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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 1, 13 juin 2019, n° 16-04635

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Fine Brands (SARL)

Défendeur :

Victorinox Swiss Army Fragrance (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Conseillers :

Mmes Molina, Cordier

Avocats :

Mes Chevalier, Titran, Dubois, Le Pen

T. com. Lille Métropole, du 9 juin 2016

9 juin 2016

FAITS ET PROCÉDURE

La société de droit Suisse Victorinox Swiss Army Fragrance (ci-après la société VSAF) produit et commercialise des produits de parfumerie.

La société Fine Brands exerce une activité d'agent commercial.

Le 31 juillet 2010, les deux sociétés ont signé un contrat d'agent commercial à durée indéterminée, soumis au droit français (application des articles L. 134-1 à L. 134-17 du Code de commerce), avec compétence du tribunal de commerce de Lille Métropole en cas de litige, confiant à la société Fine Brands en exclusivité le territoire de la Pologne pour les produits commercialisés par la société VSAF.

Le marché Polonais s'avérant impénétrable, les parties ont convenu d'étendre à la Russie le territoire confié à la société Fine Brands.

Le 15 février 2013, la société VSAF a informé la société Fine Brands de ce qu'elle mettait fin à son contrat d'agent avec effet au 31 mai 2013.

Les 3 et 10 avril 2013, par mails, la société Fine Brands a réclamé à la société VSAF une indemnité de fin de contrat égale à 2 ans de commissions, et incluant les frais de déplacement.

Le 22 mai 2013, par courrier, la société VSAF a confirmé sa résiliation du contrat avec effet au 31 mai 2013, et a contesté l'évaluation faite par la société Fine Brands de l'indemnité de fin de contrat.

Par acte d'huissier du 14 janvier 2014, la société Fine Brands a assigné la société VSAF devant le tribunal de commerce de Lille aux fins de la voir condamner, à titre principal, au paiement de la somme de 130 941 euros au titre de l'indemnité de fin de contrat.

Par jugement du 9 juin 2016, le tribunal de commerce de Lille a notamment :

- condamné la société Victorinox Swiss Army Fragrances à payer la somme de 13 461 euros avec intérêts au taux légal à dater du 14 janvier 2014 et avec anatocisme, à la société Fine Brands au titre de l'indemnisation du préjudice subi,

- condamné la société Victorinox Swiss Army Fragrances à payer à la société Fine Brands la contre-valeur en euros au taux de change du 2 juin 2016, de la somme de 3 677,56 CHF, au titre des ventes réalisées dans les 3 mois après la fin du contrat, avec intérêts au taux légal à dater du 14 janvier 2014 et avec anatocisme,

- débouté la société Fine Brands de sa demande de règlement de 39 000 euros de commissions pour la période du 1er mai 2011 au 30 mai 2012,

- condamné la société Victorinox Swiss Army Fragrances à payer à la société Fine Brands la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 Code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires,

- condamné la société Victorinox Swiss Army Fragrances aux entiers frais et dépens, taxés et liquidés à la somme de 81,12 euros en ce qui concerne les frais de greffe.

Par déclaration du 21 juillet 2016, la société Fine Brands a interjeté appel sur l'ensemble des dispositions de la décision.

Dans une ordonnance du 9 novembre 2017, le conseiller de la mise en état a notamment :

- rejeté des débats de l'incident les pièces produites en langue étrangère sans traduction numérotées 4-2, 4-3, 4-4, 7-1 à 7-22, 11-2 à 11-4 ; 15-1 à 15-32, 21, 22-5 à 22-7, 30-2 à 30-22, 34-1 à 34-29 au bordereau de pièces à l'incident de la société Fine Brands,

- fait partiellement droit à la demande de production forcée de pièces formée par la société Fine Brands et ordonné à la société Victorinox Swiss Army Fragrance AG de produire les pièces suivantes :

* le contrat conclu ente la société Victorinox Swiss Army Fragrance AG et la société Regent Global Trading Limited ainsi que ses avenants ou renouvellement éventuellement conclus avant le 1er août 2013,

