CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 31 mai 2019, n° 18-05634
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Brod'styl International (SARL)
Défendeur :
MSI (SARL), Création Claude K (Sarlu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Gaber
Conseillers :
Mmes Lehmann, Barutel
Vu le jugement contradictoire du 18 janvier 2018 rendu par le tribunal de grande instance de Paris,
Vu l'appel interjeté le 15 mars 2018 par la société Brod'Styl International (Brod'Styl),
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées, par voie électronique, le 11 décembre 2018, de la société Brod'Styl, appelante,
Vu les dernières conclusions remises au greffe, et notifiées par voie électronique, le 11 décembre 2018, de la société MSI, intimée,
Vu les dernières conclusions remises au greffe, et notifiées par voie électronique, le 20 février 2019, de la société Création Claude K., intimée,
Vu l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état en date du 13 décembre 2018 déclarant irrecevables comme tardives les conclusions de la société Y.,
Vu l'ordonnance de clôture du 7 mars 2019,
SUR CE, LA COUR,
Par courrier intitulé " réponse à avis d'irrecevabilité " notifié par voie électronique le 21 novembre 2018, la société Y. sollicite que les pièces qu'elle a communiquées comprenant notamment ses conclusions de première instance, soient soumises à la cour.
En application de l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 13 décembre 2018 les conclusions de la société Y. sont irrecevables, et par voie de conséquence les pièces par elle produites au soutien desdites conclusions sont également irrecevables.
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
Il sera simplement rappelé que la société Brod'Styl exerce sous l'enseigne Miss June une activité de commerce de gros et d'import-export d'accessoires pour l'habillement. Elle revendique des droits d'auteur sur une broderie " Miss June " apposée sur plusieurs vêtements et notamment les caftans Fancy et Kenza ainsi que la robe Mini-Dress Beauty référencés respectivement B33, B34 et B35 créés au cours de l'année 2014.
Elle a commercialisé d'autres vêtements pour femmes comprenant des broderies de couleurs vives autour de l'encolure, et notamment un caftan Tanger référencé B39, une blouse Miss June référencée B76 et une robe Miss June référencée B98.
Le 10 mai 2016, la société Brod'Styl a fait procéder, dans une boutique située au [...] appartenant à la société Claude K. Créations, qui exerce son activité de commerce sous l'enseigne Lynn Adler, à un constat d'achat d'un top Bi-Bi, d'une blouse Bichon et d'une robe Bamby.
Le 6 juin 2016 elle a fait procéder dans une boutique située [...], appartenant à la société Y. qui exerce son activité sous l'enseigne Even, à un constat d'achat par huissier de justice, d'une blouse référencée L02 portant une étiquette 'Gold and Silver' marque et enseigne sous laquelle la société MSI exerce son activité de création, fabrication et commercialisation de vêtements et accessoires de mode.
Autorisée par ordonnances présidentielles des 10 et 13 juin 2016, la société Brod'Styl a fait pratiquer des saisies-contrefaçon aux sièges sociaux des sociétés Y., MSI et Créations Claude K. qui se sont déroulées le 30 juin 2016 et le 4 juillet 2016.
Par acte d'huissier des 20 et 22 juillet 2016, la société Brod'Styl a assigné les sociétés Y., Création Claude K. et MSI devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droit d'auteur et de modèles communautaires et concurrence déloyale et parasitaire.
Par jugement en date du 18 janvier 2018, dont appel, le tribunal a essentiellement :
Déclaré irrecevables les demandes de la société Brod'Styl au titre de la contrefaçon de droit d'auteur et de dessins et modèles,
Débouté la société Brod'Styl de ses demandes subsidiaires au titre de la concurrence déloyale, et additionnelle au titre de la concurrence parasitaire,
Constaté que la demande de garantie de la société Création Claude K. est sans objet,
Condamné la société Brod'Styl à payer au titre de l'article 700 du Code de procédure civile les sommes de 2 500 euros chacune aux sociétés Y. et Création Claude K., et 5 000 euros à la société MSI, outre les entiers dépens.
La cour observe que dans la présente instance d'appel, la société Brod'Styl ne forme plus de demandes sur le fondement du droit des dessins et modèles, concentrant ses moyens sur la contrefaçon de droit d'auteur à l'encontre des sociétés Y. et MSI, et sur laconcurrence parasitaire à l'encontre de toutes les intimées.
