CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 11 juin 2019, n° 17-04525
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Moulages Plastiques du Midi (SA)
Défendeur :
Maisons du Monde France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Peyron
Conseillers :
Mme Douillet, M. Thomas
Avocats :
Mes Dauchel, Schaming, Guyonnet, Massot
EXPOSÉ DU LITIGE
La société Moulages Plastiques du Midi est une société française spécialisée dans la fabrication et la commercialisation en France de connecteurs électriques qu'elle vend à des entreprises industrielles ou à des distributeurs de luminaires, d'appliques, de miroirs ou d'autres dispositifs électriques.
Elle est titulaire des droits de propriété intellectuelle sur :
- le brevet européen n° EP 0 871 252 B1 (ci-après, le brevet EP 252) désignant la France, intitulé " Dispositif de connexion pour le raccordement d'au moins deux câbles électriques ", déposé le 20 mars 1998 et délivré et publié le 28 mai 2003, sous priorité du brevet français n° 97 04443 déposé le 8 avril 1997 auquel il s'est substitué ; ce brevet a été maintenu en vigueur par le paiement régulier des redevances annuelles ;
- la marque semi figurative française " MPM " n° 1103966 déposée le 2 août 1979 et renouvelée depuis lors sous le n° 1545725 et en dernier lieu le 30 juillet 2009, pour désigner divers produits relevant des classes 6 à 12, 16, 17, 20, 21, 28 et 34, et notamment les produits suivants : " moules et quincaillerie, matériel électrique, éclairage, Chauffage, Articles de bureau, Matières plastiques produits semi finis, Meubles et bibelots, Appareils ménagers et récipients " :
- la marque semi figurative de l'union européenne " MPM - Groupe Lacroix - Moulages Plastiques du Midi " n° 00123992 déposée le 1er avril 1996 et renouvelée le 11 septembre 2006, pour désigner divers produits relevant des classes 6, 11 et 20 et notamment les produits suivants : " câbles et fils électriques, serrurerie et quincaillerie métallique ; tous ces produits comportant des plastiques, composants en plastique pour appareils d'éclairage " :
La société Maisons du Monde, devenue Maisons du Monde France (ci-après, la société Maisons du Monde) est une société française spécialisée dans les produits d'équipement, d'ameublement et de décoration de la maison qu'elle commercialise à travers les 260 magasins à son enseigne en France et en Europe. Elle propose notamment à la vente, en France, des luminaires qu'elle importe en tant que produits finis et qu'elle acquiert auprès de fournisseurs étrangers.
Indiquant avoir découvert que la société Maisons du Monde commercialisait des luminaires, appliques ou suspensions équipés de connecteurs électriques reproduisant certaines Revendications de son brevet EP 252, ainsi que ses marques française ou de l'Union européenne " MPM ", la société Moulages Plastiques du Midi a fait procéder le 12 mai 2015, sur autorisations du délégataire du président du tribunal de grande instance de Paris en date des 17 et 25 avril 2015, à des opérations de saisie contrefaçon au siège social de la société Maisons du Monde à Vertou (44) et dans son magasin de Portet sur Garonne (31).
C'est dans ces conditions que, par acte d'huissier en date du 9 juin 2015, la société Moulages Plastiques du Midi a assigné la société Maisons du Monde devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de la partie française du brevet EP 252, en contrefaçon de marques et en concurrence déloyale.
Par jugement du 12 janvier 2017, le tribunal de grande instance de Paris a notamment :
- déclaré irrecevable la demande de la société Maisons du Monde en nullité de la Revendication 10 du brevet européen n° EP 252 de la société Moulages Plastiques du Midi,
- prononcé la nullité des Revendications 1 à 7 de la partie française du brevet européen n° EP 252 de la société Moulages Plastiques du Midi, pour défaut d'activité inventive,
- déclaré irrecevables les demandes de la société Moulages Plastiques du Midi en contrefaçon de brevet,
- prononcé à l'encontre de la société Moulages Plastiques du Midi la déchéance pour défaut d'usage sérieux de ses droits sur sa marque semi figurative française " MPM " n°1 545 725 pour les produits " Eclairage ; articles de bureau ; Meubles et bibelots ; appareils ménagers et récipients " et dit que cette déchéance produira ses effets à compter du 1er mai 1995,
- ordonné la communication de la décision, une fois celle-ci devenue définitive, à l'INPI, à l'initiative de la partie la plus diligente, pour inscription sur ses registres,
- rejeté les demandes de la société Moulages Plastiques du Midi au titre de la contrefaçon de marques et en concurrence déloyale et parasitaire,
- dit n'y avoir lieu à statuer sur les moyens de nullité des procès-verbaux de saisie contrefaçon,
- condamné la société Moulages Plastiques du Midi aux dépens et au paiement à la société Maisons du Monde France de la somme de 60 000 en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le 1er mars 2017, la société Moulages Plastiques du Midi a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions transmises le 26 novembre 2018, elle demande à la cour :
- d'infirmer le jugement en ce qu'il : a déclaré nulle les Revendications 1 à 7 de la partie française du brevet EP 252 et déclaré irrecevables ses demandes en contrefaçon de brevet, a prononcé la déchéance pour défaut d'usage sérieux de ses droits sur sa marque semi figurative française " MPM " N° 1 545 725 pour les produits " Eclairage, articles de bureau, meubles et bibelots, appareils ménagers et récipients " avec effet à compter du 1er mai 1995, a rejeté ses demandes au titre de la contrefaçon de marque et en concurrence déloyale et parasitaire, a ordonné la communication du jugement une fois devenu définitif à l'INPI à l'initiative de la partie la plus diligente pour inscription sur ses registres, l'a condamnée à payer à la société Maisons du Monde la somme de 60 000 euros en application de l'article 700 Code de procédure civile, a rejeté sa demande au titre des frais irrépétibles,
- de confirmer le jugement pour le surplus,
en conséquence :
- de juger que l'action en nullité du brevet EP 252 est prescrite depuis 2008 en application des articles 2224 du Code civil et L. 110-4 du Code de commerce et est par conséquent irrecevable,
- de juger qu'en introduisant sur le territoire français, en détenant en vue de la vente, en offrant à la vente, en vendant et en réexportant des dispositifs de connexion reproduisant l'objet des Revendications 1 et suivantes du brevet EP 252, la société Maisons du Monde s'est rendue coupable de contrefaçon dudit brevet, au sens des articles L. 615 et suivants du Code de la propriété intellectuelle,
- de juger qu'en introduisant sur le territoire français, en détenant en vue de la vente, en offrant à la vente, en vendant et en réexportant des dispositifs de connexion portant la marque " MPM ", la société Maisons du Monde s'est rendue coupable de contrefaçon ou à tout le moins d'imitation illicite créant un risque de confusion, tant de la marque française " MPM " n° 1545725 que de la marque communautaire n° 123992,
- de juger que l'emploi sur les dispositifs litigieux importés de pays extérieurs à l'Union Européenne, sans son autorisation, des mentions " Patented " et " BMA 2215 " ou " BMA 2315 " est constitutif d'actes distincts de concurrence déloyale créant un préjudice spécifique,
- d'ordonner à la société Maisons du Monde de cesser d'introduire sur le territoire français, de détenir, d'offrir en vente, de vendre, de réexporter et d'exposer sous quelque forme et à quelque titre que ce soit des dispositifs de connexion électriques ou électroniques reproduisant les caractéristiques des Revendications du brevet EP 252, et ce sous astreinte de 2 000 euros par infraction constatée à compter du jour de la signification de l'arrêt à intervenir,
- de condamner la société Maisons du Monde, à titre provisionnel, sauf à parfaire ou compléter, à lui payer la somme globale de 800 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation intégrale de tous les préjudices tant commerciaux que moral subis en conséquence des actes de contrefaçon,
- de condamner la société Maisons du Monde à lui payer la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice causé par les actes de concurrence déloyale,
