CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 5 juin 2019, n° 17-11700
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Concurrence (SARL)
Défendeur :
Samsung Electronics France (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Luc
Conseillers :
M. Bedouet, Mme Comte
Avocats :
Mes Meynard, Marie, Olivier, Thibault
FAITS ET PROCÉDURE
La société Concurrence, créée en 1979, est un distributeur indépendant de produits électroniques grand public, et en particulier de téléviseurs. Elle exploitait à ce titre un point de vente <adresse> et un site de vente en ligne sous le nom de domaine concurrence. fr.
La société Samsung Electronics France, ci-après Samsung, filiale du groupe coréen Samsung, est spécialisée dans la distribution de produits dits bruns, en particulier de téléviseurs, sur le marché français.
La société Concurrence a distribué, à compter des années 2000, des produits de la marque Samsung, et plus particulièrement des téléviseurs à écran plat de la gamme Elite.
Les relations entre les deux sociétés se sont ensuite détériorées.
Le 2 mars 2012, la société Concurrence a saisi la Commission européenne d'une plainte dirigée contre la société Samsung.
Par courrier du 20 mars 2012, la société Samsung a notifié à la société Concurrence la rupture de leurs relations commerciales avec effet au 30 juin 2013, suivant un préavis de plus de 15 mois.
Après avoir été autorisée par ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris du 14 janvier 2013, la société Concurrence a, par acte du 17 janvier 2013, assigné à bref délai la société Samsung au visa des articles L. 420-2 et L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et 1134 et 1147 du Code civil.
Par lettre du 24 janvier 2014, la société Concurrence a saisi également l'Autorité de la concurrence d'une plainte relative à sept pratiques reprochées à la société Samsung, et a demandé, en application des dispositions de l'article L. 464-1 du Code de commerce, des mesures conservatoires.
Par décision n° 14-D-07 du 23 juillet 2014, l'Autorité de la concurrence a rejeté la saisine au fond de la société Concurrence, sauf en ce qui concerne l'entente verticale aux fins de restriction des ventes actives et passives à l'égard de laquelle l'Autorité a considéré qu'il y avait lieu d'en poursuivre l'instruction, et a rejeté les demandes de mesures conservatoires formées par la société Concurrence.
Le 6 octobre 2014, la société Concurrence a saisi à nouveau l'Autorité de la concurrence d'une demande de mesures conservatoires à l'encontre de la société Samsung. Par décision du 24 juin 2015, l'Autorité a rejeté cette demande.
Ces deux décisions ont été confirmées par arrêt de la cour d'appel de Paris du 3 décembre 2015.
Par jugement du 19 mai 2017, le tribunal de commerce de Paris a :
- débouté la société Concurrence de ses demandes d'un montant de 1,61 million d'euros au titre de la non-livraison des produits standard de la société Samsung à compter du 1er juillet 2013,
- débouté la société Concurrence de ses demandes d'indemnités de 900 000 euros et 360 000 euros au titre du manque à gagner sur le non-respect des accords dits E,
- débouté la société Concurrence de sa demande de condamner la société Samsung à lui verser la somme de 485 870 euros au titre des refus de vente des produits Elite du 1er mars 2012 au 27 septembre 2012,
- débouté la société Concurrence de sa demande de provision d'un montant de 53 436 euros au titre de l'éventuelle illicéité de la clause marketplace du contrat de distribution sélective,
- débouté la société Concurrence de sa demande de condamnation de la société Samsung à lui payer la somme de 1,61 million d'euros au titre des refus de vente des produits Elite du 1er juillet 2013 au 31 mars 2016 ainsi que de sa demande d'ordonner la reprise des relations et notamment la livraison des produits Elite,
- débouté la société Concurrence de toutes ses autres demandes,
- débouté la société Samsung de sa demande reconventionnelle de 300 000 euros,
- condamné la société Concurrence à payer à la société Samsung la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté les parties de demandes autres plus amples ou contraires,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné la société Concurrence aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 81,60 euros dont 13,43 euros de TVA.
La société Concurrence a interjeté appel du jugement par déclaration au greffe du 13 juin 2017.
La procédure devant la cour a été clôturée le 09 avril 2019.
Vu les conclusions du 5 avril 2019 par lesquelles la société Concurrence, appelante, invite la cour, à :
Vu l'article 4 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen et le décret Allarde des 2 et 17 mars 1791,
Vu les articles L. 420-1, L. 420-2, L. 441-7, L. 442-6, I, 5°, L. 442-6, I, 6° du Code de commerce et 1134 et 1147 du Code civil,
Vu l'article L. 420-3 du Code de commerce
Vu l'arrêt de la cour d'appel de Paris (RG 2015-13861) du 3 décembre 2015 n° 159,
Vu l'arrêt de la cour d'appel de Paris (RG 2014-18125) du 3 décembre 2015 n° 158,
Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 14 janvier 2003 (Lancôme),
Vu les arrêts de la cour d'appel de Paris Pole 5 chambre 4, du 30-09-2015 et du 22-01-2014,
Vu les contrats de distribution sélective Samsung de 2010, 2011, 2012, 2013, 2014, 2015,
Vu l'article 101 du TFUE,
Vu la décision de l'Autorité de la concurrence n° 14-D-07 du 23 juillet 2014,
Vu la décision de l'Autorité de la concurrence n° 18-D-23 du 24 octobre 2018,
Vu l'arrêt de la Cour européenne du 6 décembre 2017 1re chambre (Coty),
Vu l'arrêt de la Cour européenne du 21 décembre 2017 (Concurrence/Samsung),
Vu les parts de marché des téléviseurs Samsung dépassant largement 35 % et des produits Elite téléviseurs dépassant les 55 %,
Vu l'avis de la cour d'appel de Paris Pole 5 Chambre 5-7 du 3 décembre 2015, RG 2014-18125 page 12 (n° 236),
" Comme le soutient la société Concurrence, les autres marques ne sont pas substituables aux téléviseurs Elite ",
Vu la déclaration de la société Samsung affirmant que " Samsung démontrera que Concurrence a bénéficié des meilleures conditions commerciales de Samsung ",
- recevoir la société Concurrence en son appel et l'en déclarer bien fondée,
- débouter la société Samsung de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions,
- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il débouté la société Samsung de sa demande reconventionnelle,
- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de 300 000 euros,
Vu l'article 378 du Code de procédure civile,
- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société Samsung de sa demande reconventionnelle,
Vu la jurisprudence et les pièces versées aux débats,
Vu la décision de l'Autorité de la concurrence n° 14-D-07 du 23 juillet 2014 renvoyant à l'instruction les pratiques visées au chapitre 5 page 32, intitulé " l'entente verticale aux fins de restriction des ventes actives et passives ",
- donner acte que le magasin du passage de la Madeleine peut être visité par la société Samsung pour vérifier que le magasin est en état de fonctionner sous réserve d'être livré en produits Elite,
- dire que la société Samsung ne peut se prévaloir d'une exemption individuelle au titre de l'article 101 § 3 du TFUE ou de l'article L. 420-4 du Code de commerce, pour son contrat sélectif,
- dire que la société Samsung ayant des parts de marché supérieures à 30 % et de 36 % en 2013, l'exemption prévue à l'article 2 du règlement ne s'applique pas, et dès lors ne peut bénéficier d'une exemption par catégorie au titre du règlement n° 330-2010,
- dire qu'il y a applicabilité du droit de l'Union européenne, et que toute pratique doit être justifiée, la charge de la preuve incombant à l'auteur de la pratique,
Sur l'obligation de livrer
- constater et juger que les conditions posées par la cour d'appel de Paris le 3 décembre 2015 RG 2015-13861 (n° 3), pour qu'il y ait atteinte aux intérêts de la société Concurrence, sont remplies, puisque le magasin a été reconnu en état de fonctionner par la société Samsung le 15 octobre 2015 (n° 5 et 6), et que la société Samsung refuse de livrer,
- juger qu'il y a atteinte aux intérêts de Concurrence du 1er juillet 2013 au 1er juillet 2015, et depuis le 15 octobre 2015 jusqu'au 31 décembre 2018,
- ordonner la reprise des relations et notamment la livraison des produits Elite sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard 15 jours après le prononcé de l'arrêt,