Sur la titularité des droits d'auteur
Le tribunal, constatant que les créations opposées n'étaient pas produites et que les pièces versées n'étaient pas suffisamment lisibles, a déclaré les demandes de la société Brod'Styl irrecevables sur le fondement du droit d'auteur.
La société Brod'Styl fait valoir qu'elle a produit devant la cour de nouvelles pièces qui ont manqué à l'examen du tribunal, et revendique être titulaire des droits d'auteur, au titre de l'œuvre collective, sur une broderie apposée notamment sur les vêtements référencés B33, B34 et B35.
La société MSI lui dénie la titularité sur cette broderie en arguant de ce qu'elle ne justifie ni de son rôle d'initiative et de coordination dans la création revendiquée, ni d'avoir édité ladite création sous son nom.
La cour rappelle qu'en application de l'article L. 113-2 du Code de la propriété intellectuelle, est dite collective l'œuvre créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom, et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé.
En l'espèce la société Brod'Styl verse au débat :
- des croquis détaillés (pièce 30) de la broderie " Miss June " datés du 25 juillet 2014, réalisés grâce à un logiciel comportant des gros plans de sa composition et de son apposition autour de l'encolure des caftans Fancy et Kenza ainsi que de la robe tunique Mini dress beauty, qui figurent sur lesdits croquis avec les références B33, B34 et B35;
- un croquis fait à la main (pièce 31) portant la date du 21 octobre 2014 relatif notamment au caftan Fancy montrant la forme de la broderie autour de l'encolure ;
- l'original de la robe tunique Mini dress beauty dont l'étiquette porte la référence B35 (pièce 5) ;
- l'attestation de Mme Anne-Marie Landrieu B., styliste free-lance, datée du 12 juillet 2016 aux termes de laquelle celle-ci indique : " J'ai collaboré à la création des collections commercialisées sous la marque Miss June Paris " ; " plus particulièrement j'ai participé au cours de l'année 2014 à la création des modèles B33, B34 et B35 (reproduits en annexe 2 de la présente déclaration) " ; " j'ai cédé à la société Brod'Styl par contrat du 11 décembre 2014, l'ensemble de mes droits d'auteur sur la collection Miss June Paris (...) Et plus particulièrement sur les créations B33, B34, B35 (...) ";
- le contrat de cession conclu le 11 décembre 2014 entre Mme Andrieu B. et la société Brod'Styl dont le préambule indique que " Mme Landrieu B. a été contactée par la société Brod'Styl afin de participer à la création des collections commercialisées sous le nom Miss June Paris ; (...) ainsi et en collaboration avec Mme Nathalie A., directrice de collection, elle a pu créer de nombreuses créations textiles originales, et plus particulièrement la collection printemps/été 2015 de Miss June " ;
- l'attestation de Mme Nathalie A., directrice de collection de la société Brod'Styl qui indique : " J'ai collaboré et dirigé la création des collections commercialisées sous la marque Miss June " et " plus particulièrement participé à la création des modèles B33, B34, B35 (reproduits en annexe 2 de la présente déclaration) "; " les collections Miss June sont pensées et travaillées dans un esprit hippy/chic/bohème qui correspond à l'univers de la marque depuis plusieurs années " ; " pour la collection été 2015, nous avons axé notre travail particulièrement sur des broderies ethniques et colorées " ; " l'ensemble de mes droits d'auteur sur les modèles susmentionnés ont été transférés à la société Brod'Styl pour toute la durée de protection " ;
- des factures portant le nom de la société Brod'Styl, l'une du 9 février 2015 relative notamment au caftans Fancy et Kenza référencés B33 et B34, l'autre du 26 janvier 2015 concernant le caftan Fancy B33 et la robe-tunique Mini dress beauty référencée B35.
Il est ainsi suffisamment démontré que la société Brod'Styl a, par l'intermédiaire de sa directrice de collection, donné à la styliste Mme Landrieu B. des instructions relatives à la création de la broderie litigieuse correspondant à l'image " hippy-chic " de la marque Miss June sous laquelle la société Brod'Style divulgue ses créations, qu'elle a donc eu l'initiative de la création de ladite broderie, et qu'elle en a assuré la diffusion et l'exploitation en France, sous son nom en commercialisant les vêtements Fancy, Kenza et Mini dress beauty sur lesquels la broderie revendiquée est apposée, de sorte qu'elle est bien titulaire des droits d'auteur attachés à l'œuvre collective constituée de ladite broderie, et qu'elle est en conséquence recevable à agir sur le fondement desdits droits. Le jugement entrepris sera dès lors infirmé de ce chef.
