CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 12 juin 2019, n° 17-01093
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
ADINOP Company Limited (Sté)
Défendeur :
SEPPIC (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Luc
Conseillers :
M. Bedouet, Mme Comte
FAITS ET PROCÉDURE
La Société d'exploitation de produits pour les industries chimiques, ci-après SEPPIC, filiale du groupe Air Liquide, est spécialisée dans la fabrication et la commercialisation d'excipients et d'actifs dédiés aux marchés de la cosmétique, de la pharmacie, des vaccins et de la nutrition.
La société ADINOP, société de droit thaïlandais, est spécialisée dans les activités d'importation, de fabrication et de distribution sur le marché thaïlandais d'additifs, excipients et substances actives pour les industries alimentaire, pharmaceutique et cosmétique.
La société ADINOP soutient avoir distribué de manière exclusive les produits de la société SEPPIC en Thaïlande depuis 1988. Les parties n'ont toutefois pas formalisé leur relation par un contrat.
Par courriel du 6 septembre 2013, la société SEPPIC a informé la société ADINOP de la fin de leur relation commerciale avec effet au 31 décembre 2013.
Par courrier du 31 octobre 2013, la société SEPPIC a indiqué mettre un terme aux relations commerciales jusque-là entretenues avec la société ADINOP. Elle faisait alors valoir l'insatisfaction de certains clients, quant aux prix pratiqués et aux prestations de la société ADINOP, les démissions successives de certains préposés de la société ADINOP, et une baisse des ventes en 2013.
C'est dans ces conditions que, par acte du 13 août 2014, la société ADINOP a assigné la société SEPPIC devant le tribunal de commerce de Paris en vue d'obtenir sa condamnation à des dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies.
Par jugement du 12 septembre 2016, le tribunal de commerce de Paris a :
- dit que la relation commerciale établie a été rompue de manière brutale par la société SEPPIC et condamné la société SEPPIC à payer la somme de 610 704 euros à la société de droit thaïlandais ADINOP, à titre de dommages et intérêts,
- débouté la société ADINOP de sa demande de reprise de stocks restant chez la société ADINOP par la société SEPPIC,
- débouté la société ADINOP de ses demandes au titre de l'atteinte à son image et à sa réputation commerciale et de sa désorganisation, ainsi qu'au titre d'investissements spécifiques,
- condamné la société SEPPIC à payer à la société ADINOP la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- rejeté comme inopérantes ou mal fondées toutes demandes plus amples ou contraires au présent jugement et en a débouté respectivement les parties,
- ordonné l'exécution provisoire du présent dispositif,
- condamné la société SEPPIC aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,44 euros dont 13,52 euros de TVA.
La société ADINOP a relevé appel de ce jugement.
SUR CE, LA COUR
Vu les dernières conclusions de la société ADINOP, appelante, déposées et notifiées, le 20 février 2019, par lesquelles il est demandé à la cour, au visa de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, de:
- infirmer partiellement le jugement entrepris, et statuant à nouveau,
- constater que la société SEPPIC a rompu de façon brutale et abusive ses relations commerciales avec elle,
En conséquence,
- dire que la société SEPPIC ne lui a accordé qu'un préavis de deux mois et non quatre mois,
- constater qu'un préavis d'une durée au moins égale à vingt-quatre mois et non à deux mois aurait dû lui être accordé par la société SEPPIC,
- dire qu'un mois de marge brute avec la vente des produits SEPPIC représentait 80 020 euros et non 76 338 euros,
- condamner la société SEPPIC à lui verser la somme de 1 760 440 euros correspondant à la perte de marge brute pendant la durée du préavis non accordé (24 mois - 2 mois) x 80 020 euros/mois = 1 760 440 euros), majorée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation délivrée,
- condamner la société SEPPIC à lui verser la somme de 200 000 euros en réparation de son préjudice du fait de l'atteinte à son image et à sa réputation commerciale et de sa désorganisation, majorée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation délivrée,
- condamner la société SEPPIC à lui verser la somme de 200 000 euros au titre du préjudice subi par la société ADINOP pour les investissements spécifiques, majorée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation délivrée,
- condamner la société SEPPIC à lui verser la somme de 93 632,84 euros au titre des stocks invendus par la société ADINOP, majorée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation délivrée et lui donner acte de ce qu'elle retournera les stocks listés en pièce 43 à la société SEPPIC, aux frais avancés de la société SEPPIC, concomitamment au paiement précité,
