CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 14 juin 2019, n° 17-16210
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
SFR (SA)
Défendeur :
Audit Gestion Expertise Management (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Lis Schaal
Conseillers :
Mmes Bel, Cochet-Marcade
Avocats :
Mes Escard de Romanovsky, Roussel, Moret, Le Bihen
Faits procédure prétentions et moyens des parties :
La société Française du Radiotéléphone (SFR) est un opérateur de téléphonie.
La société Audit Gestion Expertise Management (AGEM) était un prestataire de la société SFR en charge de prospecter et régulariser auprès de gestionnaires ou de bailleurs d'immeubles à usage d'habitation des conventions d'établissement et d'entretien du réseau de très haut débit en fibre optique.
Monsieur X était gérant d'une société ACES prestataire de la société SFR du 11 décembre 2009 jusqu'à sa liquidation le 10 novembre 2010. Il a ensuite été recruté comme directeur commercial d'exploitation de la société AGEM.
La société SFR a signé huit bons de commande au profit de la société AGEM entre le 18 janvier 2011 et le 20 juin 2012 pour les villes de Cannes-le Cannet, Nice et Marseille, bons qui définissaient les zones géographiques, conditions d'exécution, nombre de logements, délais d'exécution, conditions financières.
Arguant de manquements contractuels dans l'exécution des commandes, la société SFR a adressé le 8 juillet 2013 à la société AGEM un courrier recommandé la mettant en demeure d'exécuter les prestations en respectant les engagements contractuels et à confirmer qu'elle n'entend plus commander de nouvelles prestations au-delà du 30 juillet 2013, date d'expiration de la période couverte par la commande 4400671446 concernant l'activité de négociation sur la zone des Alpes Maritimes.
Le 2 décembre 2013, la société AGEM a sollicité l'indemnisation d'un préjudice financier subi du fait de la résiliation abusive des relations contractuelles, ainsi que le paiement de factures.
SFR a contesté l'ensemble de ces demandes par courrier du 6 janvier 2014.
La société AGEM Conseils attribuant aux différents bons de commande de SFR le caractère de contrat à durée indéterminée, a assigné la société SFR devant le tribunal de commerce de Paris par acte du 15 avril 2014, aux fins de voir condamner SFR à payer à titre principal les sommes de 71 040,01 euros et de 101 660 euros de dommages et intérêts en indemnisation de pertes d'exploitation subies sur les secteurs de Cannes/Le Cannet et Marseille, et de 40 068,98 euros au titre des factures impayées, subsidiairement la somme de 258 497,46 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à la perte de bénéfices subie par la société, plus subsidiairement diverses sommes pour pertes de bénéfices, frais de licenciement du personnel, et la fourniture sous astreinte des conventions signées.
La société SFR a conclu au débouté en contestant le caractère indéterminé de la relation contractuelle, en soutenant des facturations par la société AGEM au-delà des montants des commandes et a sollicité reconventionnellement l'indemnisation de ses préjudices s'élevant à 9 180 euros HT, et 50 000 euros au titre d'un préjudice matériel et moral.
Par jugement du 21 Juin 2017 assorti du bénéfice de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a condamné la société SFR à payer la somme de 71 040,01 euros pour la perte d'exploitation sur le secteur Cannes/Le Cannet, 64 842 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect d'un préavis suffisant, et condamné la société AGEM Conseils à régler à la société SFR la somme de 9 180 euros HT outre intérêts au taux légal du 19 novembre 2012 pour une facture impayée.
Le tribunal a jugé
Sur la perte d'exploitation,
- s'agissant du secteur de Cannes/le Cannet que constituait une rupture brutale d'une commande à durée déterminée, l'interruption en avril 2012 d'un contrat qui se terminait le 31 mai 2012, privant la société AGEM de la possibilité de récupérer 71 040,01 euros TTC correspondant aux conventions de 3 494 logements, la société SFR ne rapportant pas la preuve d'avoir payé ces sommes.
