CA Versailles, 12e ch., 21 mai 2019, n° 18-04975
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Kar (SARL)
Défendeur :
Thivembal (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Andrieu
Conseillers :
Mmes Soulmagnon, Muller
Avocats :
Mes Foulon Bellony, Gault, Voitellier, Driye
EXPOSE DU LITIGE
La société Thivembal exerçant une activité de commercialisation de produits d'emballage, a confié par lettre du 16 juillet 2009 à la société Kar le soin de la représenter en tant qu'agent commercial auprès de la société Sophartex Synerlab, moyennant le versement de commissions fondées sur le chiffre d'affaires réalisé avec cette société.
La société Thivembal ne lui ayant pas remis à compter de février 2012 les éléments financiers et les relevés de commissions dues, la société Kar l'a mise en demeure le 17 décembre 2012 de lui transmettre le chiffre d'affaires effectué avec la société Sophartex Synerlab et de régler la facture de janvier 2012 d'un montant de 412,11 euros TTC.
Puis la société Kar, se référant aux différents appels et courriers recommandés restés infructueux, a informé la société Thivembal par courrier recommandé avec avis de réception du 29 janvier 2013 de la rupture de leurs relations contractuelles et a sollicité le versement de l'indemnité prévue à l'article L. 134-12 du Code de commerce.
Le13 février 2013, la société Thivembal, indiquant à la société Kar avoir appris qu'elle ne visitait plus son client, la société Sophartex Synerlab, depuis 2010 et qu'elle lui a contraire proposé un concurrent direct, a notifié par courrier recommandé avec avis de réception à son agent commercial la résiliation du contrat pour faute grave excluant tout préavis et toute indemnité.
Le 11 mars 2013, la société Kar a obtenu du président du tribunal de grande instance de Versailles une ordonnance sur requête désignant un huissier de justice aux fins d'appréhender au sein de la société Thivembal l'ensemble de ses documents comptables et les factures émises à la société Sophartex Synerlab. Un procès-verbal de constat portant sur la remise des bons de livraison 2012 et 2013 et des factures 2013 a été établi le 28 mars 2013.
C'est dans ce contexte que la société Kar, faisant valoir que la rupture du contrat d'agent commercial est imputable à la société Thivembal, a fait assigner le 17 juillet 2013 cette dernière devant le tribunal de commerce de Versailles aux fins d'obtenir principalement le paiement de ses commissions échues et non payées, d'une indemnité légale de rupture, d'une indemnité compensatrice de préavis, d'un préjudice moral en réparation de l'atteinte portée à son honneur et à sa respectabilité commerciale.
Par ordonnance du 28 octobre 2014, la société Thivembal a obtenu sur requête au président du tribunal de commerce de Versailles en charge de l'instruction du dossier, la désignation d'un huissier de justice afin de rechercher au sein de la société Cartonnages Gallia tout documents relatifs entre cette société, la société Sophartex ou Synerlab Labo Sophartex et la société Kar.
Par jugement du 28 septembre 2016, le tribunal de commerce de Versailles a :
condamné la SAS Thivembal à verser à la SARL Kar la somme de 412,11 euros, majorée de l'intérêt calculé au taux légal depuis le 1er mars 2012,
débouté la SARL Kar de ses demandes de condamnation de la SAS Thivembal à lui payer une indemnité de rupture du contrat d'agent commercial, une indemnité compensatrice de préavis de la rupture du contrat d'agent commercial et une indemnité de dommages et intérêts complémentaires,
reçu la SAS Thivembal en sa demande reconventionnelle, l'y dit partiellement bien fondée et a condamné la SARL Kar à payer à la SAS Thivembal la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts,
condamné la SARL Kar à payer à la SAS Thivembal la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
ordonné l'exécution provisoire du jugement.
condamné la SARL Kar aux dépens en ce compris les frais des huissiers intervenus les 10 février et 17 novembre 2014.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 17 octobre 2016, la société Kar a interjeté appel de la décision.
Par ordonnance du 16 janvier 2018, le dossier a été radié faute de diligences des parties.
