Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 13 juin 2019, n° 16-22870

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Pacific Creation (Sasu)

Défendeur :

BETC (SA), Iconoclaste (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Birolleau

Conseillers :

Mmes Soudry, Moreau

T. com. Paris, du 18 oct. 2016

18 octobre 2016

FAITS ET PROCÉDURE :

Par contrat conclu le 31 octobre 2011 pour une durée déterminée d'une année, la société Pacific Création, qui a pour activité la conception et l'exploitation des parfums sous la marque Lolita Lempicka, a confié à la société BETC, agence de publicité, la conception et la réalisation d'une campagne publicitaire pour le parfum dit " Premier parfum ", ainsi que la préparation et réalisation du lancement d'une deuxième campagne sur un second produit.

Par contrat en date du 15 juin 2012, la société BETC a confié à la société Iconoclaste, société de production de films publicitaires et de vidéoclips musicaux, la réalisation et la production de l'ensemble des œuvres audiovisuelles constituant la compagne publicitaire.

Fin juillet 2012, la société Iconoclaste a livré à la société BETC un film publicitaire, ainsi que plusieurs déclinaisons assorties, et les visuels destinés à constituer les affiches et encarts dans la presse. La campagne publicitaire a été lancée durant le mois de septembre 2012 puis rediffusée durant la période de noël 2012, et à nouveau à compter d'avril 2013.

Le contrat conclu entre la société Pacific Création et la société BETC a été tacitement reconduit à son échéance le 31 octobre 2012, ce afin de réaliser la seconde campagne relative au parfum " Elle l'aime ".

La société BETC a adressé une proposition de budget à la société Pacific Création, qui lui a répondu par courriel du 21 mars 2013. La société BETC a alors confirmé la commande du second film à la société Iconoclaste, laquelle en a commencé la production.

Le 4 décembre 2012, la société Pacific Création a été avertie par la société Adbi, exerçant sous le nom commercial " Mes Demoiselles ", de l'utilisation prétendument contrefaisante du modèle vestimentaire dénommé " Clémence " porté par l'égérie de la campagne publicitaire dite " Premier Parfum ", information répercutée par la société Pacific Création auprès de la société BETC qui a indiqué faire le nécessaire.

Le 5 avril 2013, la société Pacific Création a manifesté sa volonté de mettre un terme à la réalisation de la campagne publicitaire " Elle l'aime ".

Le 11 avril 2013, elle a mis fin à toutes les relations contractuelles qu'elle entretenait avec la société BETC, à effet immédiat, en adressant un chèque de 55 000 euros de dédommagement à cette dernière, laquelle, dans un courrier en date du 19 avril 2013, a sollicité le paiement du solde de ses honoraires sur la période contractuelle en cours, le paiement de la rémunération annuelle de droits d'auteur ainsi que le remboursement des dépenses déjà engagées pour la campagne " Elle l'aime ".

Par lettres recommandées avec demande d'avis de réception des 30 avril 2013 et 13 mai 2013, la société Adbi a respectivement mis en demeure la société Pacific Création et la société BETC, d'une part, et la société Iconoclaste, d'autre part, de cesser la campagne publicitaire " Premier parfum ", en invoquant à nouveau la contrefaçon du vêtement original dit " Clémence " de sa marque " Mes Demoiselles ".

Par courrier du 7 mai 2013, la société BETC a informé la société Pacific Création qu'elle allait instruire le dossier avec la société Iconoclaste, qu'elle considère comme étant contractuellement responsable de l'obtention des autorisations nécessaires à l'exploitation de la campagne conformément à l'article 12.1 du contrat de production.

Par lettre du 10 mai 2013, la société Pacific Création a reproché à la société BETC d'avoir manqué à son obligation de s'assurer des droits des tiers. Au cours de la même période, elle a demandé à la société Adbi d'établir son droit de propriété intellectuelle sur le modèle litigieux, laquelle a justifié de la cession de droits d'auteur à son profit par sa salariée et styliste X.

Le 14 mai suivant, la société BETC a expliqué à la société Pacific Création qu'elle avait confié le stylisme de la campagne à son sous-traitant, la société Iconoclaste, laquelle était informée de la situation litigieuse avec la société Adbi.

Par lettre du 16 mai 2013, la société Iconoclaste a contesté les droits d'auteur invoqués par la société Abdi en lui rappelant qu'elle lui avait vainement demandé d'en justifier en décembre 2012.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 21 mai 2013, la société BETC a mis en demeure la société Pacific Création de lui verser une indemnité compensatrice de préavis, le montant du dédit sur la campagne " Elle l'aime " ainsi que la somme forfaitaire annuelle de 59 800 euros en paiement des droits d'auteur du fait de la poursuite de l'exploitation de la campagne " Premier Parfum " postérieurement à la date de résiliation du contrat, demandes contestées par la société Pacific Création dans un courrier en réponse en date du 31 mai suivant.

Le 30 septembre 2013, la société Pacific Création a sollicité auprès de la société Iconoclaste le renouvellement de la cession des droits sur les visuels de la campagne " Premier Parfum " pour une année supplémentaire, lesquels ont été renouvelés à compter du 16 avril 2013 jusqu'au 15 avril 2014.

Par sommation interpellative du 11 octobre 2013, la société Pacific Création, invoquant un trouble de jouissance dans l'exploitation paisible de la campagne du " Premier Parfum " et le renouvellement des droits des tiers, a contesté devoir toutes sommes à la société BETC et enjoint celle-ci de justifier du règlement du litige avec la société Abdi. Par lettre du 21 octobre 2013, la société BETC a contesté ces griefs et a fait valoir la garantie de la société Iconoclaste.

Le 22 octobre 2013, la société Iconoclaste a informé la société Iconoclaste [sic] être disposée à procéder à la modification des visuels et du film publicitaire pour éviter le prétendu obstacle que constituerait la revendication infondée de droits d'auteur par la société Abdi.

Estimant que l'inexécution de ses obligations contractuelles par la société BETC avait conduit à l'interruption de la campagne publicitaire du " Premier parfum ", la société Pacific Création, par acte du 25 novembre 2013, a assigné la société BETC devant le tribunal de commerce de Paris aux fins d'obtenir la réparation de son préjudice. La société BETC a, par acte du 7 mai 2014, assigné la société Iconoclaste en garantie.

En cours de procédure, la société Iconoclaste a produit une lettre datée du 23 septembre 2014, adressée par la société Abdi, l'informant renoncer à sa revendication de droits d'auteur.

Parallèlement, la société BETC a, par acte du 9 décembre 2013, assigné la société Pacific Création devant le tribunal de grande instance de Paris afin de faire sanctionner les actes de contrefaçon commis par celle-ci. Le tribunal de grande instance de Paris a, par jugement en date du 18 octobre 2016, fait droit aux demandes de la société BETC et condamné la société Pacific Création au paiement de la somme de 60 000 euros, en lui faisant interdiction de poursuivre ses actes illicites sous astreinte. Cette décision a été confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 31 janvier 2017.

Par jugement contradictoire rendu le 18 octobre 2016, le tribunal de commerce de Paris a :

- ordonné la jonction des instance n° RG 2013072269 et n° RG 2014033172,

- débouté la société Pacific Création de ses demandes de condamner la société BETC à lui verser la somme de 1 500 000 euros à titre de dommages et intérêts et à lui régler la somme de 1 500 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- jugé n'y avoir lieu à statuer sur la demande de la société BETC de condamner la société Iconoclaste à la relever et garantir de toutes condamnations qu'elle serait amenée à supporter si la société Pacific Création prospérait en ses demandes,

- condamné la société Pacific Création à payer à la société BETC la somme de 10 780 euros correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée sur la somme de 55 000 euros,

- condamné la société Pacific Création à payer à la société BETC la somme de 8 616,58 euros toutes taxes comprises,

- condamné la société Pacific Création à payer à la société BETC la somme de 7 537,28 euros toutes taxes comprises avec pénalités au taux de trois fois celui de l'intérêt légal à compter du 15 janvier 2014,

- condamné la société Pacific Création à payer à la société BETC la somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement,

- condamné in solidum la société BETC et la société Pacific Création à payer à la société Iconoclaste la somme de 122 005,81 euros,

- condamné corrélativement la société Pacific Création à rembourser cette somme de 122 005,81 euros à la société BETC pour autant que cette société l'aura elle-même payée à la société Iconoclaste,

- condamné la société Pacific Création à payer à la société BETC la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Pacific Création à payer à la société Iconoclaste la somme de 5 000 euros et la société BETC à payer, de même, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

- condamné la société Pacific Création à payer les dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 105,84 euros dont 17,42 euros de TVA.

