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Décisions

Cass. 1re civ., 5 juin 2019, n° 16-12.519

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Pouvin (Epoux)

Défendeur :

Electricité de France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Batut

Rapporteur :

Mme Dazzan-Barel

Avocat général :

M. Chaumont

Avocats :

SCP Potier de La Varde, Buk-Lament, Robillot, SCP Piwnica, Molinié

Saint-Denis de la Réunion, du 12 sept. 2…

12 septembre 2014

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant acte du 3 avril 1995, la société Electricité de France (la société EDF) a consenti à M. Pouvin, salarié de la société, et à son épouse (les emprunteurs) un prêt relevant du dispositif d'aide à l'accession à la propriété, soumis à la loi n° 79-596 du 13 juillet 1979 relative à l'information et à la protection des emprunteurs dans le domaine immobilier, en vue de financer l'acquisition de leur habitation principale, remboursable en deux cent quarante mensualités ; que, le 1er janvier 2002, M. Pouvin a démissionné de l'entreprise ; qu'après avoir fait application de la clause de résiliation de plein droit du contrat de prêt en cas de cessation d'appartenance du salarié à son personnel, la société EDF a assigné les emprunteurs en paiement de diverses sommes ;

Sur le moyen unique, pris en ses première et troisième branches : - Vu l'article L. 132-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et l'article 2, sous b) et sous c), de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ; - Attendu que, selon le premier texte, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;

Attendu que, par arrêt du 19 mars 2019 (C-590/17), la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit que :

1. L'article 2, sous b), de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens que le salarié d'une entreprise et son conjoint, qui concluent avec cette entreprise un contrat de crédit, réservé, à titre principal, aux membres du personnel de ladite entreprise, destiné à financer l'acquisition d'un bien immobilier à des fins privées, doivent être considérés comme des " consommateurs ", au sens de cette disposition ;

2. L'article 2, sous c), de la directive doit être interprété en ce sens que ladite entreprise doit être considérée comme un " professionnel ", au sens de cette disposition, lorsqu'elle conclut un tel contrat de crédit dans le cadre de son activité professionnelle, même si consentir des crédits ne constitue pas son activité principale ;

Attendu que, pour dire que la résiliation de plein droit du contrat est intervenue le 1er janvier 2002 et condamner les emprunteurs à payer à la société EDF une certaine somme, augmentée des intérêts au taux contractuel de 6 % l'an à compter de cette date, sauf à déduire les sommes postérieurement versées, ainsi qu'une somme au titre de la clause pénale augmentée des intérêts au taux légal à compter de la même date, l'arrêt retient que c'est en sa seule qualité d'employeur et au regard de l'existence d'un contrat de travail le liant à M. X que la société EDF lui a octroyé, ainsi qu'à son épouse, un contrat de prêt immobilier, que cette société n'est pas un professionnel au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, quand bien même il existerait en son sein un département particulier gérant les avances au personnel, et que les emprunteurs n'ont pas la qualité de consommateurs au sens de ce texte ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur la quatrième branche du moyen : - Vu l'article L. 132-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et l'article 2, sous b) et sous c), de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ;

Attendu que, pour exclure le caractère abusif de la clause stipulant la résiliation de plein droit du prêt consenti à un salarié et à son épouse en cas de rupture du contrat de travail, l'arrêt énonce que cette clause s'inscrit dans un contrat qui présente des avantages pour le salarié et équilibre ainsi la clause de résiliation de plein droit ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de prêt pour une cause extérieure à ce contrat, afférente à l'exécution d'une convention distincte, une telle clause crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement et à une modification substantielle de l'économie du contrat de prêt, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu les articles L. 411-3, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire et 1015 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen : casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 septembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; dit n'y avoir lieu à renvoi du chef du caractère abusif de la clause de résiliation prévue à l'article 7 du contrat de prêt immobilier consenti le 17 mars 1995 par la société EDF à M. et Mme Pouvin ; constate le caractère abusif de cette clause ; dit qu'elle est réputée non écrite ; Renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée, mais seulement pour qu'elle statue sur les autres points en litige.