CA Colmar, 1re ch. civ. A, 31 mai 2019, n° 17-02091
COLMAR
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Quartz D'Alsace (SA)
Défendeur :
Socomec (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Panetta
Conseillers :
Mes Roublot, Harrivelle
FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La SA Socomec est spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de produits de protection des équipements électriques et notamment de fusibles intégrés dans les équipements électriques.
La SA Quartz d'Alsace exploite une sablière à KALTENHOUSE (67 240) et a pour activité l'extraction et la commercialisation de sables issus du gisement. Elle commercialise ce sable sous une dizaine de catégories selon leur granulométrie, notamment les références K20 et K30i qui sont des sables différents puisque leur spectre granulométrique n'est pas le même.
La société Socomec utilise du sable pour remplir et fabriquer ses fusibles. Elle doit respecter l'ensemble des préconisations et normes de sécurité qui lui sont imposées par ses clients, tels que la société EDF.
Les relations entre la société Socomec et la société Quartz d'Alsace ont débuté en 1974. La société Quartz d'Alsace a commencé à fournir du sable de silice de référence K20.
Par lettre du 24 avril 1992, la société Quartz d'Alsace a demandé à la société Socomec de lui indiquer la norme requise pour ce qui concerne la composition du sable, avec des tolérances admises de fluctuation granulométrique du produit et les valeurs minimales et maximales des grains.
Par télécopie du 22 juin 1992, la société Socomec a fourni les informations requises.
Par lettre du 8 juin 1993, la société Socomec a résumé les termes d'un entretien du 4 juin 1993, précisant les modalités de conservation et de livraison du sable par la société Quartz d'Alsace, comportant un tableau de granulométrie récapitulatif, précisant le pourcentage maximal de chaque type de grains dans les livraisons.
C'est en application de ce document du 8 juin 1993 que les fournitures de sable seront effectuées jusqu'en septembre 2001. La société Socomec faisait référence à ce document dans ses commandes comme étant un cahier des charges. Ce que conteste la société Quartz d'Alsace.
Le sable K20 était tamisé par la société Socomec afin d'éliminer les résidus de gros grains non conformes à la granulométrie précitée.
En juin-juillet 2000, au motif que la qualité du sable fourni s'éloignait de plus en plus du spectre de la granulométrie définie, comportant trop de grains d'une granulométrie supérieure à 1mm, la société Quartz d'Alsace a proposé à la société Socomec de lui fournir un autre type de sable dénommé K30i. La société Quartz d'Alsace a continué à dénommer ce sable K20, en y ajoutant le suffixe 'Socomec' afin de ne pas modifier l'appellation connue d'EDF et afin d'éviter la nécessité d'élaborer un nouveau dossier d'agrément.
En septembre 2001, après avoir effectué des essais en laboratoire avec les échantillons de ce nouveau sable, la société Socomec a commandé le nouveau type de sable.
Elle a aussi cessé d'effectuer le tamisage pour ce sable 'K20 Socomec'.
Jusqu'en juillet 2004, les livraisons de sable opérées par la société Quartz d'Alsace ont donné satisfaction d'après les essais annuels réalisés par la société Socomec.
Le 24 mai 2005, le responsable du laboratoire de la société Socomec était avisé par le Laboratoire Central des Industries Electriques ('LCIE' ci-après) que les fusibles fabriqués le 15 novembre 2004 présentaient des défauts de fonctionnement.
A compter du 27 mai 2005, la société Socomec a arrêté la fabrication des fusibles et a recherché les lots de fusibles incriminés ainsi que les causes de défectuosités.
Par acte du 11 janvier 2007, la SA d'économie mixte local Gaz et Electricité de Grenoble ('société GEG' ci-après), qui a acheté des fusibles défectueux à la société Socomec, a fait assigner cette dernière devant le juge des référés commerciaux du Tribunal de Grande Instance de Strasbourg à fin d'obtenir l'instauration d'une expertise judiciaire.
Par acte du 16 février 2007, la société Socomec a sollicité l'extension des mesures d'expertises à ordonner à la société Quartz d'Alsace.
