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Décisions

CA Aix-en-Provence, Pôle 4 ch. 6, 24 mai 2019, n° 17-22387

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Cabinet d'Expertise Comptable CICA (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cabale

Conseillers :

Mmes Lebaile, Theiller

Avocats :

Mes Lescudier, Pascal

C. prud. Draguignan, du 4 avr. 2014

4 avril 2014

Madame X Y a été embauchée le 7 février 2000 par la société CICA en tant qu'assistante à temps complet de 39 heures hebdomadaires au niveau 4 coefficient 220 suivant contrat de travail à durée indéterminée du 25 janvier 2000 soumis à la Convention collective nationale des cabinets d'experts comptables, a vu son salaire mensuel brut porté à 1650 euros par avenant du 5 janvier 2004, puis a été promue par avenant du 2 janvier 2008 assistante confirmée niveau 4 coefficient 260 moyennant un salaire brut mensuel porté à 1 860,57 euros.

Par lettre du 12 octobre 2011, la salariée a donné sa démission avec effet au 12 novembre 2011 puis, par lettre du 09 janvier 2012, a indiqué à l'employeur dénoncer cette rupture du contrat de travail.

Le 20 mai 2014, dans le délai légal, la salariée a relevé appel du jugement rendu le 04 avril 2014 par le conseil de prud'hommes de Draguignan qui a dit que la rupture intervenue était une démission claire et non équivoque, l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes, a débouté la société CICA de ses demandes reconventionnelles et a mis les entiers dépens à la charge de la salariée.

A la suite d'une mesure de radiation du 20 mai 2016 puis d'une réinscription de l'affaire au rôle qu'elle a sollicitée le 11 décembre 2017, la salariée, aux termes de conclusions écrites déposées le jour de l'audience, visées par le greffe, développées oralement, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris sur la totalité de ses dispositions infondées et injustifiées, de constater que les manquements contractuels de la Sarl CICA sont graves et à l'origine de la rupture du contrat de travail, en conséquence, de requalifier la rupture intervenue en un licenciement sans cause réelle et sérieuse du contrat de travail, de dire et juger que la clause de non concurrence insérée au contrat est nulle et de nul effet, dès lors, de condamner l'employeur à lui verser les sommes suivantes, augmentées des intérêts de droit à compter de la demande en justice avec prononcé de leur capitalisation annuelle :

Au titre de l'exécution contractuelle,

* au principal :

- 14 035,97 euros à titre de rappel de salaire au regard du coefficient 280,

- 1 403,60 euros au titre des congés payés afférents,

* subsidiairement :

- 6 078,76 euros à titre de rappel de salaire au regard du coefficient 260

- 607,88 euros au titre des congés afférents,

* à titre infiniment subsidiaire :

- 3 345 euros à titre de rappel de salaire au regard de la convention collective nationale applicable,

- 334 euros au titre des congés payés afférents,

* en tout état :

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

au titre de la rupture,

* par application du coefficient 280 :

- 5 586,49 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 4 788,42 euros à titre d'indemnité de préavis,

- 473,79 euros au titre des congés payés afférents,

* par application du coefficient 260 :

- 5 044,45 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 4 323,82 euros à titre d'indemnité de préavis,

- 432,38 euros au titre des congés payés afférents,

* à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

- 40 000 euros,

* à titre de dommages et intérêts au titre de la nullité de la clause de non concurrence :

- 50 000 euros,

* au titre de l'article 700 du Code de procédure civile :

- 2 000 euros.

