CA Angers, ch. com. A, 7 mai 2019, n° 15-02669
ANGERS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Sotra Seperef (SAS)
Défendeur :
Compagnie Fermière de Services Publics (CFSP) (Sté), D. STI (SAS), Zurich Insurance Public Limited Compagny (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Van Gampelaere
Conseillers :
Mmes Portmann, Le Bras
FAITS ET PROCÉDURE
Le 27 avril 1998, les époux L. ont acheté à la commune du Grand Lucé une maison d'habitation sise [...] sur cette même commune, qu'ils ont réhabilitée en trois appartements à vocation locative.
Cet immeuble se trouve dans un environnement d'anciennes carrières souterraines.
Suivant facture du 19 mai 1998, la Compagnie Fermière de Services Publics (CFSP) a procédé au branchement d'eau potable entre le réseau public et la maison des époux L..
En août 2003, un dégât des eaux a eu lieu dans le sous-sol de la maison ayant pour origine une fuite de la canalisation située sous la voie publique au branchement desservant la maison des époux L..
La CFSP a mandaté la société Sogea pour réparer la fuite.
Le 12 août 2003, au vu du sinistre, la mairie a fait condamner le sous-sol.
Au regard de l'aggravation des désordres sur l'ensemble de l'immeuble, le maire de la commune a pris un arrêté de péril le 20 février 2004.
Le 5 juin 2007, les époux L. et leur assureur la société ACM ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, lequel, par ordonnance du 31 août 2007, a ordonné une expertise afin de rechercher l'origine des désordres au contradictoire de la CFSP, de son assureur la société AXA, de la commune de Le grand Lucé et de la communauté de communes.
Par ordonnance du 23 février 2009, à la requête de la CFSP, les opérations d'expertise ont été étendues à la société Sainte Lizaigne.
Par ordonnances du 7 avril 2009 à la requête de la société Sainte Lizaigne, les opérations d'expertise ont été étendues à la société Sotra seperef et à la société D. STI.
L'expert a déposé son rapport le 6 avril 2010.
Aux termes de ses investigations, l'expert a constaté que l'immeuble litigieux présentait de graves fissurations tant à l'intérieur qu'en façade, de nombreuses déformations des planchers.
Il a précisé que les fissurations affectant les façades et un pignon rendaient l'immeuble impropre à sa destination.
L'expert a indiqué que l'immeuble implanté dans un environnement de carrières souterraines, qui avait déjà " bougé " était néanmoins stabilisé avant la fuite d'eau importante de 2003.
Il a conclu que cette fuite était à l'origine unique et directe des désordres qu'il avait observés.
Il a considéré que la fuite avait été causée par la défectuosité du branchement de la maison des époux L. au réseau public et que cette défectuosité était imputable à un coude en bronze qui présentait deux trous à l'origine d'une fuite importante.
Il a expliqué que ce coude lui avait été remis par le maire de la commune qui le tenait lui-même de la société Sogéa qui l'avait prélevé lors des travaux de réparation de 2003.
L'expert a encore retenu que la pièce litigieuse avait été posée par la CFSP, que la société Sainte Lizaigne en était le fournisseur de la pièce, que cette dernière s'était elle-même approvisionnée auprès de la société Sotra seperef qui avait conçu la pièce et en a confié sa fabrication à la société D. STI.
L'expert a en outre sollicité l'expertise d'un sapiteur, le CETIM.
Par acte du 28 décembre 2011, les époux L. et leur assureur la société ACM ont saisi la juridiction administrative pour obtenir l'indemnisation de leurs préjudices, assignant la CFSP et son assureur la société Axa corporate.
C'est dans ces circonstances que la CFSP a, le 13 août 2012, fait assigner les sociétés Sotra seperef, Sainte Lizaigne, D. STI et la société Zurich Insurances Public Limited Company (assureur de la société D.) devant le tribunal de commerce du Mans pour voir condamner la société Sotra seperef à la garantir des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice des époux L., à titre principal sur le fondement de la garantie des vices cachés, subsidiairement sur le fondement de la législation relative aux produits défectueux.