Par ordonnance de référé commercial du 27 mars 2007, une expertise judiciaire a été ordonnée et confiée à M. Bertrand S.
Dans son rapport déposé le 15 octobre 2010, l'Expert a retenu que les fusibles défectueux présentaient une réelle dangerosité lors d'un court-circuit, l'origine de la défectuosité était due à une mauvaise granulométrie du sable présent dans le fusible, ce sable était fourni par la société Quartz d'Alsace qui n'a pas respecté le cahier des charges du 8 juin 1993, la défectuosité a entraîné le préjudice des sociétés Socomec et GEG. L'Expert conclut en évaluant le préjudice subi par la société Socomec à hauteur de 540 563 euros hors taxe.
Par acte du 28 avril 2011, la société Socomec a fait assigner la société Quartz d'Alsace devant la chambre commerciale du Tribunal de Grande Instance de Strasbourg aux fins d'obtenir la condamnation de la société Quartz d'Alsace :
- au paiement d'une somme de 836 159,96 euros à titre de dommages et intérêts, suite à la fourniture d'un sable présentant une granulométrie non conforme aux spécifications techniques convenues, entraînant des défectuosités des fusibles vendus par la société Socomec à ses différents clients,
- au paiement d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens d'instance et les frais de la procédure de référés expertise commercial.
Par un jugement rendu le 17 mars 2017, le Tribunal de Grande Instance de Strasbourg a rejeté la demande de nullité du rapport d'expertise formée par la société Quartz d'Alsace, condamné la société Quartz d'Alsace à payer à la société Socomec la somme de 485 362,61 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2011 ainsi que la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers frais et dépens, y compris les frais de la procédure de référé expertise et les frais d'expertise judiciaire.
Il a jugé que la société Quartz d'Alsace n'avait pas satisfait à son obligation dedélivrance conforme du sable vendu, qu'elle engageait sa responsabilité contractuelle et devait être condamnée à réparer le préjudice subi par la société Socomec.
Il a débouté les parties de leurs plus amples prétentions.
La société Quartz d'Alsace a interjeté appel de la décision par déclaration faite au greffe le 11 mai 2017.
La société Socomec s'est constituée intimée le 11 août 2017.
La société Socomec a formé un appel incident.
Par des dernières conclusions du 13 août 2018, auxquelles était joint le bordereau de communication de pièces récapitulatif, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, la société Quartz d'Alsace demande, sur l'appel principal, à titre principal, l'infirmation du jugement entrepris, la nullité du rapport d'expertise déposé par M. S. le 15 octobre 2010, ainsi que tous les actes liés aux opérations d'expertise et à ce que la société Socomec soit déboutée de l'ensemble de ses demandes.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que le rapport d'expertise est nul car le rapport viole l'article 238 du Code de procédure civile :
-en visant dans les opérations d'expertise la société Quartz d'Alsace, alors que cette dernière n'aurait pas sollicité d'extension de l'expertise judiciaire à son égard, ladite expertise se limitant à ses seules parties (la société Socomec et la société GEG),
-en ne respectant pas les limites de sa mission qui sont le litige lui-même et les fusibles livrés à la société GEG. Rien ne permettait de démontrer que les fusibles analysés appartiendraient au même lot que les fusibles qui ont été livrés à la société GEG,
- en émettant des appréciations d'ordre juridique.
Elle affirme que la nullité devrait être retenue car même si l'article 238 du Code de procédure civile ne prescrit aucune nullité expressément, ses dispositions doivent être considérées comme des formalités substantielles.
Elle soutient avoir toujours respecté ses obligations contractuelles. A l'appui de ses allégations, elle fait valoir qu'elle n'est pas le fournisseur exclusif de sable de la société Socomec, car d'après des pièces fournies par la société Socomec, cette dernière aurait reçu d'autres livraisons de sables MI 0.4/0.9, référence appartenant à la société SIFRACO. Elle affirme que les quantités de sables livrées par elle-même serait inférieures à celle nécessaires pour fabriquer le nombre de fusibles que la société Socomec prétend avoir fabriqué.
