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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 6 juin 2019, n° 17-01229

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Bourgogne Hélicoptères (SARL)

Défendeur :

Enedis (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Birolleau

Conseiller :

Mme Schaller

Avocats :

Mes Lugosi, Cannet, Trecourt

T. com. Paris, du 28 nov. 2016

28 novembre 2016

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Bourgogne Hélicoptères, qui a pour gérante salariée Mme X, a pour activité l'exécution de travaux de surveillance aérienne.

A compter de 2005, la société Bourgogne Hélicoptères a régulièrement réalisé pour le compte de la société Y, devenue Enedis, des prestations de surveillance de lignes électriques aériennes dans le cadre de leur entretien, afin de détecter des anomalies d'installation, ce au moyen d'un hélicoptère qu'elle louait à Mme X.

A la suite d'une nouvelle procédure d'appel d'offres, la société Bourgogne Hélicoptères a conclu avec la société Y trois marchés portant sur la surveillance des lignes électriques aériennes dépendant du réseau public de distribution d'électricité dans les secteurs " Champagne ", " Alsace " et " Lorraine et Ardennes ". Ces trois marchés étaient conclus pour une durée déterminée, du 1er mai 2010 jusqu'au 31 octobre 2013. Les dispositions contractuelles prévoyaient entre autres que la société Bourgogne Hélicoptères devait demander les autorisations nécessaires pour les vols, et à l'article 78-1 des conditions générales d'achat, la faculté de résiliation sans mise en demeure notamment si l'autre partie s'est livrée, à l'occasion du marché, à des actes frauduleux.

Par lettre du 19 septembre 2013, le préfet de l'Aube a reproché à la société Bourgogne Hélicoptères des vols rasants sur diverses communes les 3 et 4 septembre 2013, sans autorisation de dérogation, sans tenir compte d'installations portant une marque distinctive d'interdiction de survol ou des zones interdites, tel que le centre de détention de Villenauxe La Grande, et sans information préalable des services locaux de police ou de gendarmerie, en violation des dispositions des articles R. 131-1 du Code de l'aviation civile et L. 6211-4 du Code de transports.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 1er octobre 2013, la société Bourgogne Hélicoptères a contesté avoir commis une quelconque infraction et notamment le survol du centre de détention.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 9 octobre 2013, la société Y a résilié sans préavis les trois marchés en cours, sur le fondement de l'article 78-1 des conditions générales d'achat, au motif que le 16 septembre 2013, elle avait été avertie par la préfecture de l'Aube du survol du centre de détention de Villenauxe-La-Grande par la société Bourgogne Hélicoptères, laquelle n'avait pas informé les autorités locales de ce vol en violation de ses obligations réglementaires et contractuelles. Elle a précisé que la société Bourgogne Hélicoptères ne serait plus consultée lors du renouvellement des marchés.

La société Bourgogne Hélicoptères a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Mâcon du 26 avril 2013. Cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire le 25 avril 2014, la SCP Z étant nommée en qualité de mandataire liquidateur.

La société Bourgogne Hélicoptères et Mme X ont, par acte du 1er juillet 2015, assigné la société Y devant le juge des référés du tribunal de commerce, en réparation de leurs préjudices pour rupture brutale des relations commerciales établies, perte de chance, perte d'investissements, mise en liquidation judiciaire, perte de salaires et préjudice moral. L'affaire a été renvoyée au fond devant le tribunal de commerce de Paris par ordonnance du 16 juillet 2015.

Par jugement rendu le 28 novembre 2016, le tribunal de commerce de Paris a :

- déclaré la société Bourgogne Hélicoptères irrecevable à agir,

- déclaré Mme X irrecevable à agir,

- dit la société Y recevable en sa demande de tierce opposition incidente et constaté l'inefficacité des ordonnances rendues par le tribunal de commerce de Mâcon en date des 8 octobre 2014, 9 janvier, 2 avril et 6 mai 2015,

- condamné solidairement la société Bourgogne Hélicoptères et Mme X à payer à la société Y la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs autres demandes, fins et conclusions,

- d'office ordonné l'exécution provisoire,

- condamné solidairement la société Bourgogne Hélicoptères et Mme X aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 105,30 euros dont 17,33 euros de TVA.

Par déclaration du 13 janvier 2017, Me Z, de la SCP Z, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Bourgogne Hélicoptères, et Mme X, ont interjeté appel à l'encontre de cette décision.

Prétentions et moyens des parties :

Par dernières conclusions notifiées le 14 février 2019, la société Bourgogne Hélicoptères, représentée par la SCP Z, et Mme X demandent à la cour, au visa des dispositions des articles L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, et des articles 1382, 1134 et suivants du Code civil, de :

- les recevoir en leur appel,

- réformer la décision entreprise.

