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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 19 juin 2019, n° 16-16918

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Consulting Development Investment LLC (Sté)

Défendeur :

Etablissements Sephadis Mathieu (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bedouet

Conseillers :

Mmes Comte, Schaller

T. com. Marseille, du 9 mai 2016

9 mai 2016

EXPOSÉ DU LITIGE

Vu le jugement rendu le 9 mai 2016 par le tribunal de commerce de Marseille qui a :

- débouté la société Consulting Development Investment LLC de toutes ses demandes,

- constaté l'absence de rupture du contrat d'exclusivité par la société Ets Sephadis Mathieu,

- dit que la société Consulting Development Investment LLC a méconnu son obligation de délivrance conforme,

- prononcé la résolution judiciaire du contrat d'exclusivité aux torts de la société Consulting Development Investment LLC,

- fait masse des dépens et condamné chacune des parties à en supporter la moitié,

- rejeté toutes autres demandes ;

Vu l'appel relevé par la société Consulting Development Investment LLC et ses dernières conclusions notifiées le 11 mai 2017 par lesquelles elle demande à la cour, de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la société Ets Sephadis Mathieu mal fondée en ses demandes de dommages-intérêts et en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes en paiement des sommes de 10 000 euros et 17 932,58 euros,

- l'infirmer pour le surplus et condamner la société Ets Sephadis Mathieu à lui payer :

* par application de l'article L. 442-6-I, 5° du Code de commerce et de l'article 1134 du Code civil, la somme de 144 259,02 euros HT, à titre de dommages-intérêts, en réparation des préjudices économique et moral subi du fait de la rupture brutale et fautive du contrat d'exclusivité,

* la somme de 8 863,80 euros en règlement de la facture du 15 juillet 2015 correspondant aux 395 appareils auditifs non restitués,

- condamner l'intimée aux entiers dépens et au paiement de la somme de 6 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 12 janvier 2017 par la société Ets Sephadis Mathieu qui demande à la cour, au visa de l'article L. 442-6-I 5° du Code de commerce et de l'article 1184 du Code civil, de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

* constaté l'absence de rupture par elle du contrat d'exclusivité,

* débouté la société CDI de toutes ses prétentions,

* dit que la société CDI a méconnu son obligation de délivrance conforme,

* prononcé la résolution judiciaire du contrat d'exclusivité aux torts de la société CDI,

- la recevoir en son appel incident, dire que la société CDI doit réparer son entier préjudice subi du fait de l'inexécution du contrat d'exclusivité et condamner celle-ci à lui payer les sommes de :

* 17 932,58 euros correspondant aux produits défectueux retournés et actuellement entre ses mains,

* 10 000 euros, à titre de dommages-intérêts, pour préjudice commercial subi du fait de la livraison de produits défectueux,

* 5 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société CDI aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

MOTIFS

Par contrat du 31 juillet 2014, la société Consulting Development Investment (CDI) a confié à la société Ets Sephadis Mathieu l'exclusivité de la vente en France des appareils amplificateurs de son intra-auriculaires et extra-auriculaires de la marque déposée " Son Haut " pour le secteur pharmacies, parapharmacies, grossistes et répartiteurs en pharmacie ; il y était stipulé :

- que le contrat conclu pour une durée d'un an était renouvelable par tacite reconduction pour la même durée après une période d'essai de six mois,

- que si l'une des parties ne désirait pas le renouveler ou voulait en modifier les conditions, elle devrait avertir l'autre partie par lettre recommandée avec avis de réception en respectant un délai de préavis de six mois avant son terme.

La société CDI soutient que la société Ets Sephadis Mathieu a rompu brutalement le contrat, sans préavis écrit, lors d'une réunion tenue le 9 mars 2015 en lui imposant la reprise du stock. Elle demande réparation du préjudice qui en serait résulté.

Pour s'opposer à cette prétention, la société Ets Sephadis Mathieu fait valoir que la société CDI a manqué à ses obligations contractuelles, notamment en livrant des produits défectueux, ce qui justifie la rupture du contrat sans préavis et sa résolution aux torts de la société CDI.

