CA Metz, 1re ch. civ., 4 juin 2019, n° 18-00414
METZ
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Brico Dépôt (Sté), Corporate , Solutions Assurances (SA), Gras Savoye (SAS), CPAM de Forbach
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. David
Conseillers :
Mmes Martino, Fournel
FAITS ET PROCEDURE ANTERIEURE
M. André B. a été victime d'une chute survenue le 17 septembre 2012, alors qu'il se trouvait, avec sa femme, au sein du magasin à enseigne Brico Dépôt exploité par la société du même nom. Un scanner réalisé le 26 septembre 2012 a mis en évidence la présence d'hémorragies intra- cérébrales suite au heurt de sa tête contre le sol du magasin.
Par actes d'huissier délivrés les 4 et 8 octobre 2013, M. B. a fait assigner la société Brico Dépôt, la société Gras Savoye et la CPAM de Moselle devant le tribunal de grande instance de Sarreguemines aux fins de voir la société Brico Dépôt déclarée responsable du préjudice subi du fait de sa chute, de voir désigner un expert judiciaire afin d'évaluer les séquelles corporelles et de voir condamner les défenderesses à lui verser une somme de 3 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice.
Il exposait en substance que, alors qu'il se servait en pavés entreposés dans un rayon, il avait vu des matériaux tomber d'un étage supérieur du rayon et, ayant reculé pour les éviter, avait heurté un chariot et était tombé.
Devant le juge de la mise en état, M. B. a soulevé un incident visant à ce qu'il soit enjoint aux sociétés Gras Savoye et Brico Dépôt de verser aux débats les coordonnées de l'assureur de cette dernière et la déclaration de sinistre effectuée.
Par ordonnance en date du 31 mai 2016, le juge de la mise en état a constaté que l'incident était devenu sans objet, l'identité de l'assureur de la société Brico Dépôt ayant été communiquée et cette dernière ayant indiqué qu'elle ne disposait pas d'une déclaration de sinistre.
Par acte d'huissier en date du 19 août 2015, M. B. a fait assigner en intervention forcée la société AXA Corporate Solutions France en sa qualité d'assureur de la société Brico Dépôt.
La société Brico Dépôt et son assureur, la société AXA Corporate Solutions France, concluaient au rejet des demandes de M. B.. La société Gras Savoye concluait à l'irrecevabilité des demandes formées à son encontre pour défaut de qualité et sollicitait la condamnation reconventionnelle de M. B. à lui payer une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 32-1 du Code de procédure civile. La CPAM de Moselle concluait à la condamnation des défenderesses in solidum à lui payer la somme de 9 739,17 euros à titre de provisions à valoir sur indemnisation du préjudice final et de voir réserver ses conclusions ultérieures suite à l'expertise.
Par jugement en date du 12 janvier 2018, le tribunal de grande instance de Sarreguemines a statué comme suit :
" Déclare irrecevable l'action formée par Monsieur André B. à l'encontre de la société Gras Savoye
Condamne Monsieur André B. à verser à la Société Gras Savoye la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 32-1 du Code de procédure civile ; Déboute Monsieur André B. de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la Société Brico Dépôt et de la Société AXA Corporate Solutions Assurance ; Déboute la CPAM de la MOSELLE de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la Société Brico Dépôt, de la Société AXA Corporate Solutions Assurance et de la Société Gras Savoye ; Condamne Monsieur André B. à verser à la Société Brico Dépôt et à la Société AXA Corporate Solutions Assurance la somme de 1 000 euros chacune en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile ; Condamne Monsieur André B. à verser à la Société Gras Savoye la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile ; Condamne Monsieur André B. aux entiers dépens de la procédure dont distraction s'agissant de la Société Gras Savoye au profit du cabinet Jurope en application des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure civile, Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision."
Pour statuer ainsi, le tribunal a tout d'abord relevé que l'extrait K-BIS produit par la société Gras Savoye confirmait que celle-ci exerçait l'activité de courtier en assurance et non d'assureur, et que, contrairement à ce que soutenait M. B., elle n'était en cette qualité tenue à aucune obligation de communiquer l'identité de l'assureur de la société Brico Dépôt, de sorte que les demandes formées à son encontre devaient être déclarées irrecevables. Le tribunal a jugé que M. B. devait être condamné à payer à la société Gras Savoye la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts car l'action maintenue à l'encontre du courtier en assurance l'était avec une légèreté particulièrement blâmable.
