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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 12 juin 2019, n° 17-12049

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Beauty Business Company (SAS)

Défendeur :

5/8e Cosmeto (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bedouet

Conseillers :

Mmes Comte, Schaller

T. com. Paris, du 10 mai 2017

10 mai 2017

FAITS ET PROCÉDURE

La SAS Beauty Business Company (dite par abréviation BBC), immatriculée au registre du commerce le 8 novembre 2012, a pour activité la distribution de parfums et de produits cosmétiques pour des groupes français et européens.

La SAS 5/8e Cosmeto, immatriculée au registre du commerce le 14 février 2001, est spécialisée dans le commerce de détail de produits de beauté et de parfumerie ; elle est notamment titulaire de la marque Eden Park et a eu plusieurs distributeurs au cours des quinze dernières années pour ses produits de parfumerie :

- entre le 20 avril 2001 et le 18 octobre 2012 cette dernière société a confié la distribution des produits de parfumerie Eden Park à la société P&B Euro Beauty Agency (dite par abréviation P&B) en signant avec elle deux contrats successifs de licence, qui s'entendent du droit de concevoir, de fabriquer et distribuer sous la marque, le dernier contrat ayant été résilié le 18 octobre 2012,

- entre le 6 novembre 2012 et le 8 janvier 2014 elle a confié la distribution desdits produits pour la France à la société Fragrance & Emotion, laquelle a conclu le 18 octobre 2012 un contrat de distribution exclusive des produits Eden Park en France avec la société P&B Euro Beauty Agency et a repris le stock de marchandises détenu par cette dernière pour un prix forfaitaire de 50 000 euros,

- après l'ouverture d'une procédure collective et de la cessation d'activité de la société P&B, par jugement du 3 janvier 2013 le tribunal de commerce a arrêté le plan de redressement de cette dernière par voie de cession totale de cette société au profit de la société BBC, qui a acquis les éléments corporels et incorporels de celle-ci et poursuivi l'ensemble des contrats en cours,

- le 11 janvier 2013 un nouveau contrat de distribution a été signé entre les sociétés Fragrance & Emotion et BBC,

- le 8 janvier 2014, la société 5/8e Cosmeto a rompu ses liens avec la société Fragrance & Emotion pour reprendre en direct la fabrication et la commercialisation des parfums et produits cosmétiques Eden Park,

- en 2015, des discussions ont vainement eu lieu entre les sociétés 5/8e Cosmeto et BBC en vue de la formalisation d'un nouveau contrat de distribution ; néanmoins la distribution par cette dernière des parfums Eden Park s'est poursuivie en France sur la base d'une structure de prix qui garantissait à la société BBC une marge brute de 52 %.

En raison du non-règlement de certaines livraisons, la société 5/8e Cosmeto a rompu le 2 novembre 2015 cette relation commerciale avec prise d'effet au 31 décembre 2015. Elle a déposé le 15 janvier 2016 une requête en injonction de payer auprès du Président du tribunal de commerce de Paris, lequel a rendu le 11 février 2016 une ordonnance, se substituant à une précédente ordonnance du 25 janvier 2016, enjoignant à la société BBC de payer la somme de 29 620,75 euros en principal avec intérêts conformément à l'article L. 441-6 du Code de commerce, une indemnité forfaitaire de 120 euros, une somme de 500 euros en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les dépens.

La société BBC a fait opposition à cette ordonnance par deux courriers des 10 février et 7 mars 2016.

Suivant jugement du 10 mai 2017 le tribunal de commerce de Paris a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- dit l'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 11 février 2016 recevable mais mal fondée et dit que le présent jugement se substitue à l'ordonnance du 11 février 2016 et en conséquence,

- condamné la société BBC à payer à la société 5/8e Cosmeto la somme de 29 620,75 euros avec intérêts correspondant à trois fois le taux légal à compter du 15 septembre 2015 et la somme de 120 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement,

- condamné la société 5/8e Cosmeto à payer à la société BBC la somme de 15 420 euros à titre de dommages et intérêts,

- ordonné qu'il soit fait compensation entre ces sommes et que le solde soit payé par la société BBC à la société 5/8 eme Cosmeto,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné chaque partie à prendre en charge la moitié des dépens.