Par déclaration du 17 novembre 2016, la société Pacific Création a interjeté appel à l'encontre de cette décision.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par dernières conclusions notifiées le 6 mars 2019, la société Pacific Création, appelante, demande à la cour de :

Vu les anciens articles 1134 et suivants du Code civil,

- infirmer le jugement prononcé le 18 octobre 2016 par le tribunal de commerce de Paris,

En statuant à nouveau,

- la dire et juger recevable et bien fondée en ses demandes,

- dire et juger que la société BETC a manqué à son obligation contractuelle de résultat de négociation et d'acquisition du droit des tiers,

- dire et juger que la société BETC a manqué à son obligation contractuelle de délivrance d'une campagne publicitaire libre de droits et exempte de toute critique vis-à-vis des tiers,

- dire et juger que la société BETC a manqué à son devoir de loyauté et de bonne foi,

- constater qu'elle a subi un préjudice financier considérable,

- condamner la société BETC à lui verser la somme de 1 500 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner la société BETC à lui verser la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- condamner la société BETC à lui verser la somme de 65 780 euros TTC indûment payée au titre du préavis,

- condamner la société BETC à lui restituer la somme de 3 882 81 euros TTC correspondant aux honoraires indûment versés pour la période du 6 avril au 11 avril 2013 au titre de l'exécution provisoire,

- dire que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de l'assignation, soit le 25 novembre 2013,

- condamner solidairement les sociétés BETC et Iconoclaste à lui régler une somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner solidairement les sociétés BETC et Iconoclaste aux entiers dépens de l'instance,

En outre et à titre principal,

Vu les anciens articles 1134 et 1315 du Code civil,

Vu les anciens articles 1110 et suivants du Code civil,

- dire et juger que l'échange de courriels le 21 mars 2013 entre les sociétés BETC et Pacific Création ne constituent qu'un projet de budget ne valant pas devis accepté par ses soins,

- dire et juger que son accord de principe en date du 21 mars 2013 a été obtenu par l'exploitation des circonstances par la société BETC,

- dire et juger que son accord de principe en date du 21 mars 2013 est vicié et donc nul pour cause de violence,

- débouter la société BETC de sa demande de condamnation à son encontre au paiement de la somme de 8 616,58 euros au titre des frais technique, de maquette et dédit suite à l'annulation du shoot,

- condamner la société BETC à lui restituer la somme de 8 616,58 euros versée au titre de l'exécution provisoire,

- débouter la société Iconoclaste de sa demande de condamnation à son encontre au paiement de la somme de 122 005,81 euros au titre du dédit suite à l'annulation de la production du film,

- condamner la société Iconoclaste à lui restituer la somme de 122 005,81 euros versés au titre de l'exécution provisoire,

En outre et à titre subsidiaire,

Vu les anciens articles 1134 et 1315 du Code civil,

- dire et juger que l'échange de courriels le 21 mars 2013 entre les sociétés BETC et Pacific Création ne porte pas sur les frais techniques ni de maquettes,

- débouter la société BETC de sa demande de condamnation à son encontre au paiement de la somme de 5 377,69 euros au titre des frais techniques et de maquettes,

- débouter la société BETC de sa demande de condamnation à son encontre au paiement de la facture de dédit n° 05B30004417 du 21 mai 2013 d'un montant de 3 238,89 euros TTC pour l'annulation du shoot,

- condamner la société BETC à lui restituer la somme de 8 616,58 euros versée au titre de l'exécution provisoire,

- dire et juger que la société Iconoclaste ne justifie pas de l'ensemble des postes afférents à sa facture de dédit pour l'annulation la production du film,

- débouter la société Iconoclaste de sa demande de condamnation à son encontre au paiement de la somme de 122 005,81 euros au titre du dédit suite à l'annulation de la production du film,

- condamner la société Iconoclaste à lui restituer la somme de 92 607,24 euros payée dans le cadre de l'exécution provisoire au titre du dédit suite à l'annulation de la production du film,

En tout état de cause,

- déclarer les sociétés BETC et Iconoclaste mal-fondées en leurs demandes reconventionnelles et d'appel incident,

- débouter la société BETC de l'intégralité de ses demandes indemnitaires formulées à son encontre,

- débouter la société Iconoclaste de l'intégralité de ses demandes indemnitaires formulées à son encontre.

En premier lieu, la société Pacific Création fait valoir l'engagement de la responsabilité contractuelle de la société BETC au titre des fautes commises dans l'exécution du contrat de commande du 31 octobre 2011, renouvelé et devenu à durée indéterminée, l'ayant contrainte à interrompre la campagne publicitaire " Premier parfum ".

Elle soutient tout d'abord que la société BETC n'a pas respecté son obligation contractuelle consistant à lui garantir que l'ensemble des créations cédées étaient juridiquement disponibles et à livrer une compagne conforme aux droits des tiers, dans la mesure où l'égérie de la campagne portait un modèle vestimentaire dont la propriété intellectuelle a été revendiquée par une société tierce, ce qui constitue un délit de contrefaçon.

Elle précise que la société BETC, tenue à une obligation de délivrance et de garantie d'éviction, était débitrice d'une obligation contractuelle de résultat de négociation et d'acquisition du droit des tiers, lesquels doivent s'entendre, conformément à l'article 7.1 du contrat, des droits des auteurs extérieurs à l'agence. Elle considère que la société BETC devait, à ce titre, livrer une campagne publicitaire libre de droits et exempte de toute critique vis-à-vis des tiers, en s'assurant que la campagne pourrait être exploitée sans risque d'action en contrefaçon.

Elle indique que la société BETC engage sa responsabilité en raison du non-respect de cette obligation de résultat, la société BETC n'ayant pas obtenu l'autorisation de la société Abdi, détentrice de droits sur les vêtements " Clémence ", sauf à démontrer l'existence d'une force majeure, nullement établie. Elle précise qu'il importe peu que cette faute ait été constatée postérieurement à la réalisation du contrat de commande et à la vague de diffusion dont la campagne publicitaire a fait l'objet. Elle ajoute qu'il n'y a pas lieu de considérer le risque encouru comme condition nécessaire de la faute de la société BETC, lequel est en outre caractérisé par les éléments produits par la société Abdi, la prétendue renonciation de cette dernière à faire valoir ses droits d'auteur par lettre du 23 septembre 2012, deux années après le litige, étant indifférente.

Elle affirme ensuite que la société BETC a manqué à son devoir de loyauté et de bonne foi dans la mesure où contrairement à ses engagements pris dans son courrier du 4 décembre 2012, et malgré une mise en demeure du 30 avril 2013, ladite société a fait preuve d'inertie, n'a pas réglé le litige avec la société Abdi et n'a pas mis fin au risque d'une action en contrefaçon de droits d'auteur.

Elle fait valoir qu'en raison de ce litige avec la société Abdi, elle a été contrainte d'interrompre l'exploitation de la campagne publicitaire du " Premier parfum ", parfum phare de la marque Lolita Lempika, à la veille des fêtes de fin d'année, soit pendant une période économiquement favorable. Elle précise qu'elle a maintenu cette campagne dans un premier temps, au vu des engagements de la société BETC de régler le litige avec la société Abdi et qu'elle ne pouvait plus courir de risque faute de justification par la société BETC du respect des dits engagements.

Elle fait valoir un préjudice de 1 500 000 euros, dès lors que le " Premier Parfum " représente 75 % de son chiffre d'affaires, qu'elle a dû, de nouveau, exposer en urgence d'importants frais de campagne publicitaire, qu'elle a subi une perte de chiffre d'affaires compte tenu de la réduction de la visibilité du " Premier Parfum ", et qu'elle a engagé des frais inutiles au titre de la première campagne publicitaire de celui-ci.

Elle sollicite également le remboursement par la société BETC du préavis de 55 000 euros HT indûment versé, l'article 9.1 du contrat prévoyant la possibilité de déroger au préavis contractuel de 3 mois en cas de motif grave et légitime, lequel est caractérisé, même si les fautes susvisées ont été constatées postérieurement à la rupture.

En deuxième lieu, la société Pacific Création conteste l'engagement de sa responsabilité contractuelle au titre de la résiliation du contrat de commande du 31 octobre 2011.

Elle explique que l'arrêt de la campagne du parfum " Elle l'aime " par lettre du 5 avril 2013, en raison de la défaillance de la société BETC, est indépendante de la rupture de toutes ses relations entretenues avec ladite société BETC, et donc de la résiliation du contrat de commande du 31 octobre 2011, par lettre du 11 avril 2013.

Elle précise que la tacite reconduction du contrat à durée déterminée du 31 octobre 2011 a donné naissance à un nouveau contrat aux mêmes conditions mais à durée indéterminée, et pouvant être résilié unilatéralement sans justification de motifs, dès lors que le respect du délai de préavis contractuel de 3 mois était respecté, ce qu'elle a fait en s'acquittant de trois mois d'honoraires. Elle ajoute que les manquements de la société BETC à ses obligations contractuelles, dont elle n'a eu connaissance que postérieurement à la résiliation du contrat, ont justifié celle-ci, qu'ainsi aucun préavis n'était dû en vertu de l'article 9.1 du contrat, ni aucune indemnité de résiliation.