Sur l'originalité
La société Brod'Styl revendique une combinaison de motifs, de formes géométriques et de couleurs qui caractérisent selon elle des choix personnels portant l'empreinte de la personnalité de l'auteur.
La société MSI soutient que :
- l'appelante procède par la voie de simples affirmations et liste des descriptions générales et objectives de caractéristiques insuffisantes pour la démonstration d'une originalité ;
- la broderie s'inscrit dans un style datant des années 70 qualifié de hippy ou de bohème ;
- les caftans sur lesquels elle est apposée, caractérisés par un plastron agrémenté de broderies de formes géométriques disposées de manière symétrique, datent des années 70 et 90 ;
- l'absence d'antériorités ne peut suffire à faire accéder le vêtement au statut d'une œuvre protégeable.
L'article L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle protège par le droit d'auteur toutes les œuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, pourvu qu'elles soient des créations originales.
Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d'une œuvre sans formalité du seul fait qu'elle constitue une création originale.
Néanmoins lorsque cette protection est contestée en défense, l'originalité de l'œuvre doit être explicitée par celui qui se prévaut d'un droit d'auteur.
La société Brod'Styl revendique la combinaison des éléments suivants, conférant selon elle à la broderie un style à la fois indien et oriental, qui traduisent les partis pris esthétiques de son auteur :
- un ensemble complexe d'assemblage de motifs et de formes géométriques, à savoir : des rectangles, carrés, losanges et lignes ainsi que des motifs originaux et artistiques, s'organisant sous forme d'arabesques de trois tailles allant en diminuant, longeant l'encolure, se rejoignant au centre du vêtement en forme oblongue ;
- les couleurs rose fluo et turquoise se retrouvent et s'agencent pour former un ensemble harmonieux ;
- différentes paillettes dorées, de tailles diverses, sont placées sur différentes parties de la broderie ;
- sur la partie centrale du modèle de broderie, les paillettes dorées portent en leur centre une perle en verre de couleur dorée ;
- l'intérieur du col se caractérise par un quadrillage souligné de points de croix contrasté en broderie fils ;
- les paillettes de grande taille sont ensuite disposées au centre de ce quadrillage rose, dont les fils sont attachés entre eux par des petites croix bleu turquoise ;
- les paillettes de plus petite taille sont disposées au centre de losanges turquoises, puis entourées d'autres losanges roses ;
- enfin, entourant la broderie, il y a des paillettes argentées, placées au centre de rectangles turquoise.
La cour observe que si l'apposition de broderies comprenant des formes géométriques figurant de façon symétrique autour de l'encolure de tuniques ou de robes est usuelle, en revanche, la combinaison telle que revendiquée, qui ne s'imposait pas, d'arabesques de trois tailles allant en diminuant autour de l'encolure dans une forme oblongue lui conférant la forme particulière d'une parure, renforcée par l'usage de paillettes argentées et de grande taille à l'extérieur, de plus petite taille, dorées et portant en leur centre une perle, dans la partie centrale, disposées selon un agencement singulier s'entrelaçant avec un quadrillage de fils de coton brodés en points de croix, et ce dans des couleurs rose et turquoise fluo, distingue ladite broderie des autres broderies du même genre et traduit un parti-pris esthétique empreint de la personnalité de son auteur.
La société Brod'Styl justifie en conséquence de l'originalité de la broderie litigieuse, laquelle bénéficie dès lors de la protection prévue par le droit d'auteur. Le jugement entrepris sera dès lors infirmé de ce chef.
Sur la contrefaçon
La société Brod'Styl prétend que la broderie apposée sur la robe référencée L02 commercialisée par les sociétés Y. et MSI contrefait en tous points la broderie revendiquée.
La société MSI soutient que les broderies en cause ne produisent pas la même impression d'ensemble car la disposition des éléments décoratifs diffère, l'effet étant beaucoup plus chargé sur le modèle revendiqué et plus épuré sur la robe L02 incriminée, tout comme la découpe au niveau des décolletés.
La cour rappelle qu'aux termes de l'article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en va de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque.
L'examen de la robe référencée L02 versée à la procédure à la suite du constat d'achat du 6 juin 2016 permet de constater que sont reprises les caractéristiques de la broderie revendiquée par la société Brod'Styl et notamment une forme en arabesques de trois tailles allant en diminuant autour de l'encolure dans une forme oblongue, un pourtour brodé de couleur turquoise recouvert de paillettes placées au centre de rectangles, une partie centrale brodée de couleur rose fluo recouverte de paillettes dorées placées au centre de losanges, et un quadrillage de points de croix de couleur turquoise à l'intérieur du col.
