CA Lyon, 1re ch. civ. A, 20 juin 2019, n° 16-08375
LYON
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
Locam (Sté), Apps Vision (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Rachou
Conseillers :
Mme Clément, M. Nicolas
Le 18 juillet 2012, M. X signait avec la société Apps Vision un bon de commande pour le développement d'une application mobile liée à la réservation de taxi moto en ligne.
Le même jour, M. X signait un contrat de location pour le financement de cette application par 36 loyers de 239,20 euros TTC.
Le 19 novembre 2012, M. X signait le procès-verbal de réception de l'application mobile, déclenchant le financement par la société Locam à la société Apps Vision.
Le 11 février 2013, la société Locam a mis en demeure M. X à la suite de plusieurs échéances impayées.
N'ayant pas obtenu gain de cause, le 18 avril 2013, la société Locam a assigné M. X à comparaître devant le tribunal de commerce de Saint-Etienne.
Par jugement en date du 4 octobre 2016, le tribunal a :
- Rejeté la demande de résolution du contrat pour manquement à l'obligation d'information par la société Apps Vision,
- Rejeté la demande de nullité du contrat pour faux en écriture,
- Prononcé la validité du contrat de location financière signé entre la société Locam et M. X,
- Débouté M. X de toutes ses demandes,
- Condamné M. X à payer à la société Locam la somme de 8 760,60 euros TTC outre intérêts au taux légal à compter du 12 février 2013 et 1 euro au titre de la clause pénale,
- Débouté la société Apps Vision de sa demande de dommages et intérêts,
- Condamné M. X à verser à la société Locam la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamné M. X à verser à la société Apps Vision la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Dit que les dépens dont frais de greffe taxés et liquidés à 140,17 euros sont à la charge de M. X,
- Dit qu'il n 'y a pas lieu à exécution provisoire du jugement,
- Débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de Lyon le 28 novembre 2016, M. X a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 19 avril 2018, il demande à la cour de :
Vu les articles 1103, 1137, 1194 et 1217, 1231-1 et 1304-2 du Code civil,
Vu les articles L. 121-1, L. 121-2, L. 121-4, L. 121-5 du Code de la consommation,
- Réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions
- Prononcer la nullité et à défaut la résolution du contrat de développement d'application mobile conclu avec la société Apps Vision et du contrat de location conclu avec la société Locam,
- Dire et juger que le contrat de développement d'application mobile et le contrat de location sont interdépendants et que l'anéantissement de l'un provoque celui de l'autre,
- Prononcer la nullité ou à défaut la résolution du contrat de développement d'application mobile,
- Rejeter la demande de condamnation de la société Apps Vision pour procédure abusive,
- Rejeter la demande de la société Locam au titre de la clause pénale,
- Rejeter la demande la société Apps Vision au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner in solidum la société Apps Vision et la société Locam à lui verser la somme de 5 000 euros à titre d'indemnisation de son préjudice moral,
- Condamner in solidum la société Apps Vision et la société Locam à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Monsieur X soutient que :
- Il incombe à la société Apps Vision de rapporter la preuve qu'elle a correctement rempli son obligation d'information, de conseil et de renseignement,
- La société Apps Vision a eu recours à des pratiques commerciales trompeuses telles que l'adaptation d'une application déjà existante et la fourniture gratuite subordonnée au paiement d'un forfait de 200 euros/mensuel. Ces pratiques commerciales trompeuses ont altéré de manière substantielle son comportement économique,
- La société Apps Vision a commis un dol en lui imputant une prétendue confusion entre la prestation de création d'une application et l'adaptation d'une application existante,
- La société Apps Vision n'a pas exécuté ses obligations contractuelles en ce qu'elle n'a pas effectué de cahier des charges, n'a pas effectué les deux recettes prévues dans les conditions générales de vente et n'a pas fait signer un procès-verbal de conformité valable,
- La résolution ou la nullité du contrat de développement d'application mobile entraîne la résolution ou la nullité du contrat de location financière conclu par la société Locam,
- Il a subi un préjudice moral du fait de l'inconséquence et le manque de scrupules des intimés,
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 16 avril 2018, la société Apps Vision demande à la cour de :
Vu les anciens articles 1134, 1147 et 1382 du Code civil,
- Confirmer la décision du tribunal de commerce du 4 octobre 2016 de Saint-Etienne en ce qu'elle a :
* constaté qu'elle a exécuté la prestation que lui a confiée M. X,
* constaté qu'elle n'a pas failli à ses obligations d'information à l'égard de M. X,
* débouté M. X de l'ensemble de ses demandes dirigées contre elle,
- Infirmer la décision du tribunal de commerce du 4 octobre 2016 de Saint-Etienne en ce qu'elle l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et par conséquent :
* condamner M. X au paiement de la somme de 4 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la procédure abusive initiée à son encontre,
* condamner M. X au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du Code de procédure civile,
* condamner M. X aux entiers dépens conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