- s'agissant du secteur Marseille, et les factures impayées, le compte rendu de la réunion du 21 novembre 2012 non contesté par les parties conduit au rejet de la demande d'indemnisation et de condamnation au payement des factures régularisées postérieurement au terme de la commande.
Sur la rupture des relations commerciales, il rejeté le moyen pris de l'antériorité de la société ACES, cette dernière mise en liquidation par jugement du 10 novembre 2010 sans transfert d'activité au profit d'A, et l'ancien gérant ayant été embauché sans mandat social, mais fait droit au moyen d'une relation commerciale établie par l'intermédiaire de M. X de novembre 2009 au 8 juillet 2013 avec succession de contrats à durée déterminée dans un contexte à fort potentiel caractérisant une relation commerciale établie.
Il a retenu que la résiliation n'était pas abusive les bons de commande étant à durée déterminée, mais qu'elle est brutale dès lors que les fautes alléguées ne présentaient pas une gravité telle qu'elles justifiaient à l'absence de préavis, a fixé à 6 mois le préavis nécessaire et chiffré le préjudice de marge brute subi à 64 842 euros, incluant nécessairement les frais de licenciement du personnel.
Sur les demandes reconventionnelles présentées par la société SFR, il a jugé que l'annulation intervenue contractuellement dans les six mois d'une convention ouvrait à la société SFR le droit à un remboursement de 9 180 euros HT mais que la société SFR ne rapportait pas la preuve de du préjudice allégué pour pallier les manquements de la société AGEM et pour établir un déficit d'image.
La société SFR a relevé appel le 9 août 2017.
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 9 novembre 2017 par la société SFR, aux fins de voir la cour :
Vu les articles L. 442-6-I-5° et suivants du Code du commerce,
Vu l'article 1134 et 1383 ancien du Code civil,
Vu les bons de commandes et leurs annexes,
Vu les règlements financiers intervenus,
Vu les préjudices encourus par SFR,
Juger SFR recevable et bien fondée dans ses prétentions,
En conséquence,
Réformer le jugement entrepris, en ce qu'il a condamné SFR à payer à la société AGEM Conseils la somme de 71 040,01 euros au titre de la perte d'exploitation et la somme de 64 842 euros à titre de dommage et intérêts, ainsi que la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Et statuant à nouveau,
Juger l'inexistence de toute perte d'exploitation pour la société AGEM Conseils sur le site de Cannes/Le Cannet, en l'absence avérée d'une rupture brutale des relations commerciales par SFR,
Juger en conséquence l'absence de préjudice financier encouru par la société AGEM Conseils,
Condamner la société AGEM Conseils à la réparation du préjudice matériel et moral de SFR à la somme globale de 50 000 euros,
En tout état de cause,
Confirmer le jugement entrepris pour le surplus,
Condamner la société AGEM Conseils à la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens.
La société SFR appelante soutient essentiellement :
Sur la rupture : que la liberté de rompre est une liberté contractuelle ; qu'elle passait des bons de commande prévoyant au titre de l'article 4 la faculté de résilier sans sommation, formalité ou pénalités en cas de non-respect des engagements dans les délais fixés, et qu'elle s'est limitée à ne pas reconduire à leur échéance des contrats arrivés à expiration.
Sur la condamnation concernant le secteur du Cannet, elle fait valoir que la société AGEM ne démontre pas s'être séparée de commerciaux, ne démontre pas non plus de corrélation entre ces prétendus départs et ces prétendues impossibilités de récupérer des conventions. Elle vise l'article 5 du contrat qui prévoit un suivi hebdomadaire et contradictoire des conventions, et indique que A ne l'a pas respecté. Elle ajoute qu'à plusieurs reprises elle a rappelé la société AGEM au respect de ses obligations, a et qu'une réunion en date du 10 mai 2012 a permis de convenir à l'arrêt du contrat de Marseille suite à une nouvelle commande de 1 500 lots expirant le 31-12-2012, et de convenir de mettre fin au site du Cannet. Elle ajoute que constatant de nouvelles anomalies, elle a accepté de prendre en compte des conventions postérieures sous réserve de leur imputation sur les chiffres prévus pour le site du Cannet. Elle récapitule ses paiements qu'elle estime non pris en compte par le tribunal.