* le montant du chiffre d'affaire réalisé par la société Victorinox Swiss Army Fragrance AG en Russie avec la société Regent Global Trading Limited depuis la signature du contrat avec cette dernière jusqu'au 1er août 2013 certifié conforme par le commissaire aux comptes de la société Victorinox Swiss Army Fragrance AG,

* la copie des factures par Victorinox Swiss Army Fragrance AG à destination de la société Regent Global Trading Limited en application du contrat de sa signature jusqu'au 1er août 2013 certifiées conforme par le commissaire aux comptes de la société Victorinox Swiss Army Fragrance AG,

* un extrait du ou des comptes clients concernant la société Regent Global Trading Limited sur la période allant de la signature du contrat jusqu'au 1er août 2013 certifié conforme par le commissaire aux comptes de la société Victorinox Swiss Army Fragrance AG,

- dit n'y avoir lieu à assortir à ce stade cette injonction d'une astreinte,

- débouté la société Fine Brands du surplus de sa demande,

- dit que les parties conserveront la charge de leurs dépens afférents à l'incident,

- débouté la société Victorinox Swiss Army Fragrance AG de sa demande formulée au titre des frais irrépétibles.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 21 février 2019, la société Fine Brands demande à la cour d'appel, au visa des articles L. 134-1 à L. 134-17 et R. 134-1 à R. 134-17 du Code de commerce, et des articles 1134 et 1147 du Code civil, de :

- dire la société Fine Brands bien fondée dans son appel,

- réformer, dans toutes ses dispositions, le jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole du 9 juin 2016,

- condamner la société Victorinox Swiss Army Fragrances à verser à la société Fine Brands les sommes suivantes :

• 32 670 euros correspondante aux commissions variables qu'elle aurait dû percevoir sur les commandes en cours lors de la résiliation de son contrat d'agent,

• une indemnité compensatrice du préjudice subi du fait de la rupture fixée à 146 361,28 euros,

• 39 000 euros à titre des commissions fixes dues pour la période du 1er mai 2011 au 31 mai 2012,

• 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

• 25 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- la condamner aux entiers frais et dépens de d'instance et d'appel.

La SARL Fine Brands soutient que :

- le droit à commission sur les commandes en cours est prévu par le Code de commerce et le contrat d'agent signé par les parties,

- elle a droit à une commission sur toutes les commandes directes ou indirectes du client qu'elle a apportées pour le contrat qu'elle a négocié et ce même si les commandes sont postérieures à la résiliation du contrat,

- contrairement à ce que soutient la société VSAF, l'ensemble des pièces que celle-ci a finalement produites confirment que depuis le mois de juin 2012, le client russe a régulièrement passé commande auprès de la société VSAF ; qu'elle-même aurait dû ainsi percevoir des commissions variables sur les commandes en cours lors de la résiliation de son contrat d'agent en application du contrat qu'elle a négocié,

- la résiliation du contrat d'agent entraîne la perte pour l'agent de la société Fine Brands de sa clientèle au profit du mandant de la société VSAF qui en jouit depuis sans interruption, dans ces conditions, elle a donc droit à une indemnité de fin de contrat compensatrice du préjudice qu'elle a subi du fait de la rupture de son contrat,

- la durée des relations contractuelles n'exclut pas qu'il puisse être alloué à l'agent une indemnisation calculée sur une période plus longue que les relations contractuelles entre les parties ; que le tribunal de commerce de Lille n'a pris en considération ni l'importance du travail de prospection réalisée, ni la qualité du travail fourni par la société Fine Brands, notamment vu la persistance des relations entr VSAF et le client russe au-delà du terme du contrat initial,

- eu égard à l'état de dépendance économique de la société Fine Brands vis-à-vis de la société VSAF, pour laquelle elle consacrait toute son activité, une indemnisation correspondant à 2 ans de commissions n'est pas excessive,

