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Décisions

Cass. 2e civ., 16 mai 2019, n° 18-14.368

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Saint-Gobain glass solutions Paris Centre Normandie (SAS), Mme Moiroud, M. Bell-Lloch

Défendeur :

Groupe Averia (SAS), M. Ygouf, Nealtis (SARL), Groupe Averia (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Maunand

Avocat général :

M. Girard

Conseillers :

Mme Jollec (rapporteur), Mme Martinel

Avocats :

SCP Boullez, SCP Piwnica, Molinié

Paris, pôle 1, ch. 3, du 17 janv. 2018 ;…

17 janvier 2018

LA COUR : - Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 17 janvier et 21 mars 2018), que se plaignant du débauchage de plusieurs salariés, dont Mme Moiroud et M. Bell-Lloch, d'agissements déloyaux de ces derniers au sein d'un établissement de la société Saint-Gobain glass solutions Paris Centre Normandie (la société SGGS) et d'actes de parasitisme et de concurrence déloyale, la société Nealtis, sa filiale la société Groupe Averia, la filiale de celle-ci la société Averia distribution aux droits de laquelle est venue la société Groupe Averia, et M. Ygouf ont saisi un président d'un tribunal de grande instance à fin de voir désigner un huissier de justice pour effectuer diverses mesures sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile ; que la requête ayant été accueillie le 12 janvier 2017, la société SGGS, Mme Moiroud et M. Bell-Lloch ont saisi un juge des référés pour obtenir la rétractation de l'ordonnance, demande à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 2 mai 2017 rectifiée le 10 août 2017 ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal no Q 18-14.368, pris en ses première, quatrième et cinquième branches : - Attendu que la société SGGS, Mme Moiroud et M. Bell-Lloch font grief à l'arrêt de rejeter la demande de rétractation de l'ordonnance du 12 janvier 2017 et de modifier celle-ci alors, selon le moyen : 1°/ que si l'ordonnance rendue sur requête, organisant une mesure d'instruction in futurum, peut être motivée par référence à la requête, le juge de la rétractation ne peut suppléer aux carences de celle-ci, en y découvrant lui-même une motivation circonstanciée qui n'y figurait pas ; qu'en ayant fait " parler " la requête présentée le 11 janvier 2017 par le groupe Averia, en y découvrant une motivation circonstanciée, quand elle se contentait de se référer, sans autre justification concrète, concernant la nécessité de déroger au principe de la contradiction, " au risque de destruction de données informatiques, numériques ou électroniques, par essence furtives, et/ou susceptibles d'être aisément détruites ou altérées ", la cour d'appel a violé les articles 145, 493 et 495 du Code de procédure civile ; 2°/ qu'une mesure d'investigation ordonnée au domicile de salariés doit être strictement proportionnée au but probatoire poursuivi et mesurée à l'aune de l'atteinte au secret de la vie privée des salariés concernés ; qu'en se fondant, pour ordonner une mesure d'investigation au domicile de deux anciens salariés du groupe Averia, sur le simple " caractère itinérant " de leurs fonctions, la cour d'appel a violé les articles 8 de la Convention des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 145 du Code de procédure civile ; 3°/ qu'une mesure d'investigation in futurum ordonnée, sur une simple suspicion d'actes de concurrence déloyale, au domicile d'anciens salariés, ne doit pas porter une atteinte excessive au secret de leur vie privée ; qu'en jugeant que la mesure d'investigation ordonnée au domicile d'anciens salariés était proportionnée, au seul motif " qu'il n'était pas question dans l'ordonnance d'étendre la mesure aux ordinateurs de leurs conjoints ", la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 8 de la Convention des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 145 du Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant constaté que la requête visait des données informatiques, numériques ou électroniques par essence furtives et susceptibles d'être aisément détruites ou altérées et exposait que deux des anciens responsables du groupe Averia avaient été embauchés par la société SGGS dont l'un d'entre eux avait transmis ses nouvelles coordonnées professionnelles, ce qui justifiait que la mesure ne soit pas prise contradictoirement eu égard au risque de destruction des documents si les intéressés étaient avertis de la mesure ordonnée, la cour d'appel en a exactement déduit que les circonstances établissant la nécessité de déroger au principe de la contradiction étaient établies ; Et attendu, d'autre part, qu'après avoir énoncé que le respect de la vie privée ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'application de l'article 145 du Code de procédure civile et qu'eu égard aux fonctions itinérantes des intéressés, l'exécution de la mesure à leurs domiciles qui ne prévoyait pas d'extension aux ordinateurs des conjoints ne portait pas une atteinte disproportionnée à leur vie privée, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen unique du pourvoi principal n° Q18-14.368 pris en ses deuxième, troisième, sixième et septième branches, et sur le moyen unique du pourvoi incident n° Q18-14-368, annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Et sur le moyen unique du pourvoi n° R18-14.369, tel que reproduit en annexe : - Attendu que la société SGGS, Mme Moiroud et M. Bell-Lloch font grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à rectifier l'ordonnance de référé du 2 mai 2017 ;

Mais attendu que le rejet du pourvoi n° Q18-14.368 rend sans portée le moyen qui invoque une cassation par voie de conséquence ;

Par ces motifs : Rejette les pourvois.