CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 29 mai 2019, n° 17-01560
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Stopaq France (SARL)
Défendeur :
Stopaq BV (Sté), Seal for Life Industries (Sté), Berry Plastics Corporation (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Luc
Conseillers :
M. Bedouet, Mme Comte
FAITS ET PROCÉDURE
La société Lenux (anciennement dénommée Stopaq France) commercialise des produits de services destinés à la protection permanente des conduites métalliques, enterrées, aériennes ou immergées.
La société Stopaq BV est une société de droit néerlandais spécialisée dans la fabrication et la vente de matériaux de revêtements destinés à garantir l'étanchéité de canalisations en acier et à les protéger contre la corrosion.
La société Stopaq France a été créée en vue de distribuer sur le territoire français les matériaux fabriqués par la société Stopaq BV. Un contrat de distribution exclusive a été conclu le 22 avril 2009 entre la société Stopaq France et la société Stopaq BV.
En 2012, la société Stopaq BV a été intégrée au groupe Berry Plastics.
Le 16 avril 2014, la société Stopaq France a assigné la société Stopaq BV ainsi que les sociétés Seal For Life Insdutries BVBA et Berry Global Inc. (anciennement dénommée Berry Plastics Corporation) reprochant à la société Stopaq BV le non-respect de ses obligations contractuelles, ainsi que la rupture brutale du contrat de distribution.
Par jugement du 14 décembre 2016, le tribunal de commerce de Paris a :
- condamné la société de droit néerlandais Stopaq BV à payer la somme de 39 000 euros à la SARL Stopaq France pour rupture brutale du contrat qui les liait,
- enjoint la SARL Stopaq France de renoncer à l'utilisation de la marque Stopaq sur tous supports et dans sa dénomination sociale, à compter du 61e jour suivant la signification du présent jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et pendant un délai de deux mois, à l'issue duquel il sera, à nouveau, fait droit,
- condamné la société de droit néerlandais Stopaq BV à payer à la société Stopaq France la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, déboutant pour le surplus,
- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné la société de droit néerlandais Stopaq BV aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe,
La société Lenux a relevé appel du jugement suivant déclaration du 19 janvier 2017.
Vu les dernières conclusions de la société Lenux (anciennement Stopaq France), notifiées le 28 février 2019 par lesquelles il est demandé à la cour de :
vu l'article 1134 (ancien), 1382 (ancien) du Code civil et l'article L. 442-6 du Code de commerce,
- la dire recevable et bien fondée en son appel,
- confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu la société Stopaq BV responsable d'une rupture brutale du contrat de distribution exclusive du 22 avril 2009 qui le liait à la société Stopaq France, sans respect d'une durée de préavis suffisante et l'a condamnée à indemniser la société Stopaq France de son préjudice à ce titre,
Infirmer le jugement en ce qu'il a fixé à 12 mois la durée du préavis qui aurait dû être respectée par la société Stopaq BV,
- infirmer le jugement en ce qu'il a évalué à 39 000 euros le préjudice indemnisable de la société Stopaq France,
- infirmer le jugement en ce qu'il a refusé de retenir la responsabilité de la société Stopaq BV au titre des manquements à l'exécution loyale du contrat de distribution exclusive et d'indemniser la société Stopaq pour le préjudice financier consécutif,
- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Stopaq France de ses demandes à l'encontre des sociétés Berry Plastics Corporation et Seal For Life Industries BVBA,
- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné, sous astreinte, la société Stopaq France à renoncer à l'utilisation de la marque Stopaq y compris dans sa dénomination sociale à compter du 61e jour suivant la signification du jugement,
- infirmer le jugement en ce qu'il a limité le montant des frais irrépétibles alloués à la société Stopaq France à 10 000 euros,
- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'appel incident de la société Stopaq BV tendant à l'octroi de de dommages-intérêts en réparation du préjudice pour concurrence déloyale et procédure abusive,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
- dire que la société Stopaq BV a rompu abusivement et brutalement le contrat de distribution exclusive qui la liait à la société Stopaq France et qu'au regard du lien particulier de dépendance économique de la société Stopaq France à l'égard de la société Stopaq BV, le délai de préavis accordé à la société Stopaq France doit être de 33 mois outre les 3 mois déjà accordés,
- dire que la perte de marge brute de la société Stopaq France résultant de cette rupture brutale et abusive s'élève à la somme de 18 166 euros par mois,
- condamner en conséquence la société Stopaq BV à verser à la société Stopaq France la somme de 599 478 euros (18 166 x 33 mois de préavis non exécuté) de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du caractère brutal de la rupture, majorée des intérêts au taux légal à compter de l'exploit introductif d'instance,
