CA Grenoble, 1re ch. civ., 28 mai 2019, n° 17-03503
GRENOBLE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Groupe Roc-Eclerc (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Combes
Conseillers :
Mmes Jacob, Blatry
Avocats :
Mes Caldara-Battini, Deshors-Silvestre
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Par acte sous seing privé du 27 décembre 2013, Monsieur X a souscrit un contrat d'enseigne avec la société Roc Eclerc aux termes duquel il s'est engagé à payer au concédant, le jour de la signature du contrat, une redevance de 29 900 relative au droit d'entrée dans le réseau, ainsi qu'à une redevance d'enseigne et d'exclusivité.
Le même jour, Monsieur X a établi un chèque de ce montant au bénéfice de la société Roc Eclerc.
Ultérieurement, Monsieur X a fait opposition à ce chèque au motif de sa perte.
Après plusieurs mises en demeure de payer restées infructueuses, la société Roc Eclerc a, suivant exploit d'huissier du 4 juin 2015, fait citer Monsieur X, devant le tribunal de grande instance de Grenoble, à l'effet d'obtenir sa condamnation à lui payer diverses sommes.
Reconventionnellement, Monsieur X a sollicité de voir prononcer la nullité du contrat d'enseigne.
Par jugement du 12 juin 2017 assorti de l'exécution provisoire, cette juridiction a :
- condamné Monsieur X à payer à la société Roc Eclerc la somme de 29 900 avec intérêts au taux légal à compter du 23 octobre 2014 au titre de la redevance initiale forfaitaire, outre une indemnité de procédure de 1 500,
- débouté Monsieur X de l'ensemble de ses demandes,
- condamné Monsieur X à supporter les dépens de l'instance.
Par déclaration du 11 juillet 2017, Monsieur X a relevé appel de cette décision.
Par conclusions récapitulatives du 21 février 2019, Monsieur X demande à la cour de :
1) à titre principal, prononcer la nullité du contrat d'enseigne,
2) subsidiairement, condamner la société Roc Eclerc à lui payer des dommages-intérêts de 29 900, outre les sommes annexes qui seraient sollicitées au titre du contrat et ordonner la compensation entre les créances respectives des parties,
3) en tout état de cause, condamner la société Roc Eclerc à lui payer des dommages-intérêts en réparation d'un préjudice moral de 30.000, outre une indemnité de procédure de 4 000.
Il expose que :
- le contrat d'enseigne est nul pour cause de dol,
- il a été victime de manœuvres dolosives de la part du commercial de la société Roc Eclerc,
- celui-ci l'a convaincu que le contrat n'était pas définitif et qu'en l'absence d'obtention du financement, le chèque de 29 900 lui serait restitué,
- la société Roc Eclerc n'a pas davantage respecté son obligation d'information précontractuelle,
- la société Roc Eclerc a également manqué à son obligation de mise en garde alors qu'il est profane en la matière, n'ayant jamais dirigé d'entreprise,
- compte tenu du comportement dolosif de la société Roc Eclerc, il est tombé en dépression et sa vie conjugale n'a pas résisté.
Au dernier état de ses écritures du 13 mars 2019, la société Roc Eclerc demande à la cour de rejeter l'ensemble des prétentions adverses, de confirmer le jugement déféré et, y ajoutant, de condamner Monsieur X à lui payer une indemnité de procédure de 4 000.
Elle fait valoir que :
- le dol allégué n'est pas démontré,
- les attestations produites ne sont pas probantes,
- aucune condition suspensive tenant à l'obtention d'un prêt n'est stipulée au contrat litigieux,
- elle a rempli son obligation d'information précontractuelle.
La clôture de la procédure est intervenue le 19 mars 2019.
SUR CE
1/ Sur les demandes de Monsieur X
Sur la nullité du contrat d'enseigne
Au soutien de sa demande en nullité du contrat litigieux, Monsieur X invoque le vice de son consentement par dol et le défaut de respect par la société Roc Eclerc de son obligation d'information précontractuelle.
Par application de l'article ancien 1116 du Code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.
Il ne se présume pas et doit être prouvé.
Ainsi, Monsieur X doit rapporter la preuve de manœuvres illicites et d'une intention dolosive de la part de la société Roc Eclerc.
