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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 7 juin 2019, n° 17-18883

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Yoopies (SAS)

Défendeur :

O2 Développement (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lis Schaal

Conseillers :

Mmes Bel, Cochet Marcade

Avocats :

Mes Lallement, Pichon De Bury, Bouzidi Fabre, Tripet

CA Paris n° 17-18883

7 juin 2019

Faits et procédure

La SAS O2 Développement (ci-après O2) propose des services à domicile pour les particuliers au moyen d'un site internet www.o2.fr et d'un réseau d'agences.

La SAS Yoopies est l'éditeur du site yoopies.fr dont l'objet est la mise en relation de parents et des gardes d'enfants.

Le 29 novembre 2012, le président de la société Yoopies et la directrice marketing de la société O2 se sont rencontrés en vue d'un éventuel partenariat visant à permettre à la société O2 d'utiliser, contre rémunération, le fichier " parents ayant posté une demande " de la société Yoopies. Les discussions n'ont pas abouti.

Constatant que la société O2 rentrait en contact avec des parents et des gardes d'enfants présents sur le site Yoopies.fr en faisant inscrire des personnes de manière trompeuse sur ce site en tant que parent ou nounou, la société Yoopies, après une mise en demeure infructueuse par lettre du 18 août 2013, l'a faite assigner devant le tribunal de commerce de Nanterre pour pratiques déloyales.

Une transaction en date du 25 avril 2014 ayant été conclue entre les parties, la société Yoopies s'est désistée de l'instance et de l'action introduite devant le tribunal de commerce de Nanterre le 27 juin 2014.

Considérant que de nouveaux actes déloyaux ont été commis par la société O2, la société Yoopies l'a faite assigner devant le tribunal de commerce de Paris par acte du 26 juin 2015 aux fins de voir ordonner la cessation, sous astreinte, de toute pratique déloyale, de la voir condamner à lui payer les sommes de 25 000 euros au titre de l'inexécution du protocole, 200 000 euros pour préjudice matériel et 200 000 euros pour préjudice moral, outre la publication d'un communiqué judiciaire.

Par jugement du 25 septembre 2017, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a condamné la société O2 à payer à la société Yoopies les sommes de 1 000 euros au titre du manquement à ses obligations contractuelles, 2 000 euros au titre des préjudices subis, 5 000 euros au titre de l'article 700 et a débouté les parties de leurs autres demandes.

Le tribunal a jugé recevables les demandes de la société Yoopies portant sur des faits commis postérieurement à la transaction du 25 avril 2014, et fondées sur des faits distincts, soit d'une part sur le non-respect de ladite transaction, fondement de la responsabilité contractuelle, et d'autre part, sur des actes de concurrence déloyale, fondement de la responsabilité délictuelle.

Sur la responsabilité contractuelle, il a retenu la faute de la société O2 qui n'a mis en place que tardivement des moyens inefficaces et non contraignants à l'encontre de ses agences. Il a en revanche jugé que la société Yoopies ne démontrait pas l'étendue de son préjudice et l'a souverainement évalué à 1 000 euros.

Sur la responsabilité délictuelle, il a jugé que l'usage sur le site yoopies.fr d'adresses internet attribuées à O2 en se faisant passer pour des particuliers caractérisait des actes de concurrence déloyale, mais ne démontrait pas le " pillage organisé par la direction générale de O2 " allégué. Il a jugé que la société Yoopies ne démontrait pas plus l'étendue de son préjudice et l'a souverainement évalué à 2 000 euros.

La société Yoopies a relevé appel de la décision le 13 octobre 2017.