Il ressort des pièces versées aux débats les éléments suivants :

- par lettre du 1er décembre 2014, le directeur général des Ets Sephadis Mathieu s'est plaint auprès de la société CDI de la défectuosité des 3000 appareils commandés les 1ers et 15 octobre 2014, ayant donné lieu à deux factures 14-11-213 et 14-11-219 des 10 et 26 novembre 2014,

- dans un courriel du 17 décembre 2014, la société CDI a rappelé que le changement des 2 287 appareils en stock aux Ets Sephadis Mathieu avait été effectué, a précisé qu'il avait été convenu qu'elle livrerait en janvier 1500 appareils gratuitement, a accepté de proroger la date d'échéance des factures aux 31 janvier et au 28 février 2015, mais a demandé paiement des factures antérieures des 14 et 30 octobre 2014 à leurs échéances (30 novembre 2014 et 29 décembre 2014),

- la société Ets Sephadis Mathieu a répondu par courriel du 18 décembre 2014 en confirmant son accord ; elle a payé les factures d'octobre 2014, le 24 décembre 2014 et le 15 janvier 2015 après relances de la société CDI ; le 4 février 2015, elle a indiqué qu'elle attendait l'échange de 713 appareils pour régler la facture 14-11-219 ; le 24 février 2015, elle a précisé que 763 autres appareils étaient défectueux sur la livraison du 30 octobre 2014 (facture 14-10-201),

- la société CDI, après avoir répondu que cette livraison n'avait pas été signalée défectueuse, a ensuite établi un avoir portant sur 1 476 appareils (713 + 763) et a demandé le règlement du solde restant dû, soit 8 863,80 euros, somme qui lui sera payée par chèque du 11 mars 2015,

- par courriel du 6 mars 2015, la société Ets Sephadis Mathieu a fait valoir notamment, outre le problème des défectuosités, qu'il était noté sur les boîtes d'appareils internes que l'amplificateur n'était pas un dispositif médical alors que la notice à l'intérieur précisait qu'il s'agissait d'un tel dispositif et qu'elle avait des retours de produits sur des appareils internes dont la languette qui fait contact avec la pile était tordue et dont la pile ne rentrait pas,

- la société CDI lui a répondu le même jour que la défectuosité sur les appareils livrés en novembre 2014 provenait d'un mauvais réglage des appareils dans le cadre des modifications apportées suite à l'arrêté du 13 août 2014, que les boîtes mentionnant que les appareils n'étaient pas des dispositifs médicaux avaient été imprimées avant cet arrêté, que c'était pendant la phase de transition entre " l'avant et l'après arrêté du 13 août 2014 " qu'elle avait fourni des boîtes incluant une notice relative à un dispositif médical, que les dernières livraisons avaient été réalisés avec des boîtes indiquant " aide auditive " qui rappelaient l'arrêté; elle ajoutait se trouver à la disposition de tout acquéreur rencontrant un problème de languette, dans le cadre de la garantie de deux ans accordée à ses produits,

- 25 pharmaciens attestent de façon concordante que leurs clients n'étant pas satisfaits de la qualité et de la fiabilité des appareils amplificateurs de son, et ont demandé leur reprise à la société Ets Sephadis Mathieu.

Dès lors, même si la société CDI a consenti des avoirs sur ses factures, il n'en demeure pas moins qu'elle a livré une grande quantité de produits présentant des défectuosités et/ou non conformités, manquant ainsi gravement à ses obligations contractuelles de sorte que la société Ets Sephadis Mathieu était bien fondée à rompre la relation commerciale sans respecter de préavis.

La demande de dommages-intérêts de la société CDI doit être rejetée et le contrat résilié à ses torts.

La société Ets Sephadis Mathieu ne démontre pas que la somme de 17 932,58 euros qu'elle réclame corresponde effectivement à des produits défectueux qui lui auraient été retournés par ses clients ; elle sera donc déboutée de sa demande en paiement de ce chef.

Toutefois, la défectuosité des produits et les difficultés rencontrées avec ses clients par la société Ets Sephadis Mathieu lui ont causé un préjudice commercial certain ; en réparation, au vu des éléments du dossier, la cour fixe son préjudice à la somme de 8 863,80 euros, se compensant avec celle due à la société CDI pour non restitution de 395 appareils, facturée le 15 juillet 2015.

La société CDI, qui succombe sur l'essentiel de ses prétentions, doit supporter les dépens ; par application de l'article 700 du Code de procédure civile, il y a lieu de rejeter sa demande de ce chef et d'allouer la somme de 4 000 euros à la société Ets Sephadis Mathieu.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement en ce qu'il a dit que la société Consulting Development Investment LLC a méconnu son obligation de délivrance conforme et prononcé la résiliation du contrat du 31 juillet 2014 à ses torts, L'Infirme pour le surplus et, statuant à nouveau : Condamne la société Consulting Development Investment LLC à payer à la société Ets Sephadis Mathieu, la somme de 8 863,80 euros, à titre de dommages-intérêts, pour préjudice commercial, Condamne la société Ets Sephadis Mathieu à payer à la société Consulting Development Investment LLC la somme de 8 863,80 euros, montant de la facture du 15 juillet 2015 correspondant à 395 appareils non restitués, Constate la compensation entre les dettes réciproques des parties, Condamne la société Consulting Development Investment LLC à payer à la société Ets Sephadis Mathieu la somme de 4 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute les parties de toutes leurs autres demandes, Condamne la société Consulting Development Investment LLC aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.