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Décisions

CAA Paris, 3e ch., 28 mai 2019, n° 17PA02388

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Free App Game Jeux Gratuit (Sté)

Défendeur :

Directeur départemental de la protection des populations de Paris

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bouleau

Conseillers :

MM. Bernier (Rapporteur), Pena

Rapporteur public :

Mme Delamarre

TA Paris, du 16 mai 2017

16 mai 2017

LA COUR : - Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Free App Game Jeux Gratuit a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 21 octobre 2015 par laquelle le directeur départemental de la protection des populations de Paris a prononcé à son encontre une amende administrative d'un montant total de 17 000 euros en application de l'article L. 141-1-2 du Code de la consommation, de prononcer la nullité du procès-verbal clos le 4 mai 2015, et à titre subsidiaire d'enjoindre au directeur départemental de la protection des populations de Paris de réduire substantiellement le montant de l'amende.

Par un jugement n° 1520790/2-1 du 16 mai 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 13 juillet 2017 et 15 janvier 2019, la société Free App Game Jeux Gratuit, représentée par Me X, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 16 mai 2017 ;

2°) de constater la nullité du procès-verbal du 4 mai 2015 ;

3°) d'annuler la décision du 21 octobre 2015 lui infligeant une amende administrative de 17 000 euros ;

4°) à titre subsidiaire de modérer cette sanction financière ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- les droits de la défense et le principe de loyauté ont été méconnus ;

- les conditions cumulatives qui encadrent le recours à l'enquête par le " client-mystère " n'étaient pas réunies ;

- le procès-verbal du 4 mai 2015 ne lui a pas été présenté lors de l'entretien qui a eu lieu dans les locaux de la Direction le 4 mai 2015 ; elle n'a pu en prendre connaissance complète que le 6 juillet 2015 ;

- en tardant à la communiquer les annexes du procès-verbal, et en ne lui accordant pas un délai de réponse supplémentaire, l'Administration lui a imposé un rapport de forces défavorable ;

- les constatations du procès-verbal sont partielles et partiales ;

- l'agent qui a mené l'enquête ne peut être identifié ;

- le contrat conclu avec ses clients, qui porte sur la fourniture d'un bien susceptible de se périmer rapidement et non d'un service, n'était pas soumis à l'obligation de prévoir un droit de rétractation ;

- l'information sur la renonciation au droit de rétractation était visible et intelligible ;

- l'article R. 111-2-I b) du Code de la consommation n'implique pas que la société soit joignable par téléphone dès le premier appel ;

- le tribunal n'a pas répondu de manière satisfaisante au moyen tiré du défaut de constatation par la Direction des sites internet de la requérante et les faits sont insuffisamment établis ;

- le montant de l'amende est disproportionné.

Par un mémoire enregistré le 18 décembre 2018, le ministre de l'Economie et des Finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la décision, à la lumière du procès-verbal et des échanges intervenus dans le cadre de la procédure contradictoire, est suffisamment motivée ;

- il n'y a pas eu de manœuvre déloyale de l'Administration ;

- la consultation du site internet par un agent agissant sans identité d'emprunt n'est pas assimilable au recours au " client-mystère " ;

- d'éventuelles irrégularités formelles du procès-verbal seraient sans incidence sur la matérialité des infractions constatées ;

- la procédure a été équitable et le droit au procès impartial n'est pas invocable ;

- la société a eu accès à tous les éléments du dossier dans le cadre de la procédure contradictoire ;

- le site ne proposait pas la fourniture d'un bien mais des services d'assistance payante pour faciliter des démarches administratives ;

- il n'y avait pas de renonciation expresse du client à son droit à la rétractation en méconnaissance de l'article L. 121-21-8 1° du Code de la consommation ;

- les services de contact téléphonique ne répondaient pas ;

- la sanction n'est pas disproportionnée.

La clôture de l'instruction est intervenue le 11 février 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le Code de la consommation,

- le Code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bernier,

- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,

- et les observations de Me X, représentant la société Free App Game Jeux Gratuit.