Prétentions et moyens des parties

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 19 juin 2018 par la société Yoopies, aux fins de voir au visa des articles 1134 et 1382 (anciens) du Code civil, la cour infirmer le jugement entrepris sur le montant des sommes allouées pour l'indemnisation de son préjudice au titre de la responsabilité contractuelle et de la concurrence déloyale, et en ce qu'il a rejeté la demande de publication judiciaire,

Et statuant à nouveau :

- condamner la société O2 à lui payer la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de l'inexécution du protocole d'accord,

- condamner la société O2 à lui payer la somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts calculés au taux légal à compter de l'assignation au titre de son préjudice matériel,

- condamner la société O2 à lui payer la somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts calculés au taux légal à compter de l'assignation au titre de son préjudice moral,

- condamner la société O2 à publier le dispositif de la décision à intervenir sur la page d'accueil de son site Internet et dans un quotidien de son choix bénéficiant d'un tirage national, à ses frais, dans la limite de 10 000 euros HT pour cette publication,

- condamner la société O2 à lui payer la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Yoopies fait valoir qu'elle invoque des faits distincts à l'appui de ses demandes au titre de la responsabilité contractuelle de la société O2, soit la violation du protocole d'accord en ne prenant pas les mesures nécessaires pour assurer son respect, et ceux au titre de la responsabilité délictuelle, soit les actes de concurrence déloyale (fausses inscriptions) des agents de cette société O2.

Sur les manquements contractuels, elle soutient que, à la suite de la signature du protocole transactionnel, la société O2 n'a pris aucune mesure pour empêcher ses équipes et agences de se réinscrire sur le site de sa concurrente, qu'elle a attendu qu'elle l'assigne une seconde fois pour réagir et adresser, de façon parcellaire et pour les besoins de la cause, quelques comptes rendus de réunions à son réseau.

Sur la responsabilité délictuelle, elle considère que constituent des actes de concurrence déloyale le fait de s'inscrire sous une identité dissimulée ainsi qu'en témoignent les procès-verbaux de constat dressés par huissier de justice, alors que les conditions générales du site (article 3 alinéa 1er) interdisent explicitement d'utiliser ce type d'inscription pour entrer en contact avec des intervenants ou récupérer le fichier des inscrits. Elle souligne que ces actes ont été commis ensuite d'un accord transactionnel par lequel l'intimée s'était engagée d'y mettre fin.

Elle critique le jugement entrepris quant à l'évaluation de son préjudice. Elle fait valoir que doit être prise en compte la protection de son fichier pour évaluer le dommage en lien avec les manquements contractuels de la société O2 et la nécessité d'indemniser à hauteur de 25 000 euros le non-respect de l'engagement transactionnel.

De même, elle conteste le jugement entrepris sur le quantum de dommages et intérêts alloués en réparation des actes de concurrence déloyale retenus, considérant que ces actes s'inscrivent dans la mise en place d'une plateforme concurrente par la société O2, qu'ils la discréditent vis-à-vis des agences de baby-sitters partenaires, trompent la confiance de ces baby-sitters qui cherchent une relation directe avec des parents, ainsi que des parents qui ne souhaitent pas recourir à une agence, l'ont obligée à engager des sommes importantes afin de se prémunir face à l'ampleur des agissements illicites de la société O2 et à investir des sommes conséquentes en matière de recherche et développement et de marketing pour se démarquer de ses concurrents. Elle précise que les 2 000 euros alloués, sont très inférieurs aux 10 000 euros d'indemnité transactionnelle convenue alors que les agissements de la société O2 ont perduré et se sont amplifiés.

Elle considère qu'une mesure de publication judiciaire est nécessaire pour clarifier l'illicéité du procédé qu'elle dénonce, la société O2 ayant poursuivi ses agissements postérieurement au jugement entrepris.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 7 mars 2019 par la société O2 aux fins de voir la cour au visa des articles 1382 ancien du Code civil et 700 du Code de procédure civile :

A titre principal,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Yoopies la somme de 1 000 euros au titre du manquement à ses obligations contractuelles ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Yoopies la somme de 1 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de la concurrence déloyale ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Yoopies la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Yoopies de sa demande de publication d'un communiqué judiciaire,

