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Décisions

CA Lyon, 8e ch., 4 juin 2019, n° 18-07314

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Spoolex Invest (SAS), RSPI (SASU)

Défendeur :

S. (SASU), ABACP (Sté), ABACP Conseil (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chauve

Conseillers :

Mmes Defrasne, Zagala

TGI Saint-Etienne, du 4 oct. 2018

4 octobre 2018

Selon acte sous seing privé du 14 juin 2016, M. Alain B. et la société ABACP ont cédé à la société Spoolex Invest l'ensemble de leurs titres détenus au sein de la société RSPI.

L'acte contenait de la part des cédants des engagements de non-concurrence, de non-débauchage et de non-démarchage.

S'estimant victimes d'actes de concurrence déloyale et de non-respect des engagements susvisés, la société RSPI et la société Spoolex Invest ont présenté le 9 février 2018 à la présidente du tribunal de grande instance de Saint-Étienne une requête en conservation des preuves sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile aux fins de voir désigner un huissier accompagné d'un expert informatique pour effectuer au domicile de M. B., aux sièges des sociétés ABACP et ABACP Conseil, S., PS ingénierie et DR Automatisation des mesures de constat.

Par ordonnance en date du 12 février 2018, la présidente du tribunal de grande instance de Saint-Etienne a fait droit aux mesures sollicités et il a été procédé aux mesures de constat le 21 février 2018.

La requête et l'ordonnance ont été signifiées à M. B. et aux sociétés ABACP et ABACP Conseil le 2 mars 2018.

Par acte du 18 juin 2018, M. B., la société ABACP, la société ABACP Conseil et la société S. ont assigné la société Spoolex et la société RSPSI aux fins d'ordonner la rétractation de l'ordonnance rendue sur requête et de statuer sur les conséquences de cette rétractation.

Par ordonnance du 4 octobre 2018 le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint-Etienne a :

- dit que la présidente du tribunal de grande instance de Saint-Etienne n'avait pas la compétence matérielle pour statuer sur la requête déposée par les sociétés Spoolex Invest et RSPI,

- ordonné la rétractation de l'ordonnance rendue sur requête le 12 février 2018 à la requête des sociétés Spoolex Invest et RSPI,

- ordonné à la société Spoolex Invest et à la société RSPI de restituer à M. Alain B., à la société S., à la société ABACP et à la société ABACP Conseil, l'ensemble des documents et fichiers saisis ensuite de l'ordonnance sur requête du 12 février 2018,

- annulé les constatations dressées par les huissiers dans le cadre de l'exécution de l'ordonnance du 12 février 2018,

- débouté M. Alain B., la société S., à la société ABACP et à la société ABACP Conseil de leur demande de dommages et intérêts et du surplus de leurs demandes,

- condamné la société Spoolex Invest et la société RSPI aux entiers dépens,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour, la société Spoolex Invest et la société RSPI ont formé appel de cette décision.

Aux termes de leurs dernières conclusions, la société Spoolex et la société RSPI demandent à la cour, réformant l'ordonnance querellée en toutes ses dispositions, de :

- dire l'ordonnance sur requête du 12 février 2016 parfaitement justifiée et fondée et déclarer les opérations de saisies parfaitement valables avec toutes les conséquences qui y sont attachées,

- condamner les intimés solidairement à payer à chacune des appelantes la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Aux termes de leurs dernières conclusions, M. Alain B., la société ABACP, la société ABACP Conseil, et la société S. demandent à la cour :

- d'écarter des débats les pièces adverses n° 12 à 210 et 219 à 221,

- de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a :

- ordonné la rétraction de l'ordonnance rendue le 12 février 2018,

- ordonné en conséquence la restitution des fichiers et documents,

- annulé les constats établis sur la base de cette ordonnance rétractée,

- de la réformer en ce qu'elle les a déboutés de leur demande de restitution sous astreinte, de leur demande de dommages et intérêts et de leur demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Statuant à nouveau, de :

- dire que les fichiers et documents saisis ensuite de l'ordonnance en date du 12 février 2018 devront être restitués sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

- condamner in solidum la société RSPI et la société Spoolex Invest à leur payer à chacun la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice subi,

- condamner solidum les sociétés Spoolex Invest et RSPI à payer, au titre des frais de première instance, à chacun d'eux la somme de 5 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

En tout état de cause,

- condamner in solidum, en cause d'appel, les sociétés Spoolex Invest et RSPI à payer à chacun d'eux la somme de 5 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions déposées par les parties pour l'exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le juge territorialement compétent pour statuer sur une requête fondée sur l'article 145 du Code de procédure civile, qui permet au juge d'ordonner des mesures d'instruction avant tout procès, est le président du tribunal susceptible de connaître de l'instance au fond ou celui du tribunal dans le ressort duquel les mesures d'instruction in futurum sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées.