Sur le fond, le tribunal a considéré que M. B. n'apportait pas la preuve de ce que les pavés entreposés par la société Brico Dépôt, éléments inertes et dépourvus de dynamisme propre, avaient été l'instrument du dommage, leur position anormale dufait d'un mauvais rangement n'étant pas démontrée. Le tribunal a notamment relevé qu'il n'était pas établi par les pièces versées aux débats que les pavés qui s'étaient retrouvés au sol provenaient des étagères supérieures à celle sur laquelle M. B. était en train de se servir.
Par déclaration de son conseil enregistrée auprès du greffe de la Cour le 14 février 2018, M. B. a interjeté appel du jugement.
La CPAM de Forbach, assignée par acte d'huissier remis à personne se déclarant habilitée à recevoir l'acte le 24 mai 2018, n'a pas constitué avocat.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 12 novembre 2018, M. B. demande à la Cour, au visa de l'article L. 221-1 du Code de la consommation devenu l'article L. 421-3, subsidiairement des articles 1242 et suivants du Code civil et au visa de l'arrêt de la Cour de Cassation 1ère chambre Civile du 20 septembre 2017, de :
" Faire Droit à l'appel de Monsieur B. ; Débouter la Société Gras Savoye de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ; Débouter la société Brico Dépôt et la société AXA Corporate Solutions de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ; Déclarer la Société Brico Dépôt et son assureur la Société AXA Corporate Solutions Assurance entièrement responsables du préjudice subi par Monsieur B. suite à sa chute du 17 septembre 2012 dans le magasin Brico Dépôt de Forbach
Désigner tel expert qu'il plaira à La Cour de désigner à charge pour celui-ci de : Procéder à une expertise de Monsieur André B. après avoir convoqué les parties et s'être fait remettre toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission ; Recueillir les doléances de Monsieur B. ; S'attachant aux conséquences de l'accident : Déterminer la durée du déficit fonctionnel temporaire (total ou partiel) ; Dire s'il conserve un déficit fonctionnel permanent et si oui l'évaluer ; Dégager les justifiant une indemnisation au titre d'une part des souffrances endurées et d'autre part du préjudice esthétique éventuel et les quantifier sur une échelle de 1 à 7 ; Evaluer s'il y a lieu le préjudice d'agrément, les incidences sur la vie professionnelle et familiale ; Evaluer les soins futurs en précisant ceux qui seraient la conséquence d'un état antérieur et préciser si le recours à une tierce personne est nécessaire ; dire que l'expert pourra s'adjoindre, en cas de nécessité, le concours de tous spécialistes de son choix dans un domaine distinct du sien après avoir avisé les parties et recueilli leur accord ; dire que l'expert déposera du tout un rapport après avoir établi un pré-rapport et répondu aux dires des parties ; Réserver à Monsieur B. ses droits à chiffrer son préjudice après dépôt du rapport ; Infirmer Par Ailleurs le jugement entrepris en ce qu'il est entré en voie de condamnation à l'encontre de monsieur André B. au profit de la société Gras Savoye au titre des dispositions de l'article 32-1 du CPC et des dispositions de l'article 700 du CPC ; Débouter la Société Gras Savoye de l'ensemble de ses demandes subsidiairement, et à titre reconventionnel, condamner la société Gras Savoye à payer à Monsieur B. toute somme qu'il serait condamné à verser à la société Gras Savoye au titre des dispositions de l'article 32-1 du CPC, ce à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ; Condamner solidairement la Société Brico Dépôt et la Société AXA Corporate Solutions Assurance à payer à Monsieur André B. la somme de 3000 à titre de provisions à valoir sur son préjudice corporel pour être définitif montant qui sera augmenté des intérêts légaux à compter de l'arrêt à intervenir ; Condamner in solidum la Société Brico Dépôt, la Société AXA Corporate Solutions Assurance ainsi que la Société Gras Savoye à payer à Monsieur André B. la somme de 4 000 sur fondement des dispositions de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers frais et dépens de procédure de premier Instance et d'appel. "
M. B. expose accepter le jugement en ce qu'il a mis la société Gras Savoye hors de cause, mais fait grief au tribunal d'avoir accueilli la demande de cette dernière fondée sur l'article 32-1 du Code de procédure civile, alors que la société Gras Savoye a mis plusieurs années avant de communique les coordonnées de l'assureur de la société Brico Dépôt, après assignation et incident, ce qui démontre sa mauvaise foi. Il ajoute qu'en cas de confirmation du jugement de ce chef, il est fondé à solliciter reconventionnellement la condamnation de la société Gras Savoye à des dommages et intérêts équivalents au titre de la résistance abusive.