- l'indemnité de cessation de contrat due à l'agent commercial a pour objet de réparer le préjudice qui comprend la perte de toutes les rémunérations acquises lors de l'activité développée dans l'intérêt commun des parties, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon leur nature et peu important que certaines d'entre elles soient destinées à couvrir les frais et charges exposés au titre de l'exécution du mandat ; que par conséquent les frais de déplacement ne doivent pas être exclus de la base de calcul de l'indemnité de résiliation,

- confiante dans sa capacité à décrocher des contacts intéressants pour le compte de Victorinox, elle a renoncé à percevoir ses commissions pendant plus d'un an, entre le 1er mai 2011 et le 31 mai 2012 en contrepartie d'un important honoraire de résultat dans l'hypothèse où il ferait référencer Victorinox dans l'un des grands réseaux russes, sa renonciation à bénéfice était conditionnée à la poursuite des relations commerciales avec Victorinox ; que peu après l'obtention du référencement en Russie, Victorinox a résilié le contrat d'Agent commercial de Fine Brands, si bien que la contrepartie de la suspension de la rémunération fixe ayant disparu au moment de la rupture, il y a lieu de revenir au contrat initial.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 14 novembre 2018, la société Victorinox Swiss Army Fragrances demande à la cour d'appel, au visa des articles L. 134-7 et 134-12 du Code de commerce, de l'article 1134 du Code civil, et de l'article 9 du Code de procédure civile, de :

Sur la demande d'indemnité de fin de contrat,

- constater que la durée effective du contrat d'agent a été de 21 mois, dont 9 mois pendant lesquels la société VSAF n'a reçu aucune contrepartie au versement des commissions payées à la société Fine Brands,

- constater que la société Fine Brands ne rapporte pas la preuve d'un préjudice justifiant une indemnité de fin de contrat équivalente à deux années de commissions.

En conséquence,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à verser à la société Fine Brands une indemnité de fin de contrat d'un montant de 13 461 euros, correspondant à trois mois de commissions,

- débouter la société Fine Brands du surplus de ses demandes à ce titre,

Sur la demande de commissions sur les ventes postérieures à la fin du contrat d'agent,

- constater que la société Fine Brands est remplie de ses droits au regard des dispositions de l'article L. 134-7 du Code de commerce,

En conséquence,

- la débouter de ses demandes de commissions à ce titre,

Subsidiairement,

- si la cour devait considérer que la société Fine Brands est fondée à solliciter des commissions les ventes de produits réalisées en Russie après la fin de son contrat d'agent commercial, les limiter à la contre-valeur en euros, au taux de change au jour du jugement à intervenir, de la somme de 3 677,56 CHF, correspondant à 5 % des ventes réalisées dans les 3 mois après la fin dudit contrat,

En tout état de cause,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Fine Brands de sa demande de commissions fixes pour la période de suspension du 1er mai 2011 au 31 mai 2012, suspension qu'elle a elle-même proposée,

- débouter la société Fine Brands de sa demande de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- la condamner à lui verser la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

La société VSAF fait valoir que :

- l'article 5 du contrat de représentation commerciale porte sur la rémunération de la société Fine Brands, mais aucunement sur le droit de suite prévu à l'article L. 134-7 du Code de commerce, et encore moins sur la durée de ce droit de suite,

- pour justifier sa demande au titre du droit de suite, la société Fine Brands invoque également les retombées économiques du contrat qu'elle a apporté à la société VSAF sur le territoire de la Russie, qui s'avèrent, en réalité, avoir été très en-deçà de ce qu'elle se targue d'avoir négocié avec la société Regent Global Trading,

- si elle ne conteste pas avoir noué une relation commerciale de distribution avec la société Regent Global Training, au titre de laquelle la société Fine Brands a dûment perçu des commissions variables, il n'existe aucun engagement contractuel d'achats minimum de ce distributeur susceptible de fonder les demandes de la société Fine Brands,

- le droit de suite n'est fondé que dans un délai raisonnable après la cessation du contrat d'agent ; que prétendre à un droit de suite pendant 25 mois est indéniablement très excessif et qu'une telle demande reviendrait, de fait, à faire échec à la résiliation du contrat d'agent commercial, alors même qu'un agent commercial bénéficie par ailleurs d'une indemnité de fin de contrat consacrée par l'article L. 134-12 du Code de commerce,