La compétence dévolue par l'article 812 du Code de procédure civile au président du tribunal de grande instance pour statuer sur requête ne peut faire échec à celle conférée au président du tribunal de commerce par l'article 875 du même Code lorsque le litige pour la solution et dans la perspective duquel sont requises les mesures d'instruction relèvent de la juridiction de ce dernier.

En l'espèce, ainsi que l'a relevé le premier juge, il résulte de la requête présentée au tribunal de grande instance que la société Spoolex Invest et la société RSPI se sont prévalues de la violation des clauses figurant dans l'acte de cession à la société Spoolex Invest de l'ensemble des titres détenus au sein de la société RSPI par M. Alain B. et la société ABACP, pour justifier le motif légitime leur permettant de solliciter une mesure d'instruction.

Or, l'article L. 721-3 du Code de commerce dispose :

" Les tribunaux de commerce connaissent :

1° Des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux ;

2° De celles relatives aux sociétés commerciales ;

3° De celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes. "

Le fait que M. B. qui a été délié de son obligation de non-concurrence résultant de son contrat de travail du 14 juin 2016 le liant à la société RSPI, soit visé aux côtés des sociétés concurrentes comme auteur des faits litigieux, n'a pas pour effet de modifier les termes du procès que la société RSPI et la société Spoolex entendent engager aux termes de la requête.

En effet, il résulte expressément de la requête du 9 février 2018 que la société RSPI et la société Spoolex Invest souhaitent conserver ou établir la preuve, outre de faits deconcurrence déloyale commis par des sociétés commerciales, de la violation alléguée des engagements des cédants de la société RSPI. Or, le litige né à l'occasion d'une cession de titres d'une société commerciale relève, en application du texte susvisé, de la compétence du tribunal de commerce.

Les faits de concurrence déloyale commis par des sociétés commerciales et ceux de violation des engagements de non-concurrence résultant d'un acte de cession de titres d'une société commerciale ne peuvent relever, ne serait-ce qu'en partie, de la compétence du tribunal de grande instance.

Il convient donc de confirmer la décision déférée en ce que, retenant l'incompétence de la présidente du tribunal de grande instance de Saint-Etienne pour autoriser sur requête les mesures d'instructions sollicitées, elle a rétracté l'ordonnance rendue le 12 février 2018, ordonné aux sociétés Spoolex Invest et RSPI de restituer à M. Alain B., à la société S., à la société ABACP et à la société ABACP Conseil, l'ensemble des documents et fichiers saisis et annulé les constatations dressées par les huissiers dans le cadre de l'exécution de ladite ordonnance.

Si le premier juge a pu légitimement estimer que cette mesure était suffisante à prévenir une quelconque utilisation de ces documents sans qu'il y ait lieu d'assortir l'obligation de restitution d'une astreinte, il convient de constater que la société RSPI et la société Spoolex Invest n'ont pas procédé à la restitution ordonnée et qu'à défaut d'astreinte, elles ont estimé pouvoir produire les pièces saisies à la suite de la requête.

Il convient donc, compte tenu de l'évolution du litige, d'assortir l'obligation de restitution d'une astreinte de 500 euros par jour de retard commençant à courir à compter de la présente décision.

La nullité des opérations de saisie prononcée par le premier juge en raison de la perte de fondement juridique des mesures, interdit à la société RSPI et la société Spoolex Invest d'utiliser de produire, de faire mention ou révéler à quelque titre que ce soit les documents et les informations auxquelles elles ont eu accès dans le cadre des opérations annulées.

Il convient donc de faire droit à la demande des intimés tendant à écarter les pièces adverses n° 12 à 210 et 219 à 221.

L'exécution d'une mesure autorisée ne constitue pas une faute ouvrant droit à réparation du préjudice en résultant. M. Alain B., la société S., la société ABACP et à la société ABACP Conseil ne justifient pas d'un préjudice indépendant de la seule exécution de cette mesure et il n'est pas établi que la société RSPI et la société Spoolex Invest ont agi de mauvaise foi ou dans l'intention de nuire aux intimés. La décision déférée doit donc être confirmée en ce qu'elle les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts.

La société RSPI et la société Spoolex Invest doivent être condamnées aux dépens d'appel et à payer à M. Alain B., à la société ABACP, à la société ABACP Conseil, et à la société S. la somme de 2 000 euros à chacun sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs LA COUR, Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions, Y ajoutant compte tenu de l'évolution du litige, Ecarte les pièces produites par la société RSPI et la société Spoolex Invest sous les n° 12 à 210 et 219 à 221, Assortit l'obligation de restitution des documents saisis d'une astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la présente décision, Condamne la société RSPI et la société Spoolex Invest aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Condamne la société RSPI et la société Spoolex Invest à payer à M. Alain B., à la société ABACP, à la société ABACP Conseil et à la société S. la somme de 2.000 euros à chacun sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.