- d'ordonner la production de tous documents ou informations détenus par Maisons du Monde, qui sont utiles à la détermination de l'origine et des réseaux de distribution des produits contrefaits, tels que les commandes d'achat, bons de livraison, demandes de prix, instructions de toute nature données aux fournisseurs ou aux intermédiaires, factures, réexportation des dits produits, se rapportant pour la période non prescrite à toutes les références de produits mentionnés dans les PV de saisies contrefaçon sans exception, lesdits documents étant certifiés quant à leur exactitude et leur sincérité par un commissaire aux comptes indépendant, et ce sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard,
- d'ordonner que la société Maisons du Monde écarte définitivement des circuits commerciaux, rappelle retire de la vente et détruise tant les produits reconnus contrefaisants en circulation ou détenus par tout tiers à qui Maisons du Monde aurait pu les céder, que ceux qu'elle détient en stock, ce sous le contrôle d'un huissier, à ses seuls frais et sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, d'ordonner la publication du " jugement à intervenir " dans cinq publications ainsi que sur cinq services de communication au public en ligne, et dans ce dernier cas pendant une durée de trois mois, au choix de la société Moulages Plastiques du Midi et aux seuls frais de la société Maisons du Monde, à concurrence de 3 000 euros par publication,
- de condamner la société Maisons du Monde à lui payer la somme de 60 000 euros en application de l'article 700 Code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions transmises le 18 janvier 2019, la société Maisons du Monde France demande à la cour :
- in limine litis, de se déclarer incompétente pour statuer sur les nouvelles demandes de la société Moulages Plastiques du Midi au titre de l'article L. 615-12 du Code de la propriété intellectuelle,
- de la déclarer recevable en son appel incident et bien fondée en ses demandes, de juger que les demandes formées pour la première fois en appel par la société Moulages Plastiques du Midi au titre de l'article L. 615-12 du Code de la propriété intellectuelle sont irrecevables et, à tout le moins, mal fondées,
- de confirmer le jugement sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à statuer sur les moyens de nullité des procès-verbaux de saisie contrefaçon du 12 mai 2015 dressés à la requête de la société Moulages Plastiques du Midi,
Et statuant à nouveau :
- de juger que les opérations de saisie contrefaçon réalisées le 12 mai 2015 à la requête de la société Moulages Plastiques du Midi au siège de la société Maisons du Monde France ainsi que dans le magasin Maisons du Monde situé à Portet en Garonne sont entachées de nullité,
En conséquence :
- d'ordonner la restitution immédiate des éléments saisis en son exécution, qu'ils soient en possession de l'huissier instrumentaire, de ses conseils ou de toute autre personne à qui ces éléments ont été communiqués, et la destruction immédiate des procès-verbaux de saisie contrefaçon et de l'ensemble des copies des éléments saisis, aux frais de la société saisissante,
- d'interdire à la société Moulages Plastiques du Midi d'utiliser ou de communiquer, quelle que soit la procédure, les procès-verbaux de saisie contrefaçon ainsi que l'ensemble des éléments saisis,
- d'écarter des débats l'ensemble des documents, procès-verbaux et éléments saisis afférents à ces opérations de saisie contrefaçon entachées de nullité,
- de juger qu'elle est recevable à invoquer à titre reconventionnel la nullité des Revendications 1 à 7 de la partie française du brevet EP 252,
- de juger que les Revendications 1 à 7 du brevet EP 252 sont dénuées d'activité inventive et de prononcer en conséquence la nullité des Revendications 1 à 7 de la partie française du brevet européen EP 252,
- de juger en conséquence que les demandes en contrefaçon de brevet formées par la société Moulages Plastiques du Midi sont irrecevables et mal fondées,
- à titre subsidiaire, de juger qu'elle est recevable à invoquer, à titre d'exception de nullité, le fait que les Revendications 1 à 7 du brevet européen EP 252 sont dénuées d'activité inventive et donc entachées de nullité et de juger en conséquence que les demandes en contrefaçon de brevet formées par la société Moulages Plastiques du Midi sont irrecevables et mal-fondées, en tout état de cause, de juger que les demandes en contrefaçon de brevet formées par la société Moulages Plastiques du Midi sont mal fondées,
- de prononcer la déchéance partielle des droits de la société Moulages Plastiques du Midi sur la marque n° 1545725 pour les produits suivants " Eclairage ; articles de bureau ; Meubles et bibelots ; appareils ménagers et récipients ", à compter du 1er mai 1995,
- de juger qu'aucun acte de contrefaçon de marque n'est établi, de juger qu'aucun acte de concurrence déloyale distinct des actes argués de contrefaçon n'est caractérisé et qu'en tout état de cause aucun acte de concurrence déloyale n'est établi,
- de juger irrecevables et mal fondées l'ensemble des demandes de la société Moulages Plastiques du Midi et l'en débouter,
- de juger que la décision une fois définitive sera transmise à l'INPI à l'initiative de la partie la plus diligente pour inscription sur ses registres,
- de condamner la société Moulages Plastiques du Midi à lui payer la somme supplémentaire de 60 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est du 19 février 2019.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Considérant qu'en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées ;
Sur les chefs du jugement non critiqués en appel
Considérant que la cour constate que le jugement déféré n'est pas contesté en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de la société Maisons du Monde en nullité de la Revendication 10 du brevet européen n° EP 252 ;
Que le jugement sera donc confirmé de ce chef ;
Sur l'exception d'incompétence et la fin de non-recevoir soulevées par la société Maisons du Monde relativement à l'invocation par la société Moulages Plastiques du Midi de l'article L. 615-12 du Code de la propriété intellectuelle
Considérant que la société Maisons du Monde demande à la cour in limine litis de se déclarer incompétente pour statuer sur la demande de la société Moulages Plastiques du Midi au titre de l'article L. 615-12 du Code de la propriété intellectuelle qui concerne une infraction pénale et, en tout état de cause, de juger que cette demande nouvelle en appel est irrecevable en application de l'article 564 du Code de procédure civile ;
Considérant que la société Moulages Plastiques du Midi vise, dans le dispositif de ses conclusions, l'article L. 615-12 du Code de la propriété intellectuelle, lequel prévoit : " B se prévaut indûment de la qualité de propriétaire d'un brevet ou d'une demande de brevet est puni d'une amende de 7 500 euros " ; qu'elle affirme, dans le corps de ses conclusions - dans les pages consacrées aux actes de concurrence déloyale qu'elle invoque (pages 52 et 54) - que la société Maisons du Monde tombe sous le coup de cette disposition en utilisant les mentions " patented " ou " breveté " sur des produits contrefaisants sur lesquels elle ne détient aucun brevet ;
Que la société Maisons du Monde observe à juste raison que cette cour, juridiction civile, n'est pas compétente pour statuer sur des infractions pénales, seraient-elles relatives à des brevets ; que cependant, la société Moulages Plastiques du Midi ne forme aucune demande au titre de l'article L. 615-12, se bornant à invoquer ces dispositions au soutien de ses demandes présentées au titre de la concurrence déloyale ; que l'exception d'incompétence est donc sans objet ; Que pour cette raison est également sans objet la fin de non-recevoir fondée sur l'article 564 du Code de procédure civile qui prohibe les demandes nouvelle en appel, étant de plus observé que l'article 563 du même Code autorise les parties à invoquer en appel des moyens nouveaux pour justifier des prétentions déjà soumises au premier juge ;
Sur le brevet EP 252 de la société Moulages Plastiques du Midi
Sur la portée du brevet
Considérant que le brevet européen EP 252 porte sur un " dispositif de connexion pour le raccordement d'au moins deux câbles électriques ", comprenant :