- condamner la société Samsung à payer à la société Concurrence la somme de 2,49 millions d'euros au titre des refus de vente des produits Elite du 1er juillet 2013 au 30 septembre 2017 et la somme de 731 000 euros au titre des refus de vente des produits Elite du 1er octobre 2017 au 31 décembre 2018,
- condamner la société Samsung à payer à la société Concurrence la somme de 2,49 millions d'euros au titre des refus de vente des produits standards Samsung (téléviseurs, DVD, Y, hifi etc... ) du 1er juillet 2013 au 30 septembre 2017 et la somme de 731 000 euros au titre des refus de vente des produits standards du 1er octobre 2017 au 31 décembre 2018,
- constater que la société Samsung a cessé brutalement sans aucun préavis la vente des ordinateurs portables et des appareils photos le 1er mars 2012, et juger que cela constitue une violation de l'article L. 442-6, I, 5 ° du Code de commerce,
- condamner la société Samsung à payer à la société Concurrence la somme de 446 800 euros dont 99 800 euros pour rupture brutale, au titre des refus de vente des ordinateurs portables et des appareils de photos du 1er mars 2012 au 31 décembre 2015,
- condamner la société Samsung à payer à la société Concurrence la somme de 200 000 euros au titre de la remise de 3 % consentie par le présent de Samsung dans son courrier du 15 janvier 2010 (n° 1),
Sur la dépendance (Chapitre IV)
- dire que la société Concurrence est en état de dépendance par rapport à la marque Samsung pour les téléviseurs,
Sur la rupture brutale (Chapitre VI)
- dire que l'annonce brutale, sans préavis, de l'obligation de signer un contrat sélectif, alors que les produits de ce contrat étaient livrés sans signature de ce contrat, que les ventes sur marketplace étaient autorisées, constitue une rupture brutale partielle des relations, affectant d'une part la totalité des ventes jusqu'à la suppression des clauses litigieuses, et d'autre part les ventes marketplace même après la reprise des livraisons Elite, en application de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,
- dire que le fait d'imposer sans préavis la signature du contrat de distribution sélective de la gamme Elite, les réductions des remises de gré à gré de " 21,85 % " à 3 %, la suppression de la remise de classement de 3 %, annoncés les 20 et 24 février 2012, et appliqués à compter du 1er mars 2012, constitue une rupture brutale partielle des relations commerciales entre les parties en application de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,
- dire que l'intervention personnelle de M. X, président de la société Samsung Electronics France, sa lettre du 14 janvier 2010 et les mesures prises en faveur de la société Concurrence en 2010, 2011 et en partie en 2012, ont pu créer chez la société Concurrence une confiance légitime dans la pérennité des relations commerciales entretenues, et juger que de ce fait la société Samsung ne pouvait dénoncer ces mesures sans un préavis conséquent,
- réserver l'évaluation du préjudice causé,
- constater que la société Samsung et le tribunal de commerce de Paris, ont appliqué en 2013, l'article 4 de la version de l'année 2012 pour exécuter l'article 4 du contrat sélectif valable en 2013, et juger dès à présent que pour les années 2013 et suivants, la société Samsung n'a pas appliqué la version 2013, mais une ancienne clause de 2012 qui ne permettait pas l'agrément de la société Concurrence en cas d'achats à des grossistes, alors que la version 2013 le permettait,
- prononcer en conséquence la nullité de la clause de l'article 4, version 2013, du contrat sélectif de la société Samsung,
- réserver l'évaluation du préjudice causé,
- condamner la société Samsung à payer à la société Concurrence la somme de 485 870 euros au titre des refus de vente des produits Elite du 1er mars 2012 au 27 septembre 2012,
- condamner la société Samsung à payer à la société Concurrence au titre du refus de vendre les produits Elite sur marketplace, du 1er décembre 2012 au 30 juillet 2013, la somme de 53 436 euros à titre de provision,
- condamner la société Samsung à payer à la société Concurrence au titre des remises de gré à gré non consenties, la somme de 900 000 euros, majorée par la somme de 360 000 euros au titre du manque à gagner sur les ventes perdues du fait de la réduction et/ou de la suppression des remises de gré à gré pour les années 2011 et 2012,
Sur le contrat sélectif (Chapitre VII et VIII)
- juger que la société Samsung ne peut se prévaloir d'une exemption individuelle au titre de l'article 101 paragraphe 3 TFUE ou de l'article L. 420-4 du Code de commerce,
- dire qu'un contrat de distribution sélective ne peut être considéré comme licite au regard de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 101 du TFUE que si ce contrat est appliqué de façon non discriminatoire,
- juger que tel n'est pas le cas en l'espèce,
- constater que la société Samsung n'établit pas, alors que la charge de la preuve lui en incombe, que son réseau de distribution fonctionnait réellement selon les règles du contrat type dont elle se prévalait,
- dire que ce réseau est nul,
- réserver l'évaluation du préjudice subi,
- constater que trois clauses ont été déclarées illicites par la Commission européenne, concernant la mise en service dans toute l'Europe, la démonstration à domicile pour les ventes internet, et un délai de rétractation de 30 jours, et que la Commission en a obtenu leur suppression,
- dire que ces trois classes sont illicites et nulles par rapport aux textes sur la concurrence et notamment l'article L. 420-1 du Code de commerce et l'article 101 du TFUE,
- réserver l'évaluation du préjudice causé,
- dire que le chapitre VII ne constitue pas une demande nouvelle au sens de l'article 910-4 du Code de procédure civile,
- dire que les éléments invoqués ne permettent pas de justifier le recours à une distribution sélective,
Sur la clause d'interdiction de vente sur marketplace (Chapitre X)
- juger que la société Samsung ne peut se prévaloir d'une exemption individuelle au titre de l'article 101 paragraphe 3 du TFUE ou de l'article L. 420-4 du Code de commerce,
- dire qu'un contrat de distribution sélective ne peut être considéré comme licite au regard de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 101 du TFUE, que si ce contrat est appliqué de façon non discriminatoire,
- juger que tel n'est pas cas en l'espèce, la société Samsung ayant commis de très nombreuses discriminations,
- constater que la jurisprudence issue de l'arrêt Coty de la Cour de justice de l'Union européenne n'est pas respectée,
- dire que cette clause est illicite par rapport aux textes sur la concurrence et notamment l'article L. 420-1 du Code de commerce et l'article 101 du TFUE,
- constater de très nombreuses annonces illicites, sur plusieurs années, affectant tous les pays européens et l'ensemble de la gamme,
- prononcer la nullité de la clause en raison de ces très nombreuses applications discriminatoires constatées,
- réserver l'évaluation du préjudice causé et condamner la société Samsung à payer une provision de 1 million d'euros,
Sur l'article 4 du contrat (Chapitre XI)
- constater que l'article 4 du contrat, n'est pas appliqué par les grossistes, les centrales d'achats et les revendeurs, qui refusent par principe d'en signer un, et que cela interdit à la société Concurrence de pouvoir être agréée et donc de pouvoir acheter des produits Elite,
- constater que la société Samsung prétend avoir respecté l'article 4 pour l'année 2013 en appliquant le texte très différent de la version 2012,
- dire cette clause nulle et contraire à l'article L. 420-1 en raison de discriminations,
- réserver l'évaluation du préjudice causé,
Sur le plan d'affaires (Chapitre XI)
- prendre acte de ce que la société Samsung n'a pas proposé de texte d'accord annuel de plan d'affaires pour 2010, a proposé tardivement en avril 2011 un projet d'accord 2011 incomplet sans les remises de gré à gré, sans la remise de 3 %, n'a pas proposé en 2011 d'accord pour 2012, mais seulement le 24 février 2012, et ne comprenant toujours pas les accords E,
- prendre acte de ce que la société Samsung a refusé à tort, sans motif, le plan d'affaires proposé par la société Concurrence le 23 janvier 2012, et juger cela illicite,
- dire que ces pratiques sont illicites,
- réserver l'évaluation du préjudice causé,
Sur les accords E (Chapitre IX)
- constater l'existence et le contenu d'accords particuliers dits accords E, dérogeant aux conditions générales de vente conclus à dater du 15 janvier 2010, comprenant notamment les remises de gré à gré, la livraison des produits Elite sans signature d'un contrat sélectif, la participation aux ventes sur Internet, les ventes sur marketplace, le financement de la pose de deux enseignes Samsung dans la boutique Concurrence Place de la Madeleine Paris, et de l'agencement du magasin en boutique Samsung,