Selon dernières conclusions du 27 novembre 2017, la société BBC, appelante, sollicite :

- l'infirmation de la décision entreprise,

- à titre principal,

- la constatation qu'elle a respecté la proposition d'échelonnement du paiement des sommes dues à la société 5/8e Cosmeto et qu'elle ne conteste pas être débitrice du solde des factures à hauteur de la somme de 29 620,75 euros en principal,

- à titre reconventionnel,

- la constatation que la relation commerciale entre elle et la société 5/8e Cosmeto a été rompue brutalement et de manière injustifiée par cette dernière,

- le calcul de son préjudice résultant de cette rupture brutale des relations commerciales établies entre les parties à hauteur de la somme de 327 748,25 euros,

- en conséquence, la compensation judiciaire entre les sommes respectivement dues par les sociétés BBC et 5/8e Cosmeto,

- la constatation du règlement opéré par elle au profit de la société 5/8e Cosmeto à hauteur de la somme de 14 372,17 euros postérieurement à la signification du jugement de première instance

- en conséquence, la condamnation de la société 5/8e Cosmeto à lui verser la somme de 312 328,25 euros, outre celle de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens.

Par dernières conclusions du 9 janvier 2018, la société 5/8e Cosmeto, intimée :

A titre principal, réclame :

- la confirmation du jugement querellé en ce qu'il a condamné la société BBC à lui verser des sommes et en conséquence la condamnation de cette dernière à lui régler la somme en principal de 29 620,75 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 15 septembre 2015, soit une somme de 439,44 euros sauf à parfaire, les intérêts de retard contractuels égaux à trois fois le taux d'intérêt légal soit une somme de 1 318,44 euros sauf à parfaire, une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement de 120 euros,

- la condamnation de la société BBC à lui verser la somme de 2 962,07 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- la prise d'acte de ce que la société BBC a versé à ce jour par chèque la somme de 14 372,17 euros en application du jugement du 10 mai 2017,

- l'infirmation dudit jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à la société BBC la somme de 15 420 euros à titre de dommages et intérêts pour le prétendu caractère brutal de la rupture et le rejet de l'ensemble des prétentions de la société BBC,

A titre infiniment subsidiaire,

- estime que les préjudices allégués par la société BBC ne sont aucunement démontrés et que à tout le moins ils ne sauraient être supérieurs qu'à une somme purement symbolique extrêmement réduite,

En tout état de cause, souhaite :

- la condamnation de la société BBC à verser à la société 5/8e Cosmeto la somme de 16 000 euros en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande en paiement de la société 5/8e Cosmeto

La société BBC reconnaît dans ses dernières conclusions être redevable de la somme de 29 620,75 euros correspondant aux factures impayées au 2 novembre 2015 ; elle admet avoir rencontré des difficultés de trésorerie, de sorte qu'elle a proposé à la société 5/8e Cosmeto par courrier du 16 septembre 2015 de régler le solde en 10 versements hebdomadaires de 7 459 euros. Même si elle attribue cette dette aux nombreux retards de livraison des produits de la marque Eden Park imputables à la société 5/8e Cosmeto ainsi qu'aux arrêts intempestifs de certains produits en 2013 et 2015, elle ne justifie aucunement de ces manquements et du lien de causalité entre eux et la dette susmentionnée ; au demeurant elle ne recherche pas dans la présente instance la responsabilité de cette dernière dans la constitution de sa dette.

Il ressort des pièces produites, que la société 5/8e Cosmeto a mis en demeure par lettres recommandées avec AR des 15 septembre puis 15 décembre 2015 la société BBC de lui payer immédiatement la somme de 32 738,98 euros, après l'avoir relancée par courriers recommandés ou courriels des 27 juillet, 12 août, 12 août, 4 et 8 septembre 2015, en annonçant une suspension des livraisons. Par ailleurs, la société 5/8e Cosmeto a clairement refusé l'échelonnement de paiement proposé par cette dernière, tant dans son courrier recommandé du 15 septembre 2015 (pièce 34 de la société 5/8e Cosmeto), dans son courriel du 12 octobre 2015 (pièce 11 de la société BBC) que sa correspondance recommandée du 4 décembre 2015 ( pièce 15 de la société BBC) en expliquant qu'il n'est pas conforme aux conditions de paiement négociées, qui figurent sur les factures, à savoir un règlement à 60 jours date de la facture. En outre, il convient de relever que l'appelante n'a pas respecté son propre échéancier, puisqu'elle a cessé ses versements de 7 459 euros le 30 octobre 2015 alors que les relations entre les parties ont perduré jusqu'au 31 décembre 2015. En conséquence, l'appelante n'était pas fondée à imposer unilatéralement à sa partenaire d'autres modalités de paiement que celles contractuellement prévues.