La salariée soutient qu'elle est fondée à se prévaloir de la classification d'assistante confirmée coefficient 280 à compter du mois de février 2007 jusqu'à la rupture du contrat de travail au regard de l'exercice de fonctions en relevant, soit d'analyse, de synthèse et de rédaction de rapports comptables, à titre subsidiaire, qu'elle devait bénéficier du coefficient 260 dès le mois de février 2003 puisqu'elle a développé depuis son recrutement de nouvelles compétences par l'adjonction de nouvelles fonctions et que lui a été confiée l'analyse du grand livre d'une entreprise relevant des fonctions d'assistant principal dès 2004, à titre infiniment subsidiaire, qu'elle n'a pas perçu les minima conventionnels correspondant successivement aux coefficients 260 et 280, que l'employeur a été déloyal dans l'exécution du contrat en ce qu'il a de mauvaise foi refusé de lui accorder ce à quoi elle avait droit et qu'elle revendiquait, que sa démission n'est pas tardive et qu'elle est équivoque au regard du différend concomitant et contemporain à celle-ci relatif à la non attribution de la classification correspondant à ses fonctions en dépit de ses demandes et d'une promesse d'augmentation de son salaire en août 2011, qu'il doit en résulter une requalification en prise d'acte de rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au regard des manquements graves et répétés de l'employeur, que la clause de non concurrence intitulée dans le contrat " engagement de respect de la clientèle ", qui ne comporte pas de contrepartie financière alors qu'elle a été fixée à trois ans, et qu'elle a respectée, a limité sa liberté de travail, ce qui justifie l'allocation de la somme réclamée à titre de dédommagement.

Aux termes de conclusions écrites déposées le jour de l'audience, visées par le greffe, développées oralement, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, l'employeur demande à la cour de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté sa demande reconventionnelle quant aux frais de procédure et sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, statuant à nouveau, de condamner la salariée à lui payer la somme de 5 000 euros pour procédure abusive et vexatoire et la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, en tout état de cause, de dire que la salariée n'est pas fondée à solliciter un repositionnement au coefficient 280 à compter du mois de février 2007 ni au coefficient 260 à compter de cette même date, de dire que les tâches qui lui étaient confiées étaient conformes à l'emploi repère donné dans la convention collective en qualité d'assistant au coefficient 260, en conséquence, de débouter la salariée de ses demandes de rappel de salaire et de congés payés afférents au titre des repositionnements aux coefficients 260 et 280, de dire que la demande de rappel de salaire soutenue à titre infiniment subsidiaire n'est pas fondée compte tenu de ce qu'il convient de retenir comme date d'application des accords, le surlendemain de la publication au Journal Officiel de l'arrêté d'extension, la société n'étant pas adhérente à un syndicat professionnel, de dire que la lettre de démission du 12 octobre 2011 est intervenue de manière claire et non équivoque et sans aucune réserve, de dire que la salariée n'établit pas l'existence d'un différend précédent ou concomitant à sa démission, de dire comme cela est établi par l'attestation de son supérieur direct qu'elle avait trouvé un nouvel emploi chez un concurrent, de dire qu'en conséquence la demande de requalification de la démission en un licenciement sans cause réelle et sérieuse est infondée et abusive, de la rejeter ainsi que les demandes d'indemnités de préavis et de congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dire que la clause relative à l'engagement de clientèle contenue dans l'avenant du 2 janvier 2008 constitue un engagement de non détournement de clientèle et non pas une obligation de non concurrence, de dire en conséquence que la salariée n'a pas bénéficié d'une clause de non concurrence, de rejeter sa demande indemnitaire à hauteur de 50 000 euros, subsidiairement, de rejeter la demande d'indemnisation faute de justifier postérieurement à sa démission de sa situation professionnelle du fait qu'il indique que celle-ci a travaillé ou qu'elle travaille pour un cabinet comptable situé dans la même ville, de condamner la salariée à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'employeur fait valoir qu'il n'existait aucun différend entre lui-même et la salariée avant ou lors de la rupture, que la démission a été donnée de manière claire et non équivoque et sans réserve, que c'est postérieurement et tardivement à cette démission que la salariée, par courrier du 9 janvier 2012, a évoqué pour la première fois de prétendus manquements de sa part, qu'elle n'avait pourtant rien revendiqué à ce titre auparavant, qu'il est mensonger de prétendre qu'il lui a promis une augmentation de salaire, que la salariée ne formule aucun commentaire sur l'attestation qu'il verse aux débats pour justifier d'un départ de l'entreprise pour une embauche chez un confrère et que celle-ci ne justifie pas de sa situation postérieure à sa démission alors qu'elle a été embauchée le 14 novembre 2011 par le cabinet Ballatore et Chabert, que la salariée ne peut pas revendiquer le coefficient 280 puisqu'elle exerçait des travaux d'exécution, la plupart automatisés, décrits dans l'attestation du directeur technique et relevant d'un poste d'assistant au coefficient 220, alors que les fiches de temps versées aux débats par la salariée qui ne sont plus datées ni signées à partir de 2004 par le directeur technique, et qu'il conteste, font apparaître de surcroît qu'il ne s'agit que de tâches d'écritures non complexes, que le bénéfice du coefficient 260 en 2008 ne résulte que de l'expérience acquise et d'une plus grande efficacité et rapidité d'exécution, que la salariée ne démontre pas avoir délégué des travaux à des assistants de niveau inférieur sous sa responsabilité ni avoir réalisé des travaux d'analyse et de résolution des situations complexes faisant appel à des connaissances pratiques et théoriques approfondies et qu'elle rédigeait des notes de synthèse et de rapport, que le volume de son portefeuille n'a pas augmenté au regard de la baisse des honoraires perçus des clients compris dans son portefeuille, qu'elle n'était pas autonome et ne disposait pas de responsabilités, que la salariée n'établissait pas les liasses fiscales qu'elle était chargée de valider après création par le logiciel, que la salariée ne peut revendiquer le coefficient 260 à compter de février 2007 faute de preuve des tâches prétendument exercées, de l'évolution de ses fonctions ou de l'adjonction de nouvelles fonctions.