- elle n'a jamais contesté le droit de la société Fine Brands à une indemnité de rupture de son contrat de représentation commerciale en application des dispositions de l'article L. 134-12 du Code de commerce mais conteste devoir l'équivalent de 24 mois de commissions,

- la rédaction même de l'article 5 du contrat démontre que les frais de déplacement ne relèvent pas du poste " rémunération " ; que ces frais de déplacements étaient remboursés au coût réel, excluant par là-même qu'ils soient qualifiés de rémunération,

- l'assiette de calcul de l'indemnité de fin de contrat de la société Fine Brands devra tenir compte de l'ensemble des commissions qu'elle a perçues, hors frais de déplacement,

- la société Fine Brands n'invoque pas de circonstances justifiant l'octroi d'une indemnité de rupture supérieure à la rémunération qu'elle a effectivement perçue ; que le fait qu'elle ait fait le choix de ne travailler " quasi exclusivement " que pour la Société VSAF est indifférent dès lors que rien ne l'y contraignait, cette dernière n'ayant pas exigé d'exclusivité,

- la suspension du contrat de représentation a incontestablement fait l'objet d'un accord entre les parties insusceptible d'être remis en cause aujourd'hui, sans porter atteinte à la loi des parties ; que l'économie même du contrat de représentation commerciale étant de développer une clientèle commune aux parties, il serait mal venu de considérer qu'un agent commercial aurait droit à une rémunération sur une période pendant laquelle il n'a apporté aucune clientèle, a fortiori lorsque cette période a duré presque deux ans.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 13 mars 2019.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la demande en paiement de commissions variables sur les ventes conclues sur la période du 1er juin 2013 au 30 novembre 2013 :

Selon l'article L. 134-5 du Code de commerce, " Tout élément de la rémunération variant avec le nombre ou la valeur des affaires constitue une commission au sens du présent chapitre.

Les articles L. 134-6 à L. 134-9 s'appliquent lorsque l'agent est rémunéré en tout ou partie à la commission ainsi définie.

Dans le silence du contrat, l'agent commercial a droit à une rémunération conforme aux usages pratiqués, dans le secteur d'activité couvert par son mandat, là où il exerce son activité. En l'absence d'usages, l'agent commercial a droit à une rémunération raisonnable qui tient compte de tous les éléments qui ont trait à l'opération ".

Selon l'article L. 134-7 du Code de commerce, " Pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission, soit lorsque l'opération est principalement due à son activité au cours du contrat d'agence et a été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat, soit lorsque, dans les conditions prévues à l'article L. 134-6, l'ordre du tiers a été reçu par le mandant ou par l'agent commercial avant la cessation du contrat d'agence ".

Selon l'article 5 du contrat de représentation commerciale conclu entre la société VSAF et la société Fine Brands le 10 octobre 2010, " La rémunération, hors taxe, de l'agent se compose de :

- un montant mensuel fixe de 3 000 euros par mois (trois mille euros) payé sur présentation de la facture d'honoraires,

- plus 5 % (cinq pour cent) du montant, hors taxe, des factures faisant suite à toutes les commandes directes ou indirectes dont les livraisons sont effectuées dans le secteur géographique ou dans la catégorie de clientèle réservée à l'agent ".

En l'espèce, le contrat de représentation commerciale conclu entre la société VSAF et la société Fine Brands a pris fin le 31 mai 2013. Il n'est pas contesté que la société VSAF a noué une relation commerciale de distribution de produits de parfumerie en Russie avec la société Regent Global Trading du fait de l'intervention de la société Fine Bands au titre du contrat de représentation commerciale. Il n'est pas non plus discuté que les relations commerciales entre la société VSAF et la société Regent Global Trading se sont poursuivies postérieurement à la fin du contrat conclu entre la société VSAF et la société Fine Brands.