Il s'ensuit que la société BBC reste redevable d'une somme de 29 620,75 euros assortie des intérêts à trois fois le taux légal à compter du 15 septembre 2015 et une somme de 120 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, et ce, en application de l'article L. 441-6 du Code de commerce, sommes sur lesquelles il convient d'imputer la somme de 14 372,17 euros payée par chèque conformément au jugement du 10 mai 2017 et aux règles d'imputation.

Ledit jugement mérite donc confirmation de ces chefs, sauf à imputer ledit acompte versé en exécution de cette décision.

En revanche, la demande en dommages et intérêts pour résistance abusive d'un montant de 2 962,07 euros formée par la société 5/8e Cosmeto ne saurait être accueillie, dès lors qu'elle ne justifie par aucune pièce d'un tel préjudice. De même, il n'y a pas lieu de lui allouer à la fois des intérêts au taux légal et des intérêts contractuels. La décision sera également confirmée de ces deux chefs.

Sur la rupture brutale des relations établies entre les parties

La société BBC se plaint de la brutalité de la rupture des relations commerciales établies entre elle et la société 5/8e Cosmeto depuis plus de 11 ans. Elle estime qu'en reprenant courant 2013 les actifs de la société P&B Euro Beauty Agency dans le cadre d'un plan de cession, en poursuivant les contrats dont le contrat de distribution des produits Eden Park, elle a assuré une parfaite continuité dans la distribution des produits. Elle fait valoir qu'à travers le nouveau contrat de distribution conclu le 11 janvier 2013 avec la société Fragrance & Emotion, elle a repris les engagements de la société P&B portant sur la distribution des produits Eden Park auprès du réseau de détaillants se développant en plus de 450 points de vente. Elle considère que si la production et l'approvisionnement des produits ont été initiés par la société P&B pendant 9 ans, puis ont été confiés pendant 2 ans à la société Fragrance & Emotion, pour être ensuite assurés par la société 5/8e Cosmeto, la même équipe au sein des sociétés P&B puis BBC, en concertation avec les mêmes responsables au sein de la société 5/8e Cosmeto ont géré l'implantation puis la distribution des produits de la marque Eden Park en France durant 11 années. Elle allègue en conséquence que le préavis ne pouvait être inférieur à 12 mois au regard, à la fois de la durée des relations commerciales entre les parties, et des importants investissements humains et financiers réalisés par elle-même et la société P&B. Elle réclame l'indemnisation de son préjudice à hauteur d'une somme de 92 520,78 euros en prenant en considération la moyenne des chiffres d'affaires des années 2011 à 2015, une somme de 30 725,30 euros pour le coût de deux licenciements, une somme de 6 014,20 euros au titre de l'indemnité de rupture anticipée du contrat logistique, une somme de 7 718,49 euros correspondant à la participation au salon professionnel BS en octobre 2015, une somme de 185 041,56 euros représentant le préjudice économique, une somme de 5 727,92 euros HT pour la reprise du stock des produits de marque Eden Park, soit au total une somme de 327 748,25 euros.

Pour sa part, la société 5/8e Cosmeto réplique que la rupture des relations entre les parties est légitime et n'offre aucun caractère de brutalité eu égard aux graves manquements de la société BBC. En tout état de cause, elle rétorque qu'elle était libre de mettre un terme aux courtes relations commerciales à durée indéterminée qu'elles ont entretenu, moyennant un préavis de 2 mois. Elle répond également que la société P&B a mis un terme anticipé à son contrat de licence et que la société BBC n'avait aucun lien avec ces relations qui étaient terminées avant même son immatriculation au registre du commerce et des sociétés le 8 novembre 2012. Elle soutient qu'elle a confié la fabrication et la distribution des parfums Eden Park à la société Fragrance & Emotion par un contrat de licence de marque du 6 novembre 2012, n'ayant alors aucun lien contractuel avec les sociétés P&B ou BBC. Elle prétend encore n'avoir entretenu que de brèves relations commerciales avec la société BBC pour 8 opérations ponctuelles de commandes et livraisons du 13 janvier au 2 novembre 2015 mais n'avoir pu trouver un accord avec elle pour signer un contrat de distribution. Elle affirme aussi que la résiliation du contrat entre elle et la société Fragrance & Emotion le 8 janvier 2014 a fait en tout état de cause disparaître tout lien avec la société BBC, dans la mesure où la société Fragrance & Emotion n'ayant plus la qualité de distributeur licencié, toute éventuelle sous-traitance de ses droits à la société BBC était impossible à cette date. Elle conteste toute brutalité dans la rupture des relations informelles entre les parties d'une durée de 9 mois et demi puisqu'elle a adressé à la société BBC de nombreuses lettres de relance. Enfin, elle nie l'existence d'un préjudice quelconque.