Plus subsidiairement elle a sollicité, sur le fondement d'un manquement à l'obligation de délivrance conforme, la garantie de la société Lizaigne.
La société Sotra seperef a soulevé la tardiveté de l'action en garantie des vices cachés au regard des dispositions de l'article 1648 du Code civil.
Sur le fond, elle a contesté la réalité du vice caché allégué ou encore la défectuosité du raccord litigieux.
Subsidiairement elle a demandé à être garantie par la société D. et son assureur.
La société Sainte Lizaine a conclu au débouté arguant de la tardiveté de l'action en garantie des vices cachés.
Elle a soutenu qu'il n'était pas établi que le raccord examiné par l'expert soit bien le raccord à l'origine des dommages.
Subsidiairement, elle a demandé à être garantie par la société Sotra seperef et par la société D..
La société D. et son assureur ont fait valoir qu'il n'était pas établi que le raccord incriminé aurait été fabriqué par ses soins puisqu'elle n'était pas liée à la société Sotra par un contrat d'exclusivité.
Ils ont considéré qu'en toute hypothèse cette pièce ne présentait pas de défaut de fabrication ou encore de vice caché.
Ils ont également conclu à la tardiveté de l'action en garantie des vices cachés, exposant que la législation sur les produits défectueux ne pouvait trouver à s'appliquer.
Le 14 octobre 2014, le tribunal administratif de Nantes a retenu, à hauteur de 70 %, la responsabilité de la CFSP dans la survenance du dommage subi par les époux L..
Pour statuer en ce sens il a considéré que le préjudice subi par les époux L. était partiellement imputable à la défectuosité de la canalisation situé sur la voie publique et que la société CFSP, qui exploite l'ouvrage public en cause, était responsable de son fonctionnement défectueux.
Il a condamné la CFSP à leur payer la somme de 78 205 euros.
Il a condamné la CFSP à payer la somme de 320 418 euros à la société ACM, assureur des époux L..
Il a mis les frais d'expertise judiciaire à la charge définitive de la CFSP pour un coût de 32 922,83 euros.
Par jugement du 20 août 2015, le tribunal de commerce du Mans a, au visa des articles 1641 et 1645 du Code civil,
- dit que les sociétés Sotra Seperef et D. étaient tenues à garantir les vices cachés affectant le coude en laiton présent sur la canalisation desservant l'immeuble des époux L.,
- condamné les sociétés Sotra Seperef et D. ainsi que la société Zurich insurance à garantir la Compagnie fermière des services publics de toutes les condamnations prononcées à son encontre pour ces mêmes dommages par le tribunal administratif de Nantes dans son jugement du 14 octobre 2014,
- débouté la Compagnie fermière des services publics de ses demandes dirigées contre la société Sainte Lizaigne,
- rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné les sociétés Sotra Seperef et D. ainsi que la société Zurich insurance aux dépens.
Suivant déclaration reçue au greffe de la cour le 14 septembre 2015, la société Sotra seperef a interjeté appel de ce jugement intimant la CFSP, la société D. STI et la société Zurich insurance.
Les parties ont conclu.
Une ordonnance du 5 février 2018 a clôturé l'instruction de l'affaire.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :
- le 2 février 2018 pour la société Sotra Seperef
- le 19 janvier 2018 pour la société D. et son assureur,
- le 3 janvier 2018 pour la CFSP.
aux termes desquelles, les parties forment les demandes qui suivent.