Sur le fond, M. B. fait valoir que la société Brico Dépôt et son assureur contestent la matérialité des faits mais reconnaissent que des matériaux sont tombés, de sorte qu'il doit être fait application de l'article L. 221-1 du Code de la consommation devenu l'article L. 421-3 du même Code, prévoyant une obligation générale de sécurité à la charge d'une entreprise de distribution, cette obligation étant de résultat.
A titre subsidiaire, M. B. conclut à l'engagement de la responsabilité de la société Brico Dépôt sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1 du Code civil, devenu article 1242 du même Code, en ce que le récit de M. B. et du chef de sécurité du magasin établissent le rôle causal des pavés. Il soutient que la société Brico Dépôt était gardienne des pavés, dont il est constant qu'ils sont tombés et l'ont effrayé conduisant à sa chute en tentant de les éviter. M. B. conteste avoir manipulé les pavés qui se trouvaient au-dessus de lui et expose qu'il est évident que ces pavés ont été mal rangés, occupant une position anormale, entrainant leur chute sans manipulation de la part du client.
Par leurs dernières conclusions en date du 9 janvier 2019, la société Brico Dépôt et la société AXA Corporate Solutions France demandent à la Cour, au visa des articles 1315 et 1242 alinéa 1er du Code civil, de :
" A titre principal :
Confirmer la décision dont appel, et
- Dire et juger que Monsieur B. n'apporte pas la preuve de la matérialité des faits qu'il évoque,
En conséquence,
- Débouter Monsieur B. de l'ensemble de ses prétentions,
- Débouter la CPAM de la Moselle de ses demandes,
- Condamner Monsieur B. à verser à la société Brico Dépôt et à son assureur chacun une somme de 1 500 au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner Monsieur B. aux entiers dépens
A titre subsidiaire,
- Dire que la mesure d'expertise ordonnée aura lieu aux frais avancés de Monsieur B.,
- Dire que la provision éventuellement allouée à Monsieur B. ne pourra excéder 280,
- Réserver la demande de la CPAM dans l'attente du dépôt du rapport de l'expert,
- Réduire à de plus justes proportions les sommes allouées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Réserver les dépens dans l'attente de la décision sur la liquidation des préjudices de Monsieur B.. "
La société Brico Dépôt et son assureur expose en premier lieu que la matérialité des faits n'est pas avérée, notamment en ce que rien n'établit que l'épouse de M. B., auteur d'une attestation, ait été présente à ses côtés au moment des faits, ni que les pavés qui seraient tombés n'étaient pas ceux manipulés par M. B.. Elles précisent que la fiche remplie par le responsable sécurité l'a été selon les dires du client, le rédacteur du document n'étant pas présent au moment des faits et ne pouvant en être considéré témoin. Elles font valoir que les pavés, qui ne sont pas pourvus d'un dynamise propre, n'ont pu tomber sans être sollicités, le mouvement même de M. B. devant être à l'origine de la chute de ces pavés. Elles en concluent que ce dernier ne peut solliciter réparation d'un dommage ne résultant que de sa propre imprudence.
La société Brico Dépôt et son assureur soutiennent qu'en l'absence de manquement de la société Brico Dépôt à une obligation de sécurité de résultat, faute de connaître les circonstances exactes de la chute, la responsabilité de celle-ci ne peut être engagée sur le fondement de l'article L. 412-3 du Code de la consommation. Elles ajoutent que sa responsabilité ne peut davantage être engagée sur le fondement de l'article 1242 du Code civil car rien ne permet d'affirmer qu'un pavé est tombé de l'étagère alors que les pavés ne sont pas pourvus d'un dynamisme propre. Elles font également valoir qu'en tout état de cause, M. B. ne rapporte pas la preuve de ce que la chute du pavé serait directement à l'origine de sa chute, laquelle a été causée par la présence du chariot derrière lui. Elles précisent qu'en présence d'une chose inerte dont la position anormale n'est pas établie, le rôle causal de la chose n'est pas avéré.