Statuant à nouveau,

- condamner la société Enedis (ex Y) à verser à la société Bourgogne Hélicoptères la somme de 563 399 euros outre intérêts au taux légal à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale de relations commerciales établies,

- condamner la société Enedis (ex Y) à verser à la société Bourgogne Hélicoptères la somme de 140 530 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance,

- condamner la société Enedis (ex Y) à verser à la société Bourgogne Hélicoptères la somme de 50 000 euros outre intérêts au taux légal à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait de la perte des investissements réalisés pour être agréée,

- condamner la société Enedis (ex Y) à verser à la société Bourgogne Hélicoptères la somme de 100 000 euros outre intérêts au taux légal à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait de la mise en liquidation judiciaire,

- condamner la société Enedis (ex Y) au paiement de la somme de 2 016 256,40 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi par Mme X du fait de la perte des salaires,

- condamner la société Enedis (ex Y) au paiement de la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi par Mme X,

- condamner la société Enedis (ex Y) à leur verser à chacune une somme de 4 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens.

Elles font tout d'abord valoir que leur action est recevable. Elles précisent que la société Bourgogne Hélicoptères a interjeté appel par le biais de la SCP Z, mandataire liquidateur judiciaire désigné par le tribunal de commerce de Mâcon du 28 avril 2014. Elles soutiennent ensuite que Mme X a intérêt à agir dès lors qu'un tiers à un contrat peut invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle un manquement contractuel qui lui a causé le dommage, et qu'elle agit en tant que salariée de la société Bourgogne Hélicoptères et propriétaire de l'hélicoptère donné en location à celle-ci, soit en qualité de tiers au contrat. Elles précisent que Mme X agit sur le fondement de la faute commise par l'intimée, qui a rompu le contrat sans préavis et sans recueillir les explications préalables de la société Bourgogne Hélicoptères, laquelle faute lui a causé un préjudice direct et personnel, et que son action, exercée sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du Code civil, dans sa version applicable aux faits, est donc recevable.

Au fond, et en premier lieu, elles font valoir la rupture brutale, par la société Enedis, de la relation commerciale établie nouée avec la société Bourgogne Hélicoptères.

Elles invoquent une relation commerciale entre ces sociétés stable et durable depuis 2005, la société Bourgogne Hélicoptères émettant depuis lors des factures quasi mensuelles pour des montants de 6 000 euros à 69 000 euros.

Elles considèrent que la rupture, par la société Enedis, de la relation commerciale établie est brutale. A ce titre, elles soutiennent que la société Enedis a immédiatement mis fin aux trois marchés en cours dès réception du courrier du préfet de l'Aube, sans entendre la société Bourgogne Hélicoptères dont les prestations ont toujours été satisfaisantes, ni s'interroger sur l'existence d'une infraction par rapport à sa connaissance du vol de surveillance des lignes HTA, le préfet n'ayant pas de compétence en la matière ni aucune autorité dans ce domaine qui relève de la Direction générale de l'aviation civile, et n'ayant pas sollicité la résiliation des contrats ni l'interdiction de vol de la société Bourgogne Hélicoptères. Elles indiquent que Mme X n'a pourtant commis aucune faute, celle-ci disposant d'une autorisation de vols rasants hors agglomération valable et ayant été relaxée des infractions qui lui étaient reprochées en l'absence de démonstration de sa culpabilité, et non pas au bénéfice du doute. Elles ajoutent que la société Enedis, qui a commis une erreur d'appréciation, a également commis une faute en résiliant les contrats de façon précipitée, alors que l'article 33 des contrats lui permettait de suspendre les relations contractuelles dans l'attente de la décision pénale, la société Enedis agissant ainsi comme si elle souhaitait se débarrasser de son co-contractant.

En second lieu, elles soutiennent la société Enedis a commis une faute en résiliant les contrats sans respecter les conditions générales. Elle relèvent à ce titre que l'article 78-1 des conditions générales prévoit la nécessité d'une mise en demeure préalable et qu'aucun des cas prévus dans cet article dispensant du respect de ce formalisme n'a été visé dans le courrier de résiliation. Elles ajoutent que la société Enedis n'a caractérisé aucune faute ni aucun acte frauduleux de la société Bourgogne Hélicoptères justifiant la résiliation des contrats, et que l'arrêt de la cour d'appel de Reims du 15 janvier 2015 a écarté toute faute ou acte frauduleux.

En réponse aux moyens soulevés en défense, elles soutiennent que le recours à la procédure d'appels d'offres n'est pas de nature à exclure la notion de relation commerciale établie ni la rupture brutale de celle-ci, à plus forte raison s'agissant d'un système d'appel d'offres " fermé ", réservé aux seules entreprises agréées par la société Enedis, dont faisait partie la société Bourgogne Hélicoptères, qui avait la certitude d'obtenir à minima un lot lors de chaque marché d'appel d'offres.

Sur les préjudices, elles soutiennent que la société Enedis doit indemniser la société Bourgogne Hélicoptères au titre des fautes qu'elle a commises, à savoir la rupture brutale des relations contractuelles et la rupture injustifiée des relations contractuelles.