Elle prétend ensuite qu'elle n'est intervenue que comme simple fournisseur de sable et qu'elle n'est liée à la société Socomec par aucun cahier des charges, leur relation ayant débuté en 1974, avant la date du prétendu cahier des charges (8 juin 1993). Elle soutient que ce prétendu cahier des charges ne devrait pas pouvoir s'appliquer à deux types de sables différents alors qu'il ne portait que sur le K20.
Elle soutient que la société Socomec a toujours procédé au tamisage de son sable et connaissait parfaitement les caractéristiques du sable K30i lorsque la substitution a été décidée, car la société Quartz d'Alsace affirme avoir communiqué diverses analyses des sables K20 et K30i à la société Socomec.
Elle fait valoir que la société Socomec réalisait un contrôle systématique des livraisons de sable comme lui imposait la norme ISO 9001.
A titre subsidiaire, elle demande à n'encourir aucune responsabilité dans la défectuosité des fusibles fabriqués par la société Socomec.
Elle soutient que la société Socomec doit respecter des normes fournies par ses clients qui sont étrangères à la société Quartz d'Alsace, que la société Socomec connaissait la différence de caractéristique des deux sables K20 et K30i, et qu'elle avait pris seule le risque, d'employer du sable qu'elle n'avait pas préalablement traité pour le rendre compatible à sa destination. Elle prétend donc que la société Socomec devrait en assumer la responsabilité.
Sur l'appel incident, elle demande son rejet. Elle soutient que les montants d'indemnisation retenus en première instance et ceux sollicités par la société Socomec ne sauraient être admis car l'essentiel de ces postes n'est pas justifié et qu'aucun lien de causalité n'est établi.
En tout état de cause, elle demande la condamnation de la société Socomec au paiement d'une indemnité de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, y compris ceux afférents à la procédure d'expertise judiciaire.
Par des dernières conclusions du 9 octobre 2017, auxquelles était joint le bordereau de communication de pièces récapitulatif, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, la société Socomec demande, sur l'appel principal, que la société Quartz d'Alsace soit déboutée et condamnée aux dépens.
Elle conteste la demande de nullité pour violation de l'article 238 du Code de procédure civile :
- s'agissant des parties à l'instance, elle affirme que la société Quartz d'Alsace a sollicité elle-même l'extension de la mission de l'Expert,
- s'agissant de l'objet et de la mission de l'expertise, elle estime que l'extension de la mission à l'ensemble des fusibles réalisés par la société Socomec ne voulait pas dire que l'Expert avait une mission 'illimitée', rien ne justifiait que l'Expert se cantonne à une part particulière du préjudice.
- s'agissant des appréciations d'ordre juridique, elle soutient que la mention de cahier des charges est une appréciation technique et factuelle et lorsque les débats portaient sur des éléments juridiques, c'est uniquement car la société Quartz d'Alsace les relevait.
Elle fait valoir que le document est un cahier des charges car il contient tous les éléments d'un cahier des charges et a servi de références dans le cadre des relations entre les parties.
Elle affirme que les défauts résultent d'un problème de qualité du sable livré, lequel comportait un taux de grains fins qui ne respectait pas les maxima requis par le cahier des charges du 8 juin 1993. Elle prétend que le cahier des charges aurait dû être respecté par la société Quartz d'Alsace qui n'a jamais contesté ce dernier et a toujours exécuté les commandes sur lesquels figurait la référence de ce cahier des charges.
Elle soutient également que la société Quartz d'Alsace était chargée, à travers ce cahier des charges de respecter un taux de grains fins inférieurs à un certain seuil, indépendamment des préconisations propres de EDF.
Elle affirme qu'elle n'avait aucune obligation d'effectuer un tamisage car le changement de sable avait précisément pour objet de rendre inutiles les opérations de tamisage.