MOTIFS :

Sur la rupture du contrat de travail :

La lettre signée par la salariée datée du 12 octobre 2011 est ainsi rédigée :

" Objet :

Démission

Monsieur,

Par la présente, je vous informe que je donne démission au sein de votre entreprise.

Je ne ferai plus partie du personnel à compter du 12 novembre 2011.

Vous en souhaitant bonne réception,

Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de mes salutations distinguées. "

Alors que cette lettre rédigée dans des termes courtois, non ambigus, en usant de formes de politesse, n'est ni circonstanciée ni motivée, ce n'est que près de trois mois après l'avoir adressée à l'employeur et même deux mois après avoir quitté les effectifs de l'entreprise, que le 09 janvier 2012, sans invoquer aucun vice du consentement, la salariée a pour la première fois formulé des reproches dans un écrit en lien avec la perception d'une rémunération qu'elle prétendait inférieure à la classification correspondant à ses fonctions et aux minima conventionnels, en dehors de tout autre élément sur l'existence de réclamations de sa part directes ou indirectes, ne serait-ce que verbales, comme sur une situation de fait quelconque, dont il résulterait la réalité de circonstances antérieures ou contemporaines à la démission permettant d'en déduire qu'à la date où elle a été donnée, celle-ci était équivoque.

La salariée sera donc déboutée de l'ensemble de ses demandes indemnitaires au titre de la rupture du contrat de travail dès lors que cette rupture ne résulte que de sa démission claire et non équivoque.

Sur le rappel de salaire :