- dire que la société Stopaq BV engage sa responsabilité contractuelle, in solidum avec les sociétés Stopaq BV, Berry Plastics Corporation et Seal For Life Industries, au titre des manquements et de l'exécution déloyale du contrat de distribution exclusive du 22 avril 2009,
- dire que la société Stopaq France a subi un préjudice financier au titre de la perte de chance de réaliser des ventes de produit Stopaq en raison des agissements de la société Stopaq BV et des sociétés Berry Plastics Corporation et Seal For Life Industries BVBA,
- condamner en conséquence in solidum la société Stopaq BV à 264 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait par suite des manquements contractuels et de l'exécution déloyale du contrat de distribution exclusive du 22 avril 2009,
- ordonner la capitalisation des intérêts sur tous les chefs de demandes,
Dire que la demande d'astreinte relative à l'utilisation du nom " Stopaq " est désormais sans objet, compte tenu du changement de dénomination sociale et de fermeture du site internet " Stopaq.fr ", et qu'il n'y a plus lieu de maintenir l'astreinte prononcée en première instance,
- rejeter toutes les demandes, fins et conclusions des sociétés Stopaq BV, Berry Plastics Corporation et Seal For Life Industries BVBA,
- condamner in solidum les sociétés Stopaq BV, Berry Plastics Corporation et Seal For Life Industries BVBA à régler la somme de 60 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner in solidum les sociétés Stopaq BV, Berry Plastics Corporation et Seal For Life Industries aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Y, dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions des sociétés société Stopaq BV et Seal For Life Industries BVBA et Berry Global Inc, intimées, déposées et notifiées le 7 mars 2019 par lesquelles il est demandé à la cour de :
vu l'article 1134 (ancien) du Code civil,
A titre principal,
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 14 décembre 2016 en ce qu'il a débouté la société Stopaq France de ses demandes relatives aux manquements contractuels allégués de la société Stopaq BV,
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 14 décembre 2016 en ce qu'il a enjoint à la société Stopaq France de renoncer à l'utilisation de la marque Stopaq sur tous les supports (incluant notamment un site internet ou un réseau social) et dans sa dénomination sociale,
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 14 décembre 2016 en ce qu'il a débouté la société Stopaq France pour le surplus de ses demandes à l'encontre de la société Stopaq BV,
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 14 décembre 2016 en ce qu'il a débouté la société Stopaq France de l'ensemble de ses demandes à l'encontre des sociétés Seal For Life Industries BVBA et Berry Global Inc. (anciennement dénommée Berry Plastics Corporation),
- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 14 décembre 2016 en ce qu'il a condamné la société Stopaq BV à payer la somme de 39 000 euros à la société Stopaq France pour rupture brutale du contrat ainsi que la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et en ce qu'il a débouté la société Stopaq BV de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice pour concurrence déloyale et pour procédure manifestement abusive.
Et statuant à nouveau,
- dire que la société Stopaq BV n'a pas commis d'abus dans l'exercice de son droit au non-renouvellement du contrat de distribution du 22 avril 2009,
- dire que le non-renouvellement du contrat de distribution du 22 avril 2009 ne peut être considéré comme brutal sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,
- débouter la société Stopaq France de l'intégralité de ses demandes ;
- condamner la société Stopaq France à verser à la société Stopaq BV la somme de 150 000 euros en réparation du préjudice pour concurrence déloyale et pour procédure manifestement abusive, en principal avec intérêts de droit à compter de l'arrêt à intervenir,
A titre subsidiaire,
- dans l'éventualité où la cour viendrait à considérer que la société Stopaq BV est responsable au titre de la rupture brutale du contrat de distribution et/ou de manquements contractuels,
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 14 décembre 2016 en ce qu'il a retenu que les sociétés Stopaq BV et Stopaq France ont entretenu une relation d'affaires de 6 années (et non de 9 années),
Infirmer le le jugement du tribunal de commerce de Paris du 14 décembre 2016 en ce qu'il a retenu l'application d'un préavis de 12 mois et statuant à nouveau, dire et juger que, compte tenu de l'attitude de la société Stopaq France, le préavis appliqué de trois mois était suffisant,
- dire que les calculs des préjudices allégués par la société Stopaq France au titre de la rupture brutale de la relation commerciale sont infondés et fantaisistes et rejeter les demandes d'indemnisation de la société Stopaq France,
- dire que les calculs des préjudices allégués par la société Stopaq France au titre de la perte de chance sont infondés et fantaisistes et rejeter les demandes d'indemnisation de la société Stopaq France,
- débouter la société Stopaq France de l'ensemble de ses demandes.