- condamner la société SEPPIC à lui payer la somme de 50 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société SEPPIC aux entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions de la société SEPPIC, intimée, déposées et notifiées le 11 mars 2019, par lesquelles il est demandé à la cour, au visa de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, de :
- juger irrecevable et en tous cas mal fondé l'appel interjeté par la société ADINOP à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 12 septembre 2016,
En conséquence,
- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 12 septembre 2016, en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- dire que la société ADINOP n'a pas exécuté ses obligations à son égard,
- dire que la société ADINOP ne prouve ni la durée ni le caractère établi des relations commerciales dont elle se prévaut,
En conséquence,
- débouter la société ADINOP de l'ensemble de ses demandes,
A titre subsidiaire,
- dire que le préavis de quatre mois dont a bénéficié la société ADINOP est parfaitement conforme et d'une durée minimale respectant les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,
- dire que la société ADINOP n'a été victime d'aucune rupture brutale,
En conséquence,
- débouter la société ADINOP de l'ensemble de ses demandes,
A titre infiniment subsidiaire,
- dire que la société ADINOP ne justifie d'aucun préjudice qui serait en lien avec la prétendue brutalité de la rupture qu'elle invoque,
En conséquence,
- débouter la société ADINOP de l'ensemble de ses demandes,
En tout état de cause,
- condamner la société ADINOP à lui payer la somme de 30 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société ADINOP aux entiers dépens dont distraction au profit de la société SELARL Lexavoué Paris-Versailles ;
Sur la rupture brutale des relations commerciales établies
Selon l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce : " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, pour tout producteur, commerçant, industriel, ou personne immatriculée au répertoire des métiers : De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels (...). Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ".
Les parties s'opposent sur la durée des relations commerciales établies, la date de l'annonce de la rupture, le caractère brutal de la rupture, et sur les préjudices.
Sur la durée des relations commerciales établies
Une relation commerciale " établie " présente un caractère " suivi, stable et habituel " et permet raisonnablement d'anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires entre les partenaires commerciaux.
La société ADINOP fait valoir que les relations entre les parties ont duré plus de 25 ans pour avoir débuté à compter de 1988, et produit en ce sens des photographies de séminaires organisés entre les deux entreprises en 1988 et 1989. Elle explique que la relation commerciale établie a été remise en cause en 2013 lorsque la société SEPPIC l'a informée de la fin de leur relation commerciale avec effet au 31 décembre 2013 par courrier du 31 octobre 2013. Elle indique aussi que :
- le courant d'affaires s'est poursuivi de 1990 à 1998, tel que cela est attesté par des factures entre la société SEPPIC et la société Nutrition, aux droits de laquelle elle vient, et des factures entre la société SEPPIC et elle,
- des attestations de sociétés tierces, des tableaux comptables et une attestation de banque couvrant la période 1998 à 2007 prouvent l'existence de relations d'affaires sur cette période,
- des factures d'achats de produits SEPPIC et de vente de produits SEPPIC par elle confirment l'existence de relations commerciales entre 2007 et 2013.
La société SEPPIC considère que la relation ayant existé entre les parties a débuté en 2009 pour s'achever définitivement le 31 décembre 2013. Elle fait notamment valoir que :
- l'existence de relations d'affaires stables entre 1988 et 1989 n'est établie par aucune pièce probante,
- les factures communiquées par la société ADINOP sur la période 1990 à 1998 sont de faibles montants et ne démontrent pas le caractère stable et intense des échanges sur cette période,
- aucune pièce comptable probante ne porte sur les années 1998 à 2009, le simple tableau récapitulatif établi par la société ADINOP étant dépourvu de force probante de sorte que n'est aucunement démontré la réalité des échanges entre les deux sociétés avant l'année 2009.
En l'espèce, la société ADINOP ne verse aucun élément probant attestant de l'existence d'une relation commerciale établie avec la société SEPPIC sur les années 1988 et 1989, les seules photographies produites ne pouvant démontrer cette condition, à défaut d'être corroborées par tout autre élément probant, notamment comptables.