La société Sotra seperef demande à la cour de :
Vu l'article 1641 et l'article 1648 du Code civil dans sa version applicable à l'espèce,
Vu l'article 189 bis du Code de commerce dans sa version applicable en 1998,
Vu l'article 1147 du Code civil dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016,
Vu les articles 2231 1386-4 du Code civil,
REFORMER le jugement rendu par le Tribunal de Commerce du Mans le 20 août 2015 en ce qu'il a condamné la Société Sotra Seperef à garantir la Compagnie Fermière De Services Publics des condamnations prononcées à son encontre par le Tribunal administratif de Nantes par jugement en date du 14 octobre 2014 ;
En conséquence,
DÉCLARER l'action de la Compagnie Fermière de Services Publics irrecevable comme tardive au regard des articles 1648 du Code civil et 189 bis en leur rédaction applicable à la cause ;
La DÉCLARER en tout cas non fondée et débouter la Compagnie Fermière De Services Publics de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions formulées à l'encontre de la société Sotra Seperef ;
A titre subsidiaire,
CONDAMNER la Société D. STI et son assureur la Société Zurich Insurance Public Limited Company à garantir la Société Sotra Seperef de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre dans le cadre de la présente procédure ;
Par ailleurs,
DÉCLARER irrecevable l'appel en garantie formulé par la société D. STI et son assureur, la société Zurich Insurance Public Limited Company, visant à obtenir la condamnation de la société Sotra Seperef à garantir la société D. STI de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre dans le cadre de la présente procédure ;
A titre subsidiaire,
DÉBOUTER la société D. STI et son assureur, la société Zurich Insurance Public Limited Company, de la demande formulée aux fins de voir la société Sotra Seperef condamnée à garantir la société D. STI de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre dans le cadre de cette présente instance ;
En toute hypothèse,
CONDAMNER la Compagnie Fermière de Services Publics et/ou la Société D. STI et son assureur la Société Zurich Insurance Public Limited Company à verser à la Société Sotra Seperef la somme de 5 000 sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER les mêmes in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec distraction pour ces derniers au profit de la Selarl Lexavoue Rennes Angers aux offres de droit.
La CFSP demande à la cour de :
A titre principal, vu les articles 1641 et 1645 du Code civil,
DÉBOUTER la société Sotra Seperef, la société D. STI et la société Zurich Insurance Limited Company de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la Compagnie Fermière De Services Publics ;
CONFIRMER le jugement entrepris rendu le 20 août 2015 par le Tribunal de commerce du Mans ;
DIRE la société Sotra Seperef, la société D. STI et la société Zurich Insurance Limited Company tenues de garantir le vice caché affectant le coude en laiton présent sur la canalisation desservant l'immeuble des époux L. ;
CONDAMNER corrélativement la société Sotra Seperef, la société D. STI et la société Zurich Insurance Limited Companyà garantir la COMPAGNIE FERMIÈRE DE SERVICES PUBLICSdes condamnations prononcées à son encontre pour ces mêmes dommages par le tribunal administratif de Nantes dans son jugement n° 1112705 en date du 14 octobre 2014 pour un total de 433 045, 83 avec intérêts de droit et capitalisation conformément à l'article 1154 du Code civil et ce à compter de l'assignation au fond délivrée le 30 juillet 2012 ;
A titre très subsidiaire,
Vu les articles 1386-1 et suivants du Code civil,
DÉBOUTER la société Sotra Seperef, la société D. STI et la société Zurich Insurance Limited Companyde l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la Compagnie Fermière de Services Publics ;
DIRE la société Sotra Seperef, conformément à l'article 1154 du Code civil et ce à compter de l'assignation au fond délivrée le 30 juillet 2012, responsable du fait du coude défectueux ;
DIRE lesdites sociétés tenues de réparer les dommages causés à l'immeuble des époux L. par ladite pièce ;
CONDAMNER corrélativement lesdites sociétés à garantir la Compagnie Fermière de Services Publics des condamnations prononcées à son encontre pour ces mêmes dommages pour un total de 433 045,83 avec intérêts de droit et capitalisation conformément à l'article 1154 du Code civil et ce à compter de l'assignation au fond délivrée le 30 juillet 2012 ;
A titre infiniment subsidiaire,
Vu les articles 1147 et 1604 du Code civil,
DIRE la société Sotra Seperef responsable du fait du défaut du coude délivré à la Compagnie Fermière de Services Publics ;