En tout état de cause,
- débouter la société Stopaq France de toute demande de délai de grâce,
- condamner la société Stopaq France à verser à chacune des intimées la somme de 70 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens au titre de la procédure d'appel.
Suivant ordonnance du 31 mai 2017, le délégataire du premier président a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement.
SUR CE,
La société Stopaq France reproche à la société Stopaq BV une inexécution déloyale et fautive du contrat entre 2012 et 2015, avec la participation active et la complicité de SFL et Berry Plastics et une rupture brutale des relations commerciales établies entre elle et Stopaq BV.
Ces points seront examinés successivement.
Sur l'inexécutions fautive et déloyale du contrat, invoquée par la société Stopaq France à l'encontre de la société Stopaq BV, et l'éventuelle complicité des société SFL et Berry Plastic
L'appelante reproche à la société Stopaq BV une politique de blocage de son développement commercial (a) ainsi qu'une tentative de mise à l'écart de Stopaq France et de ses produits au profit des produits SFL (b).
a) Le blocage allégué du développement commercial
Stopaq France fait valoir, qu'elle a été confrontée à une attitude déloyale de Stopaq BV à compter de l'année 2012 qui correspond à l'année au cours de laquelle cette dernière a intégré le groupe Berry Plastics, qu'en effet Berry Plastics dispose de produits concurrents à ceux de Stopaq sur certains marchés et n'avait en conséquence aucun intérêt à laisser Stopaq France se développer, que la décision a manifestement été prise au sein du groupe Berry Plastics de "torpiller" le contrat et de se débarrasser de son distributeur exclusif, devenu gênant sur le territoire concerné.
- Elle lui reproche tout d'abord, avec la complicité de ses actionnaires SFL et Berry Plastics, d'avoir tout mis en œuvre pour défavoriser voire rendre impossible, le renouvellement de l'homologation par GDF des produits Stopaq, et ce, à l'égard des catégories petits, moyens et gros diamètres.
Il est établi par les pièces du débat que GDF a sollicité Stopaq France en lui demandant de procéder au renouvellement de l'homologation de la catégorie " HR " obtenue en 2009 pour 4 ans, le 19 septembre 2013, en lui rappelant que si elle souhaitait conserver son homologation elle devait procéder à des tests de qualifications (pièce n° 45 de l'appelante) et que Stopaq France a transmis cette demande à la société Stopaq BV le 18 février 2014 (pièce n° 46).
Il est encore établi que c'est la société Stopaq France qui a finalement procédé aux essais requis et que cette démarche a permis le renouvellement de l'homologation dans la catégorie HR.
S'agissant de la catégorie des plus gros diamètres la société Stopaq France justifie qu'elle a indiqué par mail du 23 août 2012 adressé aux responsables techniques de Stopaq BV, les contraintes techniques imposées par GDF pour l'homologation dans cette catégorie en leur demandant de procéder à un certain nombre de mesures.
Elle affirme que M. X qui était employé de la société Berry Plastic, a proposé un système de produit conforme aux exigences de GDF dans la catégorie concernée mais qu'il a été sommé de stopper toutes ses activités puis licencié, que le dirigeant de la société Stopaq BV, qui devait valider les tests effectués sans aucune réserve par un laboratoire indépendant, s'est ravisé et a indiqué que les conditions et normes ne seraient pas remplies de sorte que Stopaq France s'est vue privée de l'accès aux appels d'offres de GDF.
Il ne ressort toutefois pas de ces éléments et contrairement à ce que soutient l'appelante, que la société Stopaq BV, a tout fait pour rendre impossible le renouvellement des homologations par GDF.