" un boîtier comportant des moyens de maintien d'au moins un plot métallique de jonction présentant deux bornes de connexion ", " un couvercle de forme adaptée pour obturer le boîtier ", et " des moyens d'encliquetage du couvercle sur le boîtier " ;
Qu'il est rappelé dans la partie descriptive (§3) que de tels dispositifs, destinés à réaliser une enveloppe isolante aux plots métalliques de jonction qui se trouvent insérés dans le boîtier après connexion, sont connus de l'état de la technique mais présentent l'inconvénient de ne pas permettre un accès aisé aux bornes de connexion pour le raccordement des câbles, notamment lorsque l'intervention se déroule en hauteur et que l'électricien est amené à intervenir juché sur une échelle ;
Qu'ainsi, le domaine technique est celui de la connexion électrique et le problème technique auquel entend répondre l'invention est, au regard des inconvénients de l'art antérieur, de faciliter par un moyen simple, avec un prix de revient sensiblement équivalent à celui des dispositifs actuels ( §4) et tout en garantissant le respect des normes en vigueur relatives au caractère isolant de l'enveloppe enfermant la connexion électrique ( §7), le raccordement des câbles électriques en rendant les bornes de connexion facilement accessibles ;
Que l'invention vise à résoudre ce problème technique en proposant, selon la description, un dispositif de connexion dont les bornes de connexion (" les moyens de maintien du ou de(s) plot(s) métallique(s) ") sont situées sur un " bloc de jonction de dimension adaptée pour venir se loger à l'intérieur du boîtier " (§ 5) extérieur au boîtier et relié à ce dernier (" au bord supérieur de la paroi périphérique du boîtier (§9) ") par un " système de charnière comportant au moins une lanière souple articulée sur le boîtier de jonction " (§10), agencé de façon à permettre de faire pivoter le " bloc de jonction entre deux positions " (§5) : une position dite " d'utilisation ", où le bloc de jonction se trouve logé à l'intérieur du boîtier et autorise la fermeture du couvercle, et une position dite " de moulage " où le bloc de jonction se trouve à l'extérieur du boîtier, permettant un accès aisé aux bornes de connexions et donc des opérations de câblage simplifiées (§ 5 et 8), le bloc de jonction pouvant après câblage être basculé à l'intérieur du boîtier en repliant la (les) lanière(s) souple(s) ;
Qu'il est précisé que le boîtier et le bloc de jonction, du fait de leur liaison par lanière(s) souple(s), ne forment qu'une seule et même pièce et ne peuvent être dissociés (§ 6,7) ;
Considérant que le brevet se compose de 12 Revendications de produit dont une Revendication principale 1 et onze Revendications 2 à 12 dépendantes de celle-ci ; que seules les Revendications 1 à 7 sont opposées par la société Moulages Plastiques du Midi et sont ainsi rédigées :
Revendication 1 : " dispositif de connexion pour le raccordement d'au moins deux câbles électriques comportant :
- un boîtier (1) comportant des moyens de maintien (13) d'au moins un plot métallique de jonction (20, 21) présentant deux bornes de connexion, et doté d'une face supérieure ouverte, d'une paroi de fond (6), et d'une paroi périphérique (2 - 5) présentant au moins deux échancrures (8, 9) ménagées à partir du bord supérieur de ladite paroi, adaptées pour permettre le passage de câbles électriques à raccorder aux bornes du plot métallique ou des plots métalliques (20, 21),
- un couvercle (34) de forme adaptée pour obturer le boîtier (1),
- et des moyens d'encliquetage (11, 39) du couvercle (34) sur le boîtier (1),
ledit dispositif étant caractérisé en ce que les moyens de maintien du plot métallique ou des plots métalliques (20, 21) comprennent un bloc de jonction (13) de dimensions adaptées pour venir se loger à l'intérieur du boîtier (1), relié à la paroi périphérique (2 - 5) dudit boîtier par un système de charnière souple (30, 31 ; 43) agencé de façon à permettre de faire pivoter ledit bloc de jonction entre deux positions : une position, dite d'utilisation où le bloc de jonction (13) se trouve logé à l'intérieur du boîtier (1) et autorise la fermeture du couvercle (34), et une position dite de moulage, où ledit bloc de jonction se trouve à l'extérieur du boîtier (1) " ;
Revendication 2 : " dispositif de connexion selon la Revendication 1 caractérisé en ce que le bloc de jonction (13) comporte une base (14) reliée au bord supérieur de la paroi périphérique (2-5) du boîtier (1) par le système de charnière (30, 31 ; 43) " ;
Revendication 3 : " dispositif de connexion selon l'une des Revendications 1 ou 2 caractérisé en ce que le système de charnière comporte au moins une lanière souple (30, 31) articulée sur le boîtier de jonction (13) " ;
Revendication 4 : " dispositif de connexion selon la Revendication 3 caractérisé en ce que chaque lanière souple (30, 31) est articulée sur la paroi périphérique (2-5) du boîtier (1) " ;
Revendication 5 : " dispositif de connexion selon l'une des Revendications 3 ou 4 caractérisé en ce qu'il comprend lanières souples (30, 31) reliées au bloc de jonction (13) et au boîtier (1) de façon à s'étendre de part et d'autre dudit bloc de jonction " ;
Revendication 6 : " dispositif de connexion selon la Revendication 5 caractérisé en ce que le bloc de jonction (13) est prolongé longitudinalement, de part et d'autre, par deux appendices latéraux (26, 27) auxquels sont reliées chacune des lanières souples (30, 31) " ;
Revendication 7 : " dispositif de connexion selon l'une des Revendications 3 à 6 caractérisé en ce que la paroi périphérique (2-5) du boîtier (1) comporte, au droit de la liaison de chaque lanière souple (30, 31), un renfoncement (2a, 2b) et une échancrure ménagée à partir de son bord supérieur " ;
Que la figure 1 du brevet est reproduite ci-après :
Sur l'homme de métier
Considérant que l'homme du métier est celui qui possède les connaissances normales de la technique en cause et est capable, à l'aide de ses seules connaissances et aptitudes professionnelles, de concevoir la solution du problème que propose de résoudre l'invention ;
Qu'il y a lieu, en l'espèce, comme le tribunal, de retenir la définition proposée par la société Maisons du Monde et non contestée, selon laquelle l'homme du métier est un spécialiste qualifié des pièces de raccordement électrique ;
Sur la validité du brevet
Sur la recevabilité de l'action en nullité du brevet
Considérant que la société Moulages Plastiques du Midi soutient que le brevet EP 252 ayant été publié le 23 avril 2003, l'action en nullité du brevet de la société Maisons du Monde est prescrite depuis le 23 avril 2008 en application des articles 2224 du Code civil et L. 110-4 du Code de commerce et est, par conséquent, irrecevable ;
Que la société Maisons du Monde oppose que les dispositions invoquées ne sont pas applicables à l'action en nullité de brevet, qu'elle est recevable, en tout état de cause, à invoquer la nullité du brevet qui lui est opposé à titre reconventionnel sans limite dans le temps, qu'en tout état de cause, le point de départ du délai de prescription ne pourrait être que la date des opérations de saisie contrefaçon et non pas celle de la publication de la délivrance du brevet de sorte que le délai de prescription n'était pas expiré au jour de sa demande de nullité du brevet et qu'elle est, en toute hypothèse, recevable à invoquer la nullité comme une exception de nullité à laquelle ne s'applique pas l'article 2224 du Code civil ;
Considérant que c'est à juste raison que la société Maisons du Monde oppose que la nullité des Revendications d'un brevet peut être invoquée en défense, à titre reconventionnel ou par voie d'exception de nullité ou de défense au fond, sans limite tenant à la prescription ;
Qu'en tout état de cause, en application de l'article 2224 du Code civil (" les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer "), le délai de prescription quinquennal invoqué n'aurait commencé à courir qu'à compter du moment où la société Maisons du Monde a eu effectivement connaissance du titre qui lui est opposé, soit à compter des opérations de saisie contrefaçon réalisées le 12 mai 2015, de sorte que la prescription n'aurait pas été acquise au jour de ses premières écritures demandant la nullité des Revendications du brevet ;