La société VSAF produit une attestation de son commissaire aux comptes mentionnant l'ensemble des ventes de produits de la société VSAF en Russie intervenues entre le 1er juillet 2012 et le 1er août 2015 ayant donné lieu à l'émission de factures, lesquelles sont également communiquées. La société Fine Brands reprend ces factures dans ses conclusions à l'appui de sa demande de commission.

Ainsi, il ressort de ces éléments que les transactions réalisées par la société VSAF avec la société Regent Global Trading sont principalement dues à l'activité de la société Fine Brands durant le contrat de représentation commerciale.

La société Fine Brands réclame une commission correspondant à 5 % du chiffre d'affaires de la société VSAF dans ses relations avec la société Regent Global Trading sur une période de 25 mois à compter du 31 mai 2013. Si les parties n'ont pas fixé conventionnellement de délai, la période de 25 mois sur laquelle est fondée la demande de commission ne peut correspondre à un délai raisonnable tel qu'énoncé par l'article L. 134-7 du Code de commerce. En revanche, le délai de trois mois retenu par les premiers juges est un délai raisonnable.

Il ressort des pièces produites aux débats que les factures suivantes ont été éditées sur la période du 1er juin au 31 août 2013 :

- n° F00-953600 du 10 juin 2013 pour un montant de 35 535,24 CHF (si la société mentionne la somme de 36 535,24, dans le tableau en page 13 de ses conclusions, la somme de 35 535,24 CHF figure sur la facture produite en pièce 15-26 par la société VSAF),

- n° F00-956095 du 17 juin 2013 pour un montant de 15 897,60 CHF,

- n° F00-963722 du 9 juillet 2013 pour un montant de 22 118,40 CHF,

soit une somme totale de 73 551,24 CHF.

La société VSAF soutient avoir réglé à la société Fine Brands au mois de juillet 2013 une somme de 7 532,97 CHF correspondant aux commissions qui lui étaient dues à raison de son activité. Elle ajoute que sa pièce 3 ainsi que la pièce 10-31 de l'appelante en justifie. Toutefois si la pièce 3 mentionne une somme de 7 532,97 CHF, il n'est pas indiqué à quoi elle correspond tandis que la pièce 10-31 est un document nommé " Facturation Commissions sur ventes Russie " établi le 1er juillet 2013 par la société Fine Brands à l'attention de la société VSAF. Il y est mentionné une facturation pour des " commissions (5 %) sur vente Russie suivant accord " pour des dates comprises entre le 21 février 2013 et le 14 mai 2013, soit une période antérieure à celle retenue pour les commissions dues postérieurement à la fin du contrat de représentation commerciale.

Par conséquent, il convient de confirmer le jugement déféré qui a retenu une somme de 3 677,56 CHF (73 551,24 x 5 %).

Sur l'indemnité compensatrice de fin de contrat :

Selon l'article L. 134-12 du Code de commerce, " En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

L'agent commercial perd le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits.

Les ayants droit de l'agent commercial bénéficient également du droit à réparation lorsque la cessation du contrat est due au décès de l'agent ".

Selon l'article 6 du contrat de représentation commerciale conclu entre la société VSAF et la société Fine Brands, " En cas de résiliation du contrat par le mandant non justifiée par une faute grave de l'agent, ce dernier a droit à une indemnité compensatrice du préjudice subi conforme aux usages et à la loi. Elle sera payable au jour de la résiliation du contrat ".

Il est admis que l'indemnité de cessation de contrat a pour objet de réparer le préjudice subi qui comprend la perte de toutes les rémunérations acquises lors de l'activité développée dans l'intérêt commun des parties sans qu'il y ait lieu de distinguer selon leur nature.

En l'espèce, aucune faute n'est reprochée à la société Fine Brands par la société VSAF.

Si la société Fine Brands soutient qu'il y a lieu de prendre en compte deux ans de commissions pour le calcul de son indemnité compensatrice, il convient de rappeler qu'elle a le droit à la réparation de son préjudice consécutif à la rupture du contrat d'agent mais qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne conduit à évaluer l'indemnité à deux années de commissions.