La société Apps Vision soutient que :
- Elle a donné les explications nécessaires et adaptées lors d'un entretien avec M. X avant la signature du bon de commande et le contrat de location et a donc rempli à ce titre son obligation d'information,
- L'ensemble des échanges témoignent de sa disponibilité et de sa volonté de répondre à chaque interrogation de son client,
- Les contrats ont été correctement communiqués au regard de l'absence d'accusation de M. X avant la mise en demeure,
- La confusion de M. X entre la prestation de création d'une application et l'adaptation d'une application existante n'a pas lieu d'être au regard des explications qu'elle lui aurait données,
- Les prétendus manquements allégués par M. X ne sont nullement visés par l'article L. 121-1 du Code de la consommation,
- Il incombe à M. X de rapporter la preuve d'une quelconque manœuvre,
- Monsieur X est un professionnel et n'aurait pu ignorer l'absence de gratuité du contrat,
- La procédure initiée à son encontre est abusive dès lors qu'il a cessé de payer les mensualités avant de cesser son activité commerciale le 19 décembre 2012.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 22 février 2018, la société Locam demande à la cour de :
Vu les articles 1116, 1134 et suivants et 1149 anciens du Code civil,
Vu l'article 1137 nouveau du Code civil,
Vu l'article préliminaire du Code de la consommation,
- Dire non fondé l'appel de M. X, le débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions au moins en tant qu'elles sont dirigées contre elle,
- Confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a réduit à l'euro symbolique la clause pénale de 10 %, condamner à ce titre M. X à lui régler la somme complémentaire de principale de 856,07 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 11 février 2013,
- Condamner M. X à lui régler une indemnité de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner M. X ou qui mieux le devra aux entiers dépens d'instance et d'appel au profit de la Selarl Lexi, sur son affirmation de droit.
La société Locam soutient que :
- Il incombe à M. X de rapporter des éléments probants quant à l'authenticité de sa signature apposée sur le procès-verbal,
- Il lui incombe également de rapporter la preuve que le procès-verbal n'aurait pas été ratifié par ses soins,
- Monsieur X ne disposait plus de la qualité pour agir en résolution du contrat de fourniture à l'encontre de la société fournisseur lorsqu'il l'a attraite par acte délivré le 14 mars 2014, soit après la lettre de mise en demeure du 11 février 2013 valant résiliation du contrat huit jours après, faute de régularisation des paiements de loyers,
- Elle est recevable et fondée à réclamer l'exécution des clauses du contrat, applicables en cas de résiliation pour défaut de paiement des loyers mensuels et à objecter la résiliation intervenue par l'envoi de la lettre du 22 mars 2011 qui a date certaine,
- L'éventuelle résolution du contrat principal n'aurait nullement entraîné la nullité du contrat de location comme sollicité mais seulement sa résiliation à compter de la demande judiciaire,
- Une société de financement n'est pas tenue à une obligation de conseil du locataire,
- Il incombe à M. X de rapporter la preuve du dol allégué.
Vu les dernières conclusions ;
Vu l'ordonnance de clôture du 24 avril 2018 ;
Sur ce :
Attendu que M. X sollicite la nullité du contrat signé avec la société Apps Vision du fait d'une absence de consentement éclairé et valable, en l'absence d'obligation d'information précontractuelle, de commission de pratiques commerciales frauduleuses et de dol ; qu'en second lieu, il conclut à la résolution du contrat pour inexécution de ses obligations par la société Apps Vision ; qu'il convient de reprendre ces points ;
Sur l'absence de consentement éclairé et valable :
* sur le respect de l'obligation d'information précontractuelle :
Attendu qu'il résulte des pièces produites que le représentant de la société Apps Vision s'est longuement entretenu avec M. X, celui-ci dans un mail adressé le jour même de la signature du bon de commande à la société faisant référence à " l'entretien de ce midi " et récapitulant les explications données en demandant s'il les a bien comprises ;
Attendu qu'en conséquence, la société Apps Vision conclut à juste titre avoir rempli cette obligation ;
* sur les pratiques commerciales frauduleuses :
Attendu que M. X reproche à la société Apps Vision de lui avoir fait croire que la prestation fournie était le développement d'une application pour son activité professionnelle présentant toutes les fonctionnalités nécessaires à celle-ci et non pas une adaptation d'une application existante ; que cette application serait développée gratuitement avec notamment ajout de nouvelles fonctionnalités alors que la société Apps Vision a refusé l'ajout de nouvelles fonctionnalités au motif que cela relèverait d'une application spécifique ;
Attendu que le bon de commande régularisé entre les parties mentionnait " développement d'application mobile Apple plus Android " ;
Attendu que dans le mail précité, M. X écrivait à la société Apps Vision ;
" A partir du contenu de notre site internet [...] vous allez développer une 1re version de l'application dont la livraison est prévue pour septembre de cette année avec une soumission sur les plateformes Android et Apple. Le nécessaire sera fait pour que l'application soit accessible sur ces deux plateformes. Cette application nous est fournie à titre gracieux.