En troisième lieu, la société Pacific Création conteste l'engagement de sa responsabilité délictuelle sur le fondement de l'article L. 442-6 I, 5° du Code de commerce.

Elle rappelle à ce titre la faculté de résiliation sans préavis en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations. Elle considère en outre qu'au vu de la durée des relations commerciales, d'un an 5 mois et 11 jours au moment de la rupture, de l'absence de dépendance économique de la société BETC et des circonstances ayant entouré la rupture, le préavis de trois mois qui a été appliqué était suffisant.

En quatrième lieu, elle réfute la violation de la clause d'exclusivité prévue à l'article 1 du contrat du 31 octobre 2011, pour avoir eu recours à la société Mazarine Mademoiselle Noï afin de réaliser en urgence la seconde campagne du parfum " Elle l'aime " le 28 mai 2013, dès lors que ladite clause avait expiré du fait de la résiliation du contrat.

En cinquième lieu, elle s'oppose à la demande de frais et de dédits afférents à l'annulation de la campagne " Elle l'aime ".

Elle précise à ce titre que la société BETC n'a pas respecté ses engagements contractuels afférents à cette campagne, tels que prévus dans le contrat de commande du 31 octobre 2011.

Elle nie s'être engagée pour la production du film et du sprint " Elle l'aime ", le courriel que lui a adressé la société BETC le 21 mars 2013 n'étant qu'une simple proposition de budget, et non pas un devis définitif détaillé, et le courriel qu'elle a envoyé en retour à la société BETC le même jour ne pouvant valoir acceptation de devis.

Elle soulève la nullité pour violence de son prétendu accord de principe donné par courriel du 21 mars 2013, la société BETC l'ayant contrainte de répondre en urgence à son courriel du même jour et les parties n'ayant pas pour habitude de valider un budget selon ces modalités.

A titre subsidiaire, à considérer que l'échange des courriels entre les parties le 21 mars 2013 vaille devis accepté et non vicié, elle conteste les demandes de la société BETC en paiement de factures relatives aux frais de maquettes, aux frais de tests et au dédit pour la production du film, qu'elle considère injustifiées, notamment compte tenu des anomalies contenues dans les justificatifs produits par la société BETC. Elle ajoute que la demande de paiement d'honoraires de la société BETC ne peut porter que jusqu'au 5 avril 2013 inclus, conformément au contrat de commande du 31 octobre 2011, et non pas jusqu'au 16 avril 2013.

Enfin, elle s'oppose aux demandes de perte de marge et au titre du préjudice d'image formées par la société Iconoclaste dès lors qu'elle n'est pas contractuellement liée à celle-ci, qu'elle a mis fin au contrat conclu avec la société BETC en raison des manquements de cette dernière et que les préjudices allégués ne sont pas justifiés.

Par dernières conclusions notifiées le 20 mars 2019, la société BETC, intimée, demande à la cour de :

Vu l'article 9 du Code de procédure civile,

Vu les articles 1134, 1135 et 1184 du Code civil (dans leur ancienne rédaction),

Vu le contrat de commande du 31 octobre 2011,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce en date du 18 octobre 2016 en ce qu'il a :

- débouté la société Pacific Création de ses demandes, formées à son encontre, à lui verser la somme de 1 500 000 euros à titre de dommages et intérêts et à lui régler la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- condamné la société Pacific Création à lui payer la somme de 10 780 euros correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée sur la somme de 55 000 euros,

- condamné la société Pacific Création à lui payer la somme de 8 616,58 euros toutes taxes comprises,

- condamné la société Pacific Création à lui payer la somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement,

- condamné la société Pacific Création aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Y de la société Osborne Clarke, en application de l'article 699 du Code de procédure civile,

- l'infirmer pour le reste (notamment en ce qu'il a reconnu l'article 9 du contrat prévoyant un préavis de résiliation de 3 mois applicable),

Et statuant à nouveau,

- la dire et juger recevable et bien fondée en ses demandes, fins et prétentions,

- constater qu'elle n'a pas manqué à ses obligations contractuelles à l'égard de la société Pacific Création et notamment à son obligation de garantie jouissance paisible,

- constater qu'elle n'a pas manqué à son devoir de loyauté et de bonne foi,

En conséquence,

A titre principal,

- débouter la société Pacific Création de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

À titre subsidiaire, si par extraordinaire, la cour jugeait qu'elle a manqué à ses obligations contractuelles,

Vu le contrat de production entre BETC et Iconoclaste le 15 juin 2012,

- constater que les conditions de mise en œuvre de responsabilité et/ou de la garantie de la société Iconoclaste à son profit sont réunies,

- condamner la société Iconoclaste à la relever et garantir de toutes condamnations, dommages-intérêts, indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et dépens, qu'elle serait amenée à supporter si la société Pacific Création prospérait en ses demandes,

À titre reconventionnel,

Vu les articles 1134, 1135 et 1184 du Code civil (dans leur ancienne rédaction),

Vu le contrat de commande du 31 octobre 2011,

Vu l'article V-4 du contrat type entre annonceur et agent de publicité établi en application de l'article 1er, 1er alinéa, de l'arrêté du 15 décembre 1959,

- condamner la société Pacific Création à lui verser la somme de 76 743,29 euros TTC dans l'hypothèse où le contrat reconduit serait jugé comme étant un contrat à durée déterminée, ou la somme de 65 780 euros TTC dans l'hypothèse où le contrat reconduit serait jugé comme étant un contrat à durée indéterminée, avec intérêts de retard équivalents à trois fois le taux légal sur la somme de 65 780 euros TTC à compter du 15 juillet 2013 et, le cas échéant, sur la somme de 10 780 euros TTC à compter du 15 juillet 2013,

À titre subsidiaire,

Vu l'article L. 442-6 I.5° du Code de commerce,

Vu l'article V-4 du contrat type entre annonceur et agent de publicité établi en application de l'article 1er, 1er alinéa de l'arrêté du 15 décembre 1959,

- condamner la société Pacific Création à lui verser la somme de 61 000 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation de la rupture brutale du contrat de collaboration, avec intérêts de retard équivalents à trois fois le taux légal à compter de la date du jugement déféré,

- condamner la société Pacific Création à lui verser la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts du fait de son comportement particulièrement déloyal et abusif vis-à-vis de BTC,

- condamner la société Pacific Création à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts du fait de la violation de l'exclusivité convenue à son bénéfice,

- assortir la condamnation de la société Pacific Création à verser à la société BETC la somme de 8 616,58 euros TTC des intérêts de retard équivalents à trois fois le taux légal, et ce à compter du 15 juillet 2013 ;

- condamner la société Pacific Création à verser à la société BETC la somme de 122 005,81 euros en remboursement des frais engagés par la société Iconoclaste au titre de la seconde campagne publicitaire et dont la société Iconoclaste réclame le paiement auprès de la société BETC dans le cadre de la présente instance, et ce, avec intérêts de retard équivalents à trois fois le taux légal à compter du 15 juillet 2013 ;

- condamner la société Pacific Création à lui verser la somme de 10 963,31 euros TTC au titre de la facture du 25 novembre 2013, et ce, avec intérêts de retard équivalents à trois fois le taux légal à compter du 15 janvier 214, et s'il y a lieu, à lui verser l'indemnité forfaitaire d'un montant de 40 euros au titre des articles L. 441-6 et D. 441-5 du Code de commerce,

- ordonner la publication judiciaire du dispositif de l'arrêt à intervenir dans quatre revues de son choix et aux frais de la société Pacific Création dans la limite de 7 500 euros HT par publication,

En tout état de cause,

- condamner la société Pacific Création à lui verser la somme de 60 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Pacific Création aux entiers dépens dont distraction au profit de la société Osborne Clarke, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile,

- débouter la société Iconoclaste de l'ensemble de ses demande, fins et prétentions formulées à son encontre,

À titre subsidiaire sur ce dernier point,

- condamner la société Pacific Création à supporter l'intégralité des condamnations qui seraient prononcées in solidum contre elle et la société Pacific Création, ou contre elle seule, au profit de la société Iconoclaste.

Tout d'abord, la société BETC conteste l'engagement de sa responsabilité contractuelle envers la société Pacific Création.

Elle soutient que l'obligation de négocier et d'acquérir les droits des tiers intervenant dans l'exécution des campagnes publicitaire constitue une obligation de moyen, et ne couvre pas les droits des tiers n'intervenant pas dans l'exécution des campagnes, tels que la société Abdi, dont seule était responsable la société Iconoclast, en charge de la production du film et du print.