Sur la perte de chance, elle fait valoir que la jurisprudence interdit l'indemnisation de l'ensemble des bénéfices attendus par le contrat, et que la société AGEM, à supposer que la société SFR ait commis une faute, n'aurait été privée que d'un mois de prestation et non des bénéfices de l'intégralité du contrat.
Elle soutient avoir démontré le payement des factures relatives au site de Cannes-le Cannet, conformément à l'accord intervenu.
Sur la rupture brutale, elle fait valoir que l'activité n'a concerné que 8 bons de commande passés entre le 18-01-2011 et le 20-06-2012 et couvrant une durée de 20 mois seulement. Elle ajoute que la fin des relations sur le site de Marseille faisait l'objet d'un accord des deux parties. Elle souligne que la société SFR a mis en demeure de cesser des prestations qui avaient été effectuées au-delà de la date limite prévue par les conventions expirées et a par ailleurs pris acte de l'expiration d'anciennes conventions. Elle en déduit que les relations ont cessé fin du premier trimestre 2013. Elle fait encore valoir que l'estimation de préjudice n'est pas fiable dans la mesure où l'intimée est incapable de produire les 5 dernières années de ses comptes.
Sur le préjudice matériel et moral de la société SFR, elle fait valoir des manquements de la société AGEM, ayant fait l'objet de relances la société SFR qui ont dégradé l'image de SFR et dont elle demande l'indemnisation à hauteur de 50 000 euros.
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 5 janvier 2018 par la société AGEM aux fins de voir la cour :
Vu l'article 1134 du Code Civil,
Vu l'article L. 442-6 I, 5° du Code de commerce,
Vu les pièces versées aux débats,
Déclarer la société AGEMudit de Gestion Expertise Management (AGEM Conseils) recevable en son appel incident du jugement rendu le 21 juin 2017 par le tribunal de commerce de Paris,
Réformer le jugement rendu le 21 juin 2017 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a :
- jugé que les relations contractuelles entre les parties étaient de nature déterminée et que la Société Française du Radiotéléphone (SFR) n'avait pas abusé de son droit de résiliation
- jugé que la rupture brutale des relations contractuelles par la Société Française du Radiotéléphone (SFR) avait généré un préjudice d'un montant de 62 842 pour un non-respect d'un préavis dont la durée raisonnable a été fixé à 6 mois
- fait partiellement droit aux demandes de la société AGEMudit de Gestion Expertise Management (AGEM Conseils) au titre de sa demande de réparation au titre de la rupture des relations contractuelles par la Société Française du Radiotéléphone (SFR) en ne lui allouant que la somme de 62 842 à titre de dommages et intérêts
- jugé qu'il n'y avait pas de perte d'exploitation de la société AGEMudit de Gestion Expertise Management (AGEM Conseils) sur le secteur de Marseille
- débouté la société AGEMudit de Gestion Expertise Management (AGEM Conseils) de sa demande de condamnation la Société Française du Radiotéléphone (SFR) à payer la somme de 101 660 au titre de la perte d'exploitation sur le secteur de Marseille
- jugé que la Société Française du Radiotéléphone (SFR) n'avait pas à payer les factures impayées dont la société AGEMudit de Gestion Expertise Management (AGEM Conseils) sollicitait le règlement
- débouté la société AGEMudit de Gestion Expertise Management (AGEM Conseils) de sa demande de condamnation la Société Française du Radiotéléphone (SFR) à payer la somme 40 068,98 au titre des factures impayées
- jugé que la demande de remboursement par la Société Française du Radiotéléphone (SFR) de l'avoir d'un montant d'un montant 9 180 hors taxes, outre les intérêts au taux légal depuis le 19 novembre 2012 était fondée
- condamné la société AGEMudit de Gestion Expertise Management (AGEM Conseils) au paiement de la somme de de 9 180 hors taxes, outre les intérêts au taux légal depuis le 19 novembre 2012
Statuant à nouveau,