Par ailleurs, les intimées soulignent sans être démenties qu'elles n'ont jamais mis en œuvre une quelconque manœuvre pour faire obstacle aux homologations alors que Stopaq France n'a pas fourni les efforts nécessaires pour la création d'une nouvelle classification afin de faire évoluer l'homologation de ses produits de petit diamètre par GDF dans une catégorie plus adaptée aux produits viscoélastiques lesquels sont pourtant désormais agréés par les normes ISO et CERACOR.
Aucune inexécution fautive ou déloyale de la société Stopaq BV à l'égard de Stopaq France n'est de ce chef démontrée.
- L'appelante reproche en outre aux intimées d'avoir " saboté " en bonne et due forme, un marché d'un potentiel de plus de deux millions d'euros par an auprès de la société Trapil dont l'actionnaire principal est Total.
Elle indique que la société Trapil a demandé un certain nombre d'essais complémentaires à Stopaq BV mais que cette demande est restée lettre morte malgré plusieurs courriers de relance de Trapil.
Elle soutient qu'après plus de 16 mois d'attente Stopaq BV a transmis les résultats d'un essai de produit faisant apparaître une non-conformité par rapport aux exigences de Trapil de sorte que cette dernière, découragée a signifié la fin de sa coopération avec Stopaq France.
Si elle verse aux débats (pièce 55) un courriel adressé par Trapil à Stopaq France se plaignant de l'absence de réactivité et de coopération de Stopaq BV et faisant état de la fin de sa coopération avec elle, le dit courriel ne permet ni d'établir l'exacte nature du litige ayant opposé Stopaq BV et Trapil, ni que cette dernière et la société Stopaq France étaient sur le point de conclure un marché, ni que l'attitude de Stopaq BV est à l'origine de la perte du dit marché, Stopaq BV indiquant pour sa part avoir procédé à de nombreux tests à la demande de la société Trapil, dont les résultats ne lui ont pas convenu.
Les allégations de sabotage du dit marché par Stopaq BV au détriment de l'appelante ne sont dès lors pas établies.
b) La tentative de mise à l'écart de Stopaq France et de ses produits au détriment des produits SFI
L'appelante soutient que l'intégration de Stopaq BV dans le groupe Berry Plastics s'est traduite par une volonté des nouveaux dirigeants de privilégier d'autres produits fabriqués par la société Berry Plastics tels que " Polyken " ou " Covalence " en lieu et place des produits Stopaq, notamment par la politique de blocage des homologations GDF.
Elle indique qu'elle a commencé à s'inquiéter auprès de son fournisseur lorsqu'elle a appris de son client GRT Gaz qu'un distributeur Polyken situé en Belgique, dans le giron de la société SFL, a tenté de démarcher GRT Gaz en se présentant comme le représentant de Stopaq BV.
Il est toutefois établi, et admis par Stopaq France, que Stopaq BV a écrit à GRT Gaz pour lui indiquer que le seul interlocuteur habilité était Stopaq France, de sorte qu'aucun reproche ne peut être formulé à l'encontre de Stopaq BV de ce chef.
L'appelante soutient encore que Stopaq BV et le distributeur Polytec, du Pôle SFL, ont contacté des clients français, à son insu, en violation de la clause d'exclusivité figurant dans le contrat.
Il en va ainsi, soutient-elle, de la société Stemcor qui a été reçue par la société Stopaq BV et à qui cette dernière a proposé des tarifs plus avantageux que les siens (pièce n° 62).
Il est toutefois établi (pièce n° 33 et 45 des intimées) et non contesté que Stopaq BV a orienté la société Stemcor vers Stopaq France dès qu'elle a constaté qu'elle relevait du périmètre d'exclusivité de cette dernière.
Il en va de même de la société EMCC GEKA, pour laquelle il est établi que la société Stopaq BV a orienté le marché vers la société Stopaq France mais nullement démontré que le projet d'accord aurait été compromis par Stopaq BV.
C'est encore vainement que la société invoque une violation de l'exclusivité qui lui a été consentie au profit de la société Spac, située à Aulnay-sous-Bois.
En effet, la pièce n° 65 qu'elle verse aux débats n'établit nullement que les commandes de produits Stopaq par ladite société seraient des ventes parallèles organisées par Stopaq BV au détriment de Stopaq France alors que les affirmations des intimées dans leurs dernières écritures selon lesquelles les ventes de Stopaq BV à la société Spac ont été faites soit à la demande de Stopaq France elle-même, soit à la demande de son distributeur Defitec (pièce n° 46 des intimés) ne sont pas contredites pas l'appelante.