Et statuant à nouveau, débouter la société Yoopies de sa demande de condamnation au titre de la responsabilité contractuelle,

A titre subsidiaire,

- débouter la société Yoopies de l'intégralité de ses demandes,

A titre reconventionnel,

- condamner la société Yoopies à lui verser la somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et en tous les dépens de l'instance avec recouvrement selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Intimée et appelante incidente, la société O2 soutient en premier lieu que la société Yoopies lui reproche les mêmes faits, à savoir des inscriptions non autorisées sur le site yoopies.fr cumulativement sur deux fondements distincts, la responsabilité contractuelle, violation du protocole, et la responsabilité délictuelle, actes de concurrence déloyale, sans justifier de préjudices distincts. Elle conclut qu'en application du principe de non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, l'action de l'appelante doit être requalifiée sur le seul fondement de la responsabilité contractuelle et ses demandes rejetées en ce qu'elles sont fondées sur la responsabilité délictuelle.

Elle fait alors valoir que l'article 1er du protocole du 5 mai 2014 la rendait débitrice d'une obligation de moyens. Elle conteste la valeur probante des pièces produites par la société Yoopies pour attester des diverses inscriptions reprochées (pièces 14 à 69 de l'appelante) qui ne sont que des captures d'écran, non datées et parfois contradictoires entre elles. Elle ajoute qu'il n'est pas démontré que les adresses email ont été utilisées pour l'inscription sur le site yoopies. Elle remet également en cause les constats dressés par huissier de justice les 7 et 8 juin 2016, 27, 28 et 30 mars 2017, aux motifs que ces constats manquent d'objectivité en ce qu'ils relèvent, soit des adresses sans faire de lien avec la société O2, soit que l'huissier instrumentaire procède à des recherches ciblées, ajoutant que les constatations ne démontrent pas que les personnes en cause sont ses salariés, ou que le démarchage a été effectué pour son compte. Elle considère que la société Yoopies échoue à démontrer qu'elle a violé le protocole d'accord.

Elle soutient avoir respecté son obligation de moyens en interdisant spécifiquement aux agences d'utiliser le site yoopies pour le recrutement, interdiction réitérée régulièrement depuis 2013 dans les comptes rendus de réunions diffusés au réseau national. Elle souligne que les documents ont été postés sur les portails dont le contenu s'affiche automatiquement, que le système qualité et les consignes internes en prescrivent la lecture hebdomadaire, qu'en outre une consigne permanente a été mise dans les " incontournables du droit des affaires ", les " FAQ ", les informations stagiaires. Elle ajoute qu'elle utilise d'autres outils pour recruter ses intervenants.

Elle fait valoir que la société Yoopies n'établit aucun préjudice en lien avec le manquement contractuel qu'elle lui reproche, n'a effectué aucune mise en demeure préalable à la nouvelle assignation, et ne démontre pas son préjudice par les pièces qu'elle fournit au débat.

La société O2 conteste à titre subsidiaire avoir commis des actes de concurrence déloyale. Elle fait valoir que la démonstration d'une faute de sa part n'est pas rapportée, seules 12 agences ayant posté une annonce qui sont le fruit d'initiatives isolées et intempestives, aucun pillage des données, ni système de captation de la clientèle de l'appelante n'étant caractérisés. Elle rappelle les nombreuses démarches pour interdire à son réseau de se connecter au site de la société Yoopies. Elle ajoute qu'aucun risque de confusion n'a été suscité auprès des prestataires. Enfin, elle affirme que les pièces produites par la société Yoopies ne justifient pas d'une volonté de pillage organisé en vue de la création d'une plateforme de mise en relation.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.