- constater que ces accords ont été appliqués en 2010 et début 2011 sans le moindre incident, que la société Samsung a prétendu les appliquer en 2011, 2012, et 2013, en affirmant dans ses conclusions " que Samsung a fonctionné avec Concurrence en 2011 et 2012 et continue de fonctionner sur les conditions commerciales de 2011 qui ne sont autres que celles de 2010 ",
- prendre acte de ce que la société Samsung a confirmé le 9 décembre 2011 que la proposition de la remise de gré à gré par rapport au tarif de base doit rester la même,
- constater que la seule lecture des tarifs établit que la proportion que représentent les remises de gré à gré par rapport au prix de base, a été fortement réduite, voire supprimée depuis 2011 à ce jour, passant de 21,75 % à 2,56 % du tarif de base,
- dire que la non application brutale, et la dénonciation des accords E au 20 et 24 février 2012, sans aucune explication, sont fautives, en application de l'article L. 442-6 IV du Code de commerce,
- constater que la société Samsung n'a pas manifesté son intention d'inclure les remises de gré à gré dans les accords plan d'achats 2011 et 2012, bien qu'elles aient été importantes (50 % des remises totales), et juger que c'est illicite,
- constater qu'à ce jour, la société Samsung n'a toujours pas communiqué les conditions de calcul des remises de gré à gré, telles qu'appliquées en 2010, et censées avoir été appliquées en 2011 et 2012, et juger que c'est illicite,
- constater que la société Samsung dans un courriel du 1er juin 2011 a déclaré que les " remises de gré à gré qui apparaissent sur vos factures, sont le résultat d'un accord entre Concurrence SA et M B E ",
- dire que la société Samsung ne rapporte pas la preuve que le régime de gré à gré consenti à Concurrence en tant qu'accord J. E, serait comme elle le prétend nouvellement un avantage réservé à tous ses distributeurs,
- constater que la société Samsung ne conteste pas que la " ligne Budget " corresponde aux remises de gré à gré devant être consenties suite aux accords E,
- réserver l'évaluation du préjudice,
Sur les accords B E et les conditions de vente (Chapitre IX)
- constater que la société Samsung n'a produit aucun élément permettant de démontrer que la société Concurrence aurait bénéficié des meilleures conditions commerciales de la société Samsung,
- constater que la société Samsung ne produit devant la cour aucun des éléments qu'elle a communiqué lors de l'enquête de l'Autorité de la concurrence,
- constater que la société Samsung n'a pas produit un seul document permettant de vérifier sur la société Concurrence a bénéficié des meilleures conditions commerciales,
- constater que la société Concurrence n'a pas respecté la règle des 30 % imposant au fournisseur de justifier les conditions,
- prononcer la nullité des conditions de vente de la société Samsung,
En tout état de cause,
- condamner la société Samsung à payer à la société Concurrence la somme de 30 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Samsung aux entiers dépens ;
Vu les conclusions du 2 avril 2019 par lesquelles la société Samsung, intimée, demande à la cour, au visa de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, de l'article 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, du règlement n° 330-2010 de l'Union européenne, des articles 1134 et 1147 du Code civil, des articles L. 420-2, L. 441-6, L. 441-7, L. 442-6, I et II du Code de commerce, de :
- débouter la société Concurrence de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement du tribunal de commerce en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société Samsung de sa demande reconventionnelle,
En conséquence,
- condamner la société Concurrence à payer à la société Samsung la somme de 300 000 euros à titre de dommages et intérêts,
En tout état de cause,
- condamner la société Concurrence à payer à la société Samsung la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
SUR CE, LA COUR,
La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
En application de l'article 954 alinéa 2 du Code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.
A titre liminaire, il convient de relever que la société Samsung indique en page 7 de ses conclusions que la société Concurrence formule une nouvelle demande en nullité de ses conditions de vente sans respecter le principe de concentration des écritures dans ses dernières conclusions devant la cour d'appel. Toutefois, force est de constater que la demande d'irrecevabilité de cette demande n'est pas reprise dans le dispositif de ses conclusions, qui seul lie la cour, de sorte que la cour n'en est pas saisie.
Sur la rupture brutale des relations commerciales établies
La société Concurrence estime avoir été victime d'une rupture brutale des relations commerciales établies par la société Samsung, dès lors que cette dernière a, durant le préavis accordé, procédé à une modification des conditions d'exécution de la relation commerciale aboutissant à des refus de vente notamment, par la suppression des accords spécifiques dits E et la mise en œuvre de la clause d'interdiction de ventes sur marketplace.
Elle fait valoir que le caractère brutal est d'autant plus caractérisé qu'elle a pu légitimement avoir confiance dans la pérennité des relations commerciales entretenues.
La société Samsung réplique que c'est en raison du refus des négociations commerciales annuelles et notamment des conditions commerciales pour 2012, et des nombreuses contestations du contrat de distribution sélective par la société Concurrence, qui multipliait en outre les critiques, menaces et actions judiciaires à son encontre, que, prenant acte de l'impossibilité de maintenir avec cette dernière une relation commerciale normale, elle a décidé de mettre un terme à la relation commerciale entretenue avec la société Concurrence. Elle en conclut que sa décision de rupture était motivée. En toute hypothèse, elle souligne que cette faculté de rupture unilatérale d'un contrat à durée déterminée constitue selon elle une liberté fondamentale au sens de l'article 4 de la DDHC, de sorte que même l'absence de motif ne saurait faire échec au caractère définitif et irréversible de cette rupture et que donc elle ne peut être contrainte de reprendre une relation avec la société Concurrence. Elle indique en outre avoir informé la société Concurrence de cette rupture par courrier du 20 mars 2012 et lui avoir octroyé un préavis de plus de quinze mois. Elle estime que ce préavis était suffisant, notamment au regard de la durée des relations commerciales de 12 ans, pour permettre à la société Concurrence de réorganiser son activité et de diversifier ses sources d'approvisionnement, ce qui exclut tout caractère brutal de la rupture. Elle ajoute que les conditions commerciales appliquées au cours du préavis consenti à la société Concurrence démontrent l'effectivité de ce préavis, la société Concurrence bénéficiant ainsi durant cette période d'une remise de base très avantageuse.
Aux termes de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce :
" Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre unilatéralement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.
Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ".
Les parties s'accordent sur la date du courrier de rupture, le 20 mars 2012, la date de la rupture, le 30 juin 2013, le caractère établi de la relation commerciale entre les parties depuis l'année 2000 et l'auteur de la rupture, à savoir la société Samsung. Elles s'opposent sur la brutalité de la rupture et l'effectivité du préavis.
Sur la brutalité de la rupture
Il ressort de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce que la brutalité de la rupture résulte de l'absence de préavis écrit ou de l'insuffisance de la durée de ce préavis au regard des relations commerciales antérieures. L'évaluation de la durée du préavis à accorder est fonction de toutes les circonstances de nature à influer son appréciation au moment de la notification de la rupture, notamment de l'ancienneté des relations, du volume d'affaires réalisé avec l'auteur de la rupture, du secteur concerné, de l'état de dépendance économique de la victime, des dépenses non récupérables dédiées à la relation et du temps nécessaire pour retrouver un partenaire sur le marché de rang équivalent.