Considérant ce qui suit :

1. La société Free App Game Jeux Gratuit, qui administre notamment des sites internet automouv.fr, certificat-non-gage-officiel.fr et certificatdesituation.fr, exerce une activité de service d'assistance en ligne pour l'obtention de certificats de non-gage. Elle a fait l'objet de plaintes de clients mécontents. Au terme de la vérification conduite par ses services, le directeur départemental de la protection de la population de Paris a prononcé à son encontre le 21 octobre 2015 six amendes administratives pour une somme totale de 17 000 euros qui sanctionnaient des infractions à la réglementation relative au droit de rétractation et à l'information de la clientèle. La société relève appel du jugement du 16 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation, ou tout au moins, à la modération de cette amende.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, contrairement à ce qui est soutenu, les premiers juges, qui n'étaient pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments de la requérante, ont répondu de manière suffisamment précise au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 450-3-2 du Code de commerce en indiquant au point 7 de leur jugement que " ces dispositions n'imposaient pas à l'Administration de démontrer que l'établissement de la preuve du manquement nécessitait l'utilisation d'une identité d'emprunt " et au point 5 " qu'aucune disposition n'imposait à l'Administration un délai de transmission du procès-verbal à compter de sa rédaction " ;

3. En second lieu, pour écarter le moyen tiré de ce que " les conditions générales du site automouv.fr n'ont pas été constatées " et de ce que " les conditions générales du site internet certificatdesituation.fr ne sont que partiellement constatées ", le tribunal a estimé au point 14 de son jugement qu'il n'était pas assorti des précisions nécessaires permettant d'en apprécier le bien-fondé. L'omission à statuer manque en fait. Le caractère très succinct de l'argumentation développée devant les premiers juges la rendant difficilement intelligible, il ne saurait leur être fait grief d'avoir insuffisamment développé les motifs pour lesquels ce moyen était écarté.

4. Il résulte de ce qui précède que le jugement n'est pas irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement :

S'agissant du moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision :

5. La décision contestée du 21 octobre 2015 se réfère à la lettre du 21 mai 2015, reçue le 5 juin 2015, et au procès-verbal joint qui détaillait les manquements imputés à la société et les modalités de calcul de l'amende envisagée, et aux nombreux échanges de courrier intervenus dans le cadre de la procédure contradictoire. Elle retient que la société a commis deux manquements à l'article L. 121-21-5 du Code de la consommation, deux manquements à l'article L. 121-21 et deux manquements à l'article L. 121-17 qui portent sur la fourniture anticipée de prestation de service, d'atteinte au droit du consommateur à rétractation et à l'absence d'information du consommateur sur ses droits, et elle précise le quantum retenu pour chacune des infractions. En l'absence de texte le prévoyant, l'Administration n'était pas tenue de répondre aux observations formulées par la société dans le cadre de la procédure contradictoire. Pour fixer à un montant moindre que celui qui était initialement envisagé le quantum des amendes, le directeur départemental de la protection des populations s'est référé à la contestation de ce montant figurant dans la lettre du conseil de la société du 20 septembre 2015, ce qui était suffisant en l'espèce. En portant une appréciation globale sur les infractions et la sanction qui s'y rapporte, l'Administration a suffisamment motivé sa décision.

S'agissant des moyens tirés de l'irrégularité de la procédure et de l'atteinte portée aux droits de la défense :

6. Il résulte de l'instruction que dès le mois de septembre 2013, la direction départementale de la protection des populations de Paris a été saisie de plaintes de particuliers mettant en cause les pratiques commerciales de la société Free App Game Jeux Gratuits. Ces clients s'estimaient notamment induits en erreur sur le coût du certificat et sur la nature de la prestation, et pour certains d'entre eux, privés de leur droit à rétractation. Des vérifications ont été engagées et, le 27 décembre 2013, l'Administration a émis une pré-injonction au sens de l'article L. 141-V du Code de la consommation par laquelle elle invitait la société à se mettre en conformité avec la réglementation. Par lettres du 26 juin 2014 et du 4 juillet 2014, la direction départementale de la protection des populations a demandé à la société de nouvelles améliorations et rectifications pour tenir compte notamment de l'intervention de la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation. Par ailleurs, de nombreux échanges écrits et plusieurs réunions ont permis à l'Administration d'exposer ses interrogations et ses critiques sur les pratiques commerciales de la société et à cette dernière de fournir des explications avant même l'établissement du procès-verbal. Dans ces conditions, l'Administration ayant d'emblée et en toute transparence appelé la société à corriger ses pratiques, celle-ci ne saurait prétendre avoir été victime de manœuvres déloyales et abusives. Au demeurant, la requérante n'indique pas quelle irrégularité aurait pu entacher la procédure d'enquête dans sa phase initiale.