Elles considèrent tout d'abord, s'agissant de la rupture brutale de la relation commerciale établie, que la société Enedis aurait dû respecter un délai de préavis suffisant, qu'elles estiment à douze mois, en tenant compte de l'état de dépendance économique de la société Bourgogne Hélicoptères, qui a travaillé exclusivement pour la société Enedis durant près de dix ans sans recevoir de plaintes quant à ses services, du fait qu'elle n'a commis aucune faute et n'a jamais été entendue par la société Enedis, qu'elle a été contrainte de déposer une déclaration de cessation de paiements et se trouve désormais en liquidation judiciaire. Elles soutiennent que la société Bourgogne Hélicoptères a subi un préjudice du fait de l'absence de préavis, qu'elles évaluent à 563 399 euros sur la base de sa marge brute globale correspondant à 100 % de son chiffre d'affaires, ou subsidiairement à 10 810 euros sur la base de la marge nette moyenne réalisée les trois années précédant la rupture.

Elles ajoutent que la société Bourgogne Hélicoptères a subi d'autres préjudices liés à la résiliation abusive des relations contractuelles.

Elles arguent ainsi d'un préjudice de 100 000 euros au titre de la mise en liquidation judiciaire de la société Bourgogne Hélicoptères qui a perdu son seul client et n'a pu présenter un plan de continuation en un temps aussi réduit, cette mise en liquidation judiciaire constituant un préjudice directement lié à la résiliation abusive de la relation contractuelle par la société Enedis.

Elles invoquent aussi un préjudice de 140 530 euros au titre de la perte de chance d'être consultée pour le renouvellement des marchés, la société Enedis ayant notifié à la société Bourgogne Hélicoptères, dans son courrier de rupture des contrats, son refus abusif de la consulter pour le renouvellement des marchés, alors que celle-ci avait la certitude d'obtenir a minima un lot représentant son résultat d'exploitation annuel moyen réalisé les trois dernières années, ce jusqu'à la retraite de Mme X, pilote d'hélicoptères, soit durant treize ans.

Elles font également valoir un préjudice de 150 000 euros au titre de la perte de valeur du fonds de commerce (non repris dans le dispositif de leurs écritures), et un préjudice de 50 000 euros au titre de la perte sur investissements, la société Bourgogne Hélicoptères ayant engagé d'importants frais afin d'être agréée par la société Enedis.

En réponse aux contestations formulées en défense sur le lien de causalité, elles précisent que la perte de marché de la société Enedis a entraîné de facto l'impossibilité pour la société Bourgogne Hélicoptères de présenter un plan de continuation et donc sa liquidation judiciaire, alors qu'elle avait la possibilité de se redresser, sa mise en redressement judiciaire étant liée à un contrôle fiscal et non pas à une problématique d'exploitation. Elles ajoutent que l'intimée conteste vainement le lien de causalité au motif que les contrats venaient à échéance au 31 octobre 2013 et que les relations contractuelles étaient soumises à un appel d'offres, alors que la société Bourgogne Hélicoptères, qui faisait partie des 6 entreprises agréées sur l'ensemble du territoire métropolitain, s'est vu attribuer systématiquement au moins un lot à chaque appel d'offres, et notamment les trois dernières années.

Enfin, elles soutiennent que du fait de la faute contractuelle de l'intimée qui a résilié les contrats et retiré la société Bourgogne Hélicoptères des listes de consultations en l'absence de toute faute, ce qui a causé la liquidation judiciaire de ladite société, Mme X, âgée de 54 ans, a, pour sa part, perdu son emploi qu'elle pouvait espérer conserver jusqu'à sa retraite et ainsi subi une perte de salaires et de cotisations patronales de 2 016 156,40 euros. Elles ajoutent que Mme X a souffert d'un préjudice moral évalué à 50 000 euros, compte tenu du fait qu'elle était propriétaire de l'hélicoptère donné en location à la société Bourgogne Hélicoptères, qu'elle tirait ses revenus de gérante-salariée de l'activité de ladite société, qu'elle a été traité sans ménagement par la société Enedis qui a mis fin à 10 années de collaboration sans l'entendre en ses explications, et qu'elle a dû subir une campagne de presse diffusant l'idée qu'elle aurait commis de graves infractions aux règles de l'aéronautique civile.

Elles font valoir un lien de causalité entre ces préjudices et les fautes de la société Enedis, dès lors que la perte d'emploi de Mme X est liée à la mise en liquidation de la société Bourgogne Hélicoptères du fait de la décision injustifiée de l'intimée de mettre un terme aux relations contractuelles avec la société Bourgogne Hélicoptères.

