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Décisions

Cass. soc., 22 mai 2019, n° 17-27.795

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Lecomte

Défendeur :

M Chapoutier (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Schamber

Rapporteur :

Mme Thomas-Davost

Avocat général :

Mme Rémery

Avocats :

SCP Boutet, Hourdeaux, SCP Piwnica, Molinié

Versailles, 19e ch., du 24 mai 2017

24 mai 2017

LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 24 mai 2017), qu'engagé en janvier 1998, en qualité de voyageur, représentant, placier multicartes par la société MC distribution, aux droits de laquelle se trouve la société M Chapoutier, M. Lecomte a été convoqué à un entretien préalable de licenciement le 30 avril 2013, puis licencié par lettre du 29 mai 2013 pour des faits de concurrence déloyale ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes alors, selon le moyen : 1°) qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ; que la cour d'appel a constaté que la lettre de licenciement reprochait au salarié : " nous avons découvert que vous commercialisiez des produits concurrents de notre maison. Il s'agit des maisons concurrentes telles que le domaine de la mordorée à Tavel, Chave Yann en Crozes-Hermitage et Hermitage, Domaine de Beaurenard en Châteauneuf du Pape et le Domaine de Faury en Saint-Joseph, Condrieu, Côte-Rotie et IGP Colline Rhodannienne. M. Banais, directeur des ventes, s'est immédiatement déplacé pour vous rencontrer le 4 mars 2013 " ; que par courriel du 28 février 2013, M. Bainas a confirmé le rendez-vous du 4 mars 2013 à 10 heures ; qu'en n'ayant pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, dont il résultait que, comme le soutenait le salarié, lorsque le 28 février 2013, M. Bainas l'avait convoqué, l'employeur savait qu'il commercialisait des produits de maisons concurrentes, identifiées, de sorte qu'une procédure de licenciement ne pouvait valablement être engagée le 30 avril 2013 pour lui reprocher la commercialisation de ces produits, la cour d'appel a violé l'article L. 1332-4 du Code du travail ; 2°) qu'en statuant sans avoir recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si la connaissance par l'employeur des faits reprochés au salarié dès le 28 février 2013, date à laquelle l'employeur l'avait convoqué pour un rendez-vous le 4 mars 2013, ne résultait pas du courrier envoyé au salarié le 19 avril 2013 mentionnant que " nous avons découvert que vous commercialisiez des produits concurrents de notre maison. Ainsi nous avons la preuve que vous représentez d'autres maisons concurrentes telles que le domaine de la mordorée à Tavel, Chave Yann, Domaine de Beaurenard en Châteauneuf du Pape et le Domaine de Faury. Monsieur Banais, directeur des ventes, s'est immédiatement déplacé pour vous rencontrer le 4 mars 2013. A cette date il souhaitait faire un point informé sur la situation et vous sensibiliser sur la violation manifeste de vos obligations contractuelles... vous avez soigneusement éludé l'objet même du rendez-vous du 4 mars qui était le grief concurrentiel ", la cour d'appel a privé sa décision de base légale l'article L. 1332-4 du Code du travail ; 3°) qu'en se déterminant comme elle l'a fait, sans préciser, ainsi qu'elle y était invitée, la date à laquelle l'employeur avait eu effectivement connaissance des faits fautifs reprochés au salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1332-4 du Code du travail ; 4°) que lorsqu'un fait fautif donnant lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires a eu lieu plus de deux mois avant le déclenchement de celles-ci, c'est à l'employeur qu'il appartient de rapporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de ces poursuites ; qu'en énonçant qu' " aucun élément n'établissant que la société M Chapoutier avait connaissance plus de deux mois avant le 30 avril 2013 des faits reprochés dans leur exacte ampleur, la fin de non-recevoir tirée de la prescription sera rejetée ", la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les articles L. 1332-4 du Code du travail et 1315 devenu 1353 du Code civil ; 5°) que l'employeur ne peut, à l'appui d'un licenciement, reprocher à un salarié des actes de concurrence déloyale sans les caractériser ; qu'en affirmant, pour juger le licenciement justifié, que les griefs énoncés dans la lettre de licenciement étaient établis et " constituent des actes de concurrence déloyale ", sans avoir caractérisé, cumulativement, l'existence d'une faute et d'un préjudice effectivement souffert par la société M Chapoutier directement causé par cette faute, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 devenus 1240 et 1241 du Code civil et L. 1235-3 du Code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de fait qui lui étaient soumis et procédant à la recherche prétendument omise, a, sans inverser la charge de la preuve, constaté que l'employeur n'avait eu une connaissance exacte de l'ampleur des faits reprochés au salarié qu'à la suite d'investigations complémentaires réalisées par huissier de justice, les 26 mars et 17 avril 2013 ; qu'elle en a exactement déduit que les poursuites, engagées le 30 avril 2013, par la convocation à l'entretien préalable au licenciement, l'avaient été dans le délai de deux mois prévu à l'article L. 1332-4 du Code du travail ;

Attendu, ensuite, qu'ayant retenu que le salarié, qui avait l'obligation contractuelle de ne pas représenter ou proposer sur son secteur des produits similaires susceptibles de concurrencer ceux de son employeur, avait référencé sur son site internet des vins non commercialisés par la société M Chapoutier, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de caractériser l'existence d'un préjudice subi par l'employeur, a décidé, dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du Code du travail, que les faits reprochés au salarié constituaient une cause réelle et sérieuse de licenciement ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.