De même, la société ADINOP ne peut utilement invoquer les relations commerciales entre les sociétés SEPPIC et Nutrition pour faire remonter l'ancienneté de sa relation commerciale avec la société SEPPIC à 1990. En effet, la société ADINOP ne fait état d'aucun élément factuel établissant que la société SEPPIC aurait eu l'intention de poursuivre avec la société ADINOP la relation commerciale qu'elle avait nouée antérieurement avec la société Nutrition. Dès lors, la relation commerciale entre les sociétés ADINOP et SEPPIC n'a pas à être déterminée en considération de la relation précédemment entretenue entre cette dernière et la société Nutrition.
Sur la période 1998 à 2007 la société ADINOP produit :
- trois factures de la société SEPPIC au nom de la société ADINOP datées 1998, lesquelles ne peuvent suffire à justifier du caractère continu et stable des relations commerciales entre les parties à compter de cette date,
- une attestation de la banque Siam Commercial sur la période de 2004 à 2013, dont la valeur probante est par ailleurs contestée, et ne peut suffire à établir la réalité des faits allégués, sans autre éléments probants pouvant corroborer son contenu,
- des tableaux des ventes de produits SEPPIC par la société ADINOP et d'achats de produits SEPPIC par la société ADINOP couvrant la période de 2004 à 2013 certifiés par l'expert-comptable de la société ADINOP, qui ne sont accompagnés d'aucun élément objectif, tels que des factures ou bons de commande à compter de 2004,
- des attestations des sociétés Cinnamig, PCCA Laboratory et Garguar dépourvues de force probante.
Ces éléments ne peuvent caractériser un flux d'affaires suffisant et régulier entre les parties sur la période 1998 à 2007, de sorte que le caractère établi de la relation commerciale avec la société SEPPIC n'est pas prouvé par la société ADINOP à ces dates.
En revanche, la société ADINOP verse aux débats diverses factures relatives à des achats effectués auprès de la société SEPPIC de 2007 à 2013 (pièces 45 et 65 de la société ADINOP). La liste des factures communiquées pour les années 2007 et 2008 démontre un flux d'affaires entre les parties attestant de la réalité de la relation commerciale établie. Il n'est par ailleurs pas contesté que de 2009 à 2013 les parties aient entretenu des relations commerciales établies.
Eu égard à l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de considérer que la relation commerciale établie entre les sociétés SEPPIC et ADINOP a débuté en 2007.
La cour fixera en conséquence la durée des relations commerciales établies entre les parties à 6 ans.
Sur la date de l'annonce de la rupture
Il ressort notamment de l'instruction du dossier que :
- par courrier électronique du 6 septembre 2013, ayant pour objet " RE: Pas d'interruption de la coopération ", Madame X de la société SEPPIC indiquait en ces termes, dont la traduction libre n'est pas contestée, à la société ADINOP que : " Bien que nous voulons que la transition soit la plus douce possible, et nous n'interrompons pas l'approvisionnement en cours de vos PO : ADINOP continuera de distribuer et promouvoir nos produits, envoyer des échantillons et des informations sur nos produits, faire un rapport trimestriel, et rencontrer les clients avec SEPPIC jusqu'au 31 décembre 2013. Aucune promotion ou livraison ne sera effectuée par notre nouveau distributeur désigné avant le 1er janvier 2014. Notre nouveau distributeur rachètera le stock disponible si la durée de vie restante du stock est supérieure à un tiers de sa durée de vie totale au 31 décembre 2013 ".
- le 31 octobre 2013, la société SEPPIC adressait à la société ADINOP une lettre rédigée comme suit, dont la traduction libre est incontestée : : " Fin de la distribution des produits cosmétiques SEPPIC en Thaïlande. Cher Y, Comme cela a été annoncé lors de notre visite du 27 août 2013 dans les bureaux de ADINOP en Thaïlande et confirmé par notre e-mail du 4 octobre 2013, SEPPIC a décidé, concernant son commerce de produits cosmétiques, de mettre un terme à toutes relations commerciales et à tout engagement avec la société ADINOP qui impliqueraient les affaires d'ADINOP, ce qui comprend sans s'y limiter, la publicité, les achats, la revente, le marketing, la distribution, la médiation et la représentation. La date effective de résiliation est fixée au 1er janvier 2014 ".
Elle exposait également trois motifs ayant justifié selon elle la décision de mettre un terme aux relations commerciales avec la société ADINOP.