Dire et juger que la durée des relations contractuelles entre les parties entre Société Française du Radiotéléphone (SFR) et la société AGEMudit de Gestion Expertise Management (AGEM Conseils) était indéterminée,
Dire et juger que la Société Française du Radiotéléphone (SFR) a usé de son droit de résiliation unilatérale de manière abusive,
Prononcer la résiliation des relations contractuelles qui liaient la société AGEMudit de Gestion Expertise Management (AGEM Conseils) et la Société Française du Radiotéléphone (SFR) aux torts exclusifs de la Société Française du Radiotéléphone (SFR),
Condamner, en conséquence, la Société Française du Radiotéléphone (SFR) à payer à la société AGEMudit de Gestion Expertise Management (AGEM Conseils) la somme de 258 497,46 à titre de dommages-intérêts correspondant à la perte de bénéfice subie par la société AGEMudit de Gestion Expertise Management (AGEM Conseils)
Condamner, la Société Française du Radiotéléphone (SFR) à payer à la société AGEMudit de Gestion Expertise Management (AGEM Conseils) la somme de 36 000 à titre de dommage et intérêts correspondant aux des frais de licenciement du personnel,
Subsidiairement, si la cour de céans considérait que la durée des relations contractuelles entre les parties était déterminée et que la Société Française du Radiotéléphone (SFR) n'aurait pas renouvelé les relations contractuelles qui la liaient à la société AGEMudit de Gestion Expertise Management (AGEM Conseils),
Dire et juger que la décision de non-renouvellement de la Société Française du Radiotéléphone (SFR) est abusive,
Prononcer le non renouvellement des relations contractuelles qui liaient la société AGEMudit de
Gestion Expertise Management (AGEM Conseils) et la Société Française du Radiotéléphone (SFR) aux torts exclusifs de la Société Française du Radiotéléphone (SFR),
Condamner, en conséquence, la Société Française du Radiotéléphone (SFR) à payer à la société AGEMudit de Gestion Expertise Management (AGEM Conseils) la somme de 258 497,46 à titre de dommages-intérêts correspondant à la perte de bénéfice subie par la société AGEMudit de Gestion Expertise Management (AGEM Conseils)
Condamner, la Société Française du Radiotéléphone (SFR) à payer à la société AGEMudit de Gestion Expertise Management (AGEM Conseils) la somme de 36 000 à titre de dommage et intérêts correspondant aux des frais de licenciement du personnel,
Plus Subsidiairement, si la Cour de céans considérait que les relations contractuelles n'ont été rompues que de manière brutale au sens des dispositions de l'article L. 442-6 I, 5° du Code de commerce,
Dire et juger que la Société Française du Radiotéléphone (SFR) engage sa responsabilité à ce titre,
Prononcer la rupture des relations contractuelles qui liaient la société AGEMudit de Gestion Expertise Management (AGEM Conseils) et la Société Française du Radiotéléphone (SFR) aux torts exclusifs de la Société Française du Radiotéléphone (SFR)
Condamner, en conséquence, la Société Française du Radiotéléphone (SFR) à verser à la société AGEMudit de Gestion Expertise Management (AGEM Conseils) la somme de 129 684 à titre de dommages-intérêts correspondant à la perte de bénéfice subie par la société AGEMudit de Gestion Expertise Management (AGEM Conseils) pendant un préavis d'une durée de 10 mois dont elle aurait dû bénéficier
Dire et juger que la Société Française du Radiotéléphone (SFR) n'a pas respecté ses obligations contractuelles,
Condamner la Société Française du Radiotéléphone (SFR) à payer à la société AGEMudit de Gestion Expertise Management (AGEM Conseils) la somme de 101 660 au titre de la perte d'exploitation sur le secteur de Marseille
Condamner la Société Française du Radiotéléphone (SFR) à payer à la société AGEMudit de Gestion Expertise Management (AGEM Conseils) la somme de 40 068,98 au titre des factures impayées
Confirmer le jugement rendu le 21 juin 2017 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a :