SUR CE,

Il convient à titre liminaire de rappeler que le principe de non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, interdit seulement au créancier d'une obligation contractuelle de se prévaloir, contre le débiteur de cette obligation, des règles de la responsabilité délictuelle. Il n'interdit pas la présentation comme en l'espèce, d'une demande distincte, fondée sur la concurrence déloyale qui tend à la réparation d'un préjudice résultant non pas du manquement contractuel lié au non-respect de la clause du protocole d'accord conclu entre les parties le 25 avril 2014 selon laquelle " la société O2 développement s'engage à mettre en œuvre tous les moyens pour qu'aucune de ses agences ne s'inscrivent directement ou indirectement sur le site yoopies.fr sauf accord exprès de la société Yoopies ", mais d'actes de concurrence déloyale liés à des fausses inscriptions d'agents de la société O2 sur son site Internet.

Sur le non-respect du protocole d'accord par la société O2.

Le protocole d'accord transactionnel en date du 25 avril 2014 entre les sociétés Yoopies et O2 précise que le litige né entre les parties porte sur le constat par la société Yoopies, après que celle-ci ai soumis une proposition de partenariat commercial " d'achat de leads " à la société O2 non suivie d'effet, de l'inscription directement sur son site yoopies. fr d'agences O2 au cours des mois de février, avril, mai et juin 2013. Outre le paiement de la somme de 10 000 euros, la société O2 s'est engagée en vertu de ce protocole, " à mettre en œuvre tous les moyens pour qu'aucune de ses agences ne s'inscrivent directement ou indirectement sur le site yoopies.fr sauf accord exprès de la société Yoopies ".

La société Youppies reproche à la société O2 de ne pas avoir mis les moyens suffisants pour satisfaire à l'obligation ci-dessus rappelée ainsi qu'en témoignent les nombreuses inscriptions d'agences O2 sur son site postérieurement à la signature du protocole.

Si ainsi que le fait pertinemment valoir l'intimée, de simples copies d'écran du site internet yoopies.fr réalisées par l'appelante elle-même dans des circonstances totalement ignorées de la cour notamment quant aux précautions qui ont été prises pour assurer de la date et du contenu de celles-ci, n'ont aucun caractère probant et ne peuvent être retenues, il ressort néanmoins des procès-verbaux dressés par huissier de justice les 8 juin 2016 et les 27, 28 et 30 mars 2017 que des inscriptions d'agences O2 sur le site de la société Yoopies en vue de recrutements de gardes d'enfant ou d'aide-ménagère, sont intervenues postérieurement au protocole d'accord entre avril 2015 et mars 2017, la valeur probante desdits procès-verbaux n'étant pas valablement contestée par la société intimée, le caractère ciblé des recherches de l'huissier qui ne concerne que la visibilité de l'annonce par l'internaute, ne remet pas en cause la valeur probante des constatations de l'huissier instrumentaire quant à la présence du message sur le site yoopies.fr, le contenu et la date de ce dernier.

Pour justifier qu'elle a respecté son obligation de moyen qui lui était imposée par le protocole d'accord, la société O2 fournit au débat des pièces principalement constituées de compte rendus de réunion internes dont deux sont très antérieurs au protocole d'accord (24 juin et 12 novembre 2013), les autres bien postérieurs (29 juin 2015, 4 avril, 22 et 29 août 2016, mise à jour du 14 février 2017, compte rendu du 31 juillet 2017, du 9 octobre 2017, consignes étendues du 10 octobre 2017, compte rendus des 16 et 17 octobre 2017, réunion ressources humaines du 26 octobre 2017, compte rendu réseau du 9 avril 2018, du 12 avril 2018), une fiche juridique non datée intitulée " les incontournables du droit des affaires ", des copies d'écran de son portail internet Z auquel ont accès l'ensemble de ses agences qu'elles appartiennent au réseau ou soient des franchisés selon l'attestation du 19 septembre 2016 de M. C, directeur des systèmes d'information de la société O2, selon laquelle " chaque nouvelle information s'affiche directement en page d'accueil Z sans qu'il soit nécessaire pour les utilisateurs de procéder à une quelconque manipulation " sans plus de précision.

