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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 12 juin 2019, n° 19-03271

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

SMEB (SARL), Selarl MJ de l'Allier (ès qual.)

Défendeur :

PSA Automobiles (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bedouet

Conseillers :

Mmes Comte, Schaller

T. com. Lyon, du 5 févr. 2019

5 février 2019

FAITS ET PROCÉDURE

La société SMEB Service Maintenance Entretien de la Bresbre, ci-après SMEB, a été créée en 1987 afin de répondre aux besoins de maintenance et d'entretien de certaines lignes de production de la société Peugeot Citroën Automobiles devenue PSA Automobiles, notamment auprès de l'usine de cette dernière située à Dompierre sur Besbre. M. X était le gérant de la société SMEB.

Des relations commerciales se sont développées entre les parties d'abord en dehors d'un cadre contractuel, puis à travers des contrats à durée déterminée, d'abord d'un an, puis de trois ans. Il s'agissait de trois contrats de prestation de maintenance, répartis selon les activités confiées à la société SMEB et auxquels pouvaient exceptionnellement s'ajouter d'autres travaux.

Compte tenu de la part importante du chiffre d'affaires de la société SMEB réalisé avec la société PSA Automobile " 80 % du chiffre d'affaires total en 2010 " cette dernière a demandé à la société SMEB de réduire ce taux afin de le ramener entre " 30 et 35 % ". Une réunion entre les deux sociétés en présence d'un médiateur inter-entreprise a été organisée à cette fin le 8 décembre 2012.

Un protocole d'accord transactionnel a alors été signé le 21 décembre 2012 et prévoyait un arrêt des activités de manière progressif, d'une part s'agissant de l'activité de " Levage " au 31 décembre 2013, puis de celle dite " Process " le 30 juin 2015 et enfin de l'activité " Bandes transporteuses " le 30 juin 2017.

La société SMEB a finalement cessé toute activité.

Soutenant que le protocole transactionnel revêtait un caractère déséquilibré en ce qu'il ne comportait aucune contrepartie en sa faveur et que celle-ci subissait un préjudice du fait de l'attitude de la société PSA Automobiles, la société SMEB et M. X ont, par acte du 15 septembre 2017, assigné la société PSA Automobiles devant le tribunal de commerce de Lyon pour rupture abusive des relations commerciales établies sur le fondement des articles L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et en nullité du protocole transactionnel au visa des articles 1178 et suivants du Code civil.

Par jugement du 5 février 2019, le tribunal de commerce de Lyon :

- s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris,

- a renvoyé M. X et la société SMEB à mieux se pourvoir devant le tribunal de commerce de Paris,

- a dit qu'à défaut d'appel dans le délai, le greffe du tribunal transmettra le dossier de l'affaire à la juridiction ci-dessus désignée, ainsi qu'une copie de la présente décision, conformément à l'article 82 du Code de procédure civile,

- a réservé les demandes indemnitaires fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les dépens.

En substance, le tribunal de commerce de Lyon a relevé qu'en application de l'article 12 du protocole transactionnel signé entre les parties, tout litige relatif à l'interprétation ou à l'exécution dudit protocole relevait de la compétence exclusive des juridictions du ressort de la cour d'appel de Paris, de sorte que la loi des parties avait désigné la juridiction compétente.

La société SMEB et M. X ont interjeté appel du jugement par déclaration au greffe du 13 février 2019.

Par jugement du 19 mars 2019, le tribunal de commerce de Cusset a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société SMEB et désigné la Selarl MJ de l'Allier représentée par Me Y en qualité de mandataire judiciaire.

Vu les conclusions du 10 avril 2019 par lesquelles la société SMEB, de la Selarl MJ de l'Allier, ès qualités de mandataire judiciaire de la société SMEB, et de M. X, appelants, invitent la cour, à :

- prendre acte de l'intervention volontaire de la Selarl MJ de l'Allier représentée par Me Y, ès qualités de mandataire judiciaire de la société SMEB désigné par jugement du tribunal de commerce de Cusset, du 19 mars 2019, et déclarer cette intervention volontaire recevable et bien fondée,

- en conséquence, réformant le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon le 5 février 2019, dire par application des articles L. 442-6 et D. 442-3 du Code de commerce, que le tribunal de commerce de Lyon est seul compétent pour statuer sur le litige entre la société SMEB et M. X d'une part, et la société PSA Automobiles, d'autre part,

- condamner la société PSA Automobiles à payer et porter à la société SMEB et M. X par application de l'article 700 du Code de procédure civile, une somme non inférieure à 3 000 euros,

- condamner la société PSA Automobiles en tous les dépens ;