- Condamne la Société Française du Radiotéléphone (SFR) à payer à la société AGEMudit de Gestion Expertise Management (AGEM Conseils) la somme de 71 040,01 au titre de la perte d'exploitation sur le secteur de Cannes/Le Cannet
- Condamne la Société Française du Radiotéléphone (SFR) à la société AGEMudit de Gestion Expertise Management (AGEM Conseils) la somme de 5 000 au titre de l'article 700 du CPC
- Condamne la Société Française du Radiotéléphone (SFR) aux dépens
- Déboute la Société Française du Radiotéléphone (SFR) de sa demande reconventionnelle en réparation du préjudice moral et financier d'un montant de 50 000
- ordonne l'exécution provisoire du présent jugement
En conséquence,
Condamner, en conséquence, la Société Française du Radiotéléphone (SFR) à payer à la société AGEMudit de Gestion Expertise Management (AGEM Conseils) la somme de 71 040,01 au titre de la perte d'exploitation sur le secteur de Cannes/Le Cannet
Condamner la Société Française du Radiotéléphone (SFR) à payer à la société AGEMudit de Gestion Expertise Management (AGEM Conseils) la somme de 5 000 au titre des frais irrépétibles de première instance sur le fondement de l'article 700 du CPC
Débouter la Société Française du Radiotéléphone (SFR) de sa demande reconventionnelle en réparation du préjudice moral et financier d'un montant de 50 000
Débouter la Société Française du Radiotéléphone (SFR) de toutes ses demandes, fins et conclusions comme étant mal fondées
Prononcer l'exécution provisoire sur les chefs de demandes de la société AGEMudit de Gestion Expertise Management (AGEM Conseils)
Condamner la Société Française du Radiotéléphone (SFR) à payer à la société AGEMudit de Gestion Expertise Management (AGEM Conseils) une somme de 10 000 au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile
Condamner la Société Française du Radiotéléphone (SFR) aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl LM Avocats représentée par Maître Laurent Moret, Avocat au Barreau de Créteil, en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
La société AGEM intimée, fait valoir en substance :
Sur la durée indéterminée des prestations : que le volume d'affaires substantiel permet de qualifier les accords de relations contractuelles établies et à durée indéterminée. Elle fait valoir la poursuite des relations établies avec M. X dans une précédente société, et que les bons de commande n'étaient qu'une modalité de l'exploitation de listes transmises contenant de très nombreux prospects aptes à alimenter le flux d'affaires sur la durée. Elle fait encore valoir qu'en soulevant des fautes pour justifier la rupture, la société SFR confirme le caractère indéterminé du contrat.
Sur le caractère abusif de la rupture, elle fait valoir que la rupture d'une relation, qu'elle qualifie de relation à durée indéterminée, est fautive compte tenu des conditions de cette rupture. Elle soutient que l'absence de préavis raisonnable est fautive et que s'agissant de relations qu'elle considère à durée indéterminée, leur rupture sans juste motif est fautive. Elle résiste aux allégations de non-respect des délais en faisant valoir que pour Cannes/Le Cannet c'est SFR qui a mis fin au contrat avant terme et pour Marseille, le délai de réalisation courrait jusqu'au 25 Mars 2013. Elle fait valoir que la brutalité de la substitution d'une autre société sur son périmètre concédé l'a mis dans l'impossibilité de se réorganiser.
Elle réfute les griefs au soutien de la résiliation en faisant valoir qu'elle n'utilisait pas l'outil Sadirah, et que l'enregistrement était à la charge de SFR, que les syndics adressaient une partie des conventions en direct à SFR qui ne peut reprocher leur mauvais renseignement éventuel à la société AGEM, que la prospection hors zone d'éligibilité résulte de la non transmission par la société SFR des listes d'éligibilité, que la résiliation par le cabinet Nardi provient d'un autre litige avec la société SFR.