Néanmoins, comme le relève pertinemment la société Yoopies, il ressort de ce qui précède que postérieurement à la signature du protocole d'accord, la société O2 a attendu près d'une année et la délivrance de l'assignation par la société Yoopies devant le tribunal de commerce de Paris, pour aborder lors d'une réunion du 29 juin 2015 à nouveau l'interdiction faite à ses agences deux ans auparavant de diffuser des offres sur le site yoopies.fr, les copies d'écran dont la valeur probante n'est pas contestée par l'appelante, ne faisant que montrer la diffusion de ces comptes rendus sur la plateforme Z, au moins pour ceux jusqu'au 31 juillet 2017, mais n'établissent nullement la visibilité de cette information par les utilisateurs et notamment que cet élément d'information particulier a bien fait l'objet d'un affichage en page d'accueil. De même, l'extrait de la foire aux questions versée au débat qui répondait notamment aux interrogations concernant les inscriptions sur des sites internet, n'est pas datée et ses modalités de diffusion non précisées, enfin l'attestation de Mme B Y selon laquelle chaque participant à la formation " parcours d'intégration et de formation transverse " doit lire les " incontournables du droit des affaires " date du 28 août 2018 et aucune précision concernant l'interdiction de s'inscrire sur le site de la société Yoopies n'est mentionnée dans cette attestation.

En conséquence, la société O2 échoue à démontrer qu'elle a pris des mesures suffisantes pour empêcher ses agences de continuer à s'inscrire sur le site internet de l'appelante, les moyens mis en œuvre étant ainsi que l'a relevé pertinemment le tribunal, tardifs et manifestement inefficaces car non assortis de sanctions, les " sanctions lourdes " évoquées pour la première fois dans le courriel en date du 10 octobre 2017 adressé à " centre. [email protected] " par Mme A X en cas de réitération des inscriptions sur le site yoopies.fr, est postérieur au jugement de première instance et ne donne aucun détail sur les sanctions encourues.

Le manquement de la société O2 à son obligation à l'égard de la société Yoopies de mettre en œuvre tous les moyens pour qu'aucune de ses agences ne s'inscrivent directement ou indirectement sur le site yoopies.fr en application du protocole d'accord en date du 25 avril 2014 est donc caractérisé.

L'inexécution du protocole d'accord étant acquise et ayant causé un préjudice à la société Yoopies qui s'infère nécessairement du non-respect dudit accord, l'appelante ayant dû continuer à faire face à des inscriptions intempestives d'agences de la société O2 sur son site internet de mise en relation directe de parents avec des garde d'enfants, ce malgré l'engagement de la société O2 de cesser ses agissements et de mettre en œuvre tous les moyens pour ce faire, la société Yoopies est en droit d'obtenir des dommages intérêts, malgré l'absence de mise en demeure.

Le préjudice de la société Yoopies, sera évalué au vu de ce qui précède et des éléments dont disposent la cour, à la somme de 20 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Sur les actes de concurrence déloyale de la société O2

Il ressort des procès-verbaux de constat dressés par huissier de justice les 8 juin 2016 et les 27, 28 et 30 mars 2017 que postérieurement au protocole d'accord des personnes utilisant des adresses internet o2.fr et appartenant à des agences O2 situées dans diverses régions de France, ont publié sur la plateforme de mise en relation de particuliers yoopies.fr des annonces de recrutement de gardes d'enfant et d'aide-ménagère pour le compte de la société O2, certaines d'entre elles se faisant passer pour des particuliers, d'autres annonces postées commençant par la mention " O2 recrute ", utilisant même le logo de la société O2 comme photographie du profil de l'inscrit.