7. Le III de l'article L. 141-1-2 du Code de la consommation alors applicable dispose que : " Les manquements passibles d'une amende administrative sont constatés par procès-verbaux, qui font foi jusqu'à preuve contraire. Une copie en est transmise à la personne mise en cause ". L'article L. 141-1 du même Code prévoit : " I. Sont recherchés et constatés, dans les conditions fixées par les articles L. 450-1, L. 450-3 à L. 450-4, L. 450-7 et L. 450-8 du Code de commerce, les infractions ou manquements aux dispositions suivantes du présent Code : 2° Les sections 1 à 4 bis, 8, 9, 12 et 15 du chapitre Ier du titre II du livre Ier ". En l'espèce, les manquements relèvent de la sous-section 2 (article 121-17) et de la sous-section 6 (articles 121-21 et 121-21-5) de la section 2 du chapitre Ier du titre II du livre Ier.

8. Le I de l'article L. 450-3-2 du Code de commerce dispose que : " I. - Lorsque l'établissement de la preuve de l'infraction ou du manquement en dépend et qu'elle ne peut être établie autrement, les agents mentionnés à l'article L. 450-1 peuvent différer le moment où ils déclinent leur qualité au plus tard jusqu'à la notification à la personne contrôlée de la constatation de l'infraction ou du manquement ".

9. Contrairement à ce que soutient la société requérante, les dispositions précitées du Code du commerce n'ont pas pour objet d'instaurer une procédure contradictoire pour la constatation des manquements. Elles ne sauraient être interprétées comme privant l'agent contrôleur de l'Administration de la possibilité de s'inscrire sur un site de vente ou de fournitures ou de services en ligne aux fins de vérifier que les obligations légales ou réglementaires sont respectées sans que le gestionnaire du site en soit préalablement averti et sans qu'il soit associé au contrôle. Au demeurant, cette absence d'information préalable du gestionnaire du site sur le contrôle en cours, qui place l'agent vérificateur dans la situation qui est celle d'un client ordinaire sans que les paramètres du site et les informations fournies aux consommateurs puissent être modifiées dans la perspective du contrôle, est une des conditions de l'efficacité de la vérification. Elle ne présente pas en l'espèce le caractère d'une manœuvre déloyale.

10. Le II de l'article L. 450-3-2 du Code de commerce, alors applicable, dispose que : " II. - Pour le contrôle de la vente de biens et de la fourniture de services sur internet et pour celui des accords ou pratiques concertées mentionnés à l'article L. 420-2-1, les agents mentionnés au I peuvent faire usage d'une identité d'emprunt ". L'article R. 450-1 du Code de commerce, alors applicable, prévoit : " I. - Les procès-verbaux prévus à l'article L. 450-2 énoncent la nature, la date et le lieu des constatations ou des contrôles effectués. Ils sont signés d'un agent mentionné à l'article L. 450-1/ II. - Lorsque les agents constatent des infractions ou manquements dans les conditions prévues au II de l'article L. 450-3-2, ils mentionnent également dans le procès-verbal les modalités de consultation et d'utilisation du site internet, notamment : /1° Les noms, qualité et résidence administrative de l'agent verbalisateur ; / 2° L'identité d'emprunt sous laquelle le contrôle a été conduit ; / 3° La date et l'heure du contrôle ; / 4° Les modalités de connexion au site et de recueil des informations ".

