brutale alléguée concernait la relation commerciale ayant existé entre les sociétés Rotosiam et CenCar de sorte que la société Carrefour devait être mise hors de cause, la cour d'appel a, par ces seuls motifs rendant inopérants l'ensemble des griefs du moyen, justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.