Par dernières conclusions notifiées le 2 juillet 2018, la société Kar demande à la cour de :
rétablir la présente affaire au rôle de la cour
Vu les commissions dues au 31.01.2012,
la recevoir en son appel,
la dire recevable en la forme et bien fondé au fond,
réformer le jugement entrepris sur les chefs querellés,
et statuant à nouveau de ces seuls chefs :
condamner la société Thivembal à lui verser la somme de 412,11 euros avec intérêts de droit au titre de la facture 020835 du 31.01.2012,
condamner la société Thivembal à lui verser à la somme de 137 039,30 euros TTC à titre d'indemnité de rupture sur le fondement de l'article L. 134-12 du Code de commerce, condamner la société Thivembal à lui verser la somme de 11 419,84 euros TTC à titre d'indemnité compensatrice de préavis sur le fondement des alinéas 3 et 4 de l'article L. 134-11 du Code de commerce, condamner la société Thivembal à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de l'atteinte portée à l'honneur et à la respectabilité commerciale de sa société sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, rejeter comme infondées les demandes indemnitaires de la société Thivembal sur le fondement de la concurrence déloyale
En conséquence :
rejeter comme infondées l'appel incident de la société Thivembal tant au titre du principe d'une condamnation au titre de faits de concurrence déloyale qu'au titre du quantum indemnitaire sollicité ainsi qu'au titre des frais irrépétibles en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
condamner la société Thivembal à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
condamner la société Thivembal aux entiers dépens en ce compris les frais inhérents à l'exécution de l'ordonnance sur requête du président du tribunal de commerce de Versailles autorisant l'appréhension par voie d'huissier des factures et bons de commande dans les locaux de la société Thivembal.
Par dernières conclusions notifiées le 27 décembre 2018, la société Thivembal sollicite de la cour de :
déclarer mal fondée la société Kar en son appel du jugement rendu par le tribunal de commerce de Versailles le 28 septembre 2016,
la recevoir en son appel incident et le déclarant bien fondé,
confirmer le jugement du tribunal de commerce de Versailles du 28 septembre 2016 en ce qu'il a débouté la société Kar de ses demandes de condamnation de la société Thivembal à lui payer une indemnité de rupture de contrat d'agent commercial, une indemnité compensatrice de préavis et des dommages et intérêts complémentaires, ainsi qu'en sa demande en paiement d'une indemnité de procédure,
infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Versailles le 28 septembre 2016 en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Kar la somme de 412,11 euros majorée de l'intérêt calculé au taux légal depuis le 1er mars 2012 et en ce qu'il a condamné la société Kar à lui payer la somme de 150 000 euros ainsi que la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Statuant sur ces chefs,
déclarer irrecevable et en tous les cas mal fondée la société Kar à (sic) l'ensemble de ses demandes à son encontre,
l'en débouter.
condamner la société Kar à lui payer les sommes de :
350 000 euros à titre de dommages et intérêts
20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
condamner la société Kar aux entiers dépens qui comprendront les frais de constat de Maitre Vigny du 17 novembre 2014 et les frais de constat de Maître Croze du 10 février 2014.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux conclusions des parties conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 février 2019.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la facture 020835 émise par la société Kar le 31 janvier 2012 :
La société Kar réclame le paiement de cette facture d'un montant de 412,11 euros TTC correspondant aux prestations du mois de janvier 2012, tandis que la société Thivembal s'estime fondée à ne pas régler la dernière facture de sa cocontractante, laquelle n'a pas exécuté ses obligations en ne visitant pas la société Sophartex Synerlab en 2012 pour le compte de sa société et en ne lui assurant pas les comptes rendus d'activité auxquels elle était tenue.
En application de l'article L. 134-6 du Code de commerce, " pour toute opération commerciale conclue pendant la durée du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission définie à l'article L. 134-5 lorsqu'elle a été conclue grâce à son intervention ou lorsque l'opération a été conclue avec un tiers dont il a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre ".
En l'occurrence, il n'est pas contesté que la lettre de mission du 16 juillet 2009 de la société Thivembal encadrant le mandat de représentation commerciale de la société Kar n'avait pas été dénoncée lors de l'émission de la facture de cette dernière du 31 janvier 2012 portant sur la " commission sur chiffre d'affaires apportée à votre société pour le mois de janvier 2012 client Sophartex Synerlab ".
Il s'ensuit que dès lors que la société Thivembal a effectivement émis des factures à la société Sophartex Synerlab pour cette période (pièce 12 appelante) et qu'elle ne démontre pas qu'à la date de la facture la société Kar n'avait pas exécuté son mandat, cette dernière a droit à sa commission et c'est donc à juste titre que le premier juge a fait droit à sa demande en paiement, dont le quantum n'est pas en tant que tel contesté par la société Thivembal,
Sur l'indemnité de rupture :
La société Kar réclame à ce titre la somme de 137 039,30 euros TTC correspondant à deux années de commission calculées sur une moyenne mensuelle de 2 853,96 euros, expliquant contester le motif de comportement déloyal allégué par la société Thivembal dans sa lettre de résiliation du 23 février 2013, et avoir droit à une indemnité de rupture pour compenser la perte de sa clientèle.