Vu les conclusions du 17 avril 2019 par lesquelles la société PSA Automobile demande à la cour, au visa des articles 31, 32, 42, 48, 122 du Code de procédure civile, L. 442-6, I, 5° et D. 442-3 du Code de commerce et du protocole d'accord transactionnel du 21 décembre 2012, de :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il s'est déclaré territorialement incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris,

- condamner in solidum la société SMEB et M. X au paiement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens ;

SUR CE, LA COUR,

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

En application de l'article 954 alinéa 2 du Code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Sur la compétence du tribunal de commerce de Lyon

La société SMEB et M. X expliquent avoir saisi le tribunal de commerce de Lyon d'une demande fondée sur les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce et d'une demande en nullité d'un protocole transactionnel intervenu entre les parties. Ils soutiennent que les litiges relatifs à cet article sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret et qu'en l'espèce le tribunal de commerce de Lyon est compétent, dès lors que le lieu d'exécution de la prestation se trouve à Dompierre sur Bresbre dans le ressort de la cour d'appel de Riom. Ils ajoutent que la société PSA Automobiles n'était pas fondée à solliciter l'application de la clause attributive de juridiction stipulée au protocole transactionnel, dès lors que le litige ne portait pas sur l'interprétation ou l'exécution dudit protocole mais sur une action de nature quasi-délictuelle fondée sur l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et une action en nullité. Ils font valoir que la société PSA Automobiles ne peut se prévaloir de l'accord transactionnel, dès lors que celle-ci a refusé l'application de l'article 11-1 de ce même protocole qui prévoit l'obligation pour les parties de rechercher une solution amiable avant toute action devant une juridiction compétente. En tout état de cause, ils indiquent qu'une clause attributive de juridiction ne saurait faire échec aux dispositions des articles L. 442-6 et D. 442-3 du Code de commerce.

La société PSA réplique qu'il convient dans un premier temps de déterminer la juridiction normalement compétente au regard du droit commun, laquelle peut relever de l'application d'une clause attributive de juridiction valablement négociée entre deux commerçants en application des dispositions de l'article 48 du Code de procédure civile. Elle estime qu'une clause attributive de juridiction n'est pas inconciliable avec les dispositions d'ordre public des articles L. 442-6 et L. 442-3 du Code de commerce, dès lors qu'en application de cette clause c'est bien l'une des juridictions mentionnées à l'Annexe qui est saisie. Elle conteste que la juridiction compétente pour connaître d'une action fondée sur l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce serait déterminée par le lieu d'exécution de la prestation, de sorte que doivent trouver à s'appliquer les dispositions de droit commun en matière de procédure civile, notamment les articles 42 et suivants du Code de procédure civile. Elle relève qu'en l'espèce la loi des parties a désigné les juridictions du ressort de la cour d'appel de Paris, de sorte que l'action des appelants ne pouvait être initiée que devant le tribunal de commerce de Paris. Elle réfute également que la clause attributive de juridiction soit être écartée, au motif que la demande porte sur la nullité du protocole transactionnel support de cette même clause, le protocole n'ayant en toute hypothèse pas encore été déclaré nul. Elle allègue que la clause ne peut valablement être écartée et en conclut que la clause attributive de juridiction doit s'appliquer. Elle explique enfin que l'article 12 du protocole transactionnel stipule que " tout litige relatif à l'interprétation ou l'exécution du présent protocole relève de la compétence exclusive des juridictions du ressort de la cour d'appel de Paris ", de sorte que la juridiction normalement compétente est le tribunal de commerce de Paris, par ailleurs juridiction visée à l'Annexe 4-2-1 de l'article D. 442-3 du Code de commerce.

La société PSA a décidé de remettre en cause sa relation commerciale avec la société SMEB, un protocole transactionnel a ainsi été signé en présence d'un " médiateur entreprise " par les parties le 21 décembre 2012 portant sur la programmation de l'arrêt des lots 1 (levage) et 2 (process lot) qui sont confiés par la société PSA à la société SMEB, ainsi que sur l'arrêt du lot 3 (bandes transporteuses), qui sera fonction du taux de dépendance économique de la société SMEB à l'égard de la société PSA suite à l'arrêt programmé des deux premiers lots. L'article 12 est rédigé comme suit :

" Le présent accord est soumis tant pour sa validité que pour son exécution à la loi française, à l'exclusion de ses règles de conflit de loi.

Tout litige relatif à l'interprétation ou à l'exécution du présent protocole relève de la compétence exclusive des juridictions du ressort de la cour d'appel de Paris ".