Aux termes de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce :

" Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait par tout producteur, commerçant industriel ou personne immatriculée au registre des métiers (...) de rompre brutalement, même partiellement une relation commerciale établie sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce par des accords interprofessionnels.

Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure " ;

Pour appréhender la durée des relations commerciales entre les parties, il convient de rappeler que le 20 avril 2001 la société 5/8e Cosmeto a concédé à la société P&B, une licence exclusive pour la fabrication et la distribution sous la marque Eden Park et Oval ; puis le 13 février 2004 ces parties ont signé un nouveau contrat de licence prévoyant le paiement par le licencié de minima garantis avec signature de 4 avenants successifs.

Le 12 juillet 2012 le tribunal de commerce a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société P&B et le 18 octobre 2012, la société P&B a mis un terme anticipé à son contrat de licence, le principe de cette résiliation étant alors accepté le 19 octobre suivant par la société 5/8e Cosmeto et le 5 novembre 2012 par Maître X mandataire judiciaire de la société P&B.

Ce dernier a confirmé à cette même date ne pas maintenir sa demande de poursuite du contrat de licence, qui n'aurait fait l'objet d'aucun aménagement et aurait impliqué le paiement de redevances contractuellement prévues (pièce 17 de la société 5/8e Cosmeto).

Le 6 novembre 2012, la société 5/8e Cosmeto a alors confié la fabrication et la distribution des parfums Eden Park à la société Fragrance & Emotion par le biais d'un nouveau contrat de licence. Cette dernière société a pour sa part choisi de confier par convention du 18 octobre 2012 à la société P&B la distribution pour la France des produits en considération des qualités, compétences spécifiques et savoir-faire de Y, actionnaire et dirigeant actif de la société P&B.

Mais par courriel du 19 octobre 2012 le dirigeant de la société 5/8e Cosmeto, M. Z, a fait savoir qu'à partir de l'arrêt de la licence avec la société P&B les accords ne concerneront que les sociétés Fragrance & Emotion et P&B, lui-même ne pouvant s'engager sur des points qui ne concernent que son nouveau licencié tels que le choix éventuel d'un distributeur, ou un accord de reprise (pièces 20 et 22 de la société 5/8éme Cosmeto), acceptant toutefois une reprise des stocks par le nouveau licencié le 19 octobre 2012.

Par jugement du 3 janvier 2013, le tribunal de commerce a arrêté le plan de redressement de la société P&B par voie de cession totale de la société au profit de la société BBC laquelle a acquis les éléments corporels et incorporels de la première.

Il en résulte que la société P&B ayant résilié le contrat de licence le 18 octobre 2012 (rupture acceptée le 19 octobre suivant par sa partenaire) et le mandataire judiciaire n'ayant pas maintenu sa demande de poursuite de ce contrat, celle-ci n'avait plus aucun lien contractuel avec la société 5/8e Cosmeto, de sorte la cession totale de la société P&B au profit de la société BBC n'a pas pu faire naître des liens contractuels entre cette dernière et la société 5/8e Cosmeto.

Par ailleurs, la société Fragrance & Emotion et la société BBC ont signé le 11 janvier 2013 un nouveau contrat de distribution exclusive définissant le nouveau périmètre de leurs relations pour Andorre et la France, convention pouvant être résiliée à tout moment en cas de cessation d'activité de l'une des parties. Dans ce cadre, la société Fragrance & Emotion a été amenée le 3 avril 2013 à mettre en demeure la société BBC de cesser la commercialisation des produits Eden Park aux boutiques de ce réseau qui faisaient l'objet de stipulations spécifiques dans le contrat de licence entre elle-même et la société 5/8e Cosmeto. En réponse, la société BBC a fait savoir le 8 avril suivant (pièce 26 de la société 5/8e Cosmeto) qu'elle ignorait cette interdiction, ce qui démontre l'absence de lien entre elle et la société 5/8e Cosmeto. De même la circonstance que la société 5/8e Cosmeto demande à son distributeur Fragrance & Emotion de régler le problème de vente de produits dans son réseau exclusif par la société BBC apporte la preuve de l'absence de liens contractuels entre cette dernière et la société 5/8e Cosmeto.