Que la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité du brevet soulevée par la société Moulages Plastiques du Midi sera en conséquence rejetée ;
Sur le bienfondé de l'action en nullité du brevet
Considérant que la société Moulages Plastiques du Midi soutient que les premiers juges en prononçant la nullité des Revendications du brevet pour défaut d'activité inventive ont fait une inexacte appréciation tant de la portée du brevet que de l'état antérieur de la technique ; qu'elle fait valoir que l'activité inventive doit être appréciée, selon l'article 56 de la CBE et sur la base des directives relatives à l'examen pratiqué par l'Office européen des brevets, en recherchant non pas seulement si l'homme du métier pouvait concevoir l'invention au vu de l'état de la technique, mais si cet homme du métier aurait conçu l'invention au vu de l'état de la technique seul, avant d'avoir eu connaissance de l'invention ; qu'elle fait valoir que le rapprochement des documents US 4 648 674 et GB 2 260 864 n'est pas évident en soi compte tenu des différences de structures et de fonction des moyens qui y sont décrits et que les premiers juges ont procédé à une analyse a posteriori en ayant connaissance de l'invention litigieuse et en prenant en compte cette connaissance, et non à une analyse a priori comme ils devaient le faire ; que selon l'appelante, la combinaison des documents US 4 648 674 et GB 2 260 864 ne permet pas de conduire à l'invention du brevet EP 252 sans faire preuve d'activité inventive, car il est nécessaire pour aboutir à cette invention de modifier la fonction des moyens définis dans le document US 4 648 674, en particulier la fonction des moyens (17) de calage ;
Que la société Maisons du Monde demande la confirmation du jugement qui a prononcé la nullité des Revendications 1 à 7 du brevet pour défaut d'activité inventive, observant en outre, à titre liminaire, que la Revendication 1 comporte des ambiguïtés et que la solution technique revendiquée était déjà connue au Japon en 1995 du fait d'une demande de brevet JP7/283972 du 31 octobre 1995 ayant donné lieu à une demande internationale WO 97/16868 " 3M " déposée le 25 septembre 1996 ;
Considérant que l'article 56 de la Convention de Munich du 5 octobre 1973 sur la délivrance de brevets européens (ci-après CBE) dispose que " Une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas de manière évidente de l'état de la technique (...) " ; qu'en application de l'article 138 § 1 a) et § 2 de la même Convention, un brevet doit être annulé " si l'objet du brevet européen n'est pas brevetable aux termes des articles 52 à 57 " et si les motifs de nullité n'affectent le brevet européen qu'en partie, celui-ci est déclaré partiellement nul ; que selon l'article L. 614-12 du Code de la propriété intellectuelle, la nullité d'un brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France pour l'un des motifs de nullité visés à l'article 138 § 1 de la CBE ;
En ce qui concerne l'activité inventive de la R1
Considérant que la société Moulages Plastiques du Midi fait valoir que dans le document US 4 648 674, le bloc 17 relié au boîtier n'a pas pour fonction de participer à l'établissement de la liaison électrique, mais de caler les fils électriques (une fois la liaison préalablement opérée à l'intérieur du boîtier) grâce à ses structures 21 et de verrouiller ensuite l'ensemble grâce à ses moyens 19 qui coopèrent avec les ouvertures 25, de sorte que la connexion électrique entre les fils (27) et les plots (15) ou entre le fusible (33) et les plots (13) est toujours réalisée à l'intérieur du boîtier et que l'homme du métier n'est aucunement incité à réaliser une connexion électrique à l'extérieur d'un boîtier, puis à déplacer cette connexion à l'intérieur du boîtier ; qu'elle ajoute que l'homme du métier n'est par ailleurs aucunement incité à supporter les blocs de connexion électrique sur un élément articulé sur le boîtier puisque l'élément 17 dans US 4 648 674 est un élément de calage de fils préalablement connectés dans le boîtier et non pas un élément support de connexions électriques, et que le document US 4 648 674 ne donne aucune indication à prévoir un bloc additionnel servant de support à des connexions électriques externes au boîtier ; que selon l'appelante, la combinaison des documents GB 2 260 864 et US 4 648 674 conduirait à un boîtier logeant les moyens de connexion électrique (comme préconisé par US 4 648 674) ou recevant un domino classique (comme préconisé par GB 2 260 864) et, le cas échéant, comprenant de plus un bloc additionnel de calage (selon US 4 648 674) pour maintenir les fils électriques, une fois la connexion électrique réalisée, solution qui n'est pas celle de la Revendication 1 du brevet EP 252 puisqu'elle ne comporte pas de bloc de jonction portant les plots métalliques et articulé par une charnière souple sur le boîtier ;
Considérant qu'il est constant que le problème technique auquel entend répondre l'invention est de faciliter le raccordement des câbles électriques en rendant les bornes de connexion facilement accessibles ;
Considérant que le brevet GB 2 260 864 BILL A & SONS (ci-après, brevet GB 864) déposé le 24 octobre 1991, concerne un " boîtier à bornier avec couvercle " ou connecteur électrique qui est, selon la traduction libre qui est proposée, " formé d'une seule pièce par moulage, comprenant un corps (16) et un couvercle (30) reliés par une charnière (32) d'un seul tenant. Le boîtier contient une longueur de barrette de connexion (10). Le couvercle et le boîtier peuvent inclure un verrou (38, 40) intégré pour maintenir le couvercle fermé et, sur leurs faces internes, des chevilles (36) qui s'emboîtent dans les trous de la barrette de connexion (10) " ; que la barrette de connexion (10) ou bornier est amovible et peut venir se loger indifféremment dans le boîtier (16) ou le couvercle (30) qui sont tous deux équipés de chevilles (36) à cet effet ; que comme l'a retenu le tribunal, le caractère amovible du bornier fera que l'homme du métier, cherchant à résoudre le problème de l'accessibilité des bornes de connexion, sera particulièrement enclin à considérer la solution proposée par ce document ;
Que par ailleurs le brevet US 4 648 674 ALLIED CORPORATION (ci-après, brevet US 674) déposé le 1er juillet 1985, concerne un " porte fusible en ligne " ayant, selon la traduction libre qui est proposée, " des mécanismes intégrés de fixation de câble pour assurer un contact sûr et sans effort entre les câbles et les contacts électriques du porte fusible " ; que ce porte fusible est doté, comme l'a retenu le tribunal, d'une structure en trois éléments reliés par des charnières souples (boîtier équipé de bornes de connexion, mécanisme de maintien de câbles pivotant destiné à venir se loger dans le boîtier principal et couvercle) ;
Qu'il n'est plus contesté en appel que ces deux documents constituent des éléments de l'état antérieur de la technique, le brevet GB 864 étant d'ailleurs cité dans le rapport de recherche établi par l'OEB comme " constituant un arrière-plan technologique " ;
Que la cour fait sienne l'analyse des premiers juges selon laquelle la première de ces antériorités enseigne un dispositif de connexion doté d'un bornier amovible destiné à être logé dans un boîtier - soit un bloc de jonction de fils électrique pouvant être extérieur au boîtier pour un raccordement aisé des fils électrique -, et la seconde un dispositif de connexion doté d'une structure dans laquelle un élément extérieur au boîtier (le mécanisme de fixation des câbles) peut pivoter par le bais d'une charnière souple le reliant au boîtier entre une position ouverte, où il se trouve à l'extérieur du boîtier, et une position fermée où il s'y trouve logé et permet la fermeture du couvercle ;
Qu'il n'est pas contesté que, comme l'affirme la société Moulages Plastiques du Midi, la connexion électrique, selon le brevet US 674, est toujours réalisée à l'intérieur du boîtier, l'élément de maintien extérieur (17) ne servant qu'à caler les fils électriques une fois la connexion opérée préalablement à l'intérieur du boîtier " de manière à minimiser les contraintes " ; que ce document est d'ailleurs invoqué par la société Maisons du Monde en ce qu'il concerne un mécanisme de maintien de câbles relié au boîtier par des charnières souples qui permettent de faire pivoter le bloc entre deux positions (ouverte et fermée) ; que c'est le brevet GB 864 qui divulgue une barrette de connexion (10) ou bornier, dont la fonction est d'assurer la connexion électrique et qui constitue un élément amovible pouvant notamment se fixer sur le couvercle (30), la connexion électrique pouvant dans ce cas être réalisée à l'extérieur du boîtier (16) ;