Par dernières conclusions notifiées le 19 février 2019, la société Enedis, intimée, demande à la cour, au visa des articles 73, 74 et 1165 du Code civil, des articles 122, 583 et 588 du Code de procédure civile et de l'article L. 641-9 du Code de commerce, de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 28 novembre 2016 ;

- déclarer Madame X irrecevable à agir, par application des articles 122 du Code de procédure civile et 1165 du Code civil ;

En tout état de cause,

- constater qu'elle n'a pas rompu brutalement les relations commerciales ;

- constater que la société Bourgogne Hélicoptères et Madame X ne rapportent la preuve d'aucun préjudice ;

- débouter la société Bourgogne Hélicoptères et Madame X de toutes leurs demandes ;

- condamner solidairement la société Bourgogne Hélicoptères et Madame X au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle soulève tout d'abord l'irrecevabilité de l'action de Mme X, à défaut de justifier d'un intérêt à agir personnel et direct. Elle soutient qu'en tant que gérante et salariée de la société Bourgogne Hélicoptères, Mme X n'était pas partie aux contrats signés entre ladite société et la société Y et ne saurait revendiquer un quelconque préjudice direct distinct du fait de la rupture de ces contrats, eu égard aux principes de l'autonomie juridique de la personne morale et de l'effet relatif des contrats. Elle ajoute que Mme X ne justifie pas de sa qualité de tiers au contrat, soit n'avoir aucun lien de droit avec les parties. Elle relève que Mme X n'établit pas davantage que le manquement invoqué serait la cause directe du dommage allégué, faute de rapporter la preuve, d'une part, que la société Enedis aurait commis une faute dans l'exécution des contrats, alors que ladite société n'avait aucune obligation légale de consulter la société Bourgogne Hélicoptères au titre d'un nouvel appel d'offres, d'autre part, que cette faute prétendue serait la cause directe du préjudice dont elle se prévaut.

Elle rappelle que les dispositions de l'article L. 442-6-I, 5° du Code de commerce ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Elle considère que la résiliation est justifiée au vu de l'article 78-1 des conditions générales d'achat, prévoyant la faculté de résiliation sans mise en demeure si l'autre partie s'est livrée, à l'occasion du marché, à des actes frauduleux, dès lors qu'elle a résilié les contrats après avoir été alertée par un courrier de la préfecture de l'Aube en date du 9 octobre 2013 de la violation, par la société Bourgogne Hélicoptères, de la réglementation obligatoire en matière d'aviation civile.

Elle précise que cette démarche exceptionnelle de l'autorité préfectorale démontre par elle-même la gravité du trouble causé à l'ordre public et qu'il ne lui appartenait pas de remettre en cause les faits rapportés par le préfet. Elle ajoute que les infractions reprochées par l'autorité de police étaient de nature à justifier la résiliation des marchés, sans qu'elle ait à suspendre sa décision dans l'attente de l'issue des poursuites pénales, étant rappelé que la résiliation est intervenue trois semaines avant le terme des contrats. Elle ajoute que l'arrêt rendu par la cour d'appel de Reims n'est pas de nature à remettre en cause la nature des manquements contractuels reprochés.

Elle conteste la brutalité de la rupture des relations commerciales établies, dès lors que les marchés arrivaient à échéance le 31 octobre 2013, de sorte que la rupture était prévisible, et qu'elle n'avait pas l'obligation de souscrire un nouveau marché avec la société Bourgogne Hélicoptères, laquelle n'avait, en outre, aucune certitude d'en obtenir un, sauf à contrevenir au principe de la libre concurrence.

Elle s'oppose aux demandes indemnitaires de la société Bourgogne Hélicoptères, lesquelles, à les considérer bien fondées, devraient se limiter à l'absence de préavis suffisant. Elle rappelle à ce titre qu'elle n'avait aucune obligation de consulter ladite société dans le cadre d'un appel d'offres et observe que la société Bourgogne Hélicoptères confond son résultat d'exploitation et son résultat.

Elle fait valoir que les autres préjudices invoqués ne sont pas davantage justifiés, la société Bourgogne Hélicoptères ne démontrant pas les investissements allégués, le préjudice lié à la perte prétendue de valeur de fonds de commerce n'étant pas réparable au titre de l'article L. 442-6 I, 5° du Code de commerce, et aucun lien de causalité n'existant entre la procédure de liquidation et l'absence de préavis de résiliation.

Elle ajoute qu'à considérer la rupture brutale de la relation commerciale caractérisée, le préjudice fondé sur la perte de marge durant 12 mois n'est pas établi, la marge brute ne pouvant correspondre à 100 % du chiffre d'affaires et devant prendre en compte les charges d'exploitation, lesquelles étaient supérieures au chiffre d'affaires de la société Bourgogne Hélicoptères, de sorte que celle-ci ne dégageait aucune ou très peu de marge. Elle indique également que le préjudice ne saurait être calculé sur la base du chiffre d'affaires réalisé par la société Bourgogne Hélicoptères les dix dernières années, et que la durée de préavis revendiquée est infondée compte tenu de la proximité du terme des contrats.

Elle estime les demandes de Mme X tout aussi infondées, dès lors qu'aucune perte de salaires durant 13 ans n'est justifiée, la société Enedis n'étant pas l'employeur de Mme X et la société Bourgogne Hélicoptères n'ayant aucune assurance de se voir attribuer un nouveau marché. Elle souligne enfin qu'aucun préjudice moral ne saurait être caractérisé du fait que Mme X tirait ses revenus de l'activité de la société Bourgogne Hélicoptères, laquelle demande consiste à solliciter deux fois la réparation du même préjudice, et qu'elle n'est pas responsable des articles parus dans la presse et relatifs au litige opposant les appelantes à la préfecture.