La société Brico Dépôt et son assureur concluent au rejet des demandes de M. B. en l'absence de responsabilité de la part de la société Brico Dépôt et également au rejet des demandes de la CPAM de Moselle, la société Brico Dépôt n'étant pas l'auteur responsable du préjudice de M. B. au sens de l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale.
A titre subsidiaire, la société Brico Dépôt et son assureur exposent formuler protestations et réserves sur la mesure d'expertise qui viendrait à être ordonnée et contestent la demande de provision qu'ils considèrent excessive, les hématomes de M. B. s'étant complètement résorbés et celui-ci ne pouvant donc être indemnisé pour davantage que le déficit fonctionnel temporaire total subi du fait de l'hospitalisation.
Enfin, la société Brico Dépôt et son assureur exposent contester les demandes de la CPAM de Moselle qui ne démontrerait pas l'imputabilité des frais invoqués à l'accident litigieux.
Par ses dernières conclusions en date du 4 janvier 2019, la société Gras Savoye demande à la Cour, au visa des articles 9, 32 1 et 122 et suivants du Code de procédure civile, des articles 1353 (ancien article 1315) et 1242 (ancien 1384) alinéa 1° du Code civil, de :
" Recevoir la société Gras Savoye en l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions, et y faisant droit de :
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré l'action de Monsieur André B. irrecevable à l'encontre de la société Gras Savoye,
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Monsieur André B. à payer à la société Gras Savoye la somme de 1 500 sur le fondement de l'article 32-1 du Code de procédure civile,
Et statuant à nouveau
- Constater l'attitude abusive de Monsieur André B. à l'égard de la société Gras Savoye,
- Débouter Monsieur André B. de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société Gras Savoye,
- Condamner Monsieur André B. à payer à la société Gras Savoye la somme de 5 000 au titre de l'article 32-1 du Code de procédure civile,
En tout état de cause
- Condamner Monsieur André B. à payer à la société Gras Savoye la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner Monsieur André B. en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître Laure Anne B. M. en application de l'article 699 du Code de procédure civile. "
La société Gras Savoye conclut à la confirmation relativement aux chefs de jugement la concernant et précise que la procédure engagée à son encontre et l'attitude de M. B., assisté de son propre assureur et de son avocat, dans le cadre de cette procédure était abusive alors que l'irrecevabilité des demandes formées à son égard était inévitable. Elle ajoute que cette attitude persiste en appel, justifiant une nouvelle condamnation de M. B..
Par courrier adressé à la Cour le 11 juin 2019 la CPAM de Meurthe et Moselle a déclaré ne pas souhaiter intervenir à l'instance. Elle demande à la Cour de déclarer commun à la CPAM l'arrêt à intervenir.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 mars 2019.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur la condamnation de M. B. au titre de l'article 32-1 du Code de procédure civile
La Cour relève à titre préalable que l'appel interjeté par M. B. n'a pas pour objet le chef du jugement ayant déclaré irrecevable l'action formée par ce dernier à l'encontre de la SAS Gras Savoye, M. B. précisant en outre dans ses écritures ne pas contester sa mise hors de cause.
M. B. fait cependant grief au jugement de l'avoir condamné à payer à la SAS Gras Savoye la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 32-1 du Code de procédure civile. La SAS Gras Savoye sollicite la confirmation du jugement sur ce point et une nouvelle condamnation de M. B. à lui payer, sur ce même fondement, la somme complémentaire de 5 000 euros.
En application de l'article 32-1 du Code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
Il ressort des éléments versés aux débats que, contrairement à ce que soutient la SAS Gras Savoye, la MACIF, en qualité d'assureur de M. B., a effectivement sollicité auprès de la société Brico Dépôt la communication des coordonnées de l'assureur responsabilité civile de cette dernière par télécopie en date du 25 octobre 2012 soit peu de temps après la date du sinistre.
En outre, contrairement à ce que soutient la SAS Gras Savoye qui expose avoir été mise en cause pour la première fois lors de l'assignation délivrée par M. B. et n'avoir pas précédemment dû rechercher l'identité de l'assureur concerné, cette dernière a, par courrier du 7 janvier 2013, pris attache avec la MACIF et l'a informée intervenir en qualité de courtier en assurances et " gestionnaire des sinistres RC sous franchise du groupe KINGFISHER SA auquel appartient la Société Brico Dépôt ", sans toutefois lui communiquer le nom de l'assureur réel de cette dernière.
