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CC, 14 juin 2019, n° 2019-790 QPC

CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Décision

ENR Grenelle Habitat (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 13 juin 2019, où siégeaient : M. Laurent Fabius, Président, Mme Claire Bazy Malaurie, M. Alain Juppé, Mmes Dominique Lottin, Corinne Luquiens, Nicole Maestracci, MM. Jacques Mézard, François Pillet, Michel Pinault

CC n° 2019-790 QPC

14 juin 2019

LE CONSEIL : - Le Conseil constitutionnel a été saisi le 8 avril 2019 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 841 du 2 avril 2019), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société ENR Grenelle Habitat, M. Laurent A. et Mme Julie A. par Me Audrey Téani, avocate au barreau de Bordeaux. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2019-790 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 132-2 et L. 522-1 du Code de la consommation. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le Code de la consommation ; - l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du Code de la consommation ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour les requérants par Me Bertrand Perier, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, et Me Téani, enregistrées le 30 avril 2019 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour les requérants par Mes Perier et Téani, enregistrées le 15 mai 2019 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Téani, pour les requérants, et M. Philippe Blanc, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 4 juin 2019 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; Le Conseil constitutionnel s'est fondé sur ce qui suit :

1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi des articles L. 132-2 et L. 522-1 du Code de la consommation dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 mentionnée ci-dessus.

2. L'article L. 132-2 du Code de la consommation, dans cette rédaction, prévoit :

" Les pratiques commerciales trompeuses mentionnées aux articles L. 121-2 à L. 121-4 sont punies d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 300 000 euros.

" Le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits, ou à 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant ce délit ".

3. L'article L. 522-1 du même Code, dans la même rédaction, prévoit :

" L'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation est l'autorité compétente pour prononcer les amendes administratives sanctionnant les manquements aux dispositions mentionnées aux articles L. 511-5, L. 511-6 et L. 511-7 et l'inexécution des mesures d'injonction relatives à des manquements constatés avec les pouvoirs mentionnés aux mêmes articles ".

4. Les requérants soutiennent que l'application combinée des articles L. 132-2 et L. 522-1 du Code de la consommation méconnaîtrait les principes de nécessité et de proportionnalité des peines en permettant un cumul de sanctions administrative et pénale à raison des mêmes faits. En effet, selon eux, l'article L. 522-1 du Code de la consommation permet à l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation de prononcer des amendes administratives pour sanctionner les pratiques commerciales trompeuses, qui sont, par ailleurs, réprimées pénalement par l'article L. 132-2 du même Code.

5. Il découle de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 que le principe de nécessité des délits et des peines ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l'objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature différente en application de corps de règles distincts. Le contrôle de la conformité d'un cumul de poursuites à ce principe impose de déterminer les faits qui sont poursuivis et sanctionnés, les intérêts sociaux qui sont protégés par l'instauration des sanctions et la nature de ces dernières. Ainsi, pour que le Conseil constitutionnel puisse, dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité, contrôler la conformité à ce principe d'une disposition législative instituant une sanction ayant le caractère de punition, il est nécessaire que le requérant désigne, au cours de la procédure, la disposition instituant l'autre sanction entraînant le cumul dénoncé.

6. Or, les articles L. 121-2 à L. 121-4 du Code de la consommation, qui figurent à la section 1 du chapitre Ier du titre II du livre Ier de ce Code, définissent les pratiques commerciales trompeuses. L'article L. 132-2 du même Code réprime pénalement ces pratiques.

7. L'article L. 522-1 du Code de la consommation se borne à donner compétence à l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation pour prononcer les amendes administratives sanctionnant les manquements aux dispositions mentionnées aux articles L. 511-5, L. 511-6 et L. 511-7 du même Code. Il n'a ni pour objet ni pour effet d'instituer une sanction administrative. Le renvoi à l'article L. 511-5, lequel mentionne la section 1 du chapitre Ier du titre II du livre Ier du Code de la consommation, n'a, en tout état de cause, pas davantage cet effet.

8. Dès lors, il ne saurait résulter des articles L. 132-2 et L. 522-1 du Code de la consommation un cumul de poursuites.

9. Par suite, en l'absence de désignation par les requérants de l'autre disposition législative entraînant le cumul dénoncé, il n'y a pas lieu pour le Conseil constitutionnel de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité.

Le Conseil constitutionnel décide :

Article 1er

Il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité portant sur les articles L. 132-2 et L. 522-1 du Code de la consommation.

Article 2

Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.