Qu'ainsi, comme l'a retenu le tribunal, l'homme du métier, qui cherchait à obtenir un dispositif de connexion facilitant le raccordement des câbles électriques en rendant les bornes de connexion aisément accessibles, à partir de ses connaissances résultant de ces deux brevets, était incité à les combiner en empruntant à la première antériorité le caractère extérieur du bloc de jonction par rapport au boîtier et à la seconde la structure consistant à relier ce bloc au boîtier par des charnières souples assurant une fonction de pivot entre une position ouverte pour le raccordement des fils à une position fermée où il se trouve logé dans le boîtier et autorise la fermeture du couvercle ;
Que l'appelante ne peut soutenir que le brevet US 674 ne donne aucune incitation à prévoir un bloc additionnel servant de support à une connexion électrique externe au boîtier alors que ce brevet comporte un bloc additionnel de calage articulé au boîtier (17) et donc externe à ce boîtier comme le montrent clairement les figures 1 et 2 ;
Que les caractéristiques de la Revendication 1 découlant ainsi de manière évidente pour l'homme du métier de l'état de la technique, cette Revendication est dénuée d'activité inventive et doit donc être annulée ;
Que le jugement déféré sera confirmé sur ce point sans qu'il y ait lieu d'examiner le surplus de l'argumentation des parties ;
En ce qui concerne l'activité inventive des Revendications dépendantes 2 à 7
Considérant que c'est par des motifs exacts et pertinents, que la cour adopte, que le tribunal a prononcé la nullité des Revendications 2 à 7 du brevet EP 252, dépendantes de la Revendication 1, pour défaut d'activité inventive, étant relevé que la société Moulages Plastiques du Midi ne développe aucune motivation ni n'apporte aucun élément pour contester le jugement sur ce point ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité des Revendications 1 à 7 de la partie française du brevet européen n° EP 252 de la société Moulages Plastiques du Midi, pour défaut d'activité inventive ;
Qu'il doit aussi être confirmé en ce qu'il a, par voie de conséquence, déclaré irrecevables les demandes de la société Moulages Plastiques du Midi en contrefaçon des Revendications 1 à 7 de son brevet ;
Sur les procès-verbaux de saisie contrefaçon du 12 mai 2015
Considérant que la société Maisons du Monde poursuit l'annulation des deux procès-verbaux de saisie contrefaçon dressés à la requête de la société Moulages Plastiques du Midi le 12 mai 2015 ; qu'elle soutient, en premier lieu, que les opérations saisie contrefaçon ont été réalisées en violation du principe du contradictoire, faisant valoir que l'exigence de respect du contradictoire imposée par les textes communautaires et internationaux en la matière (article 7 de la directive n° 2004/48, article 50 des accords X), comparable avec la solution retenue en droit commun, doit conduire à interpréter le droit interne de telle sorte que les saisies contrefaçons ne puissent être ordonnées sur requête - et donc sans respecter le principe du contradictoire - que dans des circonstances particulières dont la société Moulages Plastiques du Midi, en l'espèce, n'a pas démontré l'existence dans ses requêtes présentées au juge ; qu'elle argue, en deuxième lieu, que les opérations de saisie contrefaçon ont été réalisées en présence de tiers non indépendants, les conseils en propriété industrielle ayant accompagné les huissiers de justice lors des opérations étant directement liés au cabinet en charge de la gestion de ses droits de propriété intellectuelle ; qu'elle avance, en dernier lieu, que lors des opérations, l'huissier a provoqué des déclarations sur la base d'informations qui ne figuraient ni dans les requêtes ni dans les ordonnances ;
Que la société Moulages Plastiques du Midi répond que les opérations de saisie contrefaçon ont été effectuées conformément aux dispositions applicables de l'article L. 615-5 du Code de la propriété intellectuelle, tel que modifié par la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007, ces dispositions étant conformes à la directive européenne n° 2004/48, transposée dans la loi française par la loi du 29 octobre 2007 et à l'article 50 des accords X ; qu'elle fait valoir que la loi française ne méconnaît pas le principe du contradictoire dès lors qu'elle prévoit que le titulaire des droits qui opère une saisie contrefaçon sur autorisation judiciaire préalable est tenu d'assigner dans un délai de 30 jours devant la juridiction de fond pour que soit engagé le débat contradictoire et qu'elle-même a agi sur autorisation préalable d'un juge assurant le contrôle du déroulement des opérations de saisies et a saisi le tribunal dans le délai légal pour engager le débat contradictoire au fond ; que la société appelante soutient par ailleurs que le fait que les conseils en propriété industrielle, indépendants en vertu de l'article R. 422-52 du Code de la propriété intellectuelle, fassent partie d'un cabinet accomplissant des formalités de dépôt de marques pour la société Maisons du Monde n'est pas de nature à invalider la saisie opérée et ne pourrait faire grief qu'à elle-même ; qu'elle avance enfin que les huissiers instrumentaires se sont conformés aux ordonnances sans produire de pièces et sans provoquer des déclarations lors des opérations de saisie sur la base d'informations qui n'apparaîtraient pas dans les requêtes et ordonnances ;
Considérant que c'est à juste raison que la société Maisons du Monde soutient qu'elle est en droit de poursuivre la nullité des opérations de saisie contrefaçon effectuées au sein de son siège social et d'un de ses magasins, dont elle conteste la régularité, et ce, indépendamment du sort réservé à ses demandes en contrefaçon de brevet ;
Que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu de statuer sur les moyens de nullité des procès-verbaux de saisie contrefaçon ;
Sur la violation du principe du contradictoire
Considérant que l'article L. 615-5 du Code de la propriété intellectuelle, issu de la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007, qui prévoit notamment qu'afin de prouver une contrefaçon, " toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon est en droit de faire procéder en tout lieu et par tous huissiers, le cas échéant assistés d'experts désignés par le demandeur, en vertu d'une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d'échantillons, soit à la saisie réelle des produits ou procédés prétendus contrefaisants ainsi que de tout document s'y rapportant ", n'est pas contraire aux dispositions de l'article 7 de la directive (CE) n° 2004/48 du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, qui prévoit la même possibilité de mesures conservatoires, " le cas échéant, sans que l'autre partie soit entendue, notamment lorsque tout retard est susceptible de causer un préjudice irréparable au titulaire du droit ou lorsqu'il existe un risque démontrable de destruction des éléments de preuve " ; que l'emploi du terme " notamment " dans le libellé de l'article 7 de la directive invoquée par la société Maisons du Monde montre que la nécessité de la démonstration d'un risque de " préjudice irréparable " ou de " destruction des éléments de preuve " pour le titulaire des droits invoqués n'est pas exigée ;
Qu'il en est de même de l'article 50 des accords X (Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce) cité par l'intimée - qui au demeurant, comme le relève l'appelante, ne peut être directement invoqué devant les juridictions - qui prévoit que les autorités judiciaires nationales seront habilitées à adopter des mesures provisoires sans que l'autre partie soit entendue " dans les cas où cela sera approprié, en particulier lorsque tout retard est de nature à causer un préjudice irréparable au détenteur du droit ou lorsqu'il existe un risque démontrable de destruction des éléments de preuve ", cette formulation ne posant pas l'exigence de la démonstration d'un risque de " préjudice irréparable " ou d'un risque " démontrable de destruction " des preuves ;