DIRE ladite société responsable des dommages causés à l'immeuble des époux L. par le coude défectueux pour un total de 433 045,83 ;
CONDAMNER corrélativement la société Sotra Seperef à garantir la Compagnie Fermière de Services Publics de ces condamnations prononcées à son encontre avec intérêts de droit et capitalisation conformément à l'article 1154 du Code civil et ce à compter de l'assignation au fond délivrée le 30 juillet 2012 ;
En toute hypothèse,
CONDAMNER la société Sotra Seperef aux dépens recouvrés conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile ;
CONDAMNER la société Sotra Seperef à verser à la Compagnie Fermière De Services Publics la somme de 6 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La société D. et son assureur demandent à la cour de :
Vu les dispositions des Articles 1641 et suivants du Code Civil,
Vu l'Article 1648 du Code Civil,
Vu les Articles 2231 et 1386-4 du Code Civil,
A titre principal,
Réformer le jugement du Tribunal de Commerce du Mans en date du 20 août 2015,
Débouter toute partie de toutes demandes en ce qu'elle est dirigée contre la société D. STI et la Zurich Insurance Limited Company,
A titre subsidiaire,
Condamner la société Sotra Seperef à garantir intégralement la société D. et la société Zurich Insurance Limited Companyde toutes condamnations prononcées à son encontre en principal, dommages et intérêts, frais et accessoires,
Laisser à la charge de la Compagnie Fermière des Services Publics une part majoritaire du coût du sinistre,
En tout état de cause,
Condamner toute partie succombante au paiement d'une indemnité de 4 000 par application de l'Article 700 ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP D. B. R., conformément aux dispositions de l'Article 699 du Code de Procédure Civile qui comprendront les frais d'expertise de Monsieur D..
MOTIFS DE LA DÉCISION
- sur les demandes de garantie présentées par la société CFSP à l'encontre des sociétés Sotra et D. sur le fondement de la garantie des vices cachés
Au soutien de sa demande la CFSP fait sienne l'appréciation de l'expert judiciaire selon laquelle la fuite à l'origine des dommages subis par les époux L. a trouvé son origine dans la défectuosité du raccord en coude en bronze utilisé lors du raccordement de leur immeuble au réseau d'eau.
La société Sotra soutient sur le fond que la preuve d'un vice affectant le coude litigieux n'est pas rapportée tandis que la société D. soutient qu'il n'est pas établi que le coude remis à l'expert par le maire de la commune ait bien été prélevé par la société Sogéa lors des réparations de 2003.
Il reste qu'elles soulèvent toutes deux la tardiveté de l'action en garantie des vices cachés et qu'il convient de statuer en premier lieu sur cette fin de non-recevoir.
Il ressort de la chronologie relatée par l'expert que la CFSP ne conteste pas que le raccordement de l'immeuble des époux L. au réseau d'eau a été opéré par un branchement intervenu en 1998 à l'occasion duquel le coude de raccordement tel incriminé par la CFSP a été posé.
L'acquisition du coude litigieux telle que revendiquée par la CFSP n'ayant pu intervenir au plus tard que le jour même des travaux de 1998, l'action en garantie des vices cachés est assujettie aux dispositions de l'article 1648 du Code civil selon lequel, dans sa rédaction applicable à la cause, l'action en garantie des vices cachés doit être engagée à bref délai.
Le bref délai court à compter de la découverte du vice par celui qui entend agir sur le fondement de la garantie des vices cachés.
La société Sotra fait valoir qu'à suivre la CFSP la défectuosité du coude litigieux aurait été constatée dès son extraction par la société Sogéa lors des travaux de réparation de 2003 et que la société CFSP n'a pris aucune initiative pour interrompre le bref délai à son égard.
Elle relève encore que s'il devait être retenu que le vice a été découvert à minima lors du dépôt du rapport d'expertise le 26 avril 2010, la CFSP a encore attendu le 30 juillet 2012 pour l'assigner de sorte que le bref délai serait là aussi écoulé.
Elle ajoute que l'action de la CFSP est en outre prescrite au regard des dispositions de l'article L. 110-4 du Code de commerce.
Pour sa part la société D. STI fait valoir qu'à supposer qu'elle ait bien livré le coude litigieux, ce n'est que dans des conclusions du 3 novembre 2014 que la CFSP a formé des demandes à son encontre alors que le rapport d'expertise avait été déposé en avril 2010.
Elle estime qu'elle est donc fondée à se prévaloir du non-respect du bref délai de l'article 1648 du Code civil.