La société Concurrence ne précise pas quel était son chiffre d'affaires global les années précédant l'annonce de la rupture ni quelle était la part de la société Samsung dans son chiffre d'affaires.
Eu égard à la durée de la relation commerciale établie de 12 années, du secteur d'activité et du temps nécessaire pour que la société Concurrence puisse se réorganiser et redéployer son activité, il apparaît que le préavis de 15 mois qui lui a été accordé par la société Samsung est suffisant, de sorte que la rupture n'est pas brutale.
Sur l'effectivité du préavis
La société Concurrence reproche à la société Samsung de ne pas avoir respecté les accords dits " E ", ce que conteste cette dernière.
Par courrier du 15 janvier 2010, M. X, alors directeur de la société Samsung France, indique à la société Concurrence qu'en raison du différends les opposant, il propose de " solder ce malentendu en acceptant de régler une somme de 200 000 euros en considération de quoi vos factures seront annulées et nous reprenons une relation commerciale fondée sur nos tarifs nets envoyés début novembre 2009 avec 3 % supplémentaires, compte tenu de l'axe stratégique pris pour votre société sur le commerce électronique ".
Par courriel du 9 décembre 2011, la société Samsung écrit à la société Concurrence :
" Lors de nos rendez-vous tenus en début d'année [2011], je vous ai exposé les conditions commerciales pour l'année 2011 et vous ai confirmé les montants et les conditions des ristournes et des remises qui seraient applicables à Concurrence. Je vous les ai confirmées par email.
Vous me contraignez donc à vous répondre, mais pour la dernière fois.
Ristournes :
En 2009, Concurrence bénéficiait de 6 % (3 % + 3 %).
En 2010, Concurrence bénéficiait de 7 % (1 % + 6 %, ces derniers étaient la consolidation des 3 + 3 de l'année précédente).
En 2011, Concurrence bénéficie de 7 % (1 % + 6 %).
Remise de base :
En 2009, Concurrence bénéficiait de la remise de base de 21 %.
En 2010, Concurrence bénéficiait de la remise de base de 21 %.
En 2011, Concurrence bénéficie de la remise de base de 25 %.
Dans le même temps, les remises de gré à gré sont restées appliquées. Leur montant a varié parce que, pour la première fois et ce depuis 2011, les baisses de nos tarifs sont, désormais, régulièrement enregistrées dans nos systèmes et répercutées à nos clients. La remise de gré à gré est donc maintenue. Simplement, elle baisse en montant, car les tarifs de base baissent.
Il y a donc là une adéquation qui fait qu'au final, la proportion de la remise de gré à gré par rapport au tarif de base est restée la même.
Cette manière de procéder en faisant bénéficier à tous nos clients des baisses de tarif, régulièrement, a été saluée par tous ; sauf par vous, évidemment.
J'en tire deux enseignements :
- les conditions commerciales 2011 vous sont appliquées, avec des taux clairement définis, au moins équivalents à celui de 2010,
- vous bénéficiez de la remise de base de 25 %, alors que vous ne devriez bénéficier que de celle de 21 %. Concurrence est en effet un VADiste. Vous le reconnaissez d'ailleurs (cf. votre mail du 24 novembre 2011), puisque vous réalisez plus de 95 % de vos ventes sur Internet, à distance ".
Par ailleurs, il ressort des éléments du dossier que la société Samsung négocie annuellement les conditions commerciales avec ses fournisseurs, y compris nécessairement la société Concurrence, de sorte qu'il est normal que celles-ci puissent évoluer, y compris pendant l'exécution du délai de préavis.
La société Concurrence explique que les entretiens courants réguliers avec le PDG, l'autorisation de vente sur marketplace, la non signature du contrat sélectif, l'autorisation de vente sans mise en service dans toute l'Europe, l'autorisation de vente sans démonstration à domicile dans toute l'Europe, les remises de gré à gré de 21 % réduites entre 3 % et 0 %, la remise de 3 % pour ventes internet, la prévision de commandes, la reprise des invendus et les ventes ordinateurs et appareils photos ont été supprimées pendant l'exécution du préavis.
Toutefois, la société Concurrence ne démontre pas que ces engagements étaient la pratique entre les parties avant la rupture ni que la société Samsung s'était engagée auprès de la société Concurrence à lui garantir ces conditions particulières, notamment concernant les entretiens courants réguliers avec le PDG, l'autorisation de vente sur marketplace, l'autorisation de vente sans mise en service dans toute l'Europe, l'autorisation de vente sans démonstration à domicile dans toute l'Europe, la prévision de commandes et la reprise des invendus. Elle ne démontre pas plus que ces conditions particulières lui ont été supprimées par la société Samsung pendant l'exécution du préavis, aucune pièce n'étant produite en ce sens. Il ne peut être tiré aucune conséquence des courriels des 24 février et 1er mars 2012 de la société Samsung relatifs à la vente de produits photo et notebook ; celui-ci ne faisait en effet aucune référence au passé et ne mentionnait que les conditions commerciales sur l'année 2012 quant à ces produits. Par ailleurs, l'achat de produits par des grossistes n'est pas en soi un changement de condition commerciale, si les conditions d'achat demeurent stables. De même, le refus de signer un contrat de distribution sélective avec la société Concurrence ne peut être une condition commerciale acquise, alors que ces contrats sont conclus pour une durée d'un an et que la société Concurrence ne démontre pas avoir signé un tel contrat au jour de l'envoi de la lettre de rupture, alors que la société Samsung lui a indiqué par courriel du 8 novembre 2011 qu'elle constatait que cette dernière refusait toute régularisation d'un contrat de distribution sélective concernant les produits Elite. Enfin, il n'est pas démontré que pendant l'exécution du préavis les remises ont été réduites, étant relevé que les factures communiquées en pièce 90 démontrent au contraire que le taux de remise était au minimum de 31 %.
En outre, il convient de relever que la société Samsung n'est pas obligée d'appliquer à la société Concurrence les conditions tarifaires les plus favorables qu'elle applique à certains de ses fournisseurs. Dès lors, si la société Concurrence refuse les conditions tarifaires de la société Samsung, dont il n'est pas démontré qu'elles sont discriminatoires, abusives ou moins avantageuses que précédemment, elle ne peut demander l'application pour l'avenir d'un accord ponctuel intervenu entre les parties pour solutionner un conflit les opposant. Il convient d'ailleurs de relever que la teneur et le ton des courriels envoyés par la société Concurrence à la société Samsung entre 2009 et 2012 démontrent que la société Concurrence est très agressive et menaçante avec son interlocuteur, ce qui empêche toute négociation annuelle sereine entre les parties (pièces 7, 11, 12, 13, 57, 60, 62, 64, 91, 114, 127, 126, 128, 129, 130, 131, 132, 133).
Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la demande de la société Concurrence pour rupture brutale des relations commerciales établies et pour défaut d'effectivité du préavis.
Sur les conditions commerciales appliquées à la société Concurrence et les accords dits " E "
La société Concurrence soutient que les accords 2010, dit " accords E ", qu'elle estimait privilégiés puisque comprenant des remises de gré à gré, la livraison de produits Elite, les ventes sur Internet et market place, avaient vocation à être maintenus. Elle estime que leur remise en cause au début de l'année 2012 a été brutale et doit être sanctionnée au regard de l'article L. 442-6, IV du Code de commerce. S'agissant des remises de gré à gré, elle fait valoir que la société Samsung n'apporte aucune preuve afin d'étayer ses affirmations, ni facture, ni document comptable, ni barème de prix. Elle explique que la société Samsung ne pouvait limiter les remises consenties à son égard en violation des accords " E ". En tout état de cause, elle demande à ce que soit constatée la nullité des conditions de vente de la société Samsung et que lui soit remboursée la différence entre les conditions appliquées à la société Concurrence et les conditions consenties aux autres revendeurs. Elle allègue que la demande de nullité des conditions de vente ne constitue aucunement une demande nouvelle.
