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Décisions

Cass. soc., 15 mai 2019, n° 17-28.943

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

M. Mohamed

Défendeur :

CV associés engineering (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvet

Conseillers :

Mme Duvallet (rapporteur), M. Pietton

Avocats :

Me Haas, SCP Lyon-Caen, Thiriez

Versailles, 19ème ch., du 11 oct. 2017

11 octobre 2017

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé le 14 janvier 2013 par la société CV associés engineering en qualité de chargé de développement, son contrat de travail comportant une clause de non concurrence et une clause d'exclusivité, M. Mohamed a été licencié pour faute lourde le 24 avril 2014 ;

Sur le premier moyen du pourvoi de l'employeur : - Vu l'article L. 1235-1 du Code du travail ; - Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une faute grave et non sur une faute lourde, l'arrêt retient qu'il est établi par les pièces de la procédure que M. Mohamed, alors qu'il était salarié de la société CV associés engineering, en collaboration avec M. Burtin, a participé à la constitution de la société concurrente EOGS tout en ayant utilisé son temps de travail et ses outils de travail pour ce faire, en mettant en place un montage juridique pour dissimuler leur intervention directe au sein de la société EOGS, M. Mohamed étant actionnaire majoritaire de la société en participation IMS ayant pour gérante sa belle-mère domiciliée en Roumanie et M. Burtin étant actionnaire majoritaire de la société en participation Recrut Avenir ayant pour gérant son père, agriculteur en Meurthe-et-Moselle, qu'ainsi, les deux gérants officiels des sociétés à l'origine de la création de la société EOGS étaient des proches de MM. Mohamed et Burtin, ces derniers ayant seuls les compétences professionnelles en relation avec l'activité exercée au sein de la société EOGS, à l'exclusion des deux gérants officiels, que la société EOGS ayant notamment pour objet l'assistance au recrutement dans les métiers du pétrole et du gaz, soit une activité identique à celle de l'employeur, a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 2 avril 2014, ses statuts étant signés le 7 février 2014 et l'activité ayant débuté dès février 2014 par le recrutement de personnel, qu'il en résulte que le salarié a commis avec M. Burtin des actes de concurrence déloyale en ce que, étant à l'origine de la création de la société EOGS ayant une activité concurrente à celle de son employeur, il a détourné des clients, notamment la société CNIM et un salarié avant la rupture de son contrat de travail, tout en utilisant les documents commerciaux de son employeur à son profit, que son comportement est constitutif d'une faute grave en ce qu'il rend impossible son maintien dans l'entreprise, sans toutefois être constitutif d'une faute lourde, faute pour l'employeur d'établir l'intention de nuire à l'entreprise ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié avait, en violation d'une clause d'exclusivité et en concertation avec un autre salarié et alors qu'il était encore au service de son employeur, eu recours à un montage juridique permettant de dissimuler la création d'une entreprise dont l'activité était concurrente de celle de son employeur et avait débuté avant la rupture de leurs relations contractuelles, et que le salarié avait détourné de la clientèle et débauché un salarié de l'employeur en sorte que l'intention de nuire était caractérisée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

Sur le second moyen du pourvoi de l'employeur : - Attendu que la cassation à intervenir sur le premier moyen du pourvoi de l'employeur entraîne par voie de conséquence en application de l'article 624 du Code de procédure civile la cassation du chef du dispositif rejetant la demande de dommages-intérêts de la société au titre d'un manquement à l'obligation de loyauté ;

Sur le moyen unique du pourvoi du salarié : - Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à l'annulation de la clause de non concurrence et en paiement de dommages-intérêts à ce titre et de le condamner à payer à l'employeur une somme au titre de la violation de ladite clause, alors, selon le moyen : 1°/ que dans ses conclusions d'appel, le salarié soutenait que la clause de non-concurrence insérée dans son contrat de travail concernait les sociétés pétrolières et parapétrolières implantées en France et, de manière générale, toutes les entreprises du secteur pétrole et gaz opérant sur cinq régions soit, en réalité la totalité du territoire français concerné par les activités pétrole et gaz ; qu'en considérant, pour écarter la nullité de cette clause, qu'elle était limitée dans l'espace dès lors que seules cinq régions de France sont visées, sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ; 2°/ que le salarié est libéré de son obligation de non-concurrence lorsque l'employeur ne règle pas la contrepartie financière à la clause de non-concurrence ; qu'en se fondant, pour condamner le salarié à régler l'indemnité due au titre de la clause pénale pour violation de la clause de non-concurrence, sur la circonstance selon laquelle le salarié avait été embauché par une société concurrente en septembre 2014, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si depuis son licenciement notifié le 24 avril 2014 avec un effet immédiat, son employeur avait payé la contrepartie financière à la clause de non-concurrence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du Code du travail, 1134 et 1152 du Code civil dans leur version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Mais attendu qu'ayant constaté d'une part que la clause était limitée dans l'espace dès lors qu'elle ne visait que cinq régions de France et que le salarié avait été engagé dès septembre 2014 par la société IOTA, société concurrente de la société CV associés engineering, établie en région Île-de-France, et d'autre part que le salarié avait exercé dès le mois de février 2014, une activité concurrente de celle de l'employeur par l'intermédiaire de la société EOGS qu'il avait créée en sorte que dès la rupture du contrat de travail intervenue le 24 avril 2014, il méconnaissait son obligation de non concurrence libérant ainsi l'employeur de toute obligation de paiement de l'indemnité, la cour d'appel, qui a implicitement mais nécessairement écarté le moyen visé à la première branche, a légalement justifié sa décision ;

Par ces motifs : Casse et Annule, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement de M. Mohamed fondé sur une faute grave et non sur une faute lourde et rejette la demande en paiement de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de loyauté présentée par la société CV associés engineering, l'arrêt rendu le 11 octobre 2017, entre les parties, par la Cour d'appel de Versailles ; Remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Versailles, autrement composée.