La CFSP réplique qu'elle n'a eu connaissance certaine du vice affectant le coude litigieux que le 4 décembre 2008, date à laquelle l'expert judiciaire a donné connaissance aux parties du rapport du CETIM.
Elle estime avoir interrompu le bref délai de l'article 1648 du Code civil en ayant déposé une requête auprès du juge administratif pour que les opérations d'expertise en cours soient étendues à son vendeur la société Sainte LIZAIGNE par un acte du 29 décembre 2008, soit trois semaines après la réunion d'expertise au cours de laquelle les conclusions du CETIM ont été connues.
Elle relève encore que par suite d'une requête du 12 mars 2009 les opérations d'expertise ont été étendues à la société Sotra de sorte qu'il doit être retenu qu'elle a bien agi à bref délai dès la découverte du vice.
Elle soutient par ailleurs qu'une fois le bref délai ainsi interrompu en référé, elle n'était plus tenue, à raison de l'interversion de la prescription, d'agir à bref délai au fond.
En toute hypothèse, elle fait valoir qu'elle exerce contre les sociétés Sotra et D. une action récursoire en garantie et que le point de départ d'une telle action n'a commencé à courir qu'à compter de la date de l'assignation qui lui a été délivrée par les époux L. le 10 janvier 2012 de sorte que, si le bref délai devait lui être opposable, il a été respecté puisqu'elle a saisi le tribunal de commerce le 30 juillet 2012.
La demande de la CFSP tend à obtenir, sur le fondement de la garantie des vices cachés, la condamnation d'une part de la société Sotra et d'autre part de la société D. et de son assureur, à la garantir des condamnations prononcées à leur encontre en réparation du préjudice subi par les époux L. en raison de la défectuosité de l'ouvrage public et plus particulièrement du raccordement de l'immeuble au réseau d'eau potable.
Si La CFSP fait valoir qu'ayant agi en référé expertise dans le bref délai de l'article 1648 du Code civil, elle n'aurait plus été tenue, pour agir au fond, que par le délai d'action de droit commun, il reste qu'il lui appartient de justifier de l'acte interruptif de bref délai qu'elle invoque, étant observé qu'une assignation en référé devant le juge judiciaire ou une requête en référé administratif aux fins d'expertise n'interrompent le bref délai qu'au profit de celui qui saisi la juridiction et au préjudice du défendeur à la demande d'expertise ainsi présentée.
Or, en l'espèce, il ressort de l'expertise et des ordonnances de référé administratif produites aux débats que le juge administratif n'a été saisi par la CFSP que d'une demande d'extension des opérations d'expertise à l'encontre de la société Sainte Lizaigne, de sorte que c'est à juste titre que les sociétés Sotra et D. estiment qu'il convient de se référer à la date des demandes formées à leur encontre devant le tribunal de commerce.
Au regard des termes de sa demande tels que plus haut rappelés, il apparaît que la CFSP exerce une action récursoire contre les sociétés Sotra et D..
N'ayant pas, plus tôt, interrompu le bref délai, le délai dont disposait la société CFSP, responsable du défaut de l'ouvrage public, pour agir en garantie à l'encontre de son fournisseur, de tout autre vendeur intermédiaire ou du fabricant de la pièce prétendument affectée d'un vice caché, en application de l'article 1648 du Code civil a commencé à courir à compter de la date de l'acte introductif d'instance qui lui avait été délivré à la requête des époux L., le délai de prescription de l'article L. 110-4 du Code de commerce étant suspendu jusqu'à ce que sa responsabilité ait été recherchée par la victime du dommage.
En l'espèce il ressort des pièces n° 12 et 14 de l'appelante que le tribunal administratif de Nantes a été saisi par les époux L. d'une action en indemnisation dirigée contre elle par une requête enregistrée le 28 décembre 2011 et notifiée à la CFSP le 9 janvier 2012.
C'est donc à compter de cette date qu'a commencé à courir contre elle le bref délai de l'article 1648 du Code de commerce.