C'est donc à juste titre que la société SEPPIC soutient avoir notifié à la société ADINOP la fin de leur relation commerciale le 6 septembre 2013, puisque dans ce courriel elle indiquait clairement à la société ADINOP la date de fin des relations commerciales et les conditions dans lesquelles devait être conduite la transition, de sorte que la société ADINOP ne pouvait se méprendre sur la suite de ses relations d'affaires avec la société SEPPIC après le 31 décembre 2013. C'est aussi vainement, que la société ADINOP invoque l'objet des échanges de courriels, puisqu'il apparaît qu'il s'agit d'un courriel de réponse et qu'il n'est pas démontré que la société SEPPIC soit à l'origine de la rédaction de l'objet des courriels. En tout état de cause, le contenu du courriel est suffisamment clair pour caractériser la date de la rupture au 6 septembre 2013.
La notification écrite de la rupture des relations d'affaires entre les deux sociétés est intervenue le 6 septembre 2013 dès lors qu'elle est claire et non équivoque constitue le point de départ du délai de préavis avant la rupture des relations commerciales entre les parties.
La société SEPPIC ayant fixé le terme de la relation commerciale au 31 décembre 2013, la société ADINOP a bénéficié d'un préavis de 3 mois et 25 jours.
Sur la brutalité de la rupture et la durée du préavis
La société ADINOP fait valoir que la rupture des relations commerciales avec la société SEPPIC revêt un caractère brutal dès lors que le préavis dont elle a bénéficié était insuffisant. Elle affirme également n'avoir jamais été préalablement mise en demeure de respecter les manquements allégués dans ledit courrier de rupture, lesquels ne constituent en tout état de cause pas des manquements graves justifiant une rupture sans préavis.
La société SEPPIC conteste toute rupture brutale des relations commerciales en se prévalant d'inexécutions de la société ADINOP à ses obligations justifiant une rupture sans préavis. Elle explique que la société ADINOP a failli à ses obligations en qualité de distributeur, à savoir le développement des ventes sur le territoire thaïlandais et la promotion des produits de SEPPIC auprès des clients locaux.
Elle fait d'ailleurs valoir que la société ADINOP a au cours de l'année 2013 souffert de départs successifs des membres de son équipe commerciale entrainant ainsi une perte d'expertise préjudiciable à la promotion des produits SEPPIC. Elle allègue que la société ADINOP a reconnu un manque de réactivité et de diligence de sa part en raison de ces démissions, que certains clients internationaux lui auraient en outre fait part de leur insatisfaction à cet égard et que donc ces éléments auraient contribué à la chute des ventes de ses produits, ce dont elle s'est régulièrement alarmée.
Sur les fautes reprochées par la société SEPPIC à la société ADINOP
L'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce prévoit in fine que ces dispositions ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations contractuelles. Ce dernier alinéa ne précise ni la nature ni le degré de l'inexécution contractuelle autorisant la dispense de préavis. Toutefois, dès lors qu'il instaure une dérogation à l'exigence d'un préavis prévu au premier alinéa, son application nécessite que l'inexécution des obligations contractuelles qu'il vise, présente un caractère de gravité suffisant pour justifier une rupture immédiate eu égard à l'ancienneté des relations des relations commerciales.
Il ressort de la lettre de rupture du 31 octobre 2013 notifiée à la société ADINOP, que la société SEPPIC avançait trois motifs au soutien de sa décision mettant un terme aux relations commerciales avec la société ADINOP.
La cour relève aussi que ces fautes ne sont pas évoquées dans le courriel du 6 septembre 2013.
Mais, en tout état de cause, à supposer ces griefs établis, il apparaît que la société SEPPIC a accordé à la société ADINOP un préavis de plus de trois mois de sorte qu'elle ne peut aujourd'hui soutenir que ces griefs revêtent une gravité suffisante pouvant justifier une rupture sans préavis.
Ainsi, la société SEPPIC ayant rompu les relations commerciales par courriel du 6 septembre 2013 en octroyant un délai de préavis de 3 mois et 25 jours, ne peut utilement dans le cadre de la présente instance faire valoir des fautes de la société ADINOP, qui ne revêtaient pas au moment de la rupture une gravité suffisante pour elle, pour réduire la durée de préavis ou caractériser l'absence de brutalité de la rupture.