La société Samsung affirme que les " accords E " n'ont jamais existé et ne correspondent à aucun engagement spécifique de sa part et relève qu'en tout état de cause aucun accord ne peut résister à l'obligation de négociation annuelle. Elle explique que cette obligation telle qu'elle ressort des dispositions des articles L. 441-6, I, alinéa 1 et L. 441-7, alinéas 1 et 3 du Code de commerce, s'oppose au caractère immuable allégué de ces accords, dont, au surplus, elle estime que la société Concurrence n'apporte pas la preuve. Elle ajoute que la société Concurrence a systématiquement refusé toute négociation commerciale, de sorte qu'elle ne saurait se plaindre de ce qu'elle n'aurait pas obtenu à cette occasion certaines conditions commerciales. Elle précise que le courrier du 15 janvier 2010 visait à régler un différend en octroyant à la société Concurrence une indemnité transactionnelle et une remise supplémentaire de 3 % prenant en compte le développement de la société Concurrence sur la distribution par Internet (et non sur marketplace) et que le courrier de M. F X à M. C Z du 1er juin 2011, ne faisait que réaffirmer le principe de l'octroi de remises de gré à gré en application de la politique commerciale uniforme de la société Samsung. Elle ajoute qu'en tout état de cause la société Samsung n'a aucune obligation de communiquer les informations produites devant l'Autorité de la concurrence en 2014.
Il convient d'abord de relever avec la société Samsung que des conventions annuelles sont signées entre cette dernière et ses distributeurs, de sorte qu'aucun accord annuel n'est par principe immuable, le principe des négociations annuelles supposant une évolution des conditions commerciales et un accord entre elles sur ces conditions commerciales. Il apparaît que les parties ont négocié en 2011 et 2012 notamment les conditions particulières les liant, de sorte que la société Concurrence ne peut prétendre à l'application illimitée dans le temps de conditions commerciales favorables temporaires accordées pour une année et nécessairement remises en cause par le principe de la négociation annuelle entre les parties.
En outre, la société Samsung n'a aucune obligation de communiquer l'ensemble des pièces soumises à l'Autorité de la concurrence, la présente instance étant indépendante de l'instruction menée par cette Autorité.
Enfin, il a déjà été relevé ci-dessus que la preuve de la remise en cause des pratiques antérieures entre les parties n'est pas démontrée, de sorte qu'il y a lieu de rejeter la demande de la société Concurrence de ce chef.
Sur le refus de vente brutal des ordinateurs et appareils photos
Il a déjà été indiqué ci-dessus que la société Concurrence ne démontre pas que la société Samsung lui avait antérieurement à l'année 2012 vendu des ordinateurs ou appareils photos, qu'elle a refusé de les lui vendre, la circonstance de devoir les commander auprès d'un grossiste ne pouvant caractériser un refus de vente. Dès lors, la société Concurrence ne justifie ni de l'antériorité de ces échanges ni de l'arrêt des commandes ni de la brutalité de cet arrêt.
Il y a donc lieu de rejeter la demande de ce chef.
Sur le refus de vente des produits Elite comme standards par la société Samsung
La société Concurrence reproche à la société Samsung de refuser de lui livrer les téléviseurs Elite à compter du 1er juillet 2013, alors que son magasin répond aux exigences du contrat de distribution sélective, comme l'a constaté cette dernière lors d'une visite des locaux du 30 septembre 2015, un contrat de distribution sélective ayant d'ailleurs été signé le 15 octobre 2015 concernant ce site entre les parties. Elle indique que malgré des demandes répétées, la société Samsung a refusé de lui livrer les téléviseurs Elite, de sorte que son magasin n'a jamais pu fonctionner. Elle se fonde sur la motivation de l'arrêt du 3 décembre 2015 de la cour d'appel de Paris.
La société Samsung réplique que la rupture au 30 juin 2013 est définitivement acquise et qu'elle est libre de contracter ou non avec la société Concurrence et donc de cesser de livrer la société Concurrence en produits Elite comme standard. Elle relève que la rupture étant licite, elle n'a aucune obligation de contracter à nouveau avec la société Concurrence. Elle rappelle que la preuve du refus de vente de ses produits n'est pas rapportée.
Il a été jugé ci-dessus que la rupture des relations commerciales au 30 juin 2013 était licite, de sorte que la société Concurrence ne peut prétendre à la poursuite des relations commerciales avec la société Samsung, celle-ci étant libre de choisir ses partenaires commerciaux et de cesser les relations commerciales avec la société Concurrence, sous réserve de respecter un délai de préavis suffisant, comme en l'espèce. Dans ces conditions, aucune obligation ne pesait à compter du 1er juillet 2013 sur la société Samsung de livrer la société Concurrence en produits standards comme Elite.
Par ailleurs, il a été relevé supra que la société Concurrence a toujours refusé de signer un contrat de distribution sélective concernant les produits Elite, ce que la société Samsung lui avait pourtant proposé le 14 mars 2011 par courriel, alors que cette dernière distribue justement ces produits au travers d'un réseau de distribution sélective.
Dès lors, la société Concurrence ne peut faire grief à la société Samsung de ne pas lui avoir livré de produits Elite, n'ayant pas signé de contrat de distribution sélective.
En outre, la société Concurrence ne peut tirer argument de la motivation de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 3 décembre 2015, pour en déduire que la seule condition à lever, pour être livrée en produits Samsung, était l'ouverture d'un magasin aux normes du contrat de distribution sélective et que donc, cette condition ayant depuis été levée par elle, la société Samsung est tenue de la livrer. Ce litige opposait alors les parties concernant le recours de la décision de l'Autorité de la concurrence des 23 juillet et 6 octobre 2014, qui ne peut s'imposer dans le cadre de cette instance pour en déduire qu'il a été déjà jugé dans le sens invoqué par la société Concurrence.
Enfin, si les parties ont signé le 15 octobre 2015 un contrat de distribution sélective concernant la vente de produits Elite, la société Concurrence ne démontre pas que son magasin était ouvert à compter de cette date pour proposer à la vente ses différents produits dont les téléviseurs Samsung de la gamme Elite et que donc il était en mesure de commercialiser dans des conditions normales les produits, ce que relève la société Samsung dans sa réponse à la société Concurrence par courriel du 24 mars 2016, le site internet indiquant " magasin et site fermé " alors que le contrat impose la commercialisation dans un magasin de vente au détail. En effet, elle ne peut utilement relever que le refus de livraison par la société Samsung des produits Elite est la cause de l'impossibilité d'ouverture de son magasin, étant aussi relevé que la preuve de commande passées à la société Samsung par la société Concurrence en produits Elite comme standards à compter du 15 octobre 2015 jusqu'au 29 février 2016, date de la fin du contrat de distribution sélective, n'est pas rapportée. Ainsi, aucune faute de la société Samsung n'est établie à cet égard, aucun refus de vente n'étant prouvé.
En conséquence, la société Concurrence ne démontre aucune faute de la société Samsung de ce chef. Il y a lieu de la débouter de sa demande sur ce point.
Sur la situation d'abus de dépendance économique alléguée
La société Concurrence soutient qu'elle est en situation de dépendance à l'égard de la société Samsung, celle-ci représentant 37 % du marché des téléviseurs à écrans plats et 60 % du marché des téléviseurs haut de gamme. Elle précise que la substitution entre marque n'existe pas pour les téléviseurs, la diversification ne pouvant avoir lieu que sur le même marché entre produits substituables, seul le marché du haut de gamme devant être pris en compte. Elle indique qu'il revient au fournisseur d'apporter la preuve de l'existence de produits substituables. Elle ajoute que l'existence de solutions équivalentes n'est pas non plus démontrée, aucun grossiste n'ayant signé de plan d'affaires avec la société Concurrence, de sorte qu'il ne saurait lui être fait grief de ne pas avoir diversifié ses fournisseurs, d'autant qu'elle a tenté d'obtenir d'autres sources mais ces dernières n'ont pas pu remplacer la société Samsung.