Or, étant observé que la société CFSP disposait de tous les éléments nécessaires, sans avoir à mener d'investigations préparatoires complémentaires, depuis, a minima, le dépôt du rapport d'expertise, elle a attendu près de 7 mois pour, par une assignation du 30 juillet 2012 (pièce N 6 de la société Sotra), saisir le tribunal de commerce de sa demande d'indemnisation dirigée contre la société Sotra.
Il s'ensuit que la CFSP n'a pas satisfait, à l'égard de la société Sotra, à son obligation d'avoir à assigner à bref délai.
La CFSP ne produit pas aux débats l'acte de signification de l'assignation commune qu'elle avait fait délivrer à la société D. et à son assureur.
Le tribunal évoque pour sa part une assignation du 13 août 2012.
L'assignation commune telle que produite aux débats par la société Sotra fait apparaître qu'aucune demande n'était formée contre la société D. et son assureur.
Dans son exposé des moyens et prétentions des parties, le tribunal ne fait état d'aucune demande de garantie présentée contre la société D. et son assureur.
Si le tribunal les a finalement condamnés à garantie avec la société Sotra, la société D. et son assureur soutiennent, sans être démentis, que ce n'est qu'aux termes de conclusions du 3 novembre 2014 que la CFSP a, pour la première fois, sollicité devant le tribunal leur condamnation à la garantir sur le fondement des vices cachés.
Il s'ensuit que c'est donc plus de deux ans et demi après avoir été elle-même attraite devant le tribunal administratif que la société CFSP a sollicité la garantie de la société D. et de son assureur.
La CFSP n'a donc pas non plus satisfait à l'égard de la société D. et à son assureur à son obligation d'avoir à les assigner à bref délai.
Les demandes de garantie sur le fondement des vices cachés doivent donc être déclarées irrecevables et le jugement sera infirmé en ce qu'il a retenu que la CFSP, la société D. et son assureur devaient être tenus à garantie sur le fondement des articles 1641 à 1645 du Code civil.
- sur les demandes de garanties subsidiaires fondées sur les articles 1386-1 et suivants du Code civil
La demande de la société Sotra sur le fondement des articles 1386-1 et suivant du Code civil appelle les observations suivantes.
Les travaux de raccordement de l'immeuble des époux L. au réseau d'eau potable réalisés par la CFSP au cours desquels le coude de raccordement litigieux aurait été mis en œuvre ont été facturés le 19 mai 1998.
Il s'en déduit que, en retenant la date la plus extrême le coude de raccordement litigieux n'a pu être mis en circulation qu'au 19 mai 1998.
Or, les articles 1386-1 et suivants du Code civil ne sont applicables qu'aux produits mis en circulation à compter de l'entrée en vigueur de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998, soit à compter du 21 mai 1998.
Ainsi, le coude de raccordement litigieux ayant nécessairement été mis en circulation antérieurement à l'entrée en vigueur des articles 1386-1 et suivants du Code civil qui ne pourraient donc pas trouver à s'appliquer ni en ce qui concerne les règles de prescription qu'ils énoncent (prescription triennale de l'article 1386-17 et délai d'épreuve décennal de l'article 1386-16) ni en ce qui concerne les conditions de fond de la responsabilité.
Le respect du principe du contradictoire impose d'inviter les parties à s'expliquer sur ce point.
Par ces motifs LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit, au visa de l'article 1645 du Code civil, que les sociétés Sotra Seperef et D. étaient tenues de garantir le vice caché affectant le coude du laiton présent sur la canalisation desservant l'immeuble des époux L. ; Statuant à nouveau de ce chef, Déclare la Compagnie Fermière de Services Publics irrecevable en ses demandes dirigées contre la société Sotra Seperef, la société D. STI et la société Zurich insurance PIB limited company sur le fondement de la garantie des vices cachés ; Réservant le surplus des demandes et prétentions des parties, Révoque l'ordonnance de clôture et renvoie l'affaire à la mise en état en invitant les parties à conclure sur le caractère inapplicable à la cause des dispositions des articles 1386-1 et suivants du Code civil issus de la loi du 19 mai 1998 entrée en vigueur le 21 mai 1998 ; Dit que les délais de conclusions seront impartis aux parties par le conseiller de la mise en état.