La société Thivembal s'oppose à la demande, imputant la rupture des relations contractuelles à la société Kar et arguant à la fois d'un manquement de la société Kar à ses obligations contractuelles et d'une faute grave de sa part en transmettant des commandes de la société Sophartex Synerlab à la société Cartonnages Gallia alors qu'elle était sous contrat avec elle.
L'article L. 134-12 alinéa 1 du Code de commerce dispose que " en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ".
L'article L. 134-13 1° et 2° du même Code indique cependant que "la réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due dans les cas suivants :
1° La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial ;
2° La cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée ".
Il résulte des pièces produites au dossier :
- que la société Kar a écrit le 29 janvier 2013 à la société Thivembal pour l'informer de la rupture des relations contractuelles entre elles du fait de l'absence de réponse aux différents appels et courriers de sa part et pour obtenir le paiement de l'indemnité visée à l'article 134-12 du Code de commerce,
- que ce courrier fait suite au non-paiement de la facture du mois de janvier 2012 et à la mise en demeure adressée le 17 décembre 2012 à la société Thivembal réclamant ce paiement et la transmission du chiffre d'affaires de l'année 2012 nécessaire à l'émission des factures dues depuis février 2012, lesquels faits ne sont pas contestés par la société Thivembal,
- que les investigations entreprises par l'huissier de justice le 28 mars 2013 sur requête de la société Kar au siège de la société Thivembal ont d'ailleurs permis de récupérer 33 bons de livraison émis par la société Thivembal à la société Sophartex Synerlab pour l'année 2012, sans qu'il ne soit démontré que ces bons de commandes n'ont pas été dénoncés à la société Kar,
- que le 13 février 2013, la société Thivembal a cependant écrit à la société Kar pour résilier le contrat pour faute grave lui faisant perdre tout droit à indemnité, expliquant qu'à la suite de la brusque baisse du chiffre d'affaires conclu avec la société Sophartex Synerlab en 2011 et du refus de sa part de toute explication, les investigations qu'elle a menées lui ont permis d'apprendre que la société Kar proposait depuis 2011 à la société Sophartex Synerlab de travailler avec un de ses concurrents directs,
- que la société Kar ne conteste pas agir également comme agent commercial pour une société concurrente, la société Cartonnages Gallia, mais fait valoir une volonté de la société Sophartex Synerlab de ne plus travailler avec la société Thivembal en raison de la mauvaise qualité de ses produits, et elle déclare avoir avisé dès le 10 juin 2008 la société Mondipackaging, aujourd'hui absorbée par le groupe Thivembal, qu'elle représentait également la société Cartonnages Gallia,
- que pour autant si la société Kar a effectivement sollicité dans son courrier du 10 juin 2008 l'accord de la société Mondipackaging pour représenter également la société Cartonnages Gallia qui intervient sur le même marché que son entreprise, elle ne produit pas l'autorisation de son mandant initial,
- qu'en tout état de cause, elle ne peut soulever utilement ce moyen puisqu'elle est mandatée depuis 2009 par une autre société, la société Thivembal, et qu'elle ne justifie ni d'avoir informé cette nouvelle société ni d'avoir obtenu a fortiori son accord pour cette nouvelle représentation concernant une société concurrente,
- que cependant le procès-verbal de l'huissier de justice du 17 novembre 2014, établi selon ordonnance du président du tribunal de commerce du 28 octobre 2014, d'une part constate que M. X, directeur d'exploitation de la société Cartonnages Gallia est en relation commerciale avec la société Sophartex et que cette relation s'est nouée par M. Y, gérant de la société Kar qui est intervenu en qualité d'agent commercial, et d'autre part montre au regard de la date des factures que la société Kar a débuté sa collaboration commerciale avec la société Cartonnages Gallia en octobre 2010, ayant facturé des commissions relatives à 325 commandes pour la période de janvier 2010 à mars 2013.
Il ressort de ces éléments que si certes la société Thivembal n'a pas payé la facture de janvier 2012 et n'a pas communiqué le chiffre d'affaires de l'année 2012 à la société Kar, elle rapporte la preuve que cette dernière a commis des manquements graves et antérieurs à ses obligations.
L'article L. 134-3 du Code de commerce dispose en effet que " l'agent commercial peut accepter sans autorisation la représentation de nouveaux mandants, Toutefois il ne peut accepter la représentation d'une entreprise concurrente de celle de l'un de ses mandants sans accord de ce dernier ".