MOTIFS

Sur la recevabilité à agir des appelantes :

Selon l'article 31 du Code de procédure civile, " L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ".

L'article 32 du même Code énonce qu' " Est irrecevable toute prétention émise ou contre une personne dépourvue du droit d'agir ".

La société Bourgogne Hélicoptères, régulièrement représentée à l'instance par son mandataire liquidateur, a qualité à agir.

Mme X est un tiers par rapport à la société Bourgogne Hélicoptères, compte tenu du principe de l'autonomie juridique de la personne morale, ce quand bien même elle est gérante salariée de ladite société. Elle est également un tiers aux contrats conclus entre la société Bourgogne Hélicoptères et la société Enedis, en application de l'effet relatif des contrats. En sa qualité de tiers aux dits contrats, elle a qualité et intérêt à solliciter la réparation du préjudice direct, distinct de celui de la société Bourgogne Hélicoptères et personnel qu'elle estime avoir subi du fait de la rupture abusive de ces contrats. L'appréciation du droit d'agir étant différente de celle du bienfondé de la demande, les allégations de l'intimée selon lesquelles Mme X ne justifie ni d'une faute dans l'exécution des contrats, ni d'un préjudice direct, distinct et personnel causé par cette faute sont, à ce stade, inopérantes.

Les appelantes sont donc chacune recevables en leur action, le jugement entrepris devant être infirmé de ce chef.

Sur la rupture brutale de la relation commerciale établie :

Sur la brutalité de la rupture :

Selon l'article L. 442-6 I.5° du Code de commerce, " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'Economie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. (...) ".

La rupture, pour être préjudiciable et ouvrir droit à des dommages et intérêts, doit être brutale c'est à dire effectuée sans préavis écrit tenant compte des relations commerciales antérieures ou des usages reconnus par des accords professionnels. L'inexécution par l'autre partie de ses obligations permet une résiliation sans préavis.

Il n'est pas discuté que la société Bourgogne Hélicoptères et la société Y, devenue Enedis, sont en relations commerciales depuis 2005, date à compter de laquelle la société Bourgogne Hélicoptères soutient, sans être contredite par la société Enedis, avoir émis envers celle-ci des factures quasi-mensuelles pour des montants oscillant entre 6 000 euros et 69 000 euros. La société Bourgogne Hélicoptères indique également avoir pour client exclusif la société Enedis depuis 2005 et produit aux débats ses éléments de comptabilité démontrant l'exercice d'une activité régulière. Ce flux d'échange permanent et continu, non contesté par la société Enedis, caractérise une relation commerciale établie, quand bien même les marchés ont été remportés par le biais d'appels d'offres et les contrats afférents étaient conclus pour une durée déterminée.

La relation commerciale établie nouée entre la société Bourgogne Hélicoptères était donc ancienne de 8 ans au moment de la rupture de celle-ci, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 9 octobre 2013.

Par ce courrier, la société Enedis a dénoncé les trois contrats en cours venant à échéance au 31 octobre 2013, à effet immédiat, soit sans aucun préavis, aux motifs que le 16 septembre 2013, elle avait été avertie par la préfecture de l'Aube du survol du centre de détention de Villenauxe-La-Grande et que la société Bourgogne Hélicoptères n'avait pas informé les autorités locales de ce vol, en violation de ses obligations réglementaires et contractuelles.

Compte tenu de l'ancienneté de la relation commerciale établie nouée entre les parties, la société Bourgogne Hélicoptères pouvait légitimement espérer que ladite relation se poursuivrait, nonobstant la proximité du terme des marchés en cours et la nécessité pour la société Enedis de recourir à un appel d'offres. Les allégations de la société Enedis sur le caractère prévisible de la rupture de la relation commerciale établie eu égard à la proximité du terme des contrats à durée déterminée ne sont donc pas pertinentes.

Les manquements de la société Bourgogne Hélicoptères doivent être suffisamment graves pour lui imputer la rupture de la relation commerciale initiée par la société Enedis et permettre une rupture sans préavis.

La société Enedis s'est fondée sur les manquements relevés par le préfet de l'Aube. Par lettre du 19 septembre 2013, il était en effet reproché à la société Bourgogne Hélicoptères la violation des dispositions de l'article R. 131-1 du Code de l'aviation civile et de l'article L. 6211-4 du Code de transports, en raison de plusieurs survols à basse altitude, effectués par un appareil de sa société, constatés par le centre opérationnel de gestion du groupement départemental de gendarmerie sur les communes de Clerey, Cresantignes, [...], [...] et Vaudes dans la journée du 3 septembre 2013, et de Sainte Maure et Villenauxe La Grance dans celle du 4 septembre 2013, ce sans autorisation de dérogation, sans tenir compte d'installations portant une marque distinctive d'interdiction de survol ou des zones interdites, tel que le centre de détention de Villenauxe La Grande, et sans information préalable des services locaux de police ou de gendarmerie. La société Bourgogne Hélicoptères était invitée, à l'avenir, à respecter la réglementation en vigueur et à déposer une demande d'autorisation de dérogation de survol aérien préalablement à tous travaux pour lesquels elle pourrait être missionnée.