Elle fait valoir, enfin, que la société Quartz d'Alsace était son fournisseur exclusif du sable utilisé par la société Socomec pour les fusibles. Elle affirme que, de 2003 à 2005, la moyenne des quantités de sables commandées fait apparaître que la société Socomec a disposé au total de 28 792 kg de sable acheté auprès de la société Quartz d'Alsace, alors qu'elle n'en a utilisé que 27 398 kg pour fabriquer les fusibles.
Sur l'appel incident, elle demande l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a limité le montant de l'indemnisation sollicitée par la société Socomec et la confirmation du surplus.
Elle demande la condamnation de la société Quartz d'Alsace à verser à la société Socomec la somme de 836 159,96 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 28 avril 2011 ainsi qu'à la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Au soutien de sa demande d'indemnisation, elle fait valoir que la défectuosité des fusibles a eu des conséquences économiques importantes (liés à la recherche de l'origine des défauts, le rappel des produits, l'indemnisation des clients, la perte de chiffre d'affaires, l'atteinte à son image, le coût des opérations d'expertises, etc.).
La Cour se référera aux dernières écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, et des prétentions des parties.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 janvier 2019.
L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 20 mars 2019, à laquelle les parties ont développé leur argumentation et déposé les pièces à l'appui de leurs allégations.
MOTIFS DE LA DECISION :
I/ Sur la nullité du rapport d'expertise :
En premier lieu, la société Quartz d'Alsace soulève la nullité du rapport d'expertise judiciaire de M. S., daté du 15 octobre 2010. Elle soutient que l'expert judiciaire a délibérément méconnu l'étendue de sa mission, notamment quant aux parties à l'instance et à l'objet de sa mission, points qu'elle détaille. Elle soutient par ailleurs que l'expert judiciaire a formulé dans son rapport des appréciations d'ordre juridique, en violation de l'article 238 du Code de procédure civile.
En réplique, la société Socomec, avant de contester les motifs de nullité visés par la partie adverse, rappelle d'abord les règles régissant la nullité des actes de procédure, dont relève un rapport d'expertise. Elle approuve le premier juge d'avoir retenu que la nullité n'est pas encourue en l'espèce.
Ainsi que l'a rappelé à bon droit le premier juge, conformément à l'article 114 du Code de procédure civile, si une nullité pour vice de forme n'est pas expressément prévue par la loi, elle ne peut être retenue qu'en cas de méconnaissance d'une formalité substantielle ou d'ordre public, et à charge pour la partie qui s'en prévaut de démontrer le grief que lui cause l'irrégularité.
En l'espèce, le premier juge, par des motifs propres et pertinents que la Cour adopte, a retenu qu'aucune des irrégularités visées par la société Quartz d'Alsace ne relève d'une formalité substantielle ou d'ordre public, qu'il s'agisse de l'étendue de la mission de l'expert ou des appréciations d'ordre juridique que ce dernier est censé avoir formulé. À ceci, il convient d'ajouter que la société Quartz d'Alsace n'allègue, ni a fortiori ne démontre, avoir subi le moindre grief du fait des irrégularités alléguées. Il s'en déduit que le rapport d'expertise n'encourt pas la nullité, le jugement entrepris étant confirmé en ce sens.
Il est en outre à rappeler, que le juge n'est pas lié par les conclusions de l'expert. La Cour appréciera souverainement les conclusions de l'expertise judiciaire.
II/ Sur les obligations contractuelles de la société Quartz d'Alsace et sa responsabilité :
La société Quartz d'Alsace, au soutien de son appel, reproche au premier juge d'avoir retenu qu'elle a engagé sa responsabilité à l'égard de la société Socomec. Elle avance plusieurs moyens destinés à établir qu'elle n'a pas manqué à ses obligations de délivrance conforme du sable qu'elle vendait à la société Socomec.
Premièrement, l'appelante considère qu'elle n'était tenue par aucun cahier des charges qui aurait défini les caractéristiques du sable qu'elle livrait à la société Socomec.