Dès lors, la société Kar a commis une faute grave en ne sollicitant pas l'accord préalable de son mandant, la société Thivembal, pour exercer au moins depuis 2010 au profit d'un de ses concurrents, la société Cartonnages Gallia, la même activité d'agent commercial auprès de la société Sophartex Synerlab.
En exerçant au profit d'un concurrent direct une activé similaire à celle confiée par la société Thivembal, la société Kar n'a dès lors satisfait ni à son obligation de loyauté qui doit exister dans les rapports entre un agent commercial et son mandant ni à son devoir d'information à laquelle elle est tenue par l'article L. 134-4 du même Code, aucune dérogation à cette obligation légale ne figurant dans la lettre de mission du 16 juillet 2009.
Il s'ensuit que c'est à bon droit que le premier juge a considéré que les manquements de la société Kar à ses obligations légales ont porté atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun d'agent commercial conclu et ont rendu impossible le maintien du lien contractuel, qu'ils sont suffisamment graves pour justifier la résiliation du contrat d'agent commercial sans paiement d'une indemnité de rupture.
Sur l'indemnité de préavis :
La société Kar fait valoir que compte tenu de la durée de la relation commerciale existant avec la société Thivembal depuis le 16 juillet 2009, elle aurait dû bénéficier d'un délai de préavis de quatre mois et elle réclame dès lors le paiement de la somme de 11 419,84 euros calculé sur une base mensuelle de 2 853,96 euros.
La société Thivembal conteste cette demande de la société Kar, faisant valoir d'une part que c'est elle qui a pris l'initiative de la rupture et qui aurait dû respecter le préavis, ce qu'elle n'a pas fait, et d'autre part que le préavis n'est pas dû en cas de faute grave.
En application de l'article L. 134-11 du Code de commerce, "'un contrat à durée déterminée qui continue à être exécuté par les deux parties après son terme est réputé transformé en un contrat à durée indéterminée.
Lorsque le contrat d'agence est à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis. Les dispositions du présent article sont applicables au contrat à durée déterminée transformé en contrat à durée indéterminée. Dans ce cas, le calcul de la durée du préavis tient compte de la période à durée déterminée qui précède. La durée du préavis est d'un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes. En l'absence de convention contraire, la fin du délai de préavis coïncide avec la fin d'un mois civil.
Les parties ne peuvent convenir de délais de préavis plus courts. Si elles conviennent de délais plus longs, le délai de préavis prévu pour le mandant ne doit pas être plus court que celui qui est prévu pour l'agent.
Ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque le contrat prend fin en raison d'une faute grave de l'une des parties ou de la survenance d'un cas de force majeure ".
L'existence d'une faute grave de la société Kar qui a accepté de représenter auprès de la société Sophartex Synerlab un concurrent direct de la société Thivembal étant caractérisée, c'est à bon droit que le premier juge a débouté la société Kar de sa demande de paiement au titre de l'indemnité de préavis.
Sur la demande de dommages et intérêts complémentaire de la société Kar :
La société Kar sollicite le paiement de la somme de 10 000 euros en réparation de l'atteinte portée à son honneur et à sa respectabilité commerciale, ce que conteste la société Thivembal.
Au regard des développements précédents, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris qui a débouté la société Kar de cette demande, qui n'est pas fondée.
Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts de la société Thivembal :
La société Thivembal expose que la société Kar a commis des faits de concurrence déloyale à son détriment en apportant la société Sophartex Synerlab à son concurrent direct, la société Cartonnages Gallia, la privant ainsi des ventes qu'elle réalisait auparavant avec cette société et elle sollicite le paiement de la somme de 350 000 euros, correspondant à la perte de marge brute sur son chiffre d'affaires.
La société Kar s'oppose à cette demande, faisant valoir que les faits de concurrence déloyale nécessitent que les sociétés soient placées en concurrence sur un même marché, ce qui n'est pas le cas, qu'en outre elle ne peut être tenue pour responsable des décisions de la société Sophartex Synerlab, qui a choisi de diversifier ses approvisionnements suite à des non conformités constatées sur les produits de la société Thivembal.
Le tribunal a pris en compte tant les fautes commises par la société Kar qui ont privé la société Thivembal de commandes de la société Sophartex Synerlab qui sont passées à son concurrent direct, que les non conformités des produits de la société Thivembal pour retenir que la perte du chiffre d'affaire de la société mandante n'est pas due à la seule faute de la société Kar et lui a alloué en conséquence la somme de 150 000 euros.