Celle-ci fait enfin valoir que la multiplication des ventes parallèles à son détriment, notamment en 2013, explique la chute libre de son chiffre d'affaires d'environ 50 % par rapport à 2012 alors que le marché était en pleine progression.
Il est toutefois établi (pièce n° 4 des intimées) que la baisse du chiffre d'affaires de la société Stopaq France n'a été que temporaire puisque celui de 2014 est pratiquement égal à celui de 2012 alors qu'il n'est pas contesté que le montant de ses achats auprès de Stopaq BV en 2014 a atteint le même montant que celui de 2012.
Aucune inexécution fautive et déloyale du contrat n'est démontrée par l'appelante à l'encontre de la société Stopaq BV, ni aucune complicité des société SFL et Berry Plastics, de sorte qu'elle sera déboutée de sa demande de condamnation in solidum des dites sociétés à lui payer la somme de 264 000 euros de ce chef.
Sur la rupture du contrat et ses conséquences
L'appelante reproche à la société Stopaq BV une rupture brutale de la relation commerciale établie entre elles tandis que cette dernière reproche à Stopaq France de continuer à utiliser le nom de Stopaq malgré la fin du contrat et demande à la cour d'y mettre fin.
Sur la rupture de la relation commerciale
Aux termes de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce :
" Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre unilatéralement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.
Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ".
La rupture des relations commerciales établies peut intervenir à effet immédiat à la condition qu'elle soit justifiée par des fautes suffisamment graves imputées au partenaire commercial.
Une relation commerciale " établie " présente un caractère " suivi, stable et habituel " et permet raisonnablement d'anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires entre les partenaires commerciaux, ce qui implique, notamment qu'elle ne soit pas entachée par des incidents susceptibles de remettre en cause sa stabilité voire sa régularité.
Il ressort de l'article précité que la brutalité de la rupture résulte de l'absence de préavis écrit ou de l'insuffisance de la durée de ce préavis au regard des relations commerciales antérieures. L'évaluation de la durée du préavis à accorder est fonction de toutes les circonstances de nature à influer son appréciation au moment de la notification de la rupture, notamment de l'ancienneté des relations, du volume d'affaires réalisé avec l'auteur de la rupture, du secteur concerné, de l'état de dépendance économique de la victime, des dépenses non récupérables dédiées à la relation et du temps nécessaire pour retrouver un partenaire sur le marché, de rang équivalent.
S'agissant de la durée de la relation commerciale la cour observe que c'est vainement que l'appelante soutient qu'elle a duré 10 ans compte tenu des relations commerciales ayant existé avec M. Z son dirigeant, avant l'immatriculation de la société Stopaq France, dès lors qu'elle ne verse aucune pièce utile qui soit de nature à démontrer l'existence d'un flux d'affaires suivi stable et habituel pour la période de 2006 à 2009.
Il apparaît que la relation commerciale a duré 6 ans, le contrat de distribution, conclu le 22 avril 2009, renouvelé en 2012 ayant pris fin le 22 avril 2015 suivant lettre du 16 janvier 2015 adressée par Stopaq BV à Stopaq France.
Pour considérer qu'il n'y a eu aucune brutalité dans la rupture, l'intimée invoque sa prévisibilité, arguant du fait que Stopaq France avait saisi le tribunal de commerce d'une action tendant à obtenir le renouvellement forcé du contrat après son terme, qu'elle a, dans le cadre de la médiation judiciaire refusé toute discussion concernant la poursuite de la relation contractuelle, qu'elle s'est désintéressée du développement de Stopaq sur le sol national, et que la notification du non-renouvellement s'est faite conformément aux conditions du contrat qui prévoyait un préavis de trois mois.
Toutefois, il est de principe que le caractère prévisible de la rupture d'une relation commerciale établie ne prive pas celle-ci de son caractère brutal si elle ne résulte pas d'un acte du partenaire manifestant son intention de ne pas poursuivre la relation commerciale et faisant courir un délai de préavis.
Ce n'est que le 16 janvier 2015 que Stopaq BV a avisé l'appelante de sa volonté de ne pas renouveler le contrat de sorte que le moyen invoqué par cette dernière est inopérant.