11. En l'espèce, le procès-verbal du 4 mai 2015, signé par l'agent vérificateur, identifié et habilité, énonce la nature, la date et le lieu des constatations ou des contrôles effectués. Il indique avec suffisamment de précision les manquements reprochés. Il satisfait donc aux exigences de l'article R. 450-1 du Code de commerce. L'agent vérificateur qui a consulté les sites qu'il contrôlait n'était pas tenu de s'inscrire, à peine d'irrégularité du procès-verbal, en fournissant ses données d'identification personnelles. En s'inscrivant sous le nom de " A " (soit " direction départementale de protection des populations ") avec pour raison sociale " CCRF " (soit " concurrence, consommation et répression des fraudes "), il n'a pas cherché à leurrer le gestionnaire du site en faisant état d'une identité fictive en vue d'obtenir une prestation, mais il a accédé au site sous le timbre du service pour contrôler la conformité à la réglementation des informations fournies aux utilisateurs. Les dispositions du II de l'article L. 450-3-2 et du II de l'article R. 450-1 du Code de commerce relatives aux agents qui agissent sous couvert d'une identité d'emprunt ne trouvent pas, dès lors, à s'appliquer. La société requérante n'est pas fondée à soutenir que les informations contenues dans le rapport annexé au procès-verbal portant sur l'inscription de l'agent contrôleur à certains des sites visités sont incomplètes ou imprécises. Le procès-verbal du 4 mai 2015, qui n'a pas été établi au terme d'une procédure irrégulière et qui n'est pas irrégulier en la forme, n'est pas entaché de nullité.

12. Ainsi que l'a relevé à bon droit le tribunal administratif, aucun texte n'impose que l'Administration notifie à la société contrôlée le procès-verbal aussitôt qu'il a été établi. Le procès-verbal daté du 4 mai 2015 a été transmis à la requérante le 9 juin 2015, ce qui n'est pas un délai excessif et ce qui n'a pas, en l'espèce, porté atteinte à ses droits. Si les annexes ne figuraient pas dans cet envoi, il est constant que le conseil de la requérante les a consultées sur place le 6 juillet 2015 et a pu en prendre copie. La société a donc eu connaissance dans un délai utile de l'ensemble des manquements qui lui étaient reprochés.

13. Par lettre du 21 mai 2015, reçue le 9 juin 2015, l'Administration, en application du principe du contradictoire, a assigné à la société un délai de soixante jours pour fournir ses observations. Ainsi qu'il a été dit au point 5, les seuls manquements relevés portaient sur la fourniture anticipée de prestation de service, d'atteinte au droit du consommateur à rétractation et à l'absence d'information du consommateur sur ses droits. Alors même que la société n'aurait pris connaissance de l'ensemble des pièces jointes que le 6 juillet 2015 et que l'Administration n'a pas répondu à une demande de délai supplémentaire, ce délai était suffisant, compte tenu du caractère circonscrit des infractions imputées à la société. Si la société soutient que les constatations figurant dans le procès-verbal étaient " partiales et partielles ", cette contestation ne se rattache pas à la régularité de la procédure et aux droits de la défense mais porte sur la matérialité des faits et donc sur le bien-fondé de la sanction. La société a présenté ses observations sur l'ensemble des manquements qui lui étaient reprochés le 9 août 2015. L'administration n'était pas tenue de répondre à ces observations avant de prendre sa décision. Le principe du contradictoire a donc été respecté.

14. Il résulte de ce qui précède que la procédure préalable au prononcé de la sanction n'est pas entachée d'irrégularités qui auraient privé la société requérante d'une garantie ou qui aurait exercé une influence sur le sens de la décision. La société Free App Game Jeux Gratuits n'est pas fondée à soutenir que les droits de la défense et le principe de l'égalité des armes auraient été méconnus ni qu'elle aurait été victime de manœuvres déloyales de la part de l'Administration. Les principes posés par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, pour autant qu'ils sont applicables à la procédure en cause, n'ont pas été méconnus.

S'agissant des moyens relatifs au bien-fondé de la sanction :

15. Aux termes de l'article L. 121-21 du Code de la consommation dans sa version applicable au litige : " Le consommateur dispose d'un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu à distance, à la suite d'un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d'autres coûts que ceux prévus aux articles L. 121-21-3 à L. 121-21-5. Toute clause par laquelle le consommateur abandonne son droit de rétractation est nulle (...) ".

16. Aux termes de l'article L. 121-21-8 du même Code dans sa version applicable : " Le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats : (...) 3° De fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés ; 4° De fourniture de biens susceptibles de se détériorer ou de se périmer rapidement ; (...) 13° De fourniture d'un contenu numérique non fourni sur un support matériel dont l'exécution a commencé après accord préalable exprès du consommateur et renoncement exprès à son droit de rétractation. ".

17. Aux termes de l'article L. 121-17 du même Code dans sa version applicable :

" I. Préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes : / 2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat ; /5° Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l'article L. 121-21-8, l'information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation ".