Après cette mise en production, toutes les demandes correctrices ou évolutives seront prises en charge dans le cadre du forfait maintenance 200 HT/mois et ce pendant trois ans. Ces demandes pourront concerner tout le périmètre applicatif : design, ergonomie, structure de fonctionnement, fonctionnalités à ajouter ou à modifier, ... Avons-nous bien compris " ;
Attendu que M. P. de la société Apps Vision a répondu à ce mail par un mail du 19 juillet 2012 en ces termes :
" Oui effectivement vous avez bien compris la proposition qu'en contrepartie de la communication faite sur votre société, nous vous développons votre application gratuitement et vous ne paierez qu'un forfait de 200 HT mensuel qui comprendra mise à jour correctionnel mineur/majeur, modification apportée sur votre application (fond d'écran [...]), les corrections de bug des améliorations de performance et ajout de nouvelle fonctionnalité internet. (Souligné par la cour) [...] " ;
Attendu que si, de la lecture de ces mails, il résulte sans ambiguïté que la gratuité concernait l'application et non pas la maintenance, il n'en reste pas moins en revanche que le service compris dans le forfait comprenait notamment l'ajout de nouvelle fonctionnalité internet ;
Attendu qu'à la demande de l'appelant faite par mail du 27 novembre 2012 relative à des demandes de modifications, la société Apps Vision répond par mail du 28 novembre 2012 qu'il peut être fait une application spécifique de A à Z qui sera chiffrée en 48 h ; qu'il en résulte que M. X conclut à juste titre à une pratique commerciale trompeuse au sens de l'article L. 121-1I 2° c) et e) dans sa version applicable à l'espèce, la société Apps Vision n'exécutant pas les prestations proposées aux conditions prévues, soit un développement d'application mobile au prix de 200 euros HT mensuel comprenant l'ajout de nouvelle fonctionnalité ;
Sur le dol :
Attendu qu'eu égard aux développements ci-dessus, M. X conclut à juste titre que son consentement a été vicié du fait du dol de son co-contractant, ayant souscrit un contrat relatif à un développement d'application mobile qui ne peut se confondre avec l'installation d'une application existante ;
Attendu qu'en conséquence, il convient de prononcer la nullité du contrat souscrit le 18 juillet 2012 sans s'attarder aux plus amples moyens développés par les parties ;
Attendu qu'eu égard à l'interdépendance des contrats conclus entre M. X et la société Apps Vision d'une part et M. X et la société Locam de l'autre, il convient de débouter la société Locam de ses demandes en paiement, la cour rappelant que toute clause susceptible de faire échec à cette interdépendance est réputée non écrite ; que la décision sera infirmée de ce chef ;
Attendu que M. X sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral, faute d'en démontrer la réalité ;
Attendu que la société Apps Vision qui succombe à la procédure est mal fondée en sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ; que la décision sera confirmée de ce chef ;
Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles engagés, la décision déférée étant réformée sur ce point ;
Par ces motifs : LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort Infirme la décision en ce que : elle a débouté M. X de ses demandes en nullité et résolution du contrat, elle l'a condamné à payer à la société Locam la somme de 8 760,60 euros TTC outre intérêts au taux légal à compter du 12 février 2013 et un euro au titre de la clause pénale ainsi que 300 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, elle l'a condamné à payer à la société Apps Vision la somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, elle l'a condamné aux dépens ; Et statuant à nouveau de ces chefs, Dit nul le contrat conclu le 18 juillet 2012 entre M. X et la société Apps Vision, Dit caduc le contrat conclu entre M. X et la société Locam, Déboute la société Locam de sa demande en paiement, Confirme la décision déférée pour le surplus, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Locam aux dépens et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement conforme aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.