Il n'est pas contesté que la société Stopaq France a été créée pour assurer la distribution exclusive des produits Stopaq BV. Compte tenu de la technicité et de la spécificité des produits distribués lesquels s'adressent à un nombre restreint de clients et qui ne concernent qu'un nombre limité de fournisseurs potentiels, la cour, tenant compte de l'état de dépendance économique de la société, peu important à cet égard que son dirigeant soit également dirigeant d'autres sociétés sur des marchés distincts, considère que cette dernière aurait dû bénéficier de la part de Stopaq France, d'un préavis de 6 mois, soit trois mois supplémentaires par rapport à celui accordé, nécessaire à Stopaq France pour réorganiser son activité. Dans ces conditions la rupture des relations commerciales établies par Stopaq BV est brutale.
Il est constant que le préjudice résultant du caractère brutal de la rupture est constitué par la perte de la marge dont la victime pouvait escompter bénéficier pendant la durée du préavis qui aurait dû lui être accordé.
La référence à retenir est la marge sur coûts variables, définie comme la différence entre le chiffre d'affaire dont la victime a été privée, sous déduction des charges qui n'ont pas été supportées du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture.
Le chiffre d'affaire pris en compte correspond à la moyenne des trois derniers exercices.
Pour procéder au calcul du préjudice subi par la société du fait de la brutalité de la rupture, la cour retient le chiffre d'affaire moyen non-contesté, de la société Stopaq France, au titre des exercices 2012, 2013, 2014 soit :
243 947 + 140 325 + 243 411 /3 = 209 227,66 euros.
Au vu des documents comptables versés aux débats, du secteur d'activité et des observations des parties la cour retient un taux de marge sur coûts variables sur la période concernée de 20 % de sorte que le montant du préjudice à indemniser s'élève à 209 227,66 x 3 x 20 % =12 553,659 euros.
La société Stopaq BV sera condamnée au paiement de cette somme avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
Il n'y a pas lieu à condamnation solidaire avec les autres intimés, dès lors que la relation commerciale n'est établie qu'avec la société Stopaq BV.
La capitalisation des intérêts sera ordonnée.
Sur l'utilisation du nom Stopaq
Le tribunal de commerce a enjoint à la société Stopaq France, sous astreinte, de renoncer à l'utilisation de la marque Stopaq sur tous les supports et dans sa dénomination sociale.
Il n'est pas contesté que par jugement du 7 juin 2017, le juge de l'exécution a liquidé l'astreinte et en a prononcé une nouvelle de 200 euros par jour de retard.
Cette décision n'est toutefois pas versée aux débats.
Il est constant, que la société Stopaq France a changé sa dénomination sociale en 2017, est désormais dénommée " Lenux ", et que le site internet http//Stopaq.free.fr a été fermé.
Toutefois, il est établi ladite société utilise le nom de Stopaq France dans la dénomination de son activité d'agent commercial (pièce n° 67 des intimées).
Faute pour les parties de verser le jugement du juge de l'exécution, la cour qui constate que l'appelante persiste à se prévaloir du nom de Stopaq France, confirme le jugement en ce qu'il a enjoint à Stopaq France de renoncer à l'utilisation de la marque Stopaq.
L'appelante sera déboutée de sa demande de délai de grâce de ce chef.
La société Lenux sera en outre condamnée à payer la somme de 15 000 euros à la société Stopaq France à raison de la confusion qu'elle a entretenue et continue à entretenir auprès des tiers en se faisant passer pour le distributeur de Stopaq BV.
Sur les autres demandes
Le caractère abusif de la présente procédure, qui n'apparaît ni fautive ni dilatoire n'étant pas rapporté, la société Stopaq BV sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.
Le jugement sera infirmé sur le sort des dépens et le montant des sommes réclamées sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Statuant à nouveau la cour dit qu'il convient, au vu de sens de l'arrêt, de dire que chaque partie conservera la chaque de ses dépens de première instance et d'appel et qu'il n'y a pas lieu à condamnation de quiconque sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs LA COUR, Confirme le jugement, sauf sur le montant de l'indemnisation au titre de la rupture brutale des relations commerciales, en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et sur les dépens et les frais irrépétibles, statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant, Condamne Stopaq BV à payer à Lenux la somme de 12 553, 659 euros avex intérêts au taux légal à compter de la présente décision, au titre de la rupture brutale, Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du Code civil, Condamne la société Lenux (anciennement Stopaq France) à payer à la société Stopaq BV la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision, Déboute les parties du surplus de leurs demandes, Dit n'y avoir lieu à condamnation de quiconque sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.