Ces annonces postées par des personnes appartenant à un réseau exploité par une société leader du service à la personne en France alors que les conditions générales d'utilisation de la plateforme yoopies.fr interdisent à " toute personne morale, et à toute personne physique agissant pour le compte d'une personne morale, de s'inscrire sur la Plateforme en tant que demandeur sans autorisation écrite préalable de Yoopies, d'entrer en contact avec des intervenants, de récupérer partiellement ou en totalité la base de données du site internet, ou d'utiliser le site internet ", ce dans le but de s'introduire sans l'accord de la société Yoopies, dans la plateforme de mise en relations et, sans bourse délier, de profiter des investissements de cette dernière pour sa mise en place, en vue de démarcher les personnes inscrites sur ce site pour proposer leurs services et les inciter à rejoindre la société O2, constituent des agissements déloyaux de la part de cette dernière ce quand bien même aucun recrutement de personnes inscrites sur la plateforme n'est démontré ou aucun risque de confusion établi.

Le comportement fautif de la société O2 constitutif d'actes de concurrence déloyale est ainsi caractérisé.

Il s'infère nécessairement des actes de concurrence déloyale ci avant caractérisés un trouble commercial générant un préjudice pour la société Yoopies, fût-il seulement moral.

Si comme l'a retenu le tribunal, il ne peut être déduit de la trentaine d'annonces postées par des membres du réseau O2 sur le site yoopies.fr sur une période de deux années, entre avril 2015 et mars 2017, une opération de concurrence déloyale à grande échelle contre la société Yoopies, ni des éléments fournis au débat que la société O2 a initié ces inscriptions dans le but de créer une plateforme concurrente, il n'en demeure pas moins que ces agissements sont loin d'être anecdotiques comme le soutient la société O2 qui, en s'introduisant sans bourse délier sur la plateforme de sa concurrente, a profité d'une publicité et des investissements importants et justifiés de l'appelante, investissements techniques d'une part, pour créer une plateforme innovante et performante de mise en relations de particuliers notamment de parents avec des gardes d'enfants, investissements de marketing d'autre part, pour se faire connaître sur ce marché concurrentiel du service à la personne, et a obligé la société Yoopies à recourir à des prestataires pour essayer de parer aux inscriptions intempestives de son concurrent et mettre en place une veille permanente. De même, ces intrusions déloyales de la société O2 s'inscrivent dans le cadre de la conclusion récente d'un protocole d'accord portant sur des faits identiques.

Au vu de ce qui précède, il convient d'allouer à la société Yoopies la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice matériel et de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Une mesure de publication d'un communiqué judiciaire du dispositif de l'arrêt aux frais de la société O2 dans un quotidien de son choix d'audience nationale sera en outre ordonnée selon les modalités prévues au dispositif, à titre de mesure de réparation complémentaire, cette mesure apparaissant proportionnée et suffisante au vu des circonstances ci avant relevées des agissements de la société O2, sans qu'il soit besoin d'ordonner également une mesure de publication sur le site internet de l'intimée.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé sauf sur le montant des dommages et intérêts alloués et le rejet de la demande de publication d'un communiqué judiciaire.

Sur les autres demandes

Partie perdante, la société O2 est condamnée aux dépens et à payer à la société Yoopies, en application de l'article 700 du Code de procédure civile, une indemnité qui sera, en équité, fixée à la somme de 10.000 euros.

Par ces motifs LA COUR, Confirme le jugement entrepris sauf sur le montant des dommages et intérêts alloués à la société Yoopies et en sa disposition rejetant la demande de publication d'un communiqué judiciaire ; Statuant à nouveau sur ces chefs, Condamne la société O2 développement à payer à la société Yoopies les sommes de : 20 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice lié à l'inexécution du protocole d'accord, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision, 15 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel lié aux actes de concurrence déloyale, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision, 15 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral lié aux actes de concurrence déloyale, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ; Ordonne à la société O2 développement de publier le dispositif du présent arrêt dans un quotidien d'audience nationale de son choix et à ses frais dans la limite de la somme de 5 000 euros HT pour cette publication ; Vu l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société O2 développement à payer à la société Yoopies la somme de 10 000 euros ; Condamne la société O2 développement aux dépens.