Elle considère qu'en livrant une campagne originale, elle a satisfait à son obligation de délivrance, de quelle que nature qu'elle soit.

Elle réfute avoir manqué à son obligation de garantie d'éviction, définie à l'article 4.1 & 5 du contrat, qui constitue une obligation de résultat et ne couvre que ses créations, à l'exclusion, d'une part, des droits des éventuels ayant droits, non-salariés de l'agence, tels que la société Abdi, d'autre part, des droits d'auteur relatifs aux accessoires tels que le vêtement porté dans la campagne sur lequel la société Abdi revendique des droits d'auteur.

Elle indique qu'à supposer que les droits revendiqués par la société Abdi relèvent de ses obligations contractuelles, l'existence d'un trouble de jouissance, même suffisante pour faire jouer la garantie d'éviction, ne l'est pas pour caractériser l'existence d'une faute de sa part justifiant la résiliation du contrat. Elle relève que la société Pacific Création, qui a joui paisiblement de la campagne publicitaire livrée même en connaissance de la réclamation de la société Abdi, ne rapporte pas la preuve de la réalité d'une éviction, qui suppose un trouble actuel et non pas éventuel. Elle souligne que la campagne publicitaire "Premier Parfum" n'a été compromise par aucune action en contrefaçon de droits d'auteur par la société Abdi qui a renoncé à toute réclamation par courrier du 23 septembre 2014, que la société Pacific Création, qui avait renouvelé les droits au titre de cette campagne, avait l'intention d'en poursuivre l'exploitation, qu'elle a vainement proposé à la société Pacific Création de mettre fin à tout risque en modifiant le haut porté par le mannequin dans la campagne de publicité, et que ladite société a librement choisi de ne pas poursuivre celle-ci.

Elle considère en conséquence que la résiliation du contrat ne saurait être justifiée postérieurement à celle-ci par le prétendu manquement à son obligation de garantie.

Elle conteste tout manquement à son devoir de loyauté et de bonne foi dans la mesure où elle s'est impliquée dans la résolution du litige avec la société Abdi, qu'elle a toujours confirmé à la société Pacific Création sa garantie de jouissance paisible, et qu'elle ne s'est nullement déchargée de ses obligations en choisissant d'instruire la réclamation de la société Abdi par l'intermédiaire de la société Iconoclaste.

Elle relève enfin l'absence de préjudice subi par la société Pacific Création et qui lui serait imputable. Elle indique à ce titre que la société Pacific Création n'a pas annulé la campagne publicitaire " Premier Parfum " en raison de ses manquements contractuels mais pour des raisons budgétaires, et que l'appelante ne justifie nullement des prétendues pertes financières qu'elle invoque.

Ensuite, la société BETC fait valoir l'engagement de la responsabilité contractuelle de la société Pacific Création à son égard, au titre de la résiliation du contrat de collaboration ayant fait l'objet d'une reconduction tacite.

Elle indique qu'à considérer que le contrat ait tacitement été reconduit aux mêmes conditions, pour une durée d'un an, soit jusqu'au 31 octobre 2013, la société Pacific Création, qui ne pouvait résilier ce contrat avant son terme, lui est redevable des honoraires contractuels pour la période du mois d'avril 2013 au 31 octobre 2013. Elle ajoute qu'à supposer que la reconduction du contrat ait donné lieu à un contrat nouveau à durée indéterminée, dont les conditions étaient nécessairement différentes, notamment les honoraires de l'agence et le préavis, la société Pacific Création devait respecter le préavis d'usage de 6 mois prévu à l'article V-4 alinéa 1er du contrat-type de l'arrêté du 19 septembre 1961, et lui est donc redevable de trois mois de préavis supplémentaires.

Subsidiairement, elle argue de l'engagement de la responsabilité délictuelle de la société Pacific Création sur le fondement de l'article L. 442-6 I, 5° du Code de commerce, dès lors que rien ne laissait présager l'arrêt des relations commerciales, en pleine réalisation de la campagne " Elle l'aime " et que la société Pacific Création n'a pas respecté le préavis d'usage de 6 mois, ce qui justifie l'allocation d'une indemnité complémentaire de 61 000 euros, peu important son absence de situation de dépendance économique.

Elle fait également valoir le caractère abusif des circonstances de la résiliation du contrat. Elle expose ainsi que la société Pacific Création l'a entretenue dans la croyance de la poursuite de leurs relations contractuelles jusqu'au dernier moment en lui confiant la production de la campagne " Elle l'aime ", puis a résilié leur relation contractuelle alors qu'elle était en train de finaliser sa collaboration avec la société Iconoclaste, en invoquant des motifs fallacieux, inexistants et variables, l'appelante n'ayant allégué que postérieurement à la résiliation la revendication de droits d'auteur par la société Abdi, qui ne peut constituer une faute grave justifiant a posteriori la résiliation du contrat sans indemnité. Elle considère que ce comportement abusif de la société Pacific Création justifie sa condamnation au paiement d'une indemnité de 50 000 euros en réparation de son préjudice.

Elle ajoute que la société Pacific Création, qui a souhaité se dispenser du respect de tout préavis à son égard dès lors qu'elle était déjà engagée avec l'agence concurrente Mazarine Mlle Noï pour la campagne du parfum " Elle l'aime ", le film publicitaire étant prêt depuis le 2 juillet 2013 et ayant nécessairement été conçu à compter d'avril 2013, a violé la clause d'exclusivité contractuelle, ce qui lui a causé un préjudice de 50 000 euros.

Elle s'estime fondée, en application des articles 8 et 9 du contrat conclu avec l'appelante, à réclamer le remboursement par celle-ci des prestations et frais techniques occasionnés pour la production de la compagne " Elle l'aime ", lesquels ont donné lieu à un devis suffisamment détaillé communiqué le 21 mars 2013 puis accepté en pleine connaissance de cause par la société Pacific Création, qui ne rapporte pas la preuve d'un vice du consentement.

Elle sollicite également, au vu de ces articles et de l'article 15 du contrat de production conclu avec la société Iconoclaste, le remboursement par la société Pacific Création des dédits, soit des frais engagés par la société Iconoclaste au titre de la campagne " Elle l'aime " et dont celle-ci lui réclame le paiement dans le cadre de la présente instance.

Elle se considère également fondée à réclamer à la société Pacific Création le paiement de ses honoraires durant la période du 1er avril 2013 au 16 avril 2013, date d'effet de la résiliation du contrat, et non pas jusqu'au 5 avril 2013.

Elle sollicite la garantie de la société Iconoclaste pour toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, celle-ci étant tenue, en application de l'article 12 du contrat les liant, de livrer les œuvres audiovisuelles libres de tout droit et revendication de tiers et ayant choisi le vêtement litigieux porté par le mannequin.

Enfin, elle s'oppose aux demandes reconventionnelles formées par la société Iconoclaste compte tenu de la faute commise par celle-ci, et de l'absence de démonstration de la perte de marge et du préjudice d'image allégués, le contrat de production conclu avec la société Iconoclaste contenant une clause de dédit lui donnant la faculté de résiliation unilatérale moyennant le versement d'une indemnité exclusive de tout versement complémentaire.

Par dernières conclusions notifiées le 13 mars 2019 par la société Iconoclaste, intimée, demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce le 18 octobre 2016 en ce qu'il a :

- jugé que le consentement donné par la société Pacific Création le 21 mars 2013 est parfaitement valide,

- condamné in solidum les sociétés Pacific Création et BETC à lui verser la somme de 122 005,81 euros, en remboursement des frais ci-dessous, engagés dans le cadre de la réalisation et production du film publicitaire de la compagne " Elle l'aime " :

- la somme de 1 078,24 euros au titre des dépenses engagées pour l'élaboration du story-board,

- la somme de 12 700 euros au titre des dépenses engagées pour le casting,

- la somme de 26 700 euros au titre des salaires versés pour la préparation et du repérage technique en France,

- la somme de 577,04 euros au titre des autres frais de préparation et de repérage en France,

- la somme de 1 500 euros au titre des salaires versés pour la préparation et le repérage technique en Espagne,

- la somme de 1 320 euros au titre des frais de préparation et de repérage techniques en Espagne,

- la somme de 37 500 euros au titre des salaires de l'équipe technique française,

- la somme de 4 830 au titre des salaires de l'équipe technique en Espagne,

- la somme de 2 350 euros au titre des frais de régie,

- la somme de 1 245 euros au titre des frais de déplacement,

- la somme de 325 euros au titre des dépenses engagées pour la marge et les frais généraux de la production exécutive espagnole,

- la somme de 23 025 au titre des charges sociales,

- la somme de 8 855,53 euros au titre des dépenses engagées pour les frais généraux,

- débouté la société Pacific Création de l'intégralité de ses demandes indemnitaires,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce le 18 octobre 2016 en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes indemnitaires,

Et, statuant à nouveau,

- condamner in solidum les sociétés Pacific Création et BETC à lui verser la somme de 66 515,60 euros à titre d'indemnisation de la perte de marge,

- condamner in solidum les sociétés Pacific Création et BETC à lui verser la somme de 50 000 euros au titre du préjudice d'image qu'elle subit,

En tout état de cause,

- condamner in solidum la société Pacific Création et la société BETC :

- aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Z, avocat au barreau de Paris, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile,

- à lui payer la somme de 48 250 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

En premier lieu, la société Iconoclaste se prévaut de l'engagement de la responsabilité solidaire et contractuelle des sociétés Pacific Création et BETC à son égard et sollicite la réparation du préjudice subi du fait de l'annulation de la campagne publicitaire " Elle l'aime ".