Il est ainsi suffisamment établi que la broderie de la robe LO2 litigieuse, nonobstant quelques différences relativement à la forme des arabesques, légèrement plus marquée dans la broderie revendiquée, ainsi qu'au nombre et à la taille des paillettes, moins nombreuses et plus petites sur la robe incriminée, qui ne parviennent pas à créer une impression d'ensemble différente, la contrefaçon s'appréciant non par les différences mais par les ressemblances, reproduit la combinaison de formes, de couleurs et de matières des caractéristiques originales revendiquées par la société Brod'Styl, de sorte que l'impression d'ensemble de cette parure rose et turquoise à paillettes, placée autour de l'encolure, est la même. La contrefaçon de la broderie est dès lors caractérisée.
Sur la concurrence parasitaire
La société Brod'Styl demande de dire qu'elle a subi en outre des actes distincts de concurrence parasitaire. Elle fait valoir que les intimées ont parasité l'essentiel de sa collection 2015-2016 et notamment une blouse Miss June B76, une robe B98 et un top B39 en commercialisant une blouse Bichon, une robe Bamby et un top bibi reprenant l'univers de la collection Miss June, sans avoir à développer de création, et en profitant des investissements qu'elle a réalisés.
Les sociétés MSI et Création Claude K. opposent en substance que l'appelante ne justifie d'aucun savoir-faire ni investissements ou succès commercial particuliers ; que les factures versées ne présentent aucun lien avec les vêtements litigieux ; que la société Brod'Styl ne peut s'approprier les tuniques amples et fluides agrémentées de broderies, perles et/ou pompons qui s'inscrivent dans une tendance appartenant au fonds commun de la mode, et ce d'autant que les modèles qu'elles commercialisent se distinguent clairement de ceux de l'appelante.
La cour rappelle que le principe est celui de la liberté du commerce, et que ne sont sanctionnés au titre de la concurrence parasitaire que des comportements fautifs tels que ceux d'une personne physique ou morale, qui copie une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements, ou cherche à se placer dans son sillage sans bourse délier.
La société Brod'Styl soutient que le fait que les intimées commercialisent une blouse, une robe, et un top de couleur blanche présentant une broderie et des formes évoquant les modèles B76, B98 et B39 de sa collection 2015 serait constitutif d'actes de parasitisme.
Pour justifier de ses investissements ainsi prétendument détournés, la société Brod'Styl, qui ne verse ni plan de communication, ni parution presse ni aucun élément établissant la particulière notoriété ou succès commercial de sa collection, produit des catalogues. Cependant, outre que seul le catalogue (pièce 37) relatif à la collection 2015 est antérieur aux faits incriminés, les autres catalogues concernant les collections postérieures ainsi qu'il résulte de l'attestation sur la correspondance entre les références et l'année de la collection (pièce 53), aucun des vêtements invoqués au titre de la concurrence parasitaire ne figurent dans lesdits catalogues, de sorte que les pièces 37 et 47 sont inopérantes, tout comme les pièces 48, 50 et 52 qui ont trait à des frais de shooting et de fabrication desdits catalogues sans lien avec les produits en cause. De même, l'attestation de la directrice de collection (pièce 34) visée par l'appelante pour démontrer ses investissements de création, qui indique de manière générale que " pour la collection 2015 nous avons axé notre travail particulièrement sur des broderies ethniques et colorées ", ne peut suffire à justifier d'un travail intellectuel et d'une valeur économique individualisée procurant un avantage concurrentiel, ni à considérer comme fautif, en l'absence de tout risque de confusion allégué et de droit privatif revendiqué, le fait que les intimées ont également commercialisé des vêtements comprenant des broderies ethniques et colorées qui appartiennent au fonds commun de la mode.
Il s'ensuit que la demande de la société Brod'Styl sur le fondement de la concurrence parasitaire sera rejetée, et le jugement entrepris confirmé de ce chef.
Sur les mesures réparatrices
Il y a lieu de faire droit à la mesure d'interdiction dans les conditions du dispositif ci-après sans qu'il y ait lieu à astreinte, s'agissant d'un modèle saisonnier dont il n'est pas justifié de la poursuite de la commercialisation. Pour cette même raison, il n'y a pas lieu d'ordonner la destruction, ni la publication demandée.