En l'espèce, il convient de prendre en considération :

- la brièveté de la durée des relations contractuelles entre la société VSAF et Fine Brands qui se sont déroulées entre le 1er août 2010 et le 31 mai 2013 mais au cours de laquelle la société Fine Brands a renoncé à percevoir ses commissions entre le 1er mai 2011 et le 31 mai 2012 du fait de l'absence d'apport de client,

- du faible développement de l'activité obtenu en considération de l'apport d'un seul client représentant 230 points de vente sur le territoire russe, tandis qu'aucune activité n'a été apportée pour le territoire polonais.

Par conséquent, il convient de retenir une indemnité équivalente à 6 mois de commissions mensuelles moyennes.

Par ailleurs, la société Fine Brands considère que la moyenne mensuelle de ses revenus ne peut être calculée que sur la période où le contrat avec le distributeur russe était en cours soit entre juin 2012 et mai 2013, à l'exclusion de la période du 1er août 2010 au 30 avril 2011 durant laquelle elle a perçu seulement une commission fixe en l'absence d'apport de clientèle. Or, l'objet du contrat de représentation, tel qu'il résulte de son article 1 est la délivrance par le mandant d'un mandat à l'agent de négocier de manière permanente en son nom et pour son compte la vente des produits fabriqués par lui. Ainsi, le mandat devait être exécuté dès sa conclusion et il n'est pas contesté que la société Fine Brands a perçu une rémunération fixe dès cette dernière. Dès lors, il n'y a pas lieu de considérer que le contrat n'a été exécuté qu'entre juin 2012 et mai 2013 à compter de l'apport du client russe.

Par conséquent, il convient de prendre en considération une période de 21 mois (du 1er août 2010 au 30 avril 2011 puis du 1er juin 2012 au 31 mai 2013) pour le calcul de la rémunération mensuelle moyenne perçue par la société Fine Brands.

Enfin, la société Fine Brands inclut dans le calcul des rémunérations perçues le montant des frais de déplacement. Or, ainsi qu'il a été précédemment rappelé, il résulte de l'article 5 du contrat de représentation que la rémunération de l'agent était constituée d'un montant mensuel fixe et d'un pourcentage de 5 % du montant, hors taxe, des factures faisant suite à toutes les commandes directes ou indirectes. Il est précisé au dernier paragraphe de l'article 5 que " Victorinox Swiss Army Fragrance AG s'engage, par ailleurs, à rembourser les frais de déplacement liés à l'exécution de la mission ". Ainsi, il ressort de la rédaction du contrat que la rémunération de l'agent ne comprend pas les frais de déplacement, lesquels ne doivent dès lors pas être pris en compte pour le calcul de l'indemnité compensatrice.

En considération de l'ensemble de ces éléments, il convient de fixer à la somme de 26 922,10 euros l'indemnité compensatrice et de condamner la société VSAF à verser ce montant à la société Fine Brands (94 227,24 euros [rémunérations perçues par la société Fine Brands hors remboursement des frais de déplacement sur 21 mois] / 21 mois x 6 mois).

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur la demande au titre des commissions fixes pour la période du 1er mai 2011 au 31 mai 2012 :

La société Fine Brands soutient que, confiante dans sa capacité à décrocher des contrats intéressants pour le compte de la société VSAF, elle a renoncé à percevoir ses commissions pendant plus d'un an entre le 1er mai 2011 et le 31 mai 2012 en contrepartie d'un important honoraire de résultat dans l'hypothèse où elle ferait référencer Victorinox dans l'un des grands réseaux russes, que cette renonciation à bénéfice était conditionnée à la poursuite des relations commerciales avec la société VSAF et que cette dernière ayant résilié son contrat d'agent commercial, elle n'a pas respecté les termes de l'accord et qu'il y a donc lieu de revenir à l'application stricte du contrat de représentation commerciale qui prévoit une rémunération fixe de 3 000 euros mensuels.

Selon l'article 1134 du Code civil dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve de l'obligation, " Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autoriseElles doivent être exécutées de bonne foi ".