Sur le préjudice, elle fait valoir l'attestation de son expert-comptable qui conclut à un chiffre d'affaires mensuel moyen sur les 3 années de 10 807 euros HT et les 20 mois qui lui ont été nécessaires à retrouver un client comparable et fixe donc son préjudice à 10 807,20 euros HT soit 258 497,46 euros TTC. Elle y ajoute le préjudice de licenciement des salariés qu'elle chiffre à 36 000 euros TTC
Subsidiairement, elle fait valoir que s'il s'agissait d'un non-renouvellement et non d'une rupture, la situation serait néanmoins fautive dans la mesure où la société SFR n'avait pas respecté ses engagements précédents et laissé croire à la société AGEM qu'elle exploiterait le secteur complet de Nice. Elle subit le même montant de préjudice.
Plus subsidiairement, elle fait valoir que la rupture brutale engage la responsabilité de la société SFR et que compte tenu de la durée passée des relations avec ACES et du potentiel du marché, le préavis doit être fixé à 10 mois soit 10 807,10 euros HT soit 129 684 euros TTC.
Sur les fautes tenant de l'arrêt d'exploitation, elle fait valoir que sur le secteur Cannes/Le Cannet la société SFR ne lui a pas laissé le temps d'exploiter l'entier du potentiel, que sur celui de Marseille, la société AGEM n'avait pas accepté la fin des relations et s'attendait à pouvoir exploiter le potentiel du secteur. Sur les préjudices, elle expose avoir été privée d'un gain de 59 398 euros HT sur le secteur Cannes Le Cannet et que la société SFR ne rapporte pas la preuve des paiements allégués. Sur le secteur de Marseille elle estime avoir été privée de 5 000 x 17 = 85 000 euros HT.
Sur les factures non réglées, elle fait valoir que la société SFR entretient la confusion entre les délais prévus pour régulariser les conventions et les délais permettant de facturer et reste lui devoir 40 068,98 euros TTC.
Sur les dysfonctionnements imputés à la société SFR elle souligne les retards et erreurs de la société SFR dans le suivi des conventions.
Sur les demandes de SFR, elle réfute la demande de remboursement de l'avoir en faisant valoir que la résiliation de 18 conventions engage la responsabilité de la société SFR. Elle réfute de même que SFR ait subi un préjudice et qu'elle en rapporte la preuve.
Motifs
LA COUR renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées
Sur la demande indemnitaire tenant à la durée indéterminée des relations contractuelles entre les parties :
Au soutien de ses demandes, la société intimée fait valoir qu'il existait un " volume d'affaire régulier substantiel entre SFR et AGEM Conseils ", de sorte que les relations contractuelles des parties se sont ainsi inscrites dans le cadre d'une durée indéterminée et sont donc soumises au régime de rupture des contrats à durée indéterminée, que la société AGEM a poursuivi l'activité de la société ACES et qui a été parfaitement conduite par l'intermédiaire de Monsieur X.
La société SFR réplique que la convention souscrite, pour chacune d'entre elles, est d'une durée de dix mois, qu'elle cesse de plein droit à son expiration, dépourvue de clause de tacite reconduction.
Le nombre de logements susceptibles d'être raccordés à la fibre optique n'est pas un élément déterminant de la durée des relations établies entre les parties.
L'intimée ne fait pas la preuve de la poursuite de l'activité de la société ACES par la société AGEM ainsi que l'a relevé le tribunal, le jugement du 10 novembre 2010 prononçant la liquidation judiciaire de la société ACES sans poursuite d'activité et possibilité de présenter un plan de redressement permettant d'apurer le passif.
Elle n'établit pas que les contrats passés entre SFR et ACES l'ont été en considération de la personne de Monsieur X, d'un savoir-faire, le mail du 3 août 2010 cité par l'appelante, antérieur à la liquidation judiciaire d'ACES, mentionnant seulement la fermeture du compte ACES après apurement du compte, au profit du compte A, la direction des achats mentionnant seulement conclure avec une société tierce.
Il s'ensuit que les bons de commandes passés par SFR avec la société ACES antérieurs à la liquidation judiciaire de cette société ne sont pas susceptibles de fonder les demandes de la société AGEM au titre d'une tacite reconduction des contrats passés avec la société ACES au profit de la société AGEM et d'une relation contractuelle à durée indéterminée.
