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Décisions

Cass. crim., 13 juin 2019, n° 17-87.364

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soulard

Rapporteur :

M. Wyon

Avocat général :

M. Salomon

Avocats :

SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, SCP Baraduc, Duhamel, Rameix

TGI Paris, JLD, du 21 mai 2014

21 mai 2014

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par la société X, contre l'ordonnance n° 92 du premier président près la cour d'appel de Paris, en date du 8 novembre 2017, qui a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant l'Autorité de la concurrence à effectuer des opérations de visite et de saisie en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles ; - Vu les mémoires en demande, en défense, et les observations complémentaires produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 450-4 du Code de commerce, 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'Homme, 591 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'ordonnance attaquée a confirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Paris du 21 mai 2014 et l'ordonnance subséquente du juge des libertés et de la détention de Nanterre du 22 mai 2014, et rejeté tout autre demande, fin ou conclusion ;

"alors que dans le cadre des visites et saisies domiciliaires autorisées sur le fondement de l'article L. 450-4 du Code de commerce, les personnes n'ayant pas fait l'objet de visite et de saisies et qui sont mises en cause au moyen de pièces saisies lors de telles opérations menées chez d'autres personnes, disposent de la faculté de former un recours contre le déroulement des opérations auxquelles elles sont demeurées tierces, dans un délai de dix jours qui court à compter de la date à laquelle elles ont reçu notification du procès-verbal et de l'inventaire dressés lors desdites opérations et, au plus tard, à compter de la notification de griefs prévue à l'article L. 463-2 du même Code ; que la personne qui n'a pas été concernée par de premières opérations de visites et de saisies se retrouve nécessairement " mise en cause ", au sens de l'article L. 450-4 in fine, dès l'instant où l'Autorité de la concurrence sollicite du juge des libertés et de la détention l'autorisation de procéder à son encontre à de nouvelles opérations de visite et de saisies en se fondant sur des pièces saisies lors des premières opérations ; que le procès-verbal et l'inventaire dressés lors des premières opérations doivent donc être annexés à la requête, et subséquemment à l'ordonnance d'autorisation des nouvelles opérations, afin de garantir à la personne ainsi " mise en cause " la possibilité d'un recours effectif, sans que l'Autorité de la concurrence n'ait la faculté de retarder la notification des documents jusqu'au jour de la notification des griefs ; qu'au cas d'espèce, en jugeant au contraire régulière l'ordonnance d'autorisation litigieuse, pourtant essentiellement fondée sur des pièces saisies lors d'une précédente visite effectuée dans les locaux de la société Y, alors même que le droit au recours effectif de la société X France contre les opérations au cours desquelles avaient été saisies les pièces la mettant en cause n'avait pas été effectivement garanti, en l'absence d'annexion à la requête et à l'ordonnance subséquente du procès-verbal et de l'inventaire dressés à cette occasion, le délégué du premier président de la cour a violé les textes susvisés" ;

Vu l'article L. 450-4 du Code de commerce ; - Attendu que selon ce texte, le procès-verbal et l'inventaire établis lors d'opérations de visite et de saisie doivent être notifiés aux personnes n'ayant pas fait l'objet de ces opérations mais qui sont mises en cause au moyen de pièces saisies lors de celles-ci et qui disposent d'un recours sur leur déroulement devant le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle le juge les a autorisées ;

Attendu que se trouve mise en cause au sens de ce texte la personne visée par une demande d'autorisation de procéder dans ses locaux à des opérations de visite et de saisie sur le fondement de pièces saisies au cours d'une précédente visite domiciliaire effectuée chez un tiers ;

Que le procès-verbal et l'inventaire dressés à l'issue de ces opérations antérieures doivent être annexés tant à la requête qu'à l'ordonnance d'autorisation du juge des libertés et de la détention qui doit être notifiée au moment de la visite, assurant ainsi l'exercice du droit à un recours effectif de la personne mise en cause ;

Attendu qu'il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de procédure que des opérations de visite et de saisie ont été menées en octobre 2013 dans les locaux des sociétés Z et Y ; que, statuant sur une requête du rapporteur général de l'Autorité de la concurrence se fondant sur des éléments issus de ces opérations, dans le cadre d'une enquête relative à un système d'ententes prohibées à dimension nationale, entre les fabricants, les grossistes et les grandes enseignes de détail dans le secteur de la distribution de produits électroménagers, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris a autorisé, par ordonnance du 21 mai 2014, en application des dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce, des opérations de visite et de saisie dans les locaux de plusieurs sociétés, dont la société X, à Suresnes (92) ; que les opérations se sont déroulées dans les locaux de cette société les 27 et 28 mai 2014 ; que le 5 juin 2014, la société X a interjeté appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant ces opérations, et demandé son annulation, ainsi que celle de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Nanterre rendue sur commission rogatoire de celui de Paris, et celle des opérations de visite et de saisie subséquentes effectuées dans ses locaux les 27 et 28 mai 2014 ;

Attendu que pour écarter le grief selon lequel le premier président a violé l'article L. 450-4 du Code de commerce et a irrémédiablement porté atteinte au droit au recours effectif de la société X contre les opérations d'octobre 2013, l'ordonnance énonce que selon le dernier alinéa de l'article L. 450-4 du Code de commerce, pour les personnes n'ayant pas fait l'objet de visite et de saisie et qui sont mises en cause, le délai de recours de dix jours court à compter de la date à laquelle elles ont reçu notification du procès-verbal et de l'inventaire et, au plus tard à compter de la notification de griefs prévue à l'article L. 463-2 du Code de commerce ; que le juge retient que, dès lors, il ne peut être reproché à l' Autorité de la concurrence de ne pas avoir notifié ces documents à la société X dans un délai de dix jours suivant le déroulement des opérations de visite et de saisie dans les locaux des sociétés Y et Z ; que le premier président en conclut qu'en conséquence, il n'y a pas eu de violation d'un droit au recours effectif de la société X contre les opérations de visite et de saisie d'octobre 2013 ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que la société X se trouvant mise en cause par une requête visant à obtenir l'autorisation d'effectuer des opérations de visite et de saisie dans ses locaux sur le fondement des résultats d'une opération antérieure effectuée chez des tiers, le procès-verbal et l'inventaire dressés à l'issue de cette dernière devaient être annexés à ladite requête et lui être notifiés au début de la visite autorisée, le premier président a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ; d'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé ; casse et annule en toutes ses dispositions l'ordonnance susvisée du premier président de la cour d'appel de Paris, en date du 8 novembre 2017, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; renvoie la cause et les parties devant la juridiction du premier président de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.