Elle fait valoir que la société Pacific Création a annulé la campagne " Elle l'aime " alors qu'elle avait démarré la production de celle-ci sur la base d'un devis accepté par la société BETC et validé par écrit par la société Pacific Création. Elle précise que le formalisme requis par l'article 6 du contrat de commande a été respecté, sans que soit nécessaire l'émission d'un bon de commande, que le devis transmis par la société BETC le 21 mars 2013 était suffisamment détaillé et que la société Pacific Création a confirmé son accord sur celui-ci lors d'une réunion du 4 avril 2013.

Elle conteste le vice du consentement fondé sur la violence, invoqué par l'appelante, faute pour celle-ci de démontrer que le devis lui aurait été transmis tardivement et qu'elle aurait exigé une réponse " sous 8 heures ".

Compte tenu de l'annulation intempestive de la campagne " Elle l'aime ", elle estime avoir subi un triple préjudice.

Elle rappelle que l'article 8 du contrat de commande du 31 octobre 2011 rend opposables à la société Pacific Création les conditions générales du prestataire sous-traitant, et qu'en vertu de l'article 12 de ses conditions générales mentionné au devis de production, l'annulation de la campagne donne lieu au remboursement des frais engagés par ses soins.

Elle sollicite ainsi le remboursement des dépenses engagées en pure perte pour un montant total de 122 005,81 euros (storyboard, casting, salaires, frais de préparation et de repérage, équipes techniques, régis, voyages, marge et frais généraux sur la production exécutive espagnole, charges sociales, frais généraux).

Elle ajoute que l'annulation de la campagne publicitaire par la société Pacific Création en raison de prétendues fautes de la part de la société BETC a eu pour effet de la priver du bénéfice de sa marge de production, de 66 515,60 euros, les dispositions contractuelles n'excluant pas la réparation de ce préjudice.

Elle invoque enfin un préjudice d'image dès lors que la brusque annulation de la campagne publicitaire " Elle l'aime " l'a privée de l'opportunité de réaliser une nouvelle œuvre audiovisuelle pour le parfum de la marque prestigieuse Lolita Lempicka, d'en revendiquer la paternité et d'en tirer des retombées en termes d'image et de notoriété à hauteur de celles générées par la première campagne.

En second lieu, elle conteste avoir manqué à ses obligations contractuelles envers la société BETC pour ne pas avoir obtenu l'autorisation prétendument nécessaire à l'utilisation du vêtement litigieux.

Elle soutient qu'elle a respecté ses obligations telles que définies à l'article 12 alinéa 2 du contrat de production audiovisuelle conclu avec la société BETC. Elle explique à ce titre que la société Abdi n'ayant pas démontré que le vêtement litigieux était celui de sa collection, ni son originalité, et ayant renoncé à toute revendication de droit d'auteur par lettre du 23 septembre 2014, aucune autorisation de ladite société n'était nécessaire. Elle ajoute que l'obligation d'obtenir les autorisations des tiers ne constitue qu'une obligation de moyen et qu'elle a spontanément et vainement proposé à la société Pacific Création de modifier le visuel.

Elle relève que les conditions de mise en œuvre de sa garantie, prévues à l'article 12 du contrat de production, ne sont pas réunies, en particulier l'existence d'un recours fructueux de tout tiers ayant pour objet les autorisations nécessaires à l'exploitation des éléments du film, dès lors que la société Pacific Création n'est pas un tiers.

MOTIFS :

Sur l'engagement de la responsabilité contractuelle de la société BETC envers la société Pacific Création :

Selon l'article 1134 du Code civil, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.

Par contrat de commande conclu le 31 octobre 2011, la société Pacific Création a confié à la société BETC la conception et la réalisation d'une campagne publicitaire pour le parfum dit " Premier parfum ", ainsi que la préparation et la réalisation du lancement d'une deuxième campagne sur un second produit, soit le parfum " Elle l'aime ". La société BETC a autorisé la société Pacific Création à exploiter ses créations durant la durée du contrat.

Sur le manquement à l'obligation de délivrance :

Selon l'article 2.1 de ce contrat, la société BETC a notamment pour mission la " négociation et acquisition des droits des tiers intervenant dans l'exécution des campagnes publicitaires conçues par l'agence et nécessaires à celle-ci, notamment droit des auteurs " et " s'engage à livrer les prestations originales et droits y afférents en temps et en heure : photographies et films destinés à la publicité de marque ".

L'article 4.1 de ce contrat stipule que " L'agence apporte à l'annonceur sa pleine et entière garantie sur les créations cédées dans les conditions définies à l'article 7.1 sont juridiquement disponibles et ne sont grevées de droits des tiers pour la France, des recherches pouvant être accomplies de par les outils disponibles (recherches d'antériorité de marque à l'identique sur le serveur ICIMARQUE de l'INPI, piges publicitaires) ".

L'article 7.2 de ce contrat précise qu' " On entend par droit des tiers le droit des auteurs extérieurs à l'agence (notamment photographe, illustrateur, compositeur), le droit voisin de artistes interprètes et des producteurs phonographiques, le droit de la personnalité comprenant le droit à l'image en particulier celui des mannequins, et autres attributs de la personnalité (voix, signature, ...). Ces droits sont négociés par l'agence en accord avec l'annonceur suivant les nécessités des campagnes et facturés à celui-ci, conformément aux devis présentés à l'annonceur (...) ".

L'article 3 du contrat énonce que " Dans le cadre de la collaboration, objet du présent contrat, l'agence agit en qualité d'entrepreneur conformément à l'article 1787 du Code civil. A ce titre, l'agence répondra de la qualité des prestations sous-traitées vis-à-vis de l'annonceur et conservera la responsabilité finale de l'exécution de sa mission d'un point de vue technique et pécuniaire ".

Il résulte de ces dispositions que la société BETC a pour mission de concevoir et de livrer une campagne publicitaire libre de droits, dont elle cède à la société Pacific Création une autorisation d'exploitation durant un an, et qu'elle doit à cet effet négocier et acquérir les droits d'auteur nécessaires à la réalisation de ladite campagne.

La société BETC prétend vainement que l'obligation de négocier et d'acquérir les droits des tiers ne couvre pas les droits des tiers n'intervenant pas dans l'exécution des campagnes et ne relève donc pas de sa responsabilité envers la société Pacific Création, la liste des droits des auteurs extérieurs figurant à l'article 7.2 ne présentant pas un caractère exhaustif.

Elle soutient tout aussi vainement que les droits d'auteur portant sur les accessoires, tels que le vêtement " Clémence " porté par le mannequin dans la campagne " Premier Parfum ", sont exclus de sa garantie envers la société Pacific Création compte tenu de l'impossibilité de faire des recherches d'antériorité sur celui-ci, ladite impossibilité n'étant nullement démontrée et les modalités de recherche énumérées dans l'article 4.1 du contrat ne présentant pas un caractère exhaustif.

En sa qualité d'agence de publicité, la société BETC devait s'assurer que les éléments composant la campagne publicitaire qu'elle créait pour sa cliente étaient libres de droit.

A ce titre, aucun élément produit aux débats ne justifie que la société Abdi soit détentrice de droits d'auteur sur le vêtement litigieux, ses droits n'ayant pas été reconnus par la société BETC contrairement à ce que fait valoir l'appelante, ni reconnus en justice, aucune action n'ayant été exercée à ce titre.

Il n'est donc pas établi un manquement de la société BETC à son obligation de délivrance du fait de la livraison d'une campagne non libre de droits et au titre de laquelle la société BETC n'aurait pas négocié et ni acquis les droits de propriété intellectuelle de la société Abdi.

Sur le manquement à l'obligation de garantie d'éviction :

Le cédant d'un droit de propriété corporel ou incorporelle est tenu à une garantie d'éviction.