La société Samsung soutient au contraire que la société Concurrence s'est délibérément placée en situation de dépendance économique puisqu'elle a concentré ses achats et ventes à environ 85 % en téléviseurs de marque Samsung dans un contexte de crise sévère du marché et alors que la société
Samsung occupe une part de marché de l'ordre de 30 %, loin d'être en position dominante. Elle ajoute que la société Concurrence n'était liée par aucune clause d'exclusivité ou d'objectifs de résultats lui imposant une focalisation mono fournisseur et mono marque. Elle rappelle que la cour d'appel de Paris et l'Autorité de la concurrence ont d'ailleurs successivement constaté que la situation de dépendance économique alléguée par la société Concurrence résultait directement d'un choix de stratégie commerciale, de sorte qu'elle ne peut être considérée en situation de dépendance économique au sens de l'article L. 420-2 du Code de commerce.
L'article L. 420-2 du Code de commerce prévoit en son alinéa 2 que " est en outre prohibée, dès lors qu'elle est susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées, en pratiques discriminatoires visées au I de l'article L. 442-6 ou en accords de gamme ".
L'état de dépendance économique se définit comme l'impossibilité pour une entreprise de disposer d'une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu'elle a nouées avec une autre entreprise. La mise en évidence d'une telle situation peut notamment résulter du jeu cumulé d'un ensemble de clauses contractuelles imposées par une entreprise et limitant la faculté de l'autre entreprise de se reconvertir après la rupture des relations commerciales.
Il ressort des éléments repris par l'Autorité de la concurrence dans sa décision 14-D-07 du 23 juillet 2014, non utilement contestés par la société Concurrence, que la société Samsung détient la plus grande part de marché sur le marché des produits bruns et notamment les téléviseurs avec 29 % en 2010 et 37 % en 2014 de parts de marché. Mais, il convient de relever que de nombreux autres acteurs du marché sont présents en France, la société Concurrence leur ayant d'ailleurs reproché divers actes anticoncurrentiels et notamment la société LG Electronics France, avec 15 % de part de marché depuis 2010, la société Sony France avec 19 % en 2010 et 9 % en 2014 de parts de marché, la société Philips France avec 12 % en 2010 et 13 % en 2013 de parts de marché, et la société Panasonic avec 5 % en 2010 et 7 % en 2014 de parts de marché.
En outre, il ressort des différentes pièces du dossier et notamment de la décision de l'Autorité de la concurrence précitée mais aussi des articles de presse de l'année 2013 (pièce Samsung 113) que tous ces fabricants et notamment les sociétés Samsung, LG, Sony et Philips sont actifs sur le marché haut de gamme des téléviseurs, étant relevé qu'en tout état de cause, le marché de la distribution de téléviseurs ne peut être découpé de manière pertinente notamment sur un marché haut de gamme, comme le soutient vainement la société Concurrence, la gamme complète des produits bas et haut de gamme des téléviseurs étant commercialisée en général par les magasins du secteur.
De même, la société Concurrence ne démontre pas que la gamme Elite haut de gamme de la société Samsung n'est pas substituable, alors que d'autres téléviseurs haut de gamme sont proposés par les concurrents de la société Samsung. Si les produits de la gamme Elite sont spécifiques, il n'en demeure pas moins que les autres produits haut de gamme des concurrents de la société Samsung peuvent être substitués à ceux de la gamme Elite.
Enfin, il convient de relever que la part prépondérante des produits Samsung au sein du magasin de la société Concurrence n'est le résultat que d'un seul choix de cette dernière, la société Samsung ne lui ayant jamais imposé d'exclusivité dans leurs rapports contractuels.
Dans ces conditions, la société Concurrence n'est pas en situation de dépendance économique à l'égard de la société Samsung et ses demandes de ce chef doivent être rejetées.
Sur la distribution sélective
La société Concurrence demande la nullité du contrat de distribution sélective de la société Samsung. Elle fait valoir que les téléviseurs Elite ne présentent pas un degré de technicité justifiant la mise en place d'une distribution sélective, le critère de détention d'un magasin physique imposé excluant une forme de distribution dans son ensemble, ce qui revêt un caractère discriminatoire, et ce critère allant au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer le bon fonctionnement du réseau. Elle estime que ces clauses, imposant la détention d'un magasin physique pour la revente des produits de la gamme Elite, ont pour objet de restreindre la concurrence. Elle explique en effet que l'exclusion des opérateurs pure players n'a pas pour objet de préserver la qualité des produits et n'est pas nécessaire au bon fonctionnement du réseau, mais vise à préserver un niveau de prix des téléviseurs haut de gamme et protéger les marges bénéficiaires des fabricants. Elle ajoute que le contrat de distribution sélective a également pour effet de restreindre la concurrence, les clauses du contrat litigieux emportant un risque d'éviction des opérateurs pure players, constituant une limitation de la concurrence par les prix. Elle expose en ce sens que la société Samsung ne peut bénéficier d'une exemption au titre du Règlement (UE) n° 330-2010, puisque sa part de marché est supérieure à 30 % et que le critère de détention d'un magasin physique n'améliore pas la distribution des téléviseurs. Elle allègue aussi que le contrat est appliqué de manière discriminatoire.
Elle soutient encore qu'en 2013, la société Samsung n'a pas appliqué l'article 4 selon la version en vigueur en 2013 mais en vigueur en 2012, alors que la version 2013 comportait une nouvelle condition d'agrément incluant l'intervention du réseau grossiste agréé aux fins de signature d'un plan d'achat avec les revendeurs détaillants. Or, elle relève qu'en vertu de la clause telle qu'en vigueur en 2012, elle ne pouvait être agréée en cas d'achat à un grossiste (la clause de 2013 le prévoyant). Elle soulève par conséquent la nullité de la clause 2013.
La société Samsung soutient au contraire que le contrat de distribution sélective des produits de la gamme Elite est licite en ce que d'une part, lesdits produits justifient un recours à une distribution sélective de nature qualitative, en raison de leur caractère de produits haut de gamme, innovants, et de leurs fonctionnalités complexes, d'autre part les revendeurs sont sélectionnés sur la base de critères objectifs de caractère qualitatif, appliqués de façon non discriminatoire, et enfin que les critères définis ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire. Elle souligne également que l'étanchéité du réseau est prévue en droit, que le contrat, qui ne prévoit aucun accord tarifaire, ne porte pas atteinte à la liberté des prix, et que la concurrence sur le marché est préservée, dès lors que les produits Elite sont en concurrence avec d'autres marques, voire avec les autres produits de la marque Samsung. En tout état de cause, elle fait valoir que ni la Commission européenne, ni l'Autorité de la concurrence n'ont remis en question le caractère licite de ce contrat. Elle indique que la prétention de la société Concurrence portant sur la remise en cause du recours à la distribution sélective pour les produits Elite est une demande nouvelle. Elle explique enfin qu'en application de l'article 4 du contrat de distribution, lequel n'est que la stricte application des articles L. 441-6 et L. 441-7 du Code de commerce et du Règlement n° 330-2010 de la Commission relatif aux catégories d'accords verticaux, et en considération de ce que la société Samsung a mis fin à ses relations commerciales avec la société Concurrence le 30 juin 2013, il revenait à la société Concurrence de nouer des sources alternatives et indirectes d'approvisionnement en produits Elite dès lors que n'existait plus de relation commerciale gouvernant les achats/ventes entre les parties.