Sur la durée du préavis
La société ADINOP estime que la brutalité de la rupture ressort du caractère insuffisant du délai consenti, lequel ne tient nullement compte de la durée des relations commerciales entre les parties, de l'importance et de la consistance du volume d'affaires échangé, de l'existence d'un accord d'exclusivité, des investissements effectués par la société ADINOP au profit de la société SEPPIC, de l'état de dépendance de la victime de la rupture ou encore du temps nécessaire à la reconversion de la société ADINOP laquelle a subi une désorganisation en raison de la rupture. Elle considère qu'elle aurait dû bénéficier d'un préavis de 24 mois.
La société SEPPIC affirme que la société ADINOP a bénéficié d'un préavis écrit et suffisant de quatre mois notifié par courrier électronique du 6 septembre 2013.
Il ressort de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce que la brutalité de la rupture résulte de l'absence de préavis écrit ou d'un préavis suffisant au regard des relations commerciales antérieures. Le délai de préavis suffisant, qui s'apprécie au moment de la notification de la rupture, doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser, c'est-à-dire pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une autre solution de remplacement. Les principaux critères à prendre en compte sont l'ancienneté des relations, la dépendance économique, le volume d'affaires réalisé et la progression du chiffre d'affaires, les investissements effectués, les relations d'exclusivité et la spécificité des produits et services en cause.
Il est établi que les relations commerciales entre les parties ont duré 6 ans.
La société ADINOP fait valoir qu'elle réalisait avec la société SEPPIC un chiffre d'affaires de 19 %.
Quand bien même la société ADINOP bénéficiait d'une exclusivité de fait, tel que le reconnaît la société SEPPIC sur son site internet (pièce de la société ADINOP n° 2), et que la société SEPPIC ne conteste pas n'avoir vendu qu'à la société ADINOP ses produits sur le territoire thaïlandais, il n'en demeure pas moins que la société ADINOP était libre de se fournir auprès de tout autre producteur de son choix, concomitamment aux commandes passées auprès de la société SEPPIC.
Par ailleurs la société ADINOP ne justifie d'aucune dépendance vis-à-vis de la société intimée, pas plus qu'elle ne justifie d'investissements réalisés au profit de la société SEPPIC.
La société ADINOP invoque une désorganisation de son activité en raison de la rupture des relations commerciales établies avec la société SEPPIC. Elle avance une baisse de 15 % de son chiffre d'affaires en 2014 du fait de difficultés de reconversion. Néanmoins, la société ADINOP n'en établit pas la réalité.
Dans ces conditions, eu égard à l'ensemble de ces éléments, et notamment à la durée de la relation commerciale établie, au secteur d'activité, au flux d'affaires entre les parties, il apparaît que le délai de préavis de 3 mois et 25 jours alloué par la société SEPPIC est suffisant, de sorte que la rupture n'est pas brutale.
Il y a donc lieu de rejeter l'ensemble des demandes formulées par la société ADINOP au titre des préjudices allégués.
Le jugement sera par conséquent infirmé sauf en ce qu'il a :
- débouté la société ADINOP de sa demande de reprise de stocks restant chez la société ADINOP par la société SEPPIC,
- débouté la société ADINOP de ses demandes au titre de l'atteinte à son image et à sa réputation commerciale et de sa désorganisation, ainsi qu'au titre d'investissements spécifiques,
La société ADINOP sera condamnée aux dépens d'instance et d'appel, ainsi qu'à payer à la société ADINOP la somme de 20 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
La demande formée par la société ADINOP sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile sera par conséquent rejetée.
Par ces motifs LA COUR, Infirme le jugement, sauf en ce qu'il a : Débouté la société ADINOP de sa demande de reprise de stocks restant chez la société ADINOP par la société SEPPIC, Débouté la société ADINOP de ses demandes au titre de l'atteinte à son image et à sa réputation commerciale et de sa désorganisation, ainsi qu'au titre d'investissements spécifiques ; Le Confirme sur ces points ; Statuant à nouveau ; Déboute la société ADINOP de ses demandes fondées sur la rupture brutale des relations commerciales établies ; Y ajoutant ; Condamne la société ADINOP aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société SEPPIC la somme de 20 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel; Rejette toute autre demande.