Ainsi que le fait valoir la société Bourgogne Hélicoptères sans être contredite par la société Enedis, aucun grief, en particulier de cet ordre, ne lui a jusqu'alors été adressé par la société Enedis durant les 8 années de leur relation commerciale établie. La société Enedis, qui indique avoir été informée par la préfecture le 16 septembre 2013 a laissé la relation commerciale se poursuivre sans incident, sans adresser, antérieurement au courrier de rupture du 9 octobre 2013, aucun courrier à la société Bourgogne Hélicoptères l'informant de la gravité des manquements dont l'a informée le préfet, ni recueillir les explications de ladite société, alors que celle-ci a contesté ces manquements par courrier adressé au préfet le 1er octobre 2013.

En outre, à la considérer exceptionnelle, la démarche du préfet s'étant borné à inviter la société Bourgogne Hélicoptères à se conformer, à l'avenir, à la réglementation en vigueur et qui n'a été suivie d'aucune interdiction ou mesure administrative provisoire prononcée envers la société Bourgogne ou la société Enedis par l'autorité compétente, ne démontrait pas en soi la gravité des manquements commis.

Ces manquements faisaient l'objet d'une enquête pénale lorsque la société Enedis a adressé le courrier de rupture à la société Bourgogne Hélicoptères, sans qu'aucune infraction n'ait encore été qualifiée, et Mme X a été relaxée des chefs de poursuites pénales ultérieurement exercées, par arrêt rendu par la cour d'appel de Reims le 15 janvier 2015. La seule circonstance que les faits reprochés à la société Bourgogne Hélicoptères aient fait l'objet d'une enquête pénale n'était pas de nature à justifier la résiliation des marchés.

Il s'ensuit que les faits reprochés à la société Bourgogne Hélicoptères dans le courrier de rupture n'étaient pas suffisamment caractérisés et graves au moment de l'envoi dudit courrier pour établir un manquement grave de la société Bourgogne Hélicoptères à ses obligations contractuelles et/ou légales, justifiant la résiliation, sans préavis, de la relation commerciale établie.

La rupture est donc imputable à la seule société Enedis, et présente un caractère brutal dès lors qu'elle a été effectuée sans préavis.

Sur le préjudice lié à la brutalité de la rupture :

Le délai de préavis raisonnable tenant compte des relations commerciales antérieures ou des usages reconnus par des accords professionnels devant être respecté en cas de rupture de la relation commerciale établie doit être de nature à permettre de trouver de nouveaux partenaires commerciaux, sans qu'il y ait lieu de prendre en considération la réalisation, ou non, de cet objectif ultérieurement à la rupture de la relation commerciale.

Il convient de tenir compte de l'ancienneté de la relation commerciale établie nouée entre la société Bourgogne Hélicoptères et la société Enedis, de 8 ans au moment de la rupture, de la situation de dépendance économique de la société Bourgogne Hélicoptères qui avait pour seul client la société Enedis, du chiffre d'affaires annuel moyen de 273 689 euros réalisé par la société Bourgogne Hélicoptères au cours des trois dernières années précédant la rupture, et non pas des huit dernières années comme le sollicite la société Bourgogne Hélicoptères, enfin du secteur d'activité concerné, qui constitue une activité réglementée et de niche exercée par six sociétés agrémentées dont fait partie la société Bourgogne Hélicoptères.

Au vu de ces éléments, un délai de préavis de huit mois aurait dû être respecté, afin de permettre à la société Bourgogne Hélicoptères de se réorganiser et de trouver d'autres débouchés.

Le préjudice de la société Bourgogne Hélicoptères consiste en la perte de marge brute moyenne durant le 8 mois de préavis qui n'ont pas été respectés. Son résultat d'exploitation étant de 43 830 euros en 2010, - 11 403 euros en 2011 et 4 en 2012, soit en moyenne de 10 810 euros par an, sa perte de marge durant le préavis non respecté représente 7 602 euros ((10 810 x 8) : 12).

Il convient donc de condamner la société Enedis à payer à la société Bourgogne Hélicoptères une somme de 7 602 euros en réparation de son préjudice au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie, laquelle somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la présente décision en application des dispositions de l'article 1153-1 du Code civil dans sa version applicable aux faits.

Sur la rupture abusive des contrats :

Sur le caractère abusif de la rupture des contrats et du refus de consultation de la société Bourgogne Hélicoptères pour le renouvellement des marchés :

Selon l'article 1134 du Code civil, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi entre ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.

L'article 1184 du Code civil, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, dispose que " La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.

Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.

La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances ".