Pour la fixation des dommages-intérêts, la société Brod'Styl soutient que la facture appréhendée lors de la saisie contrefaçon porte sur 372 pièces, que les intimées, compte tenu du nombre de revendeurs et des ventes sur internet, ont dû vendre 1 000 pièces, pour un bénéfice évalué à 25 000 euros. Elle ajoute que ses ventes ont chuté en 2016 de 3 444 exemplaires correspondant à une perte de chiffre d'affaires de 80 000 euros et sollicite en conséquence la somme de 105 000 euros au titre du manque à gagner et des bénéfices du contrefacteur. Elle fait valoir enfin que la vente à un prix très inférieur aux vêtements originaux a porté atteinte à son image, et sollicite à ce titre une somme de 30 000 euros.
Il résulte :
- de la facture d'achat versée à la procédure à la suite de la saisie contrefaçon diligentée le 30 juin 2016 dans les locaux de la société MSI que cette dernière a acquis 372 exemplaires de la blouse référencée L02 à un prix unitaire de 6 euros,
- du procès-verbal de saisie contrefaçon du 30 juin 2016 dans les locaux de la société Y. que ladite société les achète à un prix de 12,50 euros,
- de la facture annexée au procès-verbal de constat d'achat du 6 juin 2016 dans la boutique Even de la société Y. qu'elle vend lesdites blouses à un prix de 35 euros, soit un bénéfice pour la société MSI de 2 420 euros, et pour la société Y. de 8 370 euros.
La société Brod'Styl calcule son manque à gagner en prenant en compte la diminution de ses ventes des produits référencés B33, B34 et B35 sur lesquels sont apposés la broderie contrefaite entre 2015 et 2016 soit 3 444 exemplaires. Cependant il convient de tenir compte du fait que, dans l'univers de la mode, la baisse des ventes d'un même article d'une année sur l'autre s'explique aussi par le caractère saisonnier des tendances, et le désir de nouveautés de la clientèle de sorte que ladite baisse n'est pas imputable en totalité aux actes de contrefaçon de la broderie, laquelle ne concerne en tout état de cause qu'une partie desdits vêtements, et n'est donc pas le seul élément déclencheur d'achat. En outre la société Brod'Styl calcule son manque à gagner sur le chiffre d'affaires manqué, alors qu'il convient de prendre en compte sa perte de marge bénéficiaire sur laquelle elle ne produit aucun élément comptable.
Enfin la contrefaçon de la broderie qu'elle a créée a nécessairement causé un préjudice moral à la société Brod'Styl. Pour son évaluation, il doit cependant être tenu compte du fait que la faible différence des prix publics en présence, à savoir 35 euros pour les blouses incriminées et 48 euros pour les vêtements commercialisés par l'appelante, n'est pas de nature à démontrer une atteinte à l'image de marque ni une dévalorisation des produits commercialisés par la société Brod'Styl.
En prenant en considération distinctement ces éléments d'appréciation sur les conséquences négatives subies par la société Brod'Styl des suites de la contrefaçon, sur le préjudice moral causé à cette dernière et sur les bénéfices réalisés par les sociétés MSI et Y., la cour, sans qu'il soit nécessaire de faire droit à la demande de communication d'éléments comptables, estime pouvoir fixer à la somme de 20 000 euros les dommages et intérêts réparant l'entier préjudice de la société Brod'Styl résultant de la contrefaçon de ses droits d'auteur sur la broderie litigieuse.
Sur les autres demandes
Aucune condamnation n'étant prononcée à l'encontre de la société Créations Claude K. dont la responsabilité, recherchée seulement au titre de la concurrence parasitaire n'a pas été retenue, sa demande d'appel en garantie est en conséquence sans objet.
Par ces motifs, Déclare irrecevables les pièces produites par la société Y., Infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a rejeté les demandes de la société Brod'Styl International au titre des actes de concurrenceparasitaire, Statuant à nouveau dans cette limite, Dit que la broderie créée par la société Brod'Styl International et divulguée sur les vêtements référencés B33, B34 et B35 bénéficie de la protection au titre du droit d'auteur, Fait interdiction aux sociétés Y. et MSI d'offrir à la vente, de quelque façon que ce soit, les tuniques référencées L02, Condamne in solidum les sociétés Y. et MSI à payer à la société Brod'Styl International une somme totale de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de contrefaçon de ses droits d'auteur, Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation, Condamne les sociétés Y. et MSI in solidum aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile et, vu l'article 700 dudit Code, les condamne in solidum à payer à ce titre à la société Brod'Styl International une somme de 10 000 euros.