La cour rejetant le moyen d'une relation contractuelle à durée indéterminée, l'examen du caractère abusif de la résiliation, partant du préjudice de perte de bénéfice et de frais de licenciement, sont sans objet.
Sur la demande indemnitaire tenant à la durée déterminée des relations contractuelles entre les parties :
L'intimée demande à la cour de juger que la décision de la société SFR de ne pas renouveler la relation contractuelle est abusive.
Elle soutient en effet que la société SFR n'avait pas respecté ses engagements tenant aux précédentes commandes mais également qu'elle avait laissé croire à la société AGEM Conseils qu'elle exploiterait l'intégralité du potentiel du secteur de Nice.
Les parties ont contracté selon des bons de commande portant sur le déploiement de la fibre, pour un certain prix déterminé, et pendant une certaine durée, ne comprenant pas de clause de tacite reconduction.
Les bons de commande étant à durée déterminée, les relations contractuelles cessent par l'arrivée du terme.
Le courrier adressé à la société AGEM le 8 juillet 2013 informe de la décision, motivée par les dysfonctionnements relevés de ne pas renouveler les commandes au-delà de l'arrivée du terme.
La contestation élevée par la société AGEM des griefs formulés par la société SFR est dès lors inopérante à établir un comportement fautif de cette société dans la décision de ne pas renouveler les engagements contractuels.
L'intimée ne rapporte pas la preuve d'un comportement fautif de SFR dans le non-respect de ses engagements en ne déterminant pas le manquement aux Conditions Générales du contrat ou de l'Annexe à la commande en cause, la simple allégation de manquements n'étant pas suffisante en elle-même à caractériser une faute.
Elle n'établit pas dans quelle mesure la société AGEM était légitime à croire au renouvellement contractuel des prestations dans le cadre de bons de commande à durée déterminée qui ne sont pas assortis de tacite reconduction et dans la mesure où la société SFR lui avait notifié les griefs fondants sa décision de ne pas renouveler les commandes.
L'intimée n'établit pas le caractère abusif du non-renouvellement des commandes, échoue à faire la preuve de l'abus allégué, de sorte que le moyen est rejeté.
L'examen du montant indemnitaire subséquent est sans objet.
Sur la responsabilité de la société SFR tenant à la rupture brutale des prestations de services de la société AGEM Conseils :
L'intimée ne fait pas la preuve de relations commerciales établies entre les parties au sens de l'article L. 442-6 I, 5° du Code de commerce, en ce qu'elle ne démontre pas avoir poursuivi les relations d'affaires nouées entre la société ACES avec la société SFR, directement ou par le truchement de M. X, dès lors que la société ACES a fait l'objet d'une liquidation judiciaire sans poursuite ou reprise d'activité, et qu'aucune production ne vient documenter l'allégation d'une poursuite d'activité en considération d'un savoir-faire de M. X, et qu'elle ne justifie pas d'une durée de relations avec la société SFR au-delà de la période courant du 18 janvier 2011 date de la souscription du premier bon de commande, au 30 juillet 2013 date du terme du dernier bon de commande souscrit le 20 juin 2012.
Le moyen tiré d'une succession de bons de commande contenant un volume d'affaire régulier substantiel entre SFR et A, pendant la durée ci-dessus mentionnée n'est pas suffisant à caractériser des relations commerciales établies dans une telle période de temps limitée.
L'appelante établit en revanche que les dysfonctionnements imputés à faute à la société AGEM, constitués par la signature de conventions en dehors des zones d'éligibilité communiquées à plusieurs reprises, l'absence de saisie des conventions dans le logiciel Sadirah, le renseignement incomplet ou imprécis des conventions, la résiliation des conventions hors délai sans l'émission d'un avoir correspondant par A, griefs précédemment notifiés par courriel du 6 mars 2013 mentionnant qu'aucune nouvelle commande ne pourra être passée tant que le sujet des avoirs ne sera pas réglé, constituent une inexécution contractuelle d'une particulière gravité justifiant une résiliation sans préavis.
Il s'ensuit l'infirmation du jugement dont appel en ce qu'il a condamné la société SFR à payer à la société AGEM la somme de 64 842 euros.