Les parties s'accordent à reconnaître que le réseau, mis en place par la société Samsung, qui consiste à agréer des distributeurs selon des critères de sélection objectifs, est un système de distribution sélective qualitative. Elles ne contestent pas l'application du droit européen de la concurrence.
La société Concurrence n'apporte aucun élément permettant de remettre en cause les conditions d'application par la société Samsung de son contrat de distribution sélective des produits de la gamme Elite.
Il est constant que la distribution sélective limite nécessairement la concurrence entre les différents acteurs économiques en entravant l'accès au marché des revendeurs non membres du réseau.
Mais un système de distribution sélective qualitative peut être considéré comme licite au regard des prévisions du 1° de l'article 101 du TFUE ou de l'article L. 420-1 du Code de commerce, si trois conditions sont réunies cumulativement :
1. la nature du produit en question doit requérir un système de distribution sélective, c'est-à-dire qu'un tel système doit constituer une exigence légitime eu égard à la nature du produit concerné afin d'en préserver la qualité et d'en assurer l'usage,
2. les revendeurs doivent être choisis sur la base de critères objectifs de caractère qualitatif, qui sont fixés de manière uniforme pour tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire,
3. les critères définis ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire.
La question de l'exemption individuelle de l'article 101 § 3 du TFUE ne se pose que si le réseau de distribution sélective n'est pas considéré comme licite en vertu de l'article 101 § 1, de sorte que la licéité de ce réseau au regard du § 1 doit d'abord être examinée, comme le souligne la société Samsung.
Il ressort des éléments du dossier que :
- le contrat de distribution sélective contesté ne porte que sur les produits de la gamme Elite de la société Samsung, doté de la technologie " smart interaction " permettant à l'utilisateur d'interagir avec le téléviseur. Il n'est pas contesté que ces produits sont des téléviseurs haut de gamme. Ces produits contiennent des innovations techniques telles que le contrôle vocal du produit, un contrôle gestuel, ce qui permet de remplacer la télécommande, ou encore la reconnaissance faciale, fonctionnalités qui nécessitent d'être présentées et expliquées par un vendeur " formé et qualifié " selon les termes du contrat, les autres téléviseurs ne proposant pas ce type d'options dont l'utilisation est donc inconnue par le consommateur. La nature de ces produits dits " dernière génération " justifie donc le recours à un système de distribution sélective.
- les différents critères fixés pour choisir les revendeurs sont objectifs, de caractère qualitatif, sont fixés de manière uniforme pour tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire. En effet, la société Samsung liste en annexe 2 de son contrat ses critères d'agrément, à savoir : l'exploitation d'un magasin de vente au détail spécialiste de l'électronique grand public, ou la possession d'un département spécialisé, le point de vente physique devant être perçu comme étant professionnel et de qualité ; la vente et la promotion pourra se faire via un site internet qui doit être préalablement agréé par la société Samsung ; les techniques de vente de nature à nuire à l'image des produits sont prohibées ; la présentation des produits dans le point de vente physique doit permettre une identification des produits Elite aisée, dans un espace à la superficie suffisante ; les produits présentés doivent être en nombre suffisant et la mise en exergue de la technologie " smart interaction " suffisante, le personnel doit être formé et le service de qualité. Ces critères sont tous objectifs, ceux-ci étant clairement détaillés et explicités dans ladite annexe 3.
- ces critères ne vont pas au-delà du nécessaire, ceux-ci étant justifiés au regard de la nature et de la qualité technologique des produits visés et adaptés à ces produits sans disproportion. En effet, au regard de la nature des produits, il est justifié que la société Samsung demande à ses détaillants Elite d'avoir un point de vente physique, de sorte que les produits puissent être exposés et expliqués au regard des technologies innovantes qu'ils contiennent, permettant ainsi au consommateur de se voir expliquer physiquement lesdites fonctionnalités, un site internet isolé ne permettant pas une présentation complète et un échange global du consommateur au vendeur, qui recherchera d'abord plutôt des explications par un vendeur dans un point de vente physique. En outre, la vente par internet des produits Samsung par le détaillant agréé étant autorisée, la clause est donc proportionnée.
Dans ces conditions, le réseau de distribution sélective de la société Samsung de ses produits de la gamme Elite est licite au regard de l'article 101 § 1 du TFUE et en droit national il n'est pas contraire aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
Le contrat de distribution sélectif étant licite au regard de l'article 101 § 1 du TFUE, il n'y a pas lieu d'examiner les règles d'exemption définies par l'article 101 § 3 du TFUE ou de l'article 3 du Règlement CE n° 330-2010, ces dispositions n'ayant vocation à s'appliquer que dans l'hypothèse d'un réseau déclaré illicite au regard de l'article 101 § 1 du TFUE, afin de l'exempter de l'application des dispositions de cet article et donc examiner son éventuelle licéité au regard de ces textes d'exemption, étant relevé que la société Concurrence n'invoque pas les dispositions des articles 4 et 5 dudit Règlement.
Enfin, le réseau étant déclaré licite, la condition de commercialisation par le détaillant des produits Elite dans un point de vente physique aux côtés d'un site internet n'est pas en soit discriminatoire à son égard, alors qu'il souhaite commercialiser les produits Elite uniquement par l'intermédiaire de son site internet, et ne répondant donc pas, dans ces conditions, aux critères objectifs posés par la société Samsung pour être agréé.
Les demandes de la société Concurrence sur ce point doivent être rejetées.
Sur la nullité de 3 clauses du contrat de distribution sélective et le refus de livraison du 1er mars au 27 septembre 2012
La société Concurrence reproche à la société Samsung d'avoir inséré en 2012 trois clauses nulles dans le contrat de distribution sélective, qui imposaient la mise en service et l'installation dans toute l'Europe pour les ventes en magasin, la démonstration à domicile avant un éventuel achat pour les internautes habitant à plus de 100 kms du magasin, et un délai de rétractation porté à 30 jours. Elle en déduit qu'elle a subi un préjudice relatif au refus de livraison par la société Samsung des produits Elite du fait de la nullité de ces clauses du 1er mars au 27 septembre 2012.
La société Samsung réplique que son contrat de distribution est licite et que la seule cause du défaut de livraison des produits Elite à la société Concurrence durant cette période est le refus de signature du contrat de distribution sélective en raison de la contestation par celle-ci de très nombreuses clauses de ce contrat et non spécialement ces 3 clauses. Elle en conclut que seule la société Concurrence est responsable de cette suspension des livraisons jusqu'à la signature par elle du contrat de distribution sélective et son agrément par elle au mois de septembre 2012.
La cour constate d'abord que les clauses dont la validité est contestée par la société Concurrence ne sont pas reproduites et leur désignation par un numéro dans le contrat n'est pas reprise, de sorte que la cour ne sait pas quelle clause spécifique est remise en cause dans le cadre de cette instance, ces clauses n'étant pas identifiables, la seule référence générale à son objet ne pouvant suffire à saisir la cour d'une demande en nullité d'une clause contractuelle.
En tout état de cause, la société Concurrence demande la réparation de son préjudice du fait du refus de vente de la société Samsung du fait de la nullité de trois clauses du contrat de distribution sélective, alors qu'il ressort clairement des différents échanges entre les parties à compter du 28 février 2012 (pièces Samsung 93 à 102) que les négociations entre les parties portaient sur de très nombreux points contractuels de tous ordres et que la société Concurrence contestait l'application de différentes clauses la concernant, de sorte qu'il ne peut être soutenu que le délai pour qu'elle ait été agréée uniquement le 20 septembre 2012 par la société Samsung soit la conséquence de la nullité de 3 clauses contractuelles. Le lien de causalité entre la faute alléguée, à la supposer établie, et le préjudice invoqué, n'est pas démontré par la société Concurrence.
Il y a donc lieu de rejeter la demande de la société Concurrence de ce chef.