La gravité du comportement d'une partie à un contrat à durée déterminée peut justifier que l'autre partie y mette fin à ses risques et périls, et cette gravité n'est pas exclusive d'un délai de préavis.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 9 octobre 2013, la société Enedis a dénoncé les trois contrats en cours venant à échéance au 31 octobre 2013, à effet immédiat, soit sans aucun préavis, en application des dispositions de l'article 78-1 des conditions générales d'achat. Elle a également notifié à la société Bourgogne Hélicoptères que celle-ci ne serait plus consultée lors du renouvellement des marchés.

L'article 78-1 des conditions générales d'achat prévoit qu'en cas de manquement aux obligations résultant du marché, l'entreprise met le titulaire en demeure d'y satisfaire dans un délai déterminé qui, sauf en cas d'urgence, ne peut être inférieur à 15 jours à compter de la date de notification de la mise en demeure, et la faculté de résiliation totale ou partielle du contrat si le titulaire n'a pas satisfait à ses obligations dans le délai imparti, ou encore de suspendre le contrat et de prendre toutes mesures utiles si l'entreprise n'estime pas utile de résilier le marché ni totalement, ni partiellement. Il est également prévu la faculté de résiliation par le titulaire ou par l'entreprise, sans mise en demeure, notamment si l'autre partie s'est livrée, à l'occasion du marché, à des actes frauduleux.

La résiliation des marchés en cours sans préavis sous le visa de l'article 78-1 des conditions générales d'achat renvoie aux cas dérogatoires prévus par cet article et notamment à la notion d' " actes frauduleux ", quand bien même le courrier de rupture ne mentionne pas expressément cette qualification.

Cependant, ainsi qu'il résulte des développements ci-avant, les griefs évoqués dans le courrier de rupture, tenant au survol du centre de détention de Villenauxe-La-Grande et à l'absence d'information des autorités locales de ce vol, en violation des obligations réglementaires et contractuelles de la société Bourgogne Hélicoptères, n'étaient pas, au moment de la rupture, suffisamment caractérisés et en particulier constitutifs d'une faute ou d'un acte frauduleux, et d'une gravité telle qu'ils justifiaient la résiliation sans préavis des contrats à durée déterminée, aucune interdiction de vol n'ayant été notifiée à la société Bourgogne Hélicoptères ni à sa gérante, et les poursuites pénales ultérieurement exercées ayant donné lieu à un arrêt de relaxe rendu par la cour d'appel de Reims en date du 15 janvier 2015.

La rupture sans préavis des contrats à durée déterminée, qui n'est pas conforme aux dispositions contractuelles convenues entre les parties et qui n'est fondée sur aucun manquement grave de la société Bourgogne Hélicoptères justifiant de l'impossibilité de poursuivre l'exécution des contrats en cours, est donc abusive.

Le refus subséquent de la société Enedis de consulter la société Bourgogne Hélicoptères pour le renouvellement des marchés, fondé sur des fautes ou actes frauduleux non démontrés, est également fautif. La société Enedis soutient vainement qu'elle n'a pas d'obligation de consulter les entreprises dans le cadre d'appels d'offres, dès lors que la société Bourgogne Hélicoptères dispose de l'agrément nécessaire à cet effet, lui permettant de souscrire aux appels d'offres.

Sur les préjudices liés au caractère abusif de la rupture des contrats et au refus de consultation

Sur la mise en liquidation judiciaire de la société Bourgogne Hélicoptères :

Le préjudice lié au caractère abusif de la rupture, par lettre du 9 octobre 2013, des contrats à durée déterminée venant à échéance le 31 octobre 2013 consiste en l'absence de respect d'un délai de préavis suffisant. Ce délai, au regard de la durée des contrats en cause, et de la proximité de leur échéance, doit être évalué à deux jours.

La société Bourgogne Hélicoptères fait vainement valoir que la résiliation abusive du contrat l'a mise dans l'impossibilité de présenter un plan de continuation car elle n'a pas eu la possibilité d'envisager de trouver d'autres clients en un temps aussi réduit, et que sa liquidation judiciaire est en lien de causalité directe avec ladite résiliation, dès lors qu'elle a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Mâcon du 26 avril 2013, en cours d'exécution des contrats, que ses deniers résultats d'exploitation étaient déficitaires ou quasi nuls (4 euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2012, - 11 403 euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2011), et que le délai de préavis de deux jours qui n'a pas été respecté ne lui aurait pas permis de présenter un plan de continuation satisfaisant.

Elle sera donc déboutée de sa demande indemnitaire à ce titre.

Sur la perte de chance d'être consultée pour le renouvellement des marchés :

Du fait de la décision fautive de la société Enedis de ne pas consulter la société Bourgogne Hélicoptères pour le renouvellement des marchés, ladite société a perdu une chance de souscrire aux appels d'offres de l'intimée. La société Bourgogne Hélicoptères faisant partie des six sociétés agréées par la société Enedis, remportant régulièrement des marchés depuis 2005, notamment un marché de 2010 à 2012, période durant laquelle elle a réalisé un résultat d'exploitation moyen de 10 810 euros, et ayant donné satisfaction à la société Enedis pour l'accomplissement des contrats obtenus, justifie d'une perte de chance réelle et sérieuse d'emporter un marché pour la prochaine consultation, qu'il convient d'estimer à 80 %, ce quand bien même la société Enedis a l'obligation de recourir à la procédure d'appel d'offres.