La société BETC devait, en sa qualité de cédant de ses droits d'exploitation sur la campagne publicitaire au profit de la société Pacific Création, garantir à celle-ci une jouissance paisible des droits cédés, et en particulier s'assurer que ladite campagne pouvait être exploitée sans risque, notamment d'action en contrefaçon de droits d'auteur.

Elle devait, pour se faire, s'assurer que le vêtement porté par le mannequin dans la campagne publicitaire " Premier Parfum " n'est grevé d'aucun droit de tiers, notamment d'un droit d'auteur, et que l'exploitation de ladite campagne publicitaire était sans risque de recours par un tiers.

Alors qu'il n'est pas contesté que le vêtement est commercialisé par la société Abdi, la société BETC ne justifie nullement avoir pris contact avec ladite société pour s'assurer que le vêtement n'était grevé d'aucun droit et pouvait librement être reproduit dans la campagne. Elle n'établit pas davantage avoir effectué des recherches quant au vêtement litigieux afin de s'assurer qu'il n'était grevé d'aucun droit.

Cependant, la simple revendication de droits d'auteur par la société Abdi, en décembre 2012 puis par lettres recommandées avec demande d'avis de réception des 30 avril 2013 et 13 mai 2013, et la production, à ce titre, d'une attestation de Mme X, directrice artistique de la société Abdi soutenant avoir conçu le vêtement litigieux et cédé les droits à son employeur, ne constituent pas, à défaut de droit invoqué en justice par ladite société, un trouble actuel porté à la jouissance de l'exploitation de la campagne par la société Pacific Création. En outre, ladite société a pu librement exploiter la campagne publicitaire sans que celle-ci ne soit compromise par les simples revendications de la société Abdi.

A défaut de démonstration d'un trouble de jouissance actuel obligeant de ce seul fait la société BETC à en garantir l'appelante, la responsabilité de la société BETC ne saurait être engagée au titre de la garantie d'éviction.

Sur le manquement de la société BETC à son devoir de loyauté et de bonne foi :

Au vu de l'absence de trouble actuel portant atteinte à la jouissance paisible de la campagne publicitaire et de risque avéré d'un procès en contrefaçon, la circonstance que la société BETC ne justifie pas auprès de la société Pacific Création des démarches effectuées auprès de la société Abdi de nature à éviter ce risque ne caractérise pas un manquement à son devoir de loyauté ni à son obligation d'exécuter le contrat de bonne foi.

Aucune faute contractuelle de la société BETC envers la société Pacific Création n'est donc caractérisée.

Sur la résiliation du contrat :

Selon l'article 1184 du Code civil, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des parties ne satisfera point à son engagement.

Par lettre du 11 avril 2013, la société Pacific Création a résilié à effet immédiat le contrat de commande du 31 octobre 2011, qu'elle considère avoir été tacitement reconduit dans un cadre nouveau, ce moyennant une indemnisation de 55 000 euros représentant trois mois de rémunérations hors taxe perçues par la société Abdi, en référence au préavis prévu à l'article 9 du contrat.

Sur l'imputabilité de la résiliation :

La société Pacific Création échouant à démontrer les fautes contractuelles de la société BETC qu'elle invoque comme étant à l'origine de la résiliation du contrat, ladite résiliation, dont elle a pris l'initiative, lui est imputable.

Elle est donc mal fondée à solliciter l'engagement de la responsabilité de la société BETC et la réparation de son préjudice à ce titre, et a été à bon droit déboutée en première instance de sa demande en dommages et intérêts et de sa demande pour résistance abusive formées de ce chef à l'encontre de la société BETC.

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande en garantie de la société BETC formée de ce chef à l'encontre de la société Iconoclaste.

Sur le caractère abusif de la résiliation :

Le contrat de commande du 31 octobre 2011, à durée déterminée, étant parvenu à son terme le 31 octobre 2012, a été tacitement reconduit à l'issue de ce terme du fait du maintien des relations contractuelles entre les parties. En l'absence de précision de la durée du nouveau contrat et de démonstration d'un accord des parties sur d'autres modalités contractuelles, le nouveau contrat conclu entre les parties est à durée indéterminée et reprend tacitement les mêmes dispositions contractuelles que le précédent contrat sous réserve qu'elles ne dérogent pas aux dispositions ayant valeur d'usage et vocation à régir les rapports entre les parties en leur silence.

Le contrat étant à durée indéterminée pouvait être résilié unilatéralement et à tout moment, sans motifs, sous réserve du respect du préavis contractuel ou, à défaut de détermination de celui-ci, d'un préavis raisonnable, lequel peut être déterminé selon les usages de la profession.

Les parties ont tacitement reconduit le contrat de commande, sans précision du délai de préavis contractuel applicable à leur nouveau contrat.

Le contrat-type de l'arrêté du 19 septembre 1961 régissant les rapports entre annonceurs et agents de publicité, qui organise l'ensemble des relations de l'agence avec l'annonceur, a valeur d'usage professionnel. Les dispositions de ce contrat-type ont valeur supplétive et règlent, en l'absence d'accords des parties ou en leur silence sur certains points, les rapports entre annonceurs et agents de publicité.

Les dispositions de ce contrat-type relatives à la résiliation prévoient qu' " À moins que leur durée n'ait été expressément déterminée ou qu'elle ne concerne l'exécution d'un ouvrage particulier, chacune des parties pourra mettre fin aux conventions conclues entre annonceur et agent de publicité à charge pour elle, sauf motif grave et légitime, d'en aviser l'autre partie six mois à l'avance par lettre recommandée. Ce préavis ne pourra cependant pas être donné, sauf motif grave et légitime, avant l'expiration des six mois suivant l'entrée en vigueur du contrat ".

Les parties n'ayant pas expressément écarté les dispositions du contrat-type relatives au préavis contractuel à respecter, le délai de préavis de six mois prévu dans le contrat-type est applicable dès lors qu'aucun motif grave et légitime n'est démontré par l'appelante.

La société Pacific Création s'étant acquittée d'une indemnité de préavis d'une somme de 55 000 euros HT représentant trois mois de rémunérations hors taxe perçues par la société BETC, cette dernière est fondée à solliciter une indemnité de préavis supplémentaire d'un montant équivalent, correspondant aux trois mois de préavis non respectés, outre la taxe sur la valeur ajoutée afférente, soit la somme totale de 76 560 euros TTC (10 780 euros de TVA au titre de la somme de 55 000 euros déjà versée outre 65 780 euros TTC au titre des trois mois de préavis supplémentaires dus), le jugement entrepris devant être infirmé de ce chef.

Il y a lieu d'assortir cette somme des intérêts de retard équivalents à trois fois le taux légal à compter du 15 juillet 2013, date d'échéance de la facture établie au titre du second versement du préavis, conformément à l'article L. 441-6 du Code de commerce.

S'agissant des circonstances ayant entouré la résiliation du contrat, le fait que la société Pacific Création n'ait pas manifesté sa volonté de rompre le nouveau contrat à durée indéterminée préalablement à la résiliation de celui-ci alors que le contrat était toujours en cours d'exécution, qu'elle n'ait pas motivé la résiliation de celui-ci, et qu'elle ait ultérieurement fondé cette résiliation sur des fautes contractuelles de la société BETC non caractérisées, n'établit nullement un abus commis par l'appelante dans le droit de résilier le contrat à durée indéterminée la liant avec la société BETC. La circonstance que la société Pacific Création ait rapidement confié à la société Mazarine Mlle Noï la réalisation de la campagne du parfum " Elle l'aime " ne démontre pas davantage un tel abus de droit.

Il n'est pas plus établi que la société Pacific Création aurait pris des contacts avec la société Mazarine Mlle Noï en cours d'exécution du contrat et en violation de la clause d'exclusivité dont bénéficiait la société BETC.

Les premiers juges ont donc débouté à bon droit la société BETC de ses demandes de dommages et intérêts au titre, d'une part, du comportement abusif de la société Pacific Création, d'autre part, de la violation de l'exclusivité contractuelle.

- Sur l'étendue des travaux acceptés par la société Pacific Création :

L'article 6.2 du contrat conclu entre la société Pacific Création et la société BETC liste les prestations et frais techniques payés à l'agence et précise que " Tout travail ou engagement de l'agence entraînant une dépense à la charge de l'annonceur devra faire l'objet d'un devis qui sera remis à l'annonceur pour approbation. A défaut d'une approbation écrite de la part de l'annonceur, le travail réalisé et/ou l'engagement pris restera à la charge de l'agence.

Toutefois, et comme il est d'usage dans la profession, les travaux d'une certaine importance, tels que édition, enquêtes, PLV, productions audiovisuelles ou sonores et réalisation de photographies, pourront donner lieu à une facturation prévisionnelle et au versement, à la commande, d'un montant de 30 % pour le print et de 50 % pour la TV, ce pourcentage pouvant le cas échéant, être augmenté d'un accord entre les parties dans la mesure où cette disposition figure dans les conditions générales de vente des fournisseurs. Les contrats de fournisseurs seront communiqués à l'annonceur ".