Que l'article L. 615-5 prévoit en outre, conformément aux prescriptions de l'article 7 de la directive précitée, des mesures de nature à préserver les droits de la partie saisie dans le cadre de la procédure exceptionnelle que constitue la saisie contrefaçon, comme la possibilité pour le juge qui autorise les mesures de subordonner leur exécution à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du défendeur si l'action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée ou si la saisie est annulée, ou l'obligation pour le demandeur de se pourvoir au fond, par la voie civile ou pénale, dans un certain délai, sous peine d'annulation de l'intégralité de la saisie ;
Considérant qu'en l'espèce, la société Moulages Plastiques du Midi a fait usage d'une prérogative offerte par le Code de la propriété intellectuelle, a agi sur autorisation d'un juge et a saisi le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon dans le délai imparti de façon à permettre l'engagement d'un débat contradictoire conformément aux dispositions de l'article L. 615-5 précité qui est compatible avec le respect du principe du contradictoire ;
Que pour l'ensemble de ces raisons, la violation alléguée au principe du contradictoire n'est pas établie ; que ce premier moyen de nullité sera écarté ;
Sur la présence de tiers non indépendants lors des opérations de saisie contrefaçon
Considérant qu'il est constant que les conseils en propriété industrielle accompagnant les huissiers instrumentaires lors des opérations de saisie contrefaçon du 12 mai 2015, tant au siège social de la société Maisons du Monde à Vertou qu'au sein de l'établissement de Portet sur Garonne, en l'occurrence, respectivement, M. D et M. Z, faisaient partie du cabinet Morelle & Bardou, lequel a fait l'objet, en 2012, d'un " rapprochement " avec le cabinet Plasseraud auquel la société saisie avait confié la gestion de certains de ses droits de propriété intellectuelle ; qu'il est justifié qu'au jour des saisies, M. D était ainsi associé au sein du cabinet Plasseraud et M. Hartmann collaborateur de ce même cabinet ;
Considérant qu'il résulte de l'article L. 615-5 précité que lors des opérations de saisie contrefaçon, l'huissier peut être assisté par un ou plusieurs experts désignés par le saisissant ;
Considérant qu'en l'espèce, indépendamment des questions que peuvent faire naître la situation dénoncée par la société Maisons du Monde au regard des obligations statutaires et déontologiques s'imposant aux conseils en propriété industrielle, telles qu'elles résultent en particulier de l'article R. 422-54 du Code de la propriété intellectuelle (" Le conseil en propriété industrielle : 1° S'abstient dans une même affaire de conseiller, assister ou représenter des clients ayant des intérêts opposés ; il s'abstient également d'accepter un nouveau dossier si le secret des informations confiées par un ancien client risque d'être violé "), le fait que les conseils en propriété industrielle désignés par la partie saisissante pour assister les huissiers aient été liés au cabinet en charge de la gestion de droits de propriété industrielle de la partie saisie n'est pas de nature à altérer leur indépendance par rapport au saisissant, et partant à invalider la saisie opérée ; qu'en effet, ces personnes exercent une profession réglementée indépendante et leur mission dans le cadre de ces opérations de saisie contrefaçon n'est pas soumise au devoir d'impartialité et ne constitue pas une mesure d'instruction au sens des articles 232 et suivants du Code de procédure civile ;
Que les violations alléguées au principe d'indépendance et du procès équitable ne sont pas caractérisées ; que ce deuxième moyen de nullité sera écarté ;
Sur les déclarations provoquées lors des opérations de saisie contrefaçon
Considérant que la lecture du procès-verbal de saisie contrefaçon établi au sein du siège social de la société Maisons du Monde à Vertou révèle que l'huissier, après avoir rencontré sur ..., contrôleur de gestion, à qui ont été remises la requête, l'ordonnance et les pièces y annexées, et contacté par téléphone Mme Y, responsable juridique, a, avant toute découverte et saisie de produits argués de contrefaçon, demandé à Mme C de lui " communiquer : Le nom des fournisseurs des luminaires incorporant des éléments argués de contrefaçon, suivants : - suspension Couvert Kitchen (réf. 116233) - applique RUSTY (réf. 135731) - applique BAKERY (réf. 144922) - applique CLERMONT (réf. 145582) - applique RECUP (réf. 135426) - câble électrique noir CABLE (réf. 143978) - applique EDISON (réf. 143660) " ;
Que force est de constater que ces références n'apparaissent ni dans l'ordonnance ni dans la requête, ce qui conduit à considérer que l'huissier s'est fondé, comme le soutient la société intimée, sur des informations extérieures à ces documents pour provoquer des déclarations du saisi ; que les opérations de saisie contrefaçon sont par conséquent entachées d'irrégularité ;
Que tel n'est pas le cas des opérations effectuées au sein du magasin de Portet sur Garonne, le procès-verbal établi à cette occasion montrant que la question de l'huissier sur un modèle de suspension Couvert Kitchen (réf. 116233) a fait suite à la saisie réelle de plusieurs articles ;
Qu'il y a lieu, par conséquent, de prononcer la nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon établi par Me Leblanc le 12 mai 2015 au siège social de la société Maisons du Monde à Vertou (44), d'ordonner la destruction dudit procès-verbal et la restitution des éléments saisis en son exécution et d'interdire à la société Moulages Plastiques du Midi d'utiliser ou de communiquer dans quelque procédure que ce soit les documents et pièces concernés ;
Sur les marques de la société Moulages Plastiques du Midi
Sur la déchéance partielle des droits de la société Moulages Plastiques du Midi sur la marque semi figurative française " MPM " n° 1545725
Considérant que la société Moulages Plastiques du Midi conteste la déchéance partielle prononcée par le tribunal, pour défaut d'usage sérieux, de ses droits sur sa marque semi figurative française " MPM " n° 1 545 725 pour les produits " Eclairage ; articles de bureau ; Meubles et bibelots
; appareils ménagers et récipients ", à compter du 1er mai 1995 ; qu'elle fait valoir que les pièces versées aux débats montrent que la marque en cause est exploitée depuis de nombreuses années (au moins depuis 1996), et en particulier au cours des cinq dernières années, pour les produits mentionnés à son libellé ou des produits similaires et que ces produits sont susceptibles de comporter du matériel électrique (notamment, des connecteurs électriques et des sabots de guidage) portant la marque en cause, gravée en relief ou en creux sur ces pièces ; qu'elle ajoute que selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (11 mars 2003, Ansul B. V., aff. C-40/01), l'usage d'une marque pour des pièces détachées ou des sous-ensembles entrant dans la composition ou la structure d'un produit, vaut usage sérieux pour ce produit lui-même ;
Que la société Maisons du Monde demande la confirmation du jugement ;
Considérant que c'est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le tribunal, retenant que l'usage sérieux doit être démontré pour chacun des produits pour lesquels l'exploitation est contestée, et pas seulement pour des éléments susceptibles de composer ces produits et non perceptibles pour le consommateur, et écartant comme non transposable au cas d'espèce l'arrêt de la CJUE invoqué par la société Moulages Plastiques du Midi , a prononcé la déchéance de la marque pour les produits " Eclairage ; articles de bureau ; Meubles et bibelots ; appareils ménagers et récipients ", à compter du 1er mai 1995 ;
Que le jugement sera confirmé de ce chef ;
Sur les actes de contrefaçon