L'intimée se prévaut quant à elle d'une lettre du 8 juin 1993, qui constitue selon elle un cahier des charges, car présentant l'ensemble des caractéristiques d'un tel document, telles que les spécifications du produit, les modalités de livraison, etc. Elle indique qu'elle a considéré de façon expresse ce document comme un cahier des charges, en y faisant référence dans ses commandes. Elle affirme que la société Quartz d'Alsace n'a jamais contesté le caractère de cahiers des charges du document et ajoute que le changement de référence de sable intervenu en 2001 n'a aucunement modifié les spécifications prévues par le courrier de 1993.
Cependant, si la société Socomec affirme que l'appelante avait accepté d'effectuer ses livraisons sur la base des spécifications du courrier de 1993, elle n'en démontre aucunement. Au contraire, la société Quartz d'Alsace est fondée à affirmer qu'elle n'a jamais donné son accord à ce document. Elle souligne en effet, à raison, que le courrier adressé par la société Socomec comportait la mention finale 'Vous voudrez bien accuser réception de ce courrier en notifiant votre accord', or l'intimée ne démontre aucune notification de cet accord. En l'absence de démonstration du consentement de la société Quartz d'Alsace, la lettre du 8 juin 1993 ne peut être considérée comme étant entrée dans le champ contractuel.
Par ailleurs, le seul fait que la référence de ce courrier ait été visée par la société Socomec dans ses commandes ne lui conférait pas la valeur de cahier des charges. En outre, la société Quartz d'Alsace démontre que la société Socomec n'a pas toujours visé le courrier dans ses commandes, puisque des commandes passées en février et mai 1995 ne comportent comme désignation du produit que la mention 'Sable Quartz d'Alsace K20'. L'appelante suggère que la mention du courrier de 1993 sur les commandes de la société Socomec n'a commencé qu'après la visite de contrôle effectuée par la société EDF en avril 1995. La société Socomec ne répond pas sur ce point. Quoi qu'il en soit, il convient de retenir que le courrier de 1993 ne saurait être considéré comme un cahier des charges liant la société Quartz d'Alsace.
Deuxièmement, la société Quartz d'Alsace rappelle que l'intimée connaissait parfaitement les caractéristiques techniques du sable litigieux, et qu'il lui appartenait d'effectuer les éventuelles opérations de criblage nécessaires pour éliminer les grains non-conformes à ses propres impératifs techniques, ce qu'elle faisait du reste sur le sable K20 jusqu'en 2001.
La société Socomec ne conteste pas qu'elle effectuait un criblage sur le sable K20 commandé jusqu'en 2001. C'est d'ailleurs pour réduire ses pertes, liées aux gros grains qu'elle tamisait et éliminait, qu'elle a cherché à modifier sa commande pour obtenir un sable davantage conforme à ses besoins. C'est dans ce contexte que la société Quartz d'Alsace lui a proposé le sable K30i.
L'appelante établit à ce sujet, qu'elle avait communiqué à la société Socomec les analyses de granulométrie du sable K30i, et ce préalablement à sa commande par l'intéressée. Ceci n'est pas contesté par la société Socomec. Ces analyses font apparaître la présence de grains très fins dans le sable K30i, dans des proportions variables selon les analyses, évoluant entre 0,2 % et 6,7 %, avec une moyenne placée à 2,2 %. La société Socomec a néanmoins décidé de commander ce sable, qui comportait moins de gros grains, conformément à ses besoins. Elle ne pouvait pourtant pas ignorer que ce sable comportait une proportion de particules fines, y compris dépassant parfois le taux maximum de 5 % prévu par le courrier de 1993, dont elle prétend qu'il constituait un cahier des charges auquel elle se référait. Il est donc avéré que la société Socomec a commandé le sable K30i en toute connaissance de cause.
L'intimée réplique que le changement de référence par la commande du sable K30i devait précisément la dispenser de tamisage. Elle ajoute que l'arrêt du tamisage ne correspond pas à la survenance des problèmes, car elle était dans un premier temps satisfait du K30i, qui comportait certes des petites particules, mais en proportion réduite. Elle indique encore qu'un tamisage ne lui aurait pas permis de se renseigner sur la granulométrie du sable livré, et de repérer un excès de petites particules, alors que ce procédé ne permet d'écarter que les gros grains.