La société SMEB et M. X ont assigné la société PSA en nullité du protocole transactionnel et en réparation de leurs préjudices pendant le préavis de rupture, notamment sur les dispositions des articles L. 442-6 du Code de commerce et 1178 et suivants nouveaux du Code civil.

Ainsi, deux demandes distinctes sont formées à titre principal par la société SMEB et M. X à savoir la nullité du protocole transactionnel fondée sur les articles 1178 et suivants nouveaux du Code civil, d'une part, et la réparation de leurs préjudices sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce, d'autre part.

Sur la clause attributive de compétence

La portée de l'article 12 de protocole d'accord n'est pas contestée par les parties, et notamment la désignation du tribunal de commerce de Paris comme étant la juridiction ainsi désignée.

Aux termes de l'article 48 du Code de procédure civile, " Toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée ".

Mais, les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce, attribuant le pouvoir juridictionnel, pour les litiges relatifs à son application, aux juridictions désignées par l'art. D. 442-3 du même Code, ne peuvent être mises en échec par une clause attributive de juridiction.

Dès lors, seul le fondement relatif à la demande de nullité du protocole transactionnel peut être concerné par la clause attributive de juridiction, les demandes fondées sur l'article L. 442-6 du Code de commerce ne pouvant être concernées par l'article 12 précité.

Par ailleurs, le protocole transactionnel du 21 décembre 2012 doit être appliqué même si sa validité est contestée dans le cadre de la présente instance, de sorte que l'action en nullité de ce protocole transactionnel est soumise à l'application de la clause attributive de juridiction. Il convient de relever également que le fait que la société PSA n'ait pas demandé le bénéfice des dispositions de l'article 11-1 dudit protocole est indifférente, en ce que cette disposition ne peut revêtir de caractère impératif puisqu'il est indiqué que " les parties s'engagent à privilégier la recherche d'une solution amiable ", et que cette solution amiable a en tout état de cause échoué puisque elle avait été demandée par la société SMEB mais refusée par la société PSA, ce qui au regard de la rédaction de la clause n'est pas fautif.

Dans ces conditions, l'action en nullité du protocole transactionnel doit être portée devant le tribunal de commerce de Paris, la clause attributive de compétence désignant les juridictions du ressort de la cour d'appel de Paris et les parties ne contestant pas qu'en l'espèce il s'agit du tribunal de commerce de Paris.

Sur les demandes fondées sur l'article L. 442-6 du Code de commerce

Si l'application conjuguée des articles L. 442-6 et D. 442-3 du Code de commerce conduit à déterminer une compétence spécialisée pour certaines juridictions pour statuer sur ces pratiques restrictives de concurrences visées à l'article L. 442-6 précité, il n'en demeure pas moins que les règles de compétence territoriale de droit commun s'appliquent pour déterminer la juridiction spécialisée compétente.

L'article 42 du Code de procédure civile dispose que " La juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur ".

L'article 46 du même Code est rédigé comme suit :

" Le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur :

- en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l'exécution de la prestation de service,

- en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort duquel le dommage a été subi ".

La société SMEB et M. X soutiennent qu'en l'espèce l'action fondée sur l'article L. 442-6 du Code de commerce est de nature quasi-délictuelle, sans être contredits par la société PSA.

Ainsi, comme le soutient à juste titre la société PSA, le critère du lieu de l'exécution de la prestation de service ne peut être retenu comme étant un critère alternatif de compétence de l'article 46 précité. Dès lors, à défaut de faire état d'un autre critère pouvant justifier la compétence du tribunal de commerce de Lyon pour trancher le litige sur ce fondement, il y a lieu de faire application de l'article 42 dudit Code, à savoir le lieu du domicile de défendeur.

Le siège social de la société PSA est situé à Poissy (78), qui relève du ressort de compétence de la cour d'appel de Versailles.

L'annexe 4-2-1 de l'article D. 442-3 du Code de commerce auquel renvoie le dernier alinéa de l'article L. 446-2, III désigne le tribunal de commerce de Paris comme étant compétent pour statuer sur les litiges qui devraient être portés devant une juridiction du ressort de la cour d'appel de Versailles en application des règles attributives de compétence de droit commun.

Le tribunal de commerce de Paris est donc compétent pour statuer sur les demandes de la société SMEB et M. X fondées sur l'article L. 442-6 du Code de commerce.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile

La société SMEB et M. X doivent être condamnés in solidum aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société PSA la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du Code de procédure civile formulée par la société SMEB et M. X.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement ; Y ajoutant ; Condamne in solidum la société SMEB et M. X aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société PSA la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ; Rejette toute autre demande.