Considérant que la société Moulages Plastiques du Midi soutient, au visa de l'article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle, que la contrefaçon de ses deux marques semi figuratives est caractérisée dès lors que le signe distinctif et élément vedette desdites marques, " MPM ", est reproduit à l'identique par la société Maisons du Monde, sans son consentement, dans la vie des affaires, pour des produits identiques et que cet usage porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de garantie de provenance du produit au consommateur ou qu'il s'agit à tout le moins d'une imitation illicite, au sens de l'article L. 713-3 du même Code, en raison du risque de confusion résultant du fait que l'on est en présence d'un élément " vedette, essentiel, détachable et distinctif " des marques reproduites ; qu'elle fait valoir que le fait que l'intimée utilise sa propre marque " Maisons du Monde " de manière plus apparente que la marque contrefaite ne peut en aucun cas l'exonérer ni servir de justification à ses agissements mais constitue au contraire une circonstance aggravante dès lors qu'il a pour effet de rendre moins visible la véritable marque ou de la faire apparaître aux yeux du public comme une marque secondaire ou accessoire par rapport à la marque " Maisons du Monde " ; qu'elle ajoute qu'il est inopérant que le signe en cause n'ait pu être perçu par le consommateur comme une marque ou que l'intimée n'en ait pas fait usage avec l'intention de désigner ses propres produits ; qu'elle souligne qu'il y a bien eu un usage du signe dans la vie des affaires au sens de l'arrêt Arsenal de la CJUE (alors CJCE) " dès lors qu'il se situe dans le contexte d'une activité commerciale visant un avantage économique et non dans le domaine privé " ;
Que la société Maisons du Monde demande la confirmation du jugement, arguant qu'il n'y a aucune contrefaçon des marques invoquées en l'absence d'un usage des lettres " MPM " à titre de marque et donc d'atteinte à la fonction essentielle des marques invoquées ; qu'elle fait valoir, notamment, qu'elle commercialise des luminaires qu'elle désigne sous sa seule marque " Maisons du Monde " laquelle bénéficie d'une renommée dans le domaine de la décoration, qu'elle n'a pas fait usage du signe " MPM " pour désigner ses luminaires, que le consommateur de luminaires ne peut percevoir les lettres " MPM ", ou à tout le moins ne les perçoit pas à titre de marque, dès lors qu'elles figurent de manière peu perceptible sur un composant technique accessoire aux luminaires concernés ;
Considérant que l'article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle dispose que :
" Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire :
a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, même avec l'adjonction de mots tels que : " formule, façon, système, imitation, genre, méthode ", ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement ;
b) La suppression ou la modification d'une marque régulièrement apposée " ;
Que l'article L. 713-3 du même Code prévoit que :
" Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public :
a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ;
b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement " ;
Considérant que contrairement à ce que soutient la société Moulages Plastiques du Midi, le signe " MPM " litigieux, tel qu'il apparaît sur les photographies du procès-verbal (non annulé) établi lors des opérations de saisie contrefaçon effectuées dans le magasin Maisons du Monde de Portet sur Garonne, ne constitue pas la reproduction de sa marque française " MPM " n° 1545725 ni de sa marque de l'union européenne " MPM Moulages Plastiques du Midi " n° 00123992, ce signe, nonobstant la reprise de " l'élément vedette " des deux marques de la société appelante (à savoir les lettres MPM, les barres extérieures des M étant recourbées), ne reproduisant pas à l'identique, sans modification ni ajout, les marques invoquées et s'en distinguant par des différences qui ne sont pas insignifiantes (pas d'ovale autour des lettres " MPM " (comme dans la marque française invoquée), pas de trait sous ces lettres ni de mentions " Groupe Lacroix " " Moulages Plastiques du Midi " (comme dans la marque de l'UE invoquée)) au point de passer inaperçues aux yeux d'un consommateur moyen ; que le signe litigieux est similaire mais non identique aux marques invoquées ;
Que la contrefaçon doit donc être examinée sous l'angle de l'imitation et de la démonstration d'un risque de confusion ;
Que conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (notamment, arrêt CJCE O2 HOLDINGS du 12 juin 2008, Aff. C-533/06), le titulaire d'une marque enregistrée ne peut interdire l'usage par un tiers d'un signe similaire à sa marque que si quatre conditions sont réunies : un usage dans la vie des affaires ; un usage sans le consentement du titulaire de la marque ; un usage pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ; un usage portant atteinte ou étant susceptible de porter atteinte, en raison d'un risque de confusion dans l'esprit du public, à la fonction essentielle de la marque qui est de garantir au consommateur la provenance des produits ou services ;
Considérant que c'est à juste raison, pour des motifs que la cour fait siens, que les premiers juges ont estimé que la dernière condition fait, en l'espèce, défaut dès lors notamment que le signe litigieux figure, avec d'autres éléments (dont les lettres " VDE " apposées dans un triangle et des informations techniques (" 250V "...)), à l 'arrière des dispositifs de connexion équipant les luminaires commercialisés par la société Maison du Monde de façon peu apparente (le signe " MPM " est de la même couleur blanche que le dispositif électrique sur lequel il est apposé), et que les luminaires équipés de ces dispositifs sont vendus sous la marque " Maisons du Monde " apposée tant sur les produits eux-mêmes que sur les étiquettes et notices techniques qui les accompagnent, la communication commerciale de la défenderesse faisant exclusivement référence à sa propre marque " Maisons du Monde " sans jamais citer celles invoquées par la demanderesse, de sorte que le consommateur moyen de la catégorie de produits concernés, raisonnablement avisé et attentif au design et à la qualité des produits qu'il acquiert, ne percevra, lors de l'acte d'achat, que la marque " Maisons du Monde " et non le signe litigieux ou alors percevra celui-ci comme une référence technique du dispositif électrique et non comme une marque identifiant l'origine du luminaire ;
Qu'il sera ajouté que le risque de confusion est d'autant moins établi que la marque " Maisons du Monde " sous laquelle sont commercialisés les dispositifs de connexion électrique équipant les luminaires bénéficie d'une renommée - laquelle n'est pas sérieusement contestée par la société appelante - qui retiendra l'attention immédiatement du consommateur, au contraire du signe " MPM " présent, parmi d'autres signes et indications, à l'arrière du dispositif de connexion du luminaire ;
Que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la société Moulages Plastiques du Midi de ses demandes au titre de la contrefaçon de marques ;
Sur la concurrence déloyale
Considérant que la société Moulages Plastiques du Midi reproche à la société Maisons du Monde d'avoir utilisé les mentions " Patented " ou " Breveté " sur des dispositifs de connexion pour lesquels elle ne détient aucun brevet, s'agissant de surcroît de produits qui apparaissent comme des quasi surmoulage ou des copies serviles de dispositifs de connexion qu'elle même fabrique et commercialise, et d'avoir également apposé fallacieusement sur ces produits des références techniques qu'elle même utilise habituellement sur ses propres produits, telles que " BMA 2215 " ou " BMA 2315 ", ou encore la mention de certification " VDE ", toutes références et mention qui sont connues des professionnels de l'éclairage ; qu'elle explique qu'en attribuant ainsi à ses produits des qualités fausses ou trompeuses, la société Maisons du Monde peut s'attirer une clientèle qui se détournera des produits Moulages Plastiques du Midi, croyant trouver chez Maisons du Monde des dispositifs exclusifs tout aussi performants et sûrs que les siens, ce qui est susceptible de désorganiser le marché ; qu'elle ajoute que les professionnels ou les consommateurs pourraient en outre être amenés à rechercher sa responsabilité au titre de produits qu'elle n'a ni fabriqués ni vendus, ce qui est de nature à nuire à sa réputation et à son image ;