Sur la responsabilité de la société SFR tenant à la violation de ses obligations contractuelles :
- Sur les relations contractuelles sur le secteur de Cannes/Le Cannet :
Le terme fixé au bon de commande signé le 16 septembre 2011 est le 31 mai 2012.
Conformément à l'annexe (article 3), l'arrêté mensuel d'enregistrement des conventions est fixé au dernier vendredi du mois.
La société SFR ne rapportant pas la preuve du bienfondé de la décision de fermer les commandes du secteur le Cannet, formulée le 23 février 2012 et réaffirmée le 21 mai 2012, a ainsi commis un manquement à la convention.
Aux termes du procès-verbal de réunion du 21 novembre 2012, les parties sont toutefois convenues que les 23 conventions supplémentaires signées sur Marseille seront réceptionnées sur la commande toujours en cours sur Cannes, la facture étant à émettre sur la commande 4400576311.
Le montant des prestations n'est pas contesté par SFR qui prétend avoir payé, le tribunal jugeant toutefois que SFR n'a pas apporté de justificatif probant de ce règlement.
Le tableau des payements faits par la société SFR à la société AGEM, comportant notamment le numéro de la commande, le nom du fournisseur, la date de la facture, la date et le montant des payements, le dernier règlement de 17 527 euros fait le 14 décembre 2012 concernant la clôture de l'activité de Marseille, éléments permettant d'identifier la créance, est suffisamment probant de la prétention de la société SFR de sorte la société AGEM n'est pas fondée à solliciter le payement de la somme de 71 040,01 euros.
Le payement total effectué par la société SFR s'élevant à 78 054,54 euros, soit un montant supérieur au montant réclamé par la société AGEM au titre de la perte de chance, le jugement dont appel est infirmé en ce qu'il a condamné la société SFR à payer à la société AGEM la somme de 71 040,01 euros.
- Sur les relations contractuelles sur le secteur de Marseille :
L'accord des parties sur l'écartement des conventions postérieures au 21 novembre 2012 n'étant pas valablement contesté par l'intimée, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte, en l'absence de moyens nouveau soumis à la juridiction, que le tribunal a débouté la société AGEM de sa demande de sorte que le jugement entrepris est confirmé de ce chef.
Sur les demandes de payement de factures :
L'accord des parties sur l'écartement des conventions postérieures au 21 novembre 2012 n'étant pas valablement contesté par l'intimée, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte en l'absence de moyens nouveau soumis à la juridiction, que le tribunal a débouté la société AGEM de sa demande de sorte que le jugement entrepris est confirmé de ce chef.
Sur la demande indemnitaire de la société SFR :
L'appelante justifie de l'inexécution d'obligations contractuelles par la société AGEM dans la saisie d'informations permettant d'identifier les logements à relier, la communication d'informations à SFR, pour l'établissement des facturations, nécessitant de recourir à un prestataire extérieur, entraînant ainsi pour cette société, des frais supplémentaires qui ne sont pas contestés ainsi qu'un préjudice d'image certain et actuel auprès des syndics et bailleurs.
Il en résulte l'infirmation du jugement et la condamnation de la société AGEM à payer à la société SFR, au vu des éléments dont la cour dispose, la somme de 10 000 euros en indemnisation intégrale du préjudice subi.
Par ces motifs : LA COUR, Infirme le jugement dont appel sauf du chef de la condamnation de la société AGEMudit de Gestion Expertise Management à payer à la Société Française du Radiotéléphone la somme de 9 180 euros ; Statuant à nouveau, Déboute la société AGEMudit de Gestion Expertise Management de l'intégralité de ses demandes ; Condamne la société AGEMudit de Gestion Expertise Management à payer à la Société Française du Radiotéléphone la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ; Vu l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société AGEMudit de Gestion Expertise Management à payer à la Société Française du Radiotéléphone la somme de 8 000 euros ; Déboute les parties de plus amples conclusions ; Condamne la société AGEMudit de Gestion Expertise Management aux entiers dépens.