Par courriel du 21 mars 2013, la société BETC a adressé à la société Pacific Création le budget total de la campagne publicitaire " Elle l'aime " pour la production du film et du print, de 960 700 euros HT, en lui précisant les postes de la facturation et en lui demandant de lui " donner un accord formel le plus rapidement possible, dans l'idéal aujourd'hui, pour lancer la production film et print ". Par courriel du même jour, la société Pacific Création a indiqué " Nous vous donnons votre accord, sur la base des montants maximum mentionnés ci-dessous et sous réserve que le packhop EDP soit intégré ". La société BETC ayant précisé que le packsop était inclus dans la proposition, la société Pacific Création lui a confirmé son accord par courriel du même jour.

Ainsi que l'ont jugé avec pertinence les premiers juges, cet échange de courriels caractérise l'accord de la société Pacific Création sur la base des montants précisés et des prestations convenues entre les parties. L'appelante a en effet donné son accord écrit sur la base d'un budget dont les postes sont suffisants précis pour qu'il constitue un devis, et non pas un simple projet de budget comme elle le fait valoir, et a ainsi formalisé son accord quant au budget de la campagne publicitaire " Elle l'aime ". Il importe peu que la société BETC n'ait pas transmis à l'appelante un devis détaillé poste par poste comme celui fourni par la société Iconoclaste à la société BETC, et que la société Pacific Création n'ait pas émis de commande, un tel formalisme ne conditionnant pas l'engagement des parties. La société Pacific Création ayant donné son accord sans solliciter une facturation prévisionnelle ni la communication des contrats des fournisseurs, invoque tout aussi vainement le défaut de respect du formalisme prévu aux articles 6.1 et 6.2 du contrat. Il importe également peu que la société BETC ait précisé à la société Pacific Création que parallèlement à sa demande d'acceptation du budget par celle-ci, elle allait finaliser les " devis officiels en priorisant celui du film ", sans plus de précision, cette indication ne remettant pas en cause le contenu du budget transmis et l'acception de celui-ci par la société Pacific Création.

La société Pacific Création ne démontre pas davantage que son accord serait vicié pour avoir été extorqué par violence, la seule circonstance que la société BETC ait sollicité une réponse rapide sur sa proposition de budget dont le contenu a évolué à la hausse depuis les échanges entre les parties les 6 et 13 février 2013, et qu'elle n'aurait pas informé la société Pacific Création des frais prétendus déjà engagés par la société Iconoclaste, ne caractérisant aucune violence, étant en outre relevé que l'appelante a pu discuter du contenu des prestations comprises dans le budget.

Il s'ensuit que l'accord de la société Pacific Création sur la base d'un budget de la campagne " Elle l'aime " est valable et l'engage contractuellement.

Sur les conséquences de la résiliation du contrat :

Selon l'article 8 du contrat conclu entre la société Pacific Création et la société BETC, " Dans le cas où l'annonceur se réserve le droit de modifier, suspendre ou annuler toutes les prestations et/ou travaux en cours, ses instructions devront parvenir par écrit à l'agence dans des délais raisonnables pour lui permettre de préserver au mieux les intérêts réciproques des parties et à condition de respecter le cas échéant, les conditions générales d'annulation des prestataires sous-traitants ou fournisseurs contactés par l'agence.

Par ailleurs, dès réception des instructions écrites de l'annonceur, l'agence s'engage à mettre tout en œuvre pour obtenir l'annulation, la suspension ou la modification des prestations et/ou travaux conclus avec des tiers, et fera connaître à l'annonceur les obligations, dédits et remboursements des frais supplémentaires résultant pour l'annonceur de sa décision de modification, suspension ou annulation.

L'agence établira préalablement à toute intervention un devis rectificatif en termes de coûts et de planning et le soumettra pour acceptation à l'annonceur.

L'annonceur accepte, toutefois, de prendre en charge les conséquences financières de telles décisions, qu'il s'agisse des dépenses sans suite déjà engagées ou de toutes celles qui pourraient résulter des décisions prises comprises tant dans les honoraires que dans les frais techniques ".

L'article 9 de ce même contrat énonce que " Pendant la période du préavis (...) l'annonceur s'engage à poursuivre les contrats conclus par l'agence avec les tiers en exécution du présent contrat et à faire son affaire personnelle de leur résiliation. Il aura également l'obligation, dans le cas d'une rupture de son fait, de rembourser à l'agence les dépenses, frais techniques et frais artistiques engagés par elle avec l'accord de l'annonceur pour la préparation des campagnes, sur justificatifs (...) ".

Il résulte de ces dispositions que la société Pacific Création est tenue de prendre en charge les conséquences financières de la résiliation du contrat, tant pour la société BETC que pour la société Iconoclaste.

- Sur le remboursement des frais de la société BETC :

La société BETC sollicite le paiement de trois factures de frais, adressées à la société Pacific Création conformément aux dispositions de l'article 8 du contrat, soit :

- une facture n° 265324 du 24 avril 2013, correspondant au test du nom du produit, du packaging et de la création, de la réalisation d'un groupe qualitatif de 3 h 30 et de la participation aux frais externes pour ledit groupe, et d'un montant de 2 710,61 euros,

- une facture n° 265054 du 21 mai 2013, selon devis du 15 avril 2013, correspondant au dédit suite à l'annulation du shoot, d'un montant de 3 238,89 euros, lequel est justifié par la facture établie par la société de production RITZ en charge du " shooting ",

- une facture n° 265055 du 21 mai 2013, selon devis du 15 avril 2013, correspondant aux frais externes (roughts) de l'agence liés au développement de la campagne " Elle l'aime ", et d'un montant de 2 667,08 euros.

La société Pacific Création ayant accepté le budget proposé par la société BETC, lequel inclut nécessairement les frais de shoot et de production artistique, même si ces prestations ne sont pas détaillées dans ledit budget, et l'article 8 du contrat obligeant la société Pacific Création à prendre en charge les conséquences financières de sa décision de résiliation du contrat, qu'il s'agisse des dépenses sans suite déjà engagées ou de toutes celles qui pourraient résulter de cette décision, et notamment les frais techniques, la société BETC est bien fondée à solliciter le paiement de ses trois factures susvisées, d'un montant total de 8 616,58 euros, ainsi qu'en ont jugé avec pertinence les premiers juges, les objections de l'appelante quant à l'émission de ces factures n'étant pas pertinentes.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société Pacific Création à payer à la société BETC une somme de 8 616,58 euros en paiement de ses frais, la cour ajoutant que cette somme sera assortie des intérêts de retard équivalents à trois fois le taux légal à compter du 15 juillet 2013, date d'échéance des factures, conformément aux articles 6.1 et 6.5 du contrat de commande et à l'article L. 441-6 du Code de commerce.

- Sur le remboursement des honoraires de la société BETC :

La société BETC sollicite également le paiement d'une facture n° 272091 du 25 novembre 2013, selon devis du 19 novembre 2013, portant sur ses honoraires pour la période du 1er au 16 avril 2013, et d'un montant de 10 963,31 euros.

La société BETC est bien fondée à réclamer le paiement des honoraires qu'elle a engagés en exécution de ses obligations contractuelles jusqu'à la résiliation du contrat, soit jusqu'au 11 avril 2013, ainsi que l'ont retenu avec pertinence les premiers juges, la résiliation de l'ensemble des relations contractuelles liant la société Pacific Création et la société BETC étant à effet immédiat au 11 avril 2013.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société Pacific Création à payer à la société BETC une somme de 7 537,28 euros en paiement de ses honoraires, assortie des intérêts de retard équivalent à trois fois le taux légal à compter du 15 janvier 2014, date d'échéance de la facture d'honoraires, conformément aux articles 6.1 et 6.5 du contrat de commande et à l'article L. 441-6 du Code de commerce, ainsi qu'au paiement de l'indemnité forfaitaire prévue à cet article.

- Sur la demande de publication de la décision

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de publication de la présente décision, le préjudice de la société BETC étant intégralement réparé au vu des condamnations ci-dessus prononcées, sans qu'il soit besoin d'ordonner une publication judiciaire, nullement justifiée par les circonstances de l'espèce.

- Sur le remboursement des frais de la société Iconoclaste

La société BETC sollicite également le paiement d'une somme de 122 005, 81 euros en remboursement des frais engagés par la société Iconoclaste au titre de la campagne " Elle l'aime ". La société Iconoclaste réclame la condamnation in solidum de la société BETC et de la société Pacific Création au paiement de cette somme.

