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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 29 mai 2019, n° 16-15301

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Images et Formes (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

M. Bedouet, Mme Comte

Avocats :

Mes Artzimovitch, Olivier, Leclerc, Colmet Daage

T. com. Paris, du 28 juin 2016

28 juin 2016

FAITS ET PROCÉDURE

La société Images et Formes est une agence de communication fondée en 1968.

Mme X a exercé des missions en tant que graphiste indépendante pour le compte de ladite société depuis 1995.

En juin 2014, les relations entre les parties ont pris fin.

Considérant avoir fait l'objet d'un licenciement, Mme X a saisi le conseil des prud'hommes de Paris le 17 juillet 2014 pour faire reconnaître l'existence une rupture fautive du contrat de travail qui, selon elle, la liait à la société Images et Formes.

Par jugement du 10 avril 2015, le conseil des prud'hommes a rejeté toutes ses demandes.

Par arrêt du 19 novembre 2015 devenu définitif, la cour d'appel de Paris a dit que l'existence d'un contrat de travail entre Mme X et Images et Formes n'est pas démontrée.

Par acte d'huissier du 30 novembre 2015, Mme X a assigné la société Images et Formes devant le tribunal de commerce de Paris aux fins d'obtenir réparation du préjudice qu'elle considère avoir subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales établies entre elles.

Par jugement du 28 juin 2016, le tribunal de commerce de Paris a :

- débouté Mme X de l'ensemble de ses demandes,

- condamné Mme X à payer à la SA Images et Formes la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens.

Suivant déclaration du 12 juillet 2016, Mme X a relevé appel de ce jugement.

Vu ses dernières conclusions notifiées le 17 décembre 2018 par lesquelles il est demandé à la cour de :

vu l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,

- infirmer en tout point le jugement,

statuant à nouveau,

- constater l'existence d'une relation commerciale établie entre Mme X et la société Images et Formes depuis 19 ans,

- constater la dépendance économique de Mme X envers ladite société,

- constater que son chiffre d'affaires mensuel moyen sur les 12 derniers mois, avec la société Images et Formes s'élevait à 4 684 euros,

- constater que la rupture de la relation commerciale a été particulièrement brutale et vexatoire,

- dire que du fait de cette relation commerciale établie et de la dépendance économique, Images et Formes aurait dû respecter un préavis de 18 mois,

- constater que cette dernière n'a respecté aucun préavis,

- condamner en conséquence Images et Formes à indemniser ce préavis à hauteur de 18 fois 4 684 euros, soit 84 312 euros auquel il conviendra de rajouter le montant de la TVA en vigueur au jour du paiement ;

- condamner Images et Formes à lui payer la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral et financier du fait de cette brutalité ;

- condamner Images et Formes à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions de la société Images et Formes, intimée, déposées et notifiées le 7 mars 2019 par lesquelles il est demandé à la cour de :

vu l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, les articles 1134, 1315 et 1382 du Code civil, et les articles 6 et 9 du Code de procédure civile,

- confirmer purement et simplement le jugement,

- débouter Mme X de l'ensemble de ses demandes,

- la condamner à payer la somme de 7 500 euros à la société Images et Formes, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens d'appel, dont le recouvrement pourra être assuré par la SCP Lagourgue & Olivier, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Les parties s'accordent sur l'existence d'une relation commerciale établie entre elles depuis 1995.

Mme X conteste avoir été à l'origine de la rupture de la relation commerciale, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal de commerce. Elle considère, en effet, que c'est la société Images et Formes qui lui a notifié la rupture de ladite relation.

Elle fait valoir que la société a rompu brutalement ladite relation commerciale dans la mesure où elle n'a pas satisfait à l'obligation de délivrer un préavis écrit. Elle soutient que la société Images et Formes ne peut invoquer ses difficultés économiques pour justifier cette rupture brutale et souligne qu'elle aurait dû l'avertir de l'existence de ses difficultés dès qu'elles sont apparues, pour la préparer à la rupture à venir en lui permettant notamment de diversifier sa clientèle. Elle indique que les difficultés économiques rencontrées par Images et Formes ne sont pas avérées en ce sens que cette dernière n'a pas cessé son activité et ne rapporte pas la preuve des licenciements dont elle fait état.

Aux termes de l'article L. 442-6, I5° du Code de commerce :

" Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre unilatéralement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ".