En l'espèce, les deux parties s'accordent sur le fait qu'elles s'étaient entendues pour suspendre la rémunération de la société Fine Brands jusqu'à l'obtention par cette dernière d'un référencement de la société VSAF sur le marché russe et que cette suspension est intervenue entre le 1er mai 2011 et le 31 mai 2012, un contrat de distribution entre la société VSAF et la société Regent Global Trading ayant été conclu le 1er juillet 2012.

L'accord sur la suspension de la rémunération est par ailleurs démontré par un courriel produit par la société Fine Brands qu'elle a adressé à la société VSAF le 29 juin 2012 et dans lequel il est indiqué " Le lancement de la Russie étant en route, je te propose de redémarrer notre accord de rémunération que nous avions suspendu à savoir

- Monthly fee de 3 000 euros par mois

- + 5 % sur les ventes nettes à PS group

- Remboursement des frais de déplacements

Ayant consacré pas mal de temps ces mois-ci pour préparer le lancement, je souhaiterai donc envoyer une facture monthly fee pour juin.

Es-tu d'accord pour redémarrer à présent ".

En revanche, la société Fine Brands ne produit aucune pièce tendant à justifier qu'elle a accepté une suspension de sa rémunération en " contrepartie d'un important honoraire de résultat dans l'hypothèse où elle ferait référencer Victorinox dans l'un des grands réseaux russes " ni à la condition de la poursuite des relations commerciales avec la société VSAF ainsi qu'elle le soutient. Il ressort des factures qu'elle a adressées à la société VSAF à compter du mois de juin 2012 qu'elle produit en pièces 10/13 à 10/31 qu'elle a toujours facturé une rémunération fixe de 3 000 euros, un pourcentage de 5 % sur les ventes conclues avec la société Regent Global Trading ainsi que ses frais de déplacements, sans réclamer "un important honoraire" du fait du référencement de la société VSAF dans un réseau russe. En outre, il y a lieu de relever que la société VSAF a mis fin au contrat de représentation au mois de février 2013 avec un préavis de trois mois, soit plus de 6 mois après l'apport par la société Fine Brands d'un client russe et non dès la conclusion du contrat avec ce dernier.

Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive :

Selon l'article 1382 du Code civil dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve de l'obligation, " Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ".

La société Fine Brands soutient que la résistance de la société VSAF à lui verser les sommes qu'elle lui doit l'a obligée à saisir les tribunaux et à organiser sa défense et qu'elle subit de ce fait un véritable préjudice.

En l'espèce, la société Fine Brands ne justifie pas de son préjudice qu'elle ne caractérise pas. En outre, la seule circonstance qu'elle ait dû saisir la justice ne caractérise pas une résistance abusive alors qu'il a été fait droit aux demandes de la société VSAF pour partie.

Par conséquent, la société Fine Brands sera déboutée de sa demande de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile :

En application des articles 696 et 700 du Code de procédure civile, la partie perdante est, sauf décision contraire motivée par l'équité ou la situation économique de la partie succombant, condamnée aux dépens, et à payer à l'autre partie la somme que le tribunal détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Par conséquent, il y a lieu de confirmer la décision déférée du chef des dépens et des frais irrépétibles.

La société Fine Brands sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel.

La société Fine Brands sera en outre condamnée à payer à la société VSAF la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, tandis qu'elle sera déboutée de sa demande à ce titre.

Par ces motifs : Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné la société Victorinox Swiss Army Fragrance à payer la somme de 13 461 euros avec intérêts au taux légal à dater du 14 janvier 2014 et avec anatocisme, à la société Fine Brands au titre de l'indemnisation du préjudice subi ; Statuant à nouveau de ce seul chef, Condamne la société Victorinox Swiss Army Fragrance à verser à la société Fine Brands la somme de 26 922,10 euros au titre de l'indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi du fait de la fin du contrat de représentation ; Y ajoutant, Déboute la société Fine Brands de sa demande de condamner la société Victorinox Swiss Army Fragrance à lui verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ; Condamne la société Fine Brands à verser à la société Victorinox Swiss Army Fragrance la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Déboute la société Fine Brands de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Fine Brands aux dépens de l'instance d'appel.