18. Aux termes de l'article L. 121-21-5 du même Code dans sa version applicable au litige : " Si le consommateur souhaite que l'exécution d'une prestation de services commence avant la fin du délai de rétractation mentionné à l'article L. 121-21, le professionnel recueille sa demande expresse sur papier ou sur support durable ".

19. Il résulte de l'instruction que les trois sites internet administrés par la société Free App Game Jeux Gratuit, www.certificatdesitutation.fr, www.certificat-non-gage-officiel.fr, et www.automouv.fr, proposaient aux particuliers qui cherchaient à vendre leur voiture de les assister dans leurs démarches administratives en vue de la délivrance par les services préfectoraux des certificats de non-gage, appelés également certificats de situation, attestant qu'il n'existait aucune opposition au transfert du certificat d'immatriculation. Ces attestations, délivrées gratuitement par l'Administration aux propriétaires de véhicule, ne présentent pas le caractère d'un bien susceptible d'être cédé ni d'un contenu numérique au sens des dispositions citées au point précédent des 3°, 4°, et 13 de l'article L. 121-21-8 du Code de la consommation. En prêtant son assistance aux particuliers dans leurs démarches administratives, la société leur fournit un service. Elle n'est pas dès lors fondée à se prévaloir des dérogations prévues par ces dispositions qui ne s'appliquent qu'aux contrats de fourniture de biens et de contenu numérique.

20. Dès lors que le droit de rétractation existait pour les contrats conclus par la société requérante, celle-ci n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions du 5° de l'article L. 121-17 du Code de la consommation citées au point 17. Elle devait, en application du 2° de l'article L. 121-17, communiquer au client " les conditions, le délai et les modalités d'exercice du droit de rétractation ainsi que le formulaire type " et, si le client souhaitait que l'exécution du service commence avant la fin du délai de rétractation, recueillir sa demande expresse sur papier ou sur support durable en application de l'article L. 121-21-5.

21. En l'espèce, il résulte des énonciations du rapport annexé au procès-verbal que lors de la vérification intervenue le 13 octobre 2014 sur le site www.certificat-non-gage-officiel.fr, la société Free App Game Jeux Gratuit ne recueillait pas l'accord exprès du client pour que l'exécution du service commence avant la fin du délai de rétractation, mais qu'elle lui imposait à la fois l'exécution immédiate du service et, corrélativement, une renonciation formelle à tout droit de rétractation. Lors de la vérification intervenue le 24 avril 2015 sur le site www.automouv.fr, il s'est avéré que le client qui était invité à accepter les conditions générales de ce site était renvoyé aux conditions générales de www.certificat-non-gage-officiel.fr. A cette date, ces conditions, qui citaient aux 3°, 4°, et 13 de l'article L. 121-21-8 du Code de la consommation, dont la cour a jugé au point 19 du présent arrêt qu'ils ne s'appliquaient pas à ce type de contrat, imposaient au client une renonciation à son droit de rétractation et une exécution immédiate du service sans que cela réponde à une demande expresse de l'intéressé. Enfin, il ressort de la vérification intervenue le 4 mai 2015 sur le site www.certificatdesituation.fr que la société requérante n'informait pas le client de l'existence de son droit à rétractation et lui imposait de formuler une demande d'exécution immédiate assortie d'une renonciation à toute possibilité de rétractation. Ces éléments recueillis au cours de l'enquête et annexés au procès-verbal font foi jusqu'à preuve du contraire. Leur matérialité n'a pas été sérieusement contestée par la société requérante qui a essentiellement critiqué la procédure et soutenu, à tort, que le droit de rétractation ne s'appliquait pas aux contrats passés avec ces clients. Ces pratiques commerciales qui induisent le client en erreur sur son droit de rétractation, qui le privent de toute possibilité de l'exercer et qui lui imposent sans qu'il en ait fait la demande expresse une exécution immédiate du contrat par des formules extorquées, contreviennent aux dispositions précitées du 2° de l'article L. 121-17 et de l'article L. 121-21-5 du Code de la consommation.