Le 8 janvier 2014, la société 5/8e Cosmeto a mis fin au contrat de licence conclu le 6 novembre 2012 avec la société Fragrance & Emotion en invoquant de multiples manquements de sa partenaire, de sorte que plus aucune société n'a eu l'autorisation de distribuer la marque Eden Park à compter de cette date. Les discussions menées avec la société BBC seulement à partir de juillet 2015 en vue de la signature d'un nouveau contrat de distribution n'ont pas pu aboutir, de sorte que cette dernière ne saurait se prévaloir de l'existence d'une convention entre les parties. Compte tenu de cette interruption des relations, la société BBC n'a pas été en mesure de reprendre les engagements de la société P&B pour la distribution des produits Eden Park auprès du réseau de détaillants créé par celle-ci.

Il ressort de ces divers éléments que la société BBC n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'existence de relations commerciales établies entre les parties depuis onze années; en effet, l'interruption des relations est marquée à la fois par la résiliation effective du contrat de licence accordé par la société 5/8e Cosmeto à la société P&B le 19 octobre 2012, la circonstance que le mandataire judiciaire de cette dernière n'a pas repris ledit contrat de licence, le fait qu'à cette même date la société BBC n'était pas encore immatriculée au registre du commerce et des sociétés, puis la résiliation du contrat entre les sociétés 5/8e Cosmeto et son nouveau distributeur la société Fragrance & Emotion le 8 janvier 2014, de sorte que cette dernière n'aurait pu concéder à la société BBC plus de droits qu'elle n'en possédait elle-même et encore par la volonté réitérée de la société 5/8e Cosmeto de n'avoir plus de liens avec la société P&B en redressement judiciaire, d'être un tiers aux relations entre les sociétés Fragrance & Emotion et BBC (pièce 27 de la société 5/8e Cosmeto) et par l'absence d'autorisation accordée par la société 5/8e Cosmeto entre le 8 janvier 2014 et le 13 janvier 2015 à un tiers pour la distribution des produits Eden Park, de sorte que l'appelante ne saurait exciper d'échanges commerciaux conclus directement avec l'intimée.

En revanche, à compter de juillet 2014, il est acquis que des discussions ont été menées entre les deux parties en vue de la signature d'un futur contrat de distribution mais elles n'ont pas abouti.

Il n'est pas contesté qu'à compter du 13 janvier jusqu'au 2 novembre 2015, 8 commandes de produits ont été passées directement par la société BBC auprès de la société 5/8e Cosmeto qui a procédé à leur livraison pour une somme globale de 169 433,95 euros.

Néanmoins, la société BBC ne pouvait escompter sérieusement la poursuite de relations commerciales avec cette dernière dès lors que les pourparlers sur la signature d'un contrat de distribution achoppaient sur plusieurs points, que diverses lettres de relance ou de mise en demeure de payer les factures lui avaient été adressées et que le flux d'affaires entre les parties s'est étalé uniquement sur 10 mois.

Dans ces conditions, le caractère établi de la relation commerciale entre les parties n'étant pas établi, les demandes de la société BBC pour rupture brutale des relations commerciales établies doivent être rejetées.

Le jugement du 10 mai 2017 sera par conséquent infirmé en ce qu'il a accordé à la société BBC un délai supplémentaire de préavis de deux mois, une indemnisation de 15 420 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à deux mois de marge non réalisés et une compensation entre les sommes dues par chaque partie.

Il convient d'allouer, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, à la société 5/8e Cosmeto, une indemnité de 10 000 euros.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement rendu le 10 mai 2017 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a : Dit l'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 11 février 2016 recevable mais mal fondée, dit que le jugement se substitue à l'ordonnance du 11 février 2016, Condamné la société BBC à payer à la société 5/8e Cosmeto la somme de 29 620,75 assortie des intérêts à trois fois le taux légal à compter du 15 septembre 2015, la somme de 120 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, Rejeté la demande en dommages et intérêts pour résistance abusive d'un montant de 2 962,07 euros, Y ajoutant, Dit que la somme de 14 372,17 euros payée par la société BBC en exécution du jugement du 10 mai 2017 s'imputera sur les sommes susvisées selon les règles d'imputation, Infirme le jugement rendu le 10 mai 2017 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a condamné la société 5/8e Cosmeto à payer à la société BBC la somme de 15 420 euros à titre de dommages et intérêts et ordonné la compensation entre les sommes dues par elles, condamné chaque partie aux dépens, Statuant à nouveau de ces seuls chefs, Déboute la société BBC de ses demandes au titre de la rupture brutale et injustifiée des relations commerciales entre les parties , de l'indemnisation à hauteur de 372 748,25 euros, au titre des sommes de 312 328,25 euros et de 10 000 euros en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile, Y ajoutant, Condamne la société BBC à verser à la société 5/8e Cosmeto une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société BBC aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.