Au soutien de ses prétentions, Monsieur X verse aux débats diverses attestations de :
- Monsieur X, son frère, qui indique que Monsieur Z (le commercial de la société Roc Eclerc) leur a assuré que la signature du contrat ne les engageait pas, que le chèque de 29 900 leur serait restitué en cas de non-obtention du financement et qu'il s'agissait de rassurer sa hiérarchie sur ses objectifs professionnels,
- Monsieur Y, futur associé, qui témoigne dans les mêmes termes,
- Monsieur Z :
- selon lettre du 20 juin 2017 qualifiée de brouillon, dans laquelle il explique que le chèque devait être encaissé au moment où l'affilié, dans un délai raisonnable, avait la possibilité de l'honorer et que compte tenu des objectifs très ambitieux de la direction, il avait été amené à faire signer des contrats dans des conditions accélérées,
- selon lettre du 10 juillet 2017 sur demande de Madame X, dans laquelle il expose qu'il a subi un burn-out et qu'il a été informé que certains chèques de clients n'avaient pas été encaissés rendant les contrats caducs,
- Madame A, sa compagne, qui confirme que le chèque ne devait pas être encaissé et que la remise du chèque devait simplement rassurer la hiérarchie de Monsieur Z,
- Madame X, sa mère, qui soutient que Monsieur Z a harcelé son fils tout en le rassurant sur le non-encaissement du chèque,
- Monsieur W, collaborateur, qui expose avoir entendu Monsieur Z assurer à Monsieur X que le chèque ne serait pas encaissé et que le contrat ne l'engageait en rien.
Les mensonges et harcèlement allégués à l'encontre de Monsieur A. ne sont corroborés par aucun élément venant conforter les témoignages produits.
En outre, il ressort des deux courriers de Monsieur B. que l'encaissement du chèque était seulement différé jusqu'au moment où l'affilié, dans un délai raisonnable, pouvait y satisfaire.
Enfin, Monsieur X, directeur d'une agence bancaire, ne peut prétendre de bonne foi que la signature d'un contrat n'a pas valeur d'engagement, ledit contrat, contenant 26 pages, ne pouvant, à l'évidence, être un avant-contrat.
Dès lors, la simple insistance, voire des méthodes de vente agressives, sans démonstration d'artifice, de tromperie ou de tous actes extérieurs démontrant une intention dolosive ne sont pas constitutives de manœuvres dolosives.
Concernant l'obligation d'information précontractuelle pesant sur le franchiseur en application des articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce, il ressort de la signature apposée par Monsieur X sous la mention de la remise d'un document d'information conforme à ces dispositions, que la société Roc Eclair à satisfait à son obligation et que le franchisé a bénéficié de l'information requise.
Par voie de conséquence, c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande en nullité du contrat d'enseigne.
Sur les dommages-intérêts
Monsieur X reproche à la société Roc Eclair [sic] un manquement à son obligation de mise en garde lui ayant occasionné un préjudice financier et un préjudice moral.
En l'absence de démonstration d'un comportement dolosif, d'un manquement à l'obligation d'information précontractuelle, de la société Roc Eclair, cette dernière n'ayant pas à vérifier les capacités financières du franchisé, et au regard des compétences de Monsieur X, directeur d'une agence bancaire, réputé connaître la portée de la signature d'un contrat et parfaitement à même d'évaluer ses chances de se voir octroyer un financement et d'apprécier les risques d'endettement lié à son projet commercial, il n'est démontré aucune faute en lien de causalité avec les préjudices allégués par l'appelant.
Ainsi, c'est à bon droit que le tribunal a débouté Monsieur X de sa demande de dommages-intérêts au titre d'un préjudice moral.
En outre, sa demande de dommages-intérêts au titre d'un préjudice financier sera également rejetée.
2/ Sur la demande en paiement de la société Roc Eclair
L'article 4 a du contrat litigieux prévoit le paiement d'une redevance initiale de 29 900.
L'article 3 b stipule que " à défaut de l'ouverture et de l'exploitation sérieuse et réelle du magasin sous l'enseigne Roc Eclerc, et ce, dans le délai de six mois à compter de la signature, le contrat sera caduc... En outre, les parties conviennent expressément que toute somme perçue par le concédant ou dont le concédant serait créditeur, notamment au titre de la redevance initiale forfaitaire, restera acquise au concédant nonobstant la caducité du contrat, qui est dépourvue d'effet rétroactif ".
En l'absence de toute condition suspensive tenant à l'octroi d'un financement, et en application du contrat, c'est à bon droit que le tribunal a condamné Monsieur X à payer à la société Roc Eclair la somme de 29 900.
3/ Sur les mesures accessoires
L'équité justifie de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Monsieur X, qui succombe, sera condamné aux dépens de la procédure d'appel.
Par ces motifs LA COUR statuant publiquement, par arrêt contradictoire, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Déboute Monsieur X de sa demande en dommages-intérêts au titre d'un préjudice financier, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne Monsieur X aux dépens de la procédure d'appel. Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.