Aux termes de ce courrier, la SAS Gras Savoye indiquait également avoir " ouvert un dossier " suite à la réclamation introduite quant au sinistre dont avait été victime M. B. et faisait valoir sur le fond du dossier un argumentaire juridique et factuel, pour en conclure que " le magasin ne peut être tenu pour responsable " et émettre des " réserves d'usage quant à une éventuelle prise en charge " de la réclamation.
Au vu de ces éléments, il ne peut être considéré que M. B. aurait agi envers la SAS Gras Savoye de manière abusive sans détenir aucun élément à son encontre, alors que cette dernière lui avait elle-même indiqué ouvrir un dossier suite à la réclamation enregistrée le 30 novembre 2012, et alors qu'aucune information ou coordonnées quant à un autre assureur ne lui avait été communiquée, la SAS Gras Savoye ayant attendu d'être assignée par M. B. pour lui fournir l'identité de l'assureur pour lequel elle gérait le sinistre.
Le maintien des demandes de M. B. à l'encontre de l'ensemble des défendeurs à la suite de la communication de l'identité de l'assureur de la société Brico Dépôt, qui a uniquement contraint la SAS Gras Savoye à maintenir la position juridique qu'elle avait déjà développée lors de l'instance, ne suffit pas davantage à caractériser une faute de M. B. ayant fait dégénérer en abus l'exercice de son droit d'agir en justice. En outre, la SAS Gras Savoye n'invoque ni ne démontre l'existence d'aucun préjudice justifiant des dommages et intérêts, celle-ci ne faisant notamment état d'aucun frais supplémentaires qu'elle aurait été ainsi contrainte de supporter et qui ne seraient pas compensés par les sommes allouées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le jugement est donc infirmé en ce qu'il a prononcé une condamnation à l'encontre de M. B. sur le fondement de l'article 32-1 du Code de procédure civile et la SAS Gras Savoye sera déboutée de l'ensemble de ces demandes formées sur ce fondement.
Sur l'engagement de la responsabilité de la société Brico Dépôt
Au titre d'une obligation de sécurité
Si, en application de l'article L. 221-1 du Code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, une entreprise de distribution est débitrice à l'égard de la clientèle d'une obligation générale de sécurité de résultat, l'engagement de la responsabilité de cette entreprise sur ce fondement nécessite néanmoins que soit démontrée l'inexécution de son obligation par le débiteur. Le manquement à l'obligation de sécurité de l'entreprise ne peut se confondre ou se déduire de tout dommage subi par son client à l'intérieur d'un magasin, sans démonstration du fait que celui-ci aurait pour origine un manquement à la sécurité des clients.
En l'espèce, ainsi que l'a retenu le tribunal en statuant sur le fondement de l'ancien article 1384 du Code civil, M. B. ne rapporte pas la preuve que la chute d'un ou plusieurs pavés ou de tout autre objet ait été à l'origine du sinistre dont il a été victime.
A cet égard, la Cour relève en premier lieu que, contrairement à ce que soutient l'appelant, il ressort manifestement des conclusions des sociétés Brico Dépôt et AXA Corporate Solutions que celles-ci contestent, sans aucune reconnaissance, la chute de pavés provenant de l'étagère supérieure à celle sur laquelle se servait M. B..
En outre, M. B. n'apporte aucun élément nouveau à hauteur de Cour permettant d'établir que des matériaux entreposés par la société Brico Dépôt auraient chuté et que le défaut de sécurité des produits entreposés par le magasin, ou tout autre manquement à une obligation de sécurité de ce dernier, aurait été à l'origine de son dommage. Les récit et croquis des faits établis par M. B., ainsi que l'attestation de l'épouse de l'appelant qui reproduit à l'identique le récit de M. B. lui-même, sont insuffisants à établir la matérialité des faits mettant en cause la chute de pavés stockés par la société Brico Dépôt.
De plus, le compte-rendu du chef de sécurité du magasin, qui ne contient aucun élément permettant d'établir qu'il s'agit d'une attestation d'un témoin visuel, constitue uniquement un document reprenant les faits relatés par M. B. à la suite de sa chute. Ce document ne permet par conséquent pas d'établir avec certitude que des pavés sont effectivement tombés d'une étagère avant la chute de M. B., et non de ses propres mains lors de sa chute, ni en tout état de cause, qu'ils seraient tombés d'une étagère supérieure distincte de celle sur laquelle M. B. était en train de se servir lui-même.