La classification professionnelle d'un salarié dépend des fonctions effectivement exercées. Il résulte des éléments d'appréciation que Madame Y a été engagée en qualité d'assistante juridique coefficient 220 suivant la classification de la convention collective des experts comptables et des commissaires aux comptes applicable qui prévoit différents niveaux, qu'elle a été classée dans le niveau 4 " exécution avec délégation ", ce niveau comprenant trois postes de référence, le poste d'assistant, le poste d'assistant confirmé coefficient 260, et le poste d'assistant principal, coefficient 280, que la classification au coefficient 220 correspond, s'agissant de la complexité des tâches et responsabilité, à des travaux d'exécution comportant une part d'initiative professionnelle dans le traitement de l'information avec possibilité de se faire aider occasionnellement par des assistants de niveau inférieur avec contrôle des tâches déléguées, que le coefficient 260 peut s'acquérir suivant l'expérience acquise au coefficient 220 en fonction des diplômes et de la formation, que c'est en considération de cette expérience et de nouvelles tâches d'initiative professionnelle, avec une possible délégation de travaux sous sa responsabilité à des assistants de niveau inférieur, que la salariée a bénéficié du coefficient 260 en exécution de l'avenant du 2 janvier 2008 aux termes duquel celle-ci devait notamment assister le directeur technique dans la gestion et le suivi d'un portefeuille clients d'expertise comptable avec de nouvelles tâches notamment d'ordre juridique et d'assistance à la Direction pour les besoins de la gestion interne du cabinet, que pour la période antérieure à la prise d'effet de l'avenant, la salariée ne justifie pas avoir effectivement exécuté des tâches, qui certes ont pu varier dans le temps y compris en volume, relevant du coefficient 260, en fournissant des feuilles de temps et de diligences ne contenant aucun élément de validation, notamment de signature, qui mentionnent uniquement, pour chaque exercice, des intitulés sommaires de diligences accomplies au bénéfice de clients nommés ou non et non constants, telles que " divers classements courriers ", " salaires ", " réception ", " social réception ", " édition charges sociales ", " charges sociales ", non corroborées par d'autres éléments sur la nature et la consistance précises de tâches réellement exercées devant correspondre à des travaux d'exécution comportant une part d'initiative professionnelle avec possibilité de déléguer à des assistants de niveau inférieur en assumant la responsabilité des travaux délégué, qu'il ne peut être déduit de ces mêmes fiches de temps, ni de tableaux intitulés " budget 2008 ", ni d'une liste de clients, qu'à compter de l'année 2008 la salariée a exécuté des fonctions d'assistant principal relevant du coefficient 280 faute notamment d'éléments sur l'exécution de travaux d'analyse et de résolution de situations complexes faisant appel à des connaissances pratiques et théoriques approfondies, ou sur la rédaction de notes de synthèse et de rapports, l'accomplissement de ces tâches ne pouvant résulter de la validation, sans analyse approfondie ni rédaction de note de synthèse et de rapport, de documents établis en matière fiscale et sociale au moyen d'un logiciel.

La salariée sera donc déboutée de l'ensemble de ses demandes de rappel de salaire au titre d'une reclassification.

Au vu des pièces versées aux débats relatives à la rémunération perçue, étant précisé par ailleurs que la salariée ne verse pas aux débats le décompte auquel elle prétend se référer, celle-ci doit être déboutée de sa demande de paiement d'un différentiel de salaire au titre du non-respect des minima conventionnels.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :

La salariée, qui ne justifie ni de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur ni de l'existence et de l'étendue de son préjudice, sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Sur la clause intitulée " Engagement de respect de la clientèle " :

Malgré sa dénomination, cette clause contenue dans le contrat du 2 janvier 2008 aux termes de laquelle l'employeur attend de la part de la salariée " qu'elle ne détourne aucun client du cabinet, à son profit ou au profit d'un tiers, ni pendant l'exécution du présent contrat, ni au-delà de sa date de rupture et pendant une durée de trois ans " avec la précision notamment que " Cette disposition vise toutes les activités du cabinet et notamment l'expertise comptable " outre " les clients et notamment ceux avec qui elle aura été mise en contact dans le cadre de ses missions ", et ainsi lui interdit l'accès à des entreprises intervenant dans le même secteur d'activité que celui de son précédent employeur, est une clause de non concurrence, qui est illicite, nulle et de nul effet faute de contrepartie financière.

Toutefois, la salariée, qui ne justifie d'aucun préjudice résultant de l'illicéité de cette clause, sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts formée à ce titre.

Sur les frais irrépétibles :

En équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur les dépens :

La salariée, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud'homale et par mise à disposition au greffe : Infirme partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension et y ajoutant : Dit que la rupture du contrat de travail a été rompu par la démission claire et non équivoque de Madame X Y. Dit que la clause intitulée " Engagement de respect de la clientèle " contenue dans le contrat du 2 janvier 2008 est une clause de non concurrence illicite, nulle et de nul effet. Déboute Madame X Y pour le surplus. Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne Madame X Y aux entiers dépens de première instance et d'appel.