La société Bourgogne Hélicoptères échoue à caractériser une telle perte de chance pour les 13 prochaines années, les conditions d'appels d'offres pouvant évoluer sans que la société Bourgogne Hélicoptères ne remplisse les conditions requises, et la circonstance que Mme X, pilote d'hélicoptères, prenne sa retraite dans treize ans étant indifférente à établir une telle perte de chance.

Aucun élément n'étant donné par les parties sur la durée moyenne des marchés régulièrement obtenus par la société Bourgogne Hélicoptères, il convient de retenir celle des marchés litigieux, de trois ans et demi.

En conséquence, la société Enedis sera condamnée à payer à la société Bourgogne Hélicoptères une somme de 30 268 euros (10 810 euros x 3,5 x 80 %) en réparation de son préjudice au titre de la perte de chance de souscrire aux appels d'offres.

Sur la perte de valeur de fonds de commerce :

La société Bourgogne Hélicoptères échouant à établir que sa liquidation judiciaire est en lien causal direct avec la résiliation abusive des contrats est mal fondée à solliciter la réparation de son préjudice lié à la perte de son fonds de commerce subséquente à ladite liquidation, qui n'est ni démontré, ni en lien causal direct avec la résiliation abusive des contrats. Elle doit donc être déboutée de cette demande à ce titre.

Sur la perte sur investissements :

La société Bourgogne Hélicoptères, qui soutient être agréée de la société Enedis depuis 2003, ne justifie ni des frais engagés pour obtenir cet agrément, ni de leur lien de causalité avec la rupture abusive des contrats dix ans après l'engagement de ces frais prétendus. Sa demande à ce titre doit donc être rejetée.

Sur la perte de salaires et droits à la retraite de Mme X :

La liquidation de la société Bourgogne Hélicoptères étant sans lien de causalité avec la résiliation abusive des contrats, Mme X ne justifie nullement ses allégations selon lesquelles du fait de ladite résiliation ayant causé la mise en liquidation judiciaire de la société Bourgogne Hélicoptères, elle a perdu son emploi qu'elle aurait dû exercer jusqu'à sa retraite soit durant 13 ans. A défaut de justifier du lien de causalité entre le préjudice allégué et la rupture abusive des contrats, Mme X sera donc déboutée de sa demande au titre de la perte de salaires et droits à la retraite.

Sur le préjudice moral de Mme X :

Mme X ne justifie d'aucun préjudice moral personnel et direct du fait qu'elle était propriétaire de l'hélicoptère donné en location à la société Bourgogne Hélicoptères, et qu'elle percevait des revenus de celle-ci en sa qualité de gérante-salariée, ces préjudices allégués, en réalité d'ordre matériel, n'étant nullement démontrés, ni en lien causal direct avec la résiliation abusive des contrats obtenus par la société Bourgogne Hélicoptère.

En outre, elle ne justifie pas d'un préjudice moral personnel au motif qu'elle a été traitée sans ménagement par la société Enedis qui n'a pas cherché à l'entendre en ses explications et qui a mis un terme immédiat à 10 années de collaboration sans aucune difficulté, ce préjudice allégué étant celui subi par la société Bourgogne Hélicoptères du fait de la rupture brutale de la relation commerciale établie.

Enfin, il n'est nullement démontré que la société Enedis soit à l'origine d'articles de presse ayant relayé les faits, et qui ne sont nullement produits aux débats.

Mme X sera donc déboutée de sa demande indemnitaire à ce titre.

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile :

La société Enedis échouant en ses prétentions, sera condamnée aux dépens exposés en première instance et en cause d'appel.

L'équité commande de la condamner à payer à la société Bourgogne Hélicoptères la somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Mme X sera déboutée de sa demande à ce titre.

Par ces motifs LA COUR, Statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, Infirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 28 novembre 2016 dans l'ensemble de ses dispositions, sauf en ce qu'il a : Dit la société Y recevable en sa demande de tierce opposition incidente et constaté l'inefficacité des ordonnances rendues par le tribunal de commerce de Mâcon en date des 8 octobre 2014, 9 janvier, 2 avril et 6 mai 2015, Statuant de nouveau, Dit la société Bourgogne Hélicoptères recevable en son action, Dit Mme X recevable en son action, Condamne la société Enedis à payer à la société Bourgogne Hélicoptères une somme de 7 602 euros en réparation de son préjudice au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie, Dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la présente décision, Condamne la société Enedis à payer à la société Bourgogne Hélicoptères une somme de 30 268 euros en réparation de sa perte de chance de souscrire aux appels d'offre, Déboute la société Bourgogne Hélicoptères de l'ensemble du surplus de ses demandes indemnitaires, Déboute Mme X de l'ensemble de ses demandes indemnitaires, Condamne la société Enedis à payer à la société Bourgogne Hélicoptères une indemnité de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute Mme X de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Enedis aux dépens exposés en première instance et en cause d'appel.