22. Aux termes de l'article L. 121-17 du Code de la consommation dans sa version applicable : " I. Préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes : 1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 / 6° Les informations relatives aux coordonnées du professionnel /III. - La charge de la preuve concernant le respect des obligations d'information mentionnées à la présente sous-section pèse sur le professionnel ". L'article L. 111-1 du même Code dispose que : " Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :/ 4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte, ainsi que, s'il y a lieu, celles relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en œuvre des garanties et aux autres conditions contractuelles. La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d'Etat ". L'article R. 111-2 précise : " I. Pour l'application du I de l'article L. 111-2, outre les informations prévues à l'article R. 111-1, le professionnel communique au consommateur ou met à sa disposition les informations suivantes :/ b) Les coordonnées permettant d'entrer en contact rapidement et de communiquer directement avec lui ".

23. Il ressort des énonciations du procès-verbal que les trois sites www.certificatdesitutation.fr, www.certificat-non-gage-officiel.fr et www.automouv.fr renvoient au même numéro d'assistance téléphonique en précisant qu'une équipe se tient à la disposition des clients du lundi au mercredi de 14 heures à 18 heures. L'agent vérificateur qui a appelé à plusieurs reprises les mercredi 22 avril, lundi 27 avril, et mercredi 29 avril 2015 a été mis en communication avec une messagerie téléphonique qui n'a pu donner suite à ses appels et l'a invité à raccrocher pour essayer ultérieurement. Par ailleurs, il résulte de plaintes émanant de clients mécontents qu'il ne leur a pas été possible de joindre la société par téléphone et que leurs messages électroniques sont restés sans réponse. Contrairement à ce que soutient la société requérante, les dispositions citées au point précédent impliquent qu'un agent de la société soit effectivement joignable pour répondre aux demandes et aux questions des clients, et régler les difficultés auxquelles pourrait donner lieu l'exécution du contrat. Dès lors que la société faisait mention d'un numéro de téléphone en précisant les horaires d'appel, elle avait l'obligation, pour donner un effet utile à cette information, d'assurer le service téléphonique annoncé. La société requérante, à qui incombe la charge de la preuve en vertu des dispositions précitées du III de l'article L. 121-17 du Code de la consommation, ne fournit aucun élément de nature à contrebattre les faits retenus par l'Administration. Ces manquements contreviennent aux dispositions citées au point précédent.

24. Il résulte de ce qui précède que la société Free App Game Jeux Gratuit n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'Administration lui a infligé une sanction.

S'agissant de la proportionnalité de la sanction :

25. Aux termes de l'article L. 121-22 du Code de la consommation alors applicable : " Tout manquement aux articles L. 121-17, L. 121-18, L. 121-19 à L. 121-19-3 et L. 121-20 est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale. L'amende est prononcée dans les conditions prévues à l'article L. 141-1-2. ". Aux termes de l'article L. 121-22-1 du même Code : " Tout manquement à la sous-section 6 de la présente section encadrant les conditions d'exercice du droit de rétractation reconnu au consommateur, ainsi que ses effets, est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 15 000 euros pour une personne physique et 75 000 euros pour une personne morale. L'amende est prononcée dans les conditions prévues à l'article L. 141-1-2 ".

26. L'administration a relevé, à l'encontre de la société Free App Game Jeux Gratuit, quatre manquements aux dispositions relatives aux conditions d'exercice du droit de rétractation et deux manquements à l'article L. 121-17 du Code de la consommation qui ont été sanctionnés d'une amende d'un montant total de 17 000 euros.

27. Si la société Free App Game Jeux Gratuit fait valoir que le montant de l'amende qui lui a été infligé est supérieur au préjudice qu'auraient subi les consommateurs qui se sont plaints, cette circonstance est, par elle-même, sans incidence sur le bien-fondé du montant de la sanction contestée dont la finalité est de sanctionner à des fins pédagogiques et dissuasives les manquements à une réglementation qui vise à protéger les consommateurs contre les mauvaises pratiques de professionnels. Le montant de l'amende n'est pas disproportionné au regard du chiffre d'affaires de la société qui s'établissait à 1 400 000 euros en 2014 et il n'est pas soutenu qu'il mettrait en cause la pérennité de l'entreprise. La société requérante n'est donc pas fondée à demander la modération de cette amende.

28. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la société Free App Game Jeux Gratuit n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Free App Game Jeux Gratuit est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Free App Game Jeux Gratuit et au ministre de l'économie et des finances. Copie en sera adressée pour information au directeur départemental de la protection des populations de Paris.