Sur l'interdiction de vente sur des market place
La société Concurrence considère également que l'interdiction de revente des téléviseurs Elite sur market place constitue une restriction caractérisée de concurrence. Elle demande à ce que soit prononcée la nullité de cette clause. Elle indique d'ailleurs que cette question est soumise à l'examen de la Commission européenne et de l'Autorité de la concurrence. Elle soutient qu'il ressort de la décision de l'Autorité de la concurrence du 24 octobre 2018, que l'interdiction de la vente sur market place pouvait être autorisée sous certaines conditions, notamment que les produits interdits justifient l'usage d'un contrat de distribution sélective. Or elle estime que tel n'est pas le cas en l'espèce, les téléviseurs Elite ne nécessitant pas le recours à un réseau de distribution sélective. Elle estime que cette clause est en outre mise en œuvre de manière discriminatoire, ce qui justifie également sa nullité.
Elle soutient avoir bénéficié depuis 2010 de dérogations, tel que cela ressort notamment d'un courrier du président de la société Samsung du 9 décembre 2011, de sorte qu'elle a pu développer son activité par ce biais, laquelle représentait 50 % de son activité. Or en 2012 elle explique que la société Samsung a mis fin à ces dérogations de manière brutale, sans le moindre préavis, la contraignant à cesser la commercialisation des produits Elite pas ce biais.
Elle demande à la cour de prononcer la nullité de la clause et autoriser la société Concurrence à vendre sur marketplaces.
La société Samsung estime que la société Concurrence ne peut réclamer réparation d'un préjudice qu'elle aurait subi ni du fait de la stipulation d'une clause portant définition d'un périmètre de zone d'installation pour le service d'installation à proposer au consommateur, dès lors que cette clause a fait l'objet d'un accord entre les parties, ni en raison de la clause d'interdiction de revente sur market place, cette clause n'étant pas prohibée dans une distribution sélective dès lors qu'elle ne constitue pas per se une restriction caractérisée, la Commission et l'Autorité de la concurrence n'ayant d'ailleurs pas invalidé cette clause. Elle ajoute n'avoir jamais accepté que la société Concurrence procède à la vente de ses produits sur le site de <xxx> puisque par courrier de mise en demeure elle lui demandait de " cesser toute commercialisation de Produits Elite sur la marketplace Amazon sous 48 heures) à réception de la présente lettre ".
Là encore, la cour constate d'abord que la clause, dont la validité est contestée par la société Concurrence, n'est pas reproduite et sa désignation par un numéro dans le contrat n'est pas reprise, de sorte que la cour ne sait pas quelle clause spécifique est remise en cause dans le cadre de cette instance, cette clause n'étant pas identifiable, la seule référence générale à son objet ne pouvant suffire à saisir la cour d'une demande en nullité d'une clause contractuelle.
En tout état de cause, la société Concurrence explique que son préjudice est né du fait de la nullité de cette clause, qui seule peut désormais être constatée en l'absence d'un contrat de distribution sélective, alors qu'il a été jugé ci-dessus que le contrat de distribution sélective des produits Elite de la société Samsung est licite, de sorte qu'aucun préjudice ne peut être réclamé par la société Concurrence à ce titre.
Sur la demande relative à la remise supplémentaire internet de 3 %
La société Concurrence soutient que la société Samsung ne lui a pas versé la remise supplémentaire internet de 3 % sur les années 2011 et 2012 en vertu des accords dits E, alors qu'il a été jugé ci-dessus que les accords E n'avaient pas vocation à s'appliquer sur plusieurs années, alors que les parties négocient chaque année les conditions commerciales de leurs relations, de sorte que la société Concurrence n'est pas bien fondée à solliciter le paiement de la remise de 3 % sur les années 2011 et 2012, les accords invoqués n'étant valable que pour une année.
Il y a donc lieu de rejeter la demande de la société Concurrence de ce chef.
Sur la nullité de l'article 4 du contrat de distribution sélective version 2013
L'article 4 du contrat sélectif 2013 article 4 était rédigé comme suit :
" L'agrément suppose que le Détaillant Elite ait convenu par ailleurs de conditions d'achats vente par écrit (convention annuelle) avec l'entité l'approvisionnant en produits Elite, à savoir (i) Samsung, et/ou (ii) tout Détaillant Elite ou grossiste Elite. Le Détaillant Elite s'engage à respecter cette condition en permanence pendant l'exécution du présent Contrat ".
La société Concurrence demande la nullité de l'article 4 du contrat de distribution sélective dans sa version 2013, en raison de son inapplication dans les faits.
Mais, la société Samsung réplique à juste titre qu'elle a mis fin à ses relations commerciales avec la société Concurrence au 30 juin 2013 et qu'il lui appartenait de rechercher des solutions alternatives. Elle ne peut reprocher à la société Samsung que les autres détaillants ou grossistes n'aient pas signé avec elle des conditions d'achats vente. En outre, après la fin licite de la relation commerciale avec la société Concurrence par la société Samsung au 30 juin 2013, la société Concurrence ne peut reprocher à la société Samsung de ne pas signer de contrat d'achats vente avec elle en produits Samsung.
Il convient par ailleurs de relever que le défaut d'application d'une clause, à le supposer établi, ne peut constituer une cause de nullité d'une clause contractuelle.
Il y a donc lieu de rejeter la demande de la société Concurrence de ce chef.
Sur le plan d'affaires et la discrimination
La société Concurrence soutient que la société Samsung a appliqué son réseau de distribution sélective de manière discriminatoire à son égard, ne produisant pas les conditions des autres cocontractants de la société Samsung, de sorte qu'elle n'est pas en mesure de savoir si elle a bénéficié des meilleures conditions. Elle explique que la société Samsung accordait des remises qualifiées de gré à gré en supplément des remises objets de barèmes, et d'accords de coopération à certains de ses distributeurs, ces remises étant de montants variables et la société Samsung refusant de donner ses critères. Elle indique que la société Samsung a progressivement réduit ses remises de gré à gré à son égard.
La société Samsung réplique que la société Concurrence demande les meilleures conditions possibles, ce qu'elle ne peut exiger d'elle, ne pouvant garantir à celle-ci d'être le client le plus favorisé pour lui permettre de proposer les prix les plus bas. Elle indique qu'elle n'est pas contrainte de communiquer ses conditions particulières.
La société Concurrence ne démontre pas que les prix qui ont été pratiqués par la société Samsung à son égard lui sont défavorable au point de constituer une discrimination à son égard, alors que les parties négociaient annuellement les conditions particulières qui les liaient et que la société Concurrence ne peut exiger que la société Samsung lui accorde ses remises les plus importantes, celle-ci étant libre de négocier et de déterminer avec chacun de ses distributeurs les conditions particulières dans le cadre de la libre négociation commerciale entre les parties.
Il y a donc lieu de débouter la demande de la société Concurrence de ce chef.
Sur la demande reconventionnelle de la société Samsung
La société Samsung soutient qu'elle a été en raison du comportement de la société Concurrence confrontée à une véritable offensive judiciaire qui lui a causé un préjudice dont elle demande réparation à hauteur de 300 000 euros.
La société Concurrence s'oppose à cette demande dès lors qu'il n'est pas démontré le caractère abusif de ses propres demandes.
L'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou s'il s'agit d'une erreur grave équipollente au dol. L'appréciation inexacte qu'une partie se fait de ses droits n'est pas constitutive en soi d'une faute.
La société Samsung ne rapporte pas la preuve de ce que l'action de la société concurrence aurait dégénéré en abus. Elle doit être déboutée de sa demande de dommages intérêts.
Il y a donc lieu de rejeter la demande de ce chef.
Le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été faite des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Concurrence doit être condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société Samsung la somme supplémentaire de 30 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.
Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du Code de procédure civile formulée par la société Concurrence.
Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement ; Y ajoutant ; Condamne la société Concurrence aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société Samsung la somme supplémentaire de 30 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ; Rejette toute autre demande.