Il résulte des pièces versées au débat que, le 24 juin 2014, la comptabilité de la société Images et Forme a adressé à Mme X le courriel suivant :

" Bonjour X,

Je vous règlerai la facture de mai le 30 juin et celle de juin je ferai au plus vite.

Comme on vous l'a expliqué on ne peut pas vous faire de papier car nous vous rappelons que nous n'avons plus de travail à vous donner aujourd'hui (c'est la cour qui souligne) et ce n'est pas un choix mais une réalité.

Cordialement

--

Y "

Mme X considère que par ce courriel du 24 juin 2014, la société Images et Formes lui a notifié la fin de la relation commerciale existante entre elles.

Il est toutefois établi et non contesté, que postérieurement au dit courriel, la société lui a adressé, le 15 juillet 2014, le courriel suivant (pièce n° 19 de l'intimée) :

" Période estivale

Bonjour X,

Pendant cette période estivale, il est possible que nous ayons besoin de vos services.

Pouvez-vous me donner vos disponibilités.

Merci

Z "

L'intimée justifie encore (pièce n° 13 et 14) de ce qu'elle a confié une mission le 24 juillet 2014, à Mme X et que celle-ci a lui a facturé ses prestations le 25 juillet 2014.

Enfin, il est établi que le 17 juillet 2014, Mme X a saisi le conseil de prud'hommes de Paris d'une demande tendant à dire qu'il a existé un contrat de travail entre elle et la société Images et Formes, et à sa condamnation à lui payer la somme totale de 217 470 euros.

Il résulte de la lecture de ces différents échanges de courriels que c'est justement que la société Images et Formes considère que seule Mme X est à l'origine de la rupture de la relation commerciale.

En effet, le courriel du 24 juin 2014 sur lequel l'appelante s'appuie pour considérer que l'intimée a mis fin à ladite relation, fait état de ce que la société n'a plus de travail à lui fournir " aujourd'hui " ce qui signifie que cette absence de mission est temporaire et justifiée par sa situation économique et financière.

La volonté de la société de mettre fin à la relation commerciale n'est ainsi nullement caractérisée.

Ceci est corroboré par le courriel du 15 juillet 2014, antérieur à la saisine du conseil de prud'hommes, dans lequel la société demande à Mme X quelles sont ses disponibilités pour la période estivale, cette dernière ne pouvant soutenir que l'envoi du dit courriel avait pour objet de la tromper en lui faisant croire qu'elle aurait encore du travail alors qu'il manifeste au contraire la volonté de l'intimée de poursuivre la relation existante.

C'est également vainement que l'appelante fait valoir que les difficultés financières de la société, de nature à justifier la suspension temporaire ou le caractère plus espacé des missions qui lui ont été confiées, ne sont pas établies.

L'intimée verse aux débats diverses pièces qui font état de ce que :

- son chiffre d'affaires hors taxe est passé de 4 448 000 euros en 2008 à 1 815 000 euros en 2014,

- son résultat net est passé de 98 321 euros en 2008 à - 437 100 euros en 2014,

- un plan de rééchelonnement de sa dette fiscale a été élaboré le 28 juillet 2015 dans le cadre d'un plan de conciliation ordonné par le tribunal de commerce, ainsi qu'un plan de rééchelonnement des sommes dues à la Caisse de Retraire Klesia en juillet 2015,

- un accord est intervenu pour le règlement de la dette de loyer.

En saisissant le conseil de prud'hommes dans les conditions ci-dessus rappelées, Mme X, qui sollicitait la reconnaissance d'un contrat de travail entre elle-même et la société Images et Formes, a mis fin à la relation commerciale que cette dernière entendait poursuivre, puisque seulement trois semaines après le courriel du 15 juin, la société intimée indiquait à l'appelante souhaiter lui confier à nouveau une mission.

Etant à l'origine de la rupture des relations commerciales, Mme X sera déboutée de l'ensemble de ses demandes indemnitaires.

Le jugement sera en conséquence entièrement confirmé.

Mme X sera condamnée à payer à l'appelante la somme de 7 500 euros au titre des frais irrépétibles que cette dernière a dû exposer en cause d'appel.

Elle sera en outre condamnée aux dépens qui pourront être recouvrés directement, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, par la SCP Lagourgue et Olivier.

Par ces motifs LA COUR, Confirme le jugement, Y ajoutant, Condamne Mme X à payer à l'appelante, la somme de 7 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, La Condamne aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile par la SCP Lagourgue et Olivier.