Cependant si la société Kar a commis une faute grave pour ne pas avoir informé la société Thivembal, pour laquelle elle accomplissait une activité d'agent commercial, qu'elle exerçait au profit d'un concurrent une activité en tous points similaire, manquant ainsi à son obligation de loyauté, les faits allégués ne sont pas constitutifs de concurrence déloyale.
En effet, les deux sociétés, la société Kar et la société Thivembal, ne se trouvent pas en situation de concurrence directe comme n'ayant pas le même objet, la première représentant la seconde pour la vente de ses produits. En outre, la société Thivembal n'argue d'aucun fait constitutif de concurrence déloyale.
Il résulte toutefois du statut même de l'agent commercial et des dispositions de l'article L. 134-3 précité que ce dernier est tenu d'une obligation de non-concurrence. Il a en outre été démontré que la société Kar a manqué à cette obligation en exerçant, au profit d'un concurrent, une activité en tout point similaire, de sorte qu'elle a manqué à son obligation de non-concurrence.
Au regard de ces éléments, la demande, improprement qualifiée de demande en indemnisation d'une concurrence déloyale, s'analyse en fait en une demande indemnitaire pour les faits de concurrence commis par la société Kar au mépris de ses obligations contractuelles d'agent commercial.
La société Thivembal fait valoir que son chiffre d'affaires avec la société Sophartex Synerlab est passé de 521 922 euros en 2009, à 558 198 euros en 2010 pour aboutir à 179 865 euros en 2011 et à 73 065 euros en 2012, produisant à cet effet l'attestation du commissaire aux comptes relative à la certification de l'état des comptes 2009 à 2012 concernant le client la société Sophartex Synerlab. Elle impute cette chute brutale uniquement aux agissements de la société Kar.
Cependant, la société Kar réplique que c'est la société Sophartex Synerlab qui a souhaité diversifier ses approvisionnements suite à des non conformités constatées sur les produits de la société Thivembal, ce qui est corroboré par l'ancien responsable du service achat de la société Sophartex Synerlab, qui a attesté que les volumes d'achat auprès de la société Thivembal avaient diminué à la suite de non conformités concurrentes.
Elle dit avoir alerté la société Thivembal des difficultés rencontrées par la société Sophartex Synerlab, qu'il ne peut lui être reproché l'absence de réactivité de son mandant.
Il convient de prendre en compte ces éléments dans l'indemnisation du préjudice de la société Thivembal.
Son préjudice ne peut s'apprécier, comme elle l'allègue, par référence au chiffre d'affaires de la société Cartonnages Gallia évalué, au regard des commissions de vente versées à la société Kar, à la somme de 780 000 euros HT, à laquelle elle applique un coefficient de perte de marge brute de 45 % pour arriver à la somme de 350 000 euros.
Cependant, il n'en demeure pas moins que le chiffre d'affaires de la société Thivembal a diminué pendant cette même période.
Dès lors au regard des éléments précités et des non conformités relevées, la cour retiendra une diminution de 50 % du volume du chiffre d'affaires entre 2009 et 2012 de la société Thivembal due aux agissements de la société Kar, soit la somme de 224 428,50 euros correspondant à la moitié de la perte de chiffre d'affaires pour cette période de la société : (521 922- 73 065 = 448 857 euros) /2.
Dès lors en appliquant à cette perte de volume du chiffre d'affaire le coefficient de la perte de marge brute de 45 %, chiffre pas contesté par la société Kar, il sera alloué à la société Thivembal la somme de 100 992, 82 euros (224 428,50 x 0,45) arrondi à la somme de 100 995 euros à titre de dommages intérêts.
Sur les autres demandes:
Le premier juge a exactement statué sur le sort des dépens et les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dont il a fait une équitable application.
En cause d'appel, il y a lieu de condamner la société Kar à verser à la société Thivembal la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Les dépens d'appel seront à la charge de la société Kar, les frais d'huissier intervenus les 10 février et 17 novembre 2014 étant déjà pris en compte dans le jugement déféré.
Par ces motifs : LA COUR Statuant par arrêt contradictoire, Confirme le jugement prononcé le 28 septembre 2016 par le tribunal de commerce de Versailles, sauf en ce qui concerne le quantum des dommages et intérêts alloués à la société Thivembal, Statuant à nouveau et y ajoutant, Condamne la société Kar à payer à la société Thivembal la somme de 100 995 euros à titre de dommages et intérêts, Condamne la société Kar à payer à la société Thivembal la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette les autres demandes des parties, Condamne la société Kar aux dépens d'appel.