Ainsi, contrairement aux faits de l'espèce objet de la jurisprudence relative à l'obligation de sécurité de résultat dont M B. se prévaut (Civ. 1ère, 20 septembre 2017, n° 16-19109) dans laquelle la présence d'un tapis posé par l'entreprise de distribution était avérée, la matérialité des faits n'est pas établie en l'espèce et il n'est pas démontré que des pavés ou tout autre objet au sein du magasin de la société Brico Dépôt aient été un instrument de la chute de M. B.. Aucun manquement à une obligation de sécurité ne peut donc être imputé à la société Brico Dépôt.
Les demandes de M. B. formées sur le fondement de l'ancien article L. 221-1 du Code de la consommation sont rejetées.
Au titre du fait des choses
En application de l'article 1384 du Code civil dans sa rédaction applicable aux faits en cause, il incombe à la victime d'un dommage invoquant le fait d'une chose de prouver l'intervention matérielle de la chose. En cas d'absence de contact entre la chose et la victime, il incombe également à cette dernière de démontrer son rôle causal. Enfin, s'agissant de choses inertes, la victime doit démontrer leur anormalité, de par leur position anormale, leur caractère défectueux ou leur dangerosité.
A hauteur de Cour, M. B. n'apporte aucun élément nouveau au soutien de sa demande en responsabilité fondée sur l'ancien article 1384 du Code civil.
Ainsi qu'il a été exposé dans les motifs précédent relatifs à la mise en œuvre de l'obligation de sécurité de la société Brico Dépôt et comme l'a retenu à bon droit le tribunal par des motifs que la Cour adopte, la chute d'un ou plusieurs pavés ou de tout autre objet depuis une étagère supérieure, qui aurait été l'instrument du dommage, n'est pas établie.
Le jugement est par conséquent intégralement confirmé en ce qu'il a débouté M. B. de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la Société Brico Dépôt et de la société AXA Corporate Solutions Assurance.
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile
Le sens de la présente décision conduit à infirmer partiellement le jugement dont appel en ce qu'il a condamné M. B. à payer à la SAS Gras Savoye la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à dire que cette condamnation sera limitée à la somme de 1 000 euros. Compte tenu du sens de la présente décision et des considérations d'équité, les demandes formées par M. B. et par la société Gras Savoye sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure relativement à la procédure d'appel sont rejetées.
Les dispositions du jugement statuant sur les indemnités sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile allouées à la société Brico Dépôt et à la SA AXA Corporate Solutions pour la procédure de première instance sont confirmées.
M. B. sera condamné à payer à la société Brico Dépôt et à la SA AXA Corporate Solutions la somme de 1 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.
En application des articles 103 et suivants du Code local de procédure civile en vigueur dans le département de la Moselle, la distraction des dépens prévue par l'article 699 du Code de procédure civile n'est pas applicable.
Les dispositions du jugement statuant sur les dépens sont confirmées, sauf en ce qu'il a ordonné la distraction des dépens au profit du cabinet Jurope sur le fondement de l'article 699 du Code de procédure civile.
Les dépens de la procédure d'appel sont mis à la charge de M. B., qui succombe au moins partiellement dans ses demandes. La demande de distraction des dépens formée par la SAS Gras Savoye au profit de son conseil est rejetée.
Par ces motifs LA COUR statuant publiquement et par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe : Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a : condamné M. André B. à payer à la SAS Gras Savoye la somme de 1 500 euros au titre de l'article 32-1 du Code de procédure civile ; condamné M. André B. à payer à la SAS Gras Savoye la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; prononcé la distraction des dépens s'agissant de la Société Gras Savoye au profit du cabinet Jurope en application des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure civile ; Statuant à nouveau dans la limite des chefs infirmés et ajoutant : Déboute la SAS Gras Savoye de l'ensemble de ses demandes fondées sur l'article 32-1 du Code de procédure civile ; Condamne M. André B. à payer à la SAS Gras Savoye la somme totale de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des procédures de première instance et d'appel ; Condamne M. André B. à payer à la SAS Brico Dépôt et à la SA AXA Corporate Solutions la somme de 1 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne M. André B. aux entiers dépens ; Rejette la demande de la SAS Gras Savoye tendant à la distraction des dépens au profit de son conseil sur le fondement de l'article 699 du Code de procédure civile ; Déclare le présent arrêt commun à la CPAM. de Meurthe et Moselle ; Déboute les parties de toute autre demande.