Que la société Maisons du Monde répond que les faits reprochés ne sont pas distincts de ceux allégués au titre de la contrefaçon et qu'en outre, les mentions incriminées ne peuvent être perçues par le consommateur d'attention moyenne comme des signes distinctifs et ne peuvent en conséquence être source de risque de confusion ou même de détournement de clientèle, cette clientèle venant dans les magasins Maisons du Monde pour y acquérir des luminaires et non des composants électriques ; qu'elle fait valoir qu'il n'est pas non plus démontré que le consommateur moyen des produits en cause comprendrait le sens des mentions litigieuses sur les produits, que le détournement de clientèle est inexistant, les deux sociétés n'étant pas en situation de concurrence, qu'aucun détournement d'investissement n'est démontré et qu'aucune pratique déloyale trompeuse n'est établie faute de démontrer un risque de modification substantielle du comportement économique du consommateur ;
Considérant que le procès-verbal établi lors des opérations de saisie contrefaçon dans le magasin Maisons du Monde a révélé l'existence de dispositifs de connexion électriques équipant les luminaires qu'elle commercialise comportant, outre le signe " MPM ", les mentions suivantes : " 31 MURET ", " BMA 2215 ", " PATENTED ", " VDE " (dans un triangle), " 2x15°1P ", " 10A-250V " ;
Que " 31 MURET " correspond à l'adresse du siège social de la société Moulages Plastiques du Midi sis ... et cette dernière établit (sa pièce 12) que des produits qu'elle commercialise portent de la même façon la mention " 31 MURET ", alors que la société intimée n'est pas en mesure d'expliquer les raisons de la présence de cette mention sur les dispositifs électriques des luminaires qu'elle commercialise ;
Que la société appelante établit (sa pièce 19) que le signe " VDE " correspond à une instance allemande qui intervient dans le domaine de l'électricité, de l'électronique et des technologies de l'information et qui délivre des recommandations et certifications et qui a procédé à des tests et certifications sur certains de ses produits ; que la société Maisons du Monde ne justifie pas, ni ne prétend, que les dispositifs de connexion équipant ses luminaires ont été soumis à de tels tests et qu'ils ont obtenu de telles certifications ;
Que la société appelante justifie que les mentions " BMA 2215 " ou " BMA 2315 " sont des références techniques de boîtiers de connexion électrique qu'elle fabrique et commercialise (ses pièces 15 et 14) et la société Maisons du Monde n'explique pas ce qui justifierait la reprise de ces mentions sur les dispositifs électriques de ses luminaires ;
Que le terme " patented " sera aisément compris comme signifiant " breveté " par une partie significative de la clientèle ; que la société Maisons du Monde ne soutient pas que les dispositifs électriques posés sur les luminaires qu'elle commercialise bénéficient d'une protection au titre d'un brevet ; que comme le souligne pertinemment l'appelante, le fait de revendiquer indûment la qualité de breveté est susceptible de constituer une infraction pénale ;
Que ces éléments, sur l'accumulation desquels l'intimée ne fournit pas d'explication, constituent des circonstances distinctes des actes allégués de contrefaçon de brevet ou de marques ;
Que le bienfondé d'une action en concurrence déloyale est subordonné à l'existence de faits fautifs générateurs d'un préjudice, et non à l'existence d'une situation d'une concurrence directe et effective entre les sociétés considérées ;
Que le fait pour la société Maisons du Monde de commercialiser des luminaires comportant des boîtiers de connexion électrique très proches dans leur forme de ceux fabriqués et commercialisés par la société Moulages Plastiques du Midi et portant des mentions (" PATENTED ", " VDE ") laissant penser que ces boîtiers, comme ceux de l'appelante, sont brevetés ou bénéficient de certification, voire qu'il s'agit de produits provenant de la société appelante (" 31 MURET ", " BMA 2215 " ou " BMA 2315 "), est de nature à entraîner un risque de confusion sur l'origine des produits en cause pour les consommateurs ou les professionnels posant les luminaires au domicile de clients ;
Que ce risque est générateur d'un préjudice pour la société Moulages Plastiques du Midi qui observe avec pertinence que les consommateurs ou les professionnels pourraient être amenés à lui attribuer la fabrication des produits en cas de dysfonctionnements ou de nécessité de les remplacer ; que la société intimée en déduit à juste raison un risque d'atteinte à son image ou à celle de ses produits ;
Que s'il est admis que la société Maisons du Monde n'est pas importatrice de boîtiers de connexion électrique en tant que tels, mais uniquement de produits finis (en l'occurrence, de luminaires équipés des boîtiers de connexion litigieux, depuis la Chine), il lui appartient, en tant que professionnel, de s'assurer que les composants essentiels de ces luminaires sont exempts de tout vice susceptible de causer un préjudice ; que la circonstance que le distributeur exclusif en Chine de la société Moulages Plastiques du Midi serait incapable de garantir l'authenticité des produits vendus par ses distributeurs, situation que la société appelante tolérerait, à la supposer établie, ne peut permettre à la société Maisons du Monde de s'exonérer de sa propre responsabilité ;
Que pour ces raisons, le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté la société Moulages Plastiques du Midi de ses demandes au titre de la concurrence déloyale ;
Considérant qu'une somme de 20 000 à titre de dommages et intérêts réparera le préjudice subi par la société Moulages Plastiques du Midi ;
Considérant que le préjudice de la société Moulages Plastiques du Midi étant ainsi suffisamment réparé, il n'y a lieu de faire droit aux demandes de communication de documents comptables ou commerciaux et de publication du présent arrêt ;
Sur la communication de la décision à l'INPI
Considérant qu'il y a lieu d'ordonner la transmission de cet arrêt, une fois celui-ci devenu définitif, à l'INPI, à l'initiative de la partie la plus diligente, pour inscription sur ses registres ;
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Considérant que la société Maisons du Monde qui succombe pour l'essentiel sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant infirmées ;
Que la somme qui doit être mise à la charge de la société Maisons du Monde au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la société Moulages Plastiques du Midi peut être équitablement fixée à 20 000 ;
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement si ce n'est en ce qu'il a : dit n'y avoir lieu à statuer sur les moyens de nullité des procès-verbaux de saisie contrefaçon, débouté la société Moulages Plastiques du Midi de ses demandes au titre de la concurrence déloyale, Statuant à nouveau de ces chefs, Prononce la nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon établi par Me Leblanc le 12 mai 205 au siège social de la société Maisons du Monde à Vertou (44), Ordonne en conséquence la destruction dudit procès-verbal et la restitution des éléments saisis en son exécution et interdit à la société Moulages Plastiques du Midi d'utiliser ou de communiquer dans quelque procédure que ce soit les documents et pièces concernés, Dit que la société Maisons du Monde a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Moulages Plastiques du Midi, Condamne à ce titre la société Maisons du Monde à payer à la société Moulages Plastiques du Midi la somme de 20 000 à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice, Y ajoutant, Déclare sans objet l'exception d'incompétence et la fin de non-recevoir soulevées par la société Maisons du Monde relativement à l'invocation par la société Moulages Plastiques du Midi de l'article L. 615-12 du Code de la propriété intellectuelle, Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité du brevet soulevée par la société Moulages Plastiques du Midi, Ordonne la transmission de cet arrêt, une fois celui-ci devenu définitif, à l'INPI, à l'initiative de la partie la plus diligente, pour inscription sur ses registres, Rejette les demandes de la société Moulages Plastiques du Midi tendant à la communication de documents comptables ou commerciaux et à la publication du présent arrêt, Condamne la société Maisons du Monde aux dépens de première instance et d'appel, Condamne la société Maisons du Monde à payer à la société Moulages Plastiques du Midi la somme de 20 000 en application de l'article 700 du Code de procédure civile.