Néanmoins, il importe peu que l'intimée ait réalisé ou non un tamisage systématique. Elle ne pouvait cependant ignorer qu'aucun des sables livrés par la société Quartz d'Alsace, que ce soit la référence K20 ou la référence K30i, ne correspondaient aux spécifications de la lettre du 8 juin 1993, qui ne s'imposaient pas à la société Quartz d'Alsace, ou aux spécifications imposées à la société Socomec seule, par son client principal, la société EDF. C'est la raison pour laquelle l'intimée a toujours tamisé le sable K20. Si le choix du sable K30i avait effectivement, ainsi que cela ressort des éléments versés au dossier, pour but de diminuer l'excédent de gros grains que la société Socomec était contrainte d'éliminer dans le sable K20, ceci ne la dispensait pas pour autant de vérifier régulièrement la correspondance de la granulométrie du K30i à ses exigences, au besoin en filtrant les grains pour en éliminer cette fois les plus petits.
Troisièmement, la société Quartz d'Alsace affirme que la société Socomec effectuait des contrôles systématiques des livraisons de sable, ce qui lui imposait sa certification ISO 9001, et adressait par suite un compte rendu à son fournisseur ne mentionnant aucune réserve ni défaut. Elle estime qu'à ce titre, il ne peut désormais lui être reproché des livraisons non conformes. Elle ajoute encore qu'elle n'était tenue par aucune des fiches d'instruction établies en 2005, qui étaient restées à l'état de projet.
Il convient de relever à ce titre que, d'une part, la société Socomec ne répond pas à ce moyen, et d'autre part, les contrôles imposés par la certification ISO 9001 n'entraient pas dans le champ contractuel, mais étaient une obligation à laquelle seule la société Socomec était tenue. Quoi qu'il en soit, les relevés de 'qualimétrie fournisseur', versés à la procédure par la société Quartz d'Alsace, démontrent que la société Socomec évaluait régulièrement la qualité du sable qui lui était livré, et n'avait jamais soulevé de réserves. Ceci confirme qu'elle connaissait parfaitement la granulométrie du sable K30i et qu'elle supportait seule le risque que certaines livraisons comportent une quantité non négligeable de petits grains.
La société Quartz d'Alsace pouvait donc valablement supposer que la société Socomec, qui avait toujours effectué un tamisage sur le sable K20 pour qu'il corresponde exactement à ses besoins, continuait de faire de même pour le K30i.
L'ensemble de ces éléments permet d'établir que la société Quartz d'Alsace n'était tenue par aucun cahier des charges et qu'elle avait en outre parfaitement informé sa cocontractante des spécifications du sable K30i. Elle n'était obligée que de livrer le sable K30i, sans être contrainte à un respect des spécifications granulométriques qui s'imposaient à la société Socomec. Il ne peut en conséquence être reproché à la société Quartz d'Alsace une inexécution de son obligation de livraison conforme, sur le fondement de l'article 1147 ancien du Code civil.
Il est dès lors sans emport pour la solution du litige entre les parties de déterminer si la société Quartz d'Alsace était le seul fournisseur de sable de la société Socomec, ce qui est discuté entre les parties.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de l'appelante, et la société Socomec, qui n'établit aucun manquement de la société Quartz d'Alsace à ses obligations contractuelles, devra être déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
III/ Sur les demandes accessoires :
La société Socomec, succombante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, y compris ceux afférents à la procédure d'expertise judiciaire.
L'équité commande l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la société Quartz d'Alsace, pour la somme de 1 500 .
L'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la société Socomec.
Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement rendu le 17 mars 2017, par le tribunal de grande instance de STRASBOURG, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du rapport d'expertise judiciaire formée par la société Quartz d'Alsace, Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant, DEBOUTE la société Socomec de sa demande de dommages et intérêts, Condamne la société Socomec aux entiers dépens, y compris les frais de la procédure d'expertise judiciaire, Condamne, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, la société Socomec à verser à la société Quartz d'Alsace la somme de 1 500 , Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la société Socomec.