Dès lors que la société Pacific Création a accepté le budget transmis par la société BETC relatif à la campagne " Elle l'aime " et qu'elle a mis fin à celle-ci, elle est redevable de tous les dédits et remboursements des frais supplémentaires résultant de sa décision de résiliation du contrat, conformément à l'article 8 du contrat de commande.

En outre, cet article rend opposables à la société Pacific Création les conditions générales des sous-traitants de l'agence de publicité, dont la société Iconoclaste.

Selon l'article 12 des conditions générales de la société Iconoclaste, relatives à l'annulation et/ou au report du fait de l'agence ou de l'annonceur, " L'annulation et/ou report du fait de l'agence ou de l'annonceur alors que le producteur a obtenu l'accord pour engager les frais de production donne lieu aux indemnités suivantes :

a) Les frais engagés par la société de production à la date de l'annulation et/ou du report lui sont remboursés intégralement, sur justificatifs, ainsi que les frais généraux correspondants.

Par frais engagés nous entendons :

- les salaires

- les fournitures

- les engagements irrévocables,

b) En ce qui concerne les équipes techniques, les artistes et les ouvriers, l'annulation et/ou report du faut de l'agence ou de l'annonceur donne lieu aux indemnités suivantes :

- si l'annulation et/ou report est signifiée à la société de production moins de cinq jours ouvrables et plus avant le début du tournage, 50 % des salaires sont dus.

- si l'annulation et/ou report est signifiée moins de deux jours ouvrables avant le début du tournage, la totalité des salaires est due.

Aux salaires et aux frais et fournitures seront ajoutés les frais généraux de la société de production. En tout état de cause, il sera remboursé à la société de production tout travail utilisé postérieurement par l'agence ou l'annonceur si la résiliation du film ne lui est pas confiée ".

L'article 15 du contrat de production audiovisuelle conclu entre la société BETC et la société Iconoclaste précise que " L'agence de publicité se réserve le droit d'annuler à tout moment la campagne du film, elle sera alors redevable, sur justificatifs, à la société de production de l'ensemble des frais déjà engagés par celle-ci à la date d'annulation ainsi que des frais généraux correspondants ", lesdits frais consistant en les salaires des techniciens, ouvriers, artistes et mannequins, les fournitures acquises par la société de production, sur justificatifs, les engagements irrévocables pris par la société de production auprès des tiers avec l'accord de l'agence de publicité.

La société Iconoclaste sollicite le remboursement des dépenses engagées en pure perte à la suite de la résiliation du contrat de production, consécutive à l'annulation du contrat de commande renouvelé par tacite conduction. Elle fait ainsi valoir des frais engagés pour un montant total de 122 005,81 euros (storyboard, casting, salaires, frais de préparation et de repérage, équipes techniques, régis, voyages, marge et frais généraux sur la production exécutive espagnole, charges sociales, frais généraux), qui sont conformes à ses conditions générales et dont elle justifie par les pièces produites aux débats, non utilement discutées par la société Pacific Création.

En particulier, les circonstances que des prestations aient commencé à être exécutées antérieurement à l'accord formalisé par la société Pacific Création, que leur date d'exécution ne soit pas précisée ou que leur contenu ne soit pas détaillé dans la facturation produite par la société Iconoclaste sont indifférentes, dès lors que l'appelante a accepté le budget proposé par la société BETC, lequel inclut les prestations comprises dans le devis transmis par la société Iconoclaste à la société BETC le 13 mars 2013 même s'il n'en reprend pas le détail. De même, sont dus les frais de préparation et de repérage des lieux de tournage en Espagne engagés par la société Iconoclaste sans qu'il soit démontré que la résiliation du contrat avait alors déjà été notifiée à la société BETC et que la société Iconoclaste en avait été informée. En outre, l'article 12 des conditions générales de la société Iconoclaste, qui pose le principe de la réparation intégrale des frais de production, n'exclut pas l'indemnisation du réalisateur, du producteur et de l'équipe technique au titre des prestations réalisées en préparation du tournage.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société Pacific Création, qui ont chacune participé au préjudice de la société Iconoclaste par la résiliation des contrats de commande et de production, à payer à la société Iconoclaste la somme de 122 005,81 euros et en ce qu'il a condamné corrélativement la société Pacific Création à rembourser cette somme à la société BETC pour autant que ladite société l'aura elle-même payée à la société Iconoclaste.

- Sur la perte de marge de la société Iconoclaste :

La société Iconoclaste sollicite le remboursement de sa marge, correspondant à sa rémunération en sa qualité de producteur, prévue dans son devis du 13 septembre 2013 pour un montant de 66 515,60 euros, correspondant à 9,5 % du montant de l'ensemble de ses prestations décrites dans ledit devis.

La société Iconoclaste est fondée, en vertu du principe général de la réparation intégrale du préjudice subi, à solliciter la perte de rémunération subie du fait de la résiliation anticipée et immédiate du contrat, nullement justifiée par ses manquements contractuels, peu important qu'une telle indemnisation ne soit pas prévue dans l'article 12 de ses conditions générales.

La société Iconoclaste ne saurait toutefois réclamer, en réparation de son préjudice subi du fait de la résiliation anticipée du contrat de production consécutive à la résiliation du contrat de commande renouvelé par tacite reconduction, le paiement de la totalité de la rémunération qu'elle aurait dû percevoir au titre de l'exécution de l'intégralité de ses prestations et conformément à ses obligations contractuelles, au cas où le contrat aurait été exécuté jusqu'à son terme, ce qui aboutirait de manière déguisée à obtenir l'exécution du contrat alors que la résiliation ne peut se cumuler avec l'exécution partielle ou totale de l'obligation de l'autre partie, et ce préjudice n'étant ni actuel, ni certain.

En revanche, la résiliation du contrat de production a privé la société Iconoclaste de la marge due au titre des prestations réalisées au moment de la résiliation et facturées par ses soins, correspondant à 9,5 % du coût de celles-ci, soit à la somme de 11 590,55 euros.

Il convient, en conséquence, de condamner in solidum la société Pacific Création et la société BETC à payer à la société Iconoclaste une somme de 11 590,55 euros au titre de sa perte de marge et de condamner corrélativement la société Pacific Création à rembourser cette somme à la société BETC pour autant que ladite société l'aura elle-même payée à la société Iconoclaste, en application de l'article 8 du contrat de commande, le jugement entrepris étant infirmé de ce chef.

- Sur le préjudice d'image de la société Iconoclaste :

La résiliation anticipée et immédiate du contrat de production a également causé à la société Iconoclaste un préjudice d'image, faute de pouvoir revendiquer la paternité d'une œuvre publicitaire réalisée pour le parfum " Elle l'aime " de la marque de renommée internationale Lolita Lempicka et d'en retirer les retombées en termes d'image et de notoriété, préjudice qu'il convient d'évaluer à la somme de 5 000 euros.

La société Pacific Création et la société BETC seront donc condamnées in solidum à payer à la société Iconoclaste une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice d'image, et il convient de condamner corrélativement la société Pacific Création à garantir la société BETC de cette condamnation, le jugement entrepris étant infirmé de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile :

Les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens et à l'article 700 du Code de procédure civile seront confirmées.

La société Pacific Création, échouant, sera condamnée aux dépens exposés en cause d'appel, lesquels pourront être recouvrés selon les modalités de l'article 699 du Code de procédure civile.

Il convient, en outre, de condamner la société Pacific Création à payer à la société BETC et à la société Iconoclaste une somme de 10 000 euros chacune au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 18 octobre 2016 sauf en ce qu'il a : Condamné la société Pacific Création à payer à la société BETC la somme de 10 780 euros correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée sur la somme de 55 000 euros, au titre du préavis, Débouté la société Iconoclaste de sa demande au titre de la perte de marge et du préjudice d'image, Statuant à nouveau, Condamne la société Pacific Création à payer à la société BETC la somme de 76 560 euros au titre du préavis, laquelle somme sera assortie des intérêts de retard équivalents à trois fois le taux légal à compter du 15 juillet 2013, Condamne la société Pacific Création à payer à la société Iconoclaste une somme de 11 590,55 euros au titre de sa perte de marge, Condamne la société Pacific Création à garantir la société BETC du chef de cette condamnation, Condamne la société Pacific Création à payer à la société Iconoclaste une somme de 5 000 euros au titre du préjudice d'image, Condamne la société Pacific Création à garantir la société BETC du chef de cette condamnation, Y ajoutant, Dit que la somme 8 616,58 euros que la société Pacific Création est condamnée à payer à la société BETC au titre de ses frais, sera assortie des intérêts de retard équivalent à trois fois le taux légal à compter du 15 juillet 2013, Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, Condamne la société Pacific Création à payer à la société BETC une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Pacific Création à payer à la société Iconoclaste une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Pacific Création aux dépens, lesquels pourront être recouvrés selon les modalités de l'article 699 du Code de procédure civile.