CA Montpellier, 1re ch. B, 19 juin 2019, n° 16-07998
MONTPELLIER
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Majestic Invest l'Européenne d'Immobilier (EURL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Torregrosa
Conseillers :
Mme Rodier, M. Combes
FAITS ET PROCÉDURE
Le 28 juin 2012, Guy et Anne-Marie H. ont confié à l'EURL Majestic Invest exerçant sous l'enseigne l'Européenne d'Immobilier le mandat sans exclusivité de vendre leur immeuble sis [...] moyennant le prix de 292 000 euro dont 12 000 euro de commission de négociation, suivi d'un avenant ramenant ce prix à 250 000 euro et la rémunération à 9 800 euro.
Guy et Anne-Marie H. devaient ensuite vendre eux-mêmes le bien sans le concours de l'agence.
Aux motifs qu'ils se sont refusés à lui fournir les informations prévues en pareil cas, l'EURL Majestic Invest les a fait assigner devant le tribunal d'instance de Narbonne, lequel selon jugement rendu le 25 juillet 2016 les a condamnés solidairement à lui payer la somme de 4 900 euro en application de la clause pénale prévue au mandat outre celle de 600 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Guy et Anne-Marie H. ont relevé appel de cette décision dans des formes et des délais qui n'apparaissent pas critiquables.
Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 7 novembre 2017, ils demandent de dire nul le contrat de mandat aux motifs tout d'abord que celui-ci ne mentionne pas le nombre des originaux établis et manque ainsi à la formalité du double découlant de l'article 1325 du Code civil, ensuite ne respecte pas les dispositions régissant le démarchage à domicile prévues par les articles L. 121-21 et L. 121-23 du Code de la consommation.
Ce n'est dès lors qu'à titre subsidiaire qu'ils contestent avoir failli à leur obligation d'information et invoquent le courrier du 5 juillet 2013 précisant le nom du notaire et de l'agence chargés de la vente.
Ils demandent encore de leur déclarer inopposable la clause pénale litigieuse à défaut pour l'agent immobilier d'avoir rempli son obligation précontractuelle d'information telle que prévue par les article L. 111-1 et L. 111-2 alors qu'ils n'ont pas été avertis de l'existence de cette clause et en soutiennent encore le caractère abusif au sens de l'article L. 132-1, sollicitant à titre infiniment subsidiaire la réduction du montant à l'euro symbolique en raison de son caractère manifestement disproportionné.
Poursuivant en conséquence l'infirmation de la décision déférée, ils demandent de condamner leur adversaire à leur payer les sommes de 3 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 1 900 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par conclusions dernières en date du 2 mars 2017 l'EURL Majestic Invest soutient que les époux H. ne l'ont jamais informée de la signature d'un compromis ou d'un acte authentique bien que leur obligation leur ait été rappelée le 27 mai 2013, avant qu'ils ne s'exécutent deux mois plus tard mais de manière incomplète.
Répondant aux moyens de nullité du mandat elle soutient que la formalité du double de l'article 1325 du Code civil n'est prescrite qu'à titre de preuve et non de validité de l'acte alors que ce dernier précise qu'il a été rédigé en deux exemplaires.
Elle conteste que le mandat ait été signé au domicile des mandants alors qu'il est mentionné qu'il l'a été à l'agence sans que ses adversaires ne fassent la preuve contraire, soutient encore que la clause a été acceptée par mention au recto et que celle-ci n'est pas abusive pour ne créer aucun déséquilibre significatif au détriment du mandant, ni que son montant en soit excessif.
Poursuivant la confirmation de la décision déférée, sauf à porter à 1 500 euro le montant de la condamnation prononcée par le premier juge au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, elle sollicite la condamnation des appelants à lui payer sur ce même fondement la somme de 2 500 euro en cause d'appel.
MOTIFS
Attendu qu'aux termes des articles 6 de la loi du 2 janvier 1970 dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce et 78 du décret du 20 juillet 1972, le mandat de vente assorti d'une clause d'exclusivité ou d'une clause pénale doit faire l'objet d'une convention établie par écrit selon les prescriptions de l'article 1325 du Code civil dont un original est remis au client qui précise les caractéristiques du bien recherché, la nature de la prestation promise au client et le montant de la rémunération incombant à ce dernier et que lorsqu'un mandat est assorti d'une clause d'exclusivité ou d'une clause pénale, ou lorsqu'il comporte une clause aux termes de laquelle une commission sera due par le mandant, même si l'opération est conçue sans les soins de l'intermédiaire, cette clause ne peut recevoir application que si elle résulte d'une stipulation expresse d'un mandat dont un exemplaire a été remis au mandant, cette clause étant mentionnée en caractères très apparents ;
Et qu'en vertu de l'article 1325 ancien du Code civil, les actes sous seing privé qui contiennent des conventions synallagmatiques ne sont valables qu'autant qu'ils ont été faits en autant d'originaux qu'il y a de parties ayant un intérêt distinct ; qu'il suffit d'un original pour toutes les personnes ayant le même intérêt et que chaque original doit contenir la mention du nombre des originaux qui en ont été faits ;
Attendu au cas précis que la copie du mandat que produit l'intimée précise par une formule pré-imprimée que le contrat a été établi en deux exemplaires, destiné l'un au propriétaire, l'autre à l'agence, ce qui suffit à établir par la reconnaissance que les époux H. ont fait de cette mention, précédant immédiatement leurs deux signatures, que le mandat litigieux a effectivement été établi en deux exemplaires, alors au demeurant que l'inobservation de la formalité du double n'entraîne pas la nullité de la convention elle-même mais prive seulement l'écrit en cause de sa force probante ;
Or attendu qu'ils ne contestent, ni l'existence de l'écrit, ni son objet et notamment la description et les caractéristiques du bien offert à la vente, ni le prix qu'ils souhaitaient en tirer, ni le montant de la commission, ni aucune autre de ses mentions alors qu'il ne peut être exclu, au résultat de ce constat, que l'affirmation selon laquelle aucun exemplaire du mandat ne leur aurait été remis ne relève que d'une simple stratégie procédurale ; qu'il en est de même pour l'avenant qui reprend expressément le numéro du mandat initial ;
Et que s'ils soutiennent encore que ce mandat aurait été obtenu dans le cadre d'un démarchage à domicile, il s'agit là d'une simple affirmation qu'ils ne démontrent pas en produisant un écrit daté du 19 février 2015 censé émaner de Nicolas S., représentant de l'agent immobilier, mais qui en l'absence de pièce d'identité jointe est totalement dépourvue de force probante et ne peut écarter la mention contraire figurant au mandat selon laquelle celui-ci a été " fait au siège de l'agence " ;
Attendu au total que le mandat n'encourt pas la nullité ;
Attendu que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise ; et qu'elles doivent être exécutées de bonne foi ;
Attendu au cas précis que le mandat met à la charge du mandant au paragraphe XIV l'obligation suivante : " Dans le cas de vente sans votre concours, quelle que soit l'option choisie, nous nous engageons à vous informer immédiatement par lettre recommandée avec accusé de réception en vous précisant les noms et adresses de l'acquéreur, du notaire chargé de l'acte authentique et de l'agence éventuellement intervenue, ainsi que le prix de vente final, et ce pendant la durée du présent mandat et durant une période de deux ans après son expiration ", suivie sous l'intitulé CLAUSE PÉNALE de la mention suivante : " en cas de non-respect de la clause ci-dessus, le mandant versera une indemnité compensatrice forfaitaire correspondant à la moitié de la rémunération convenue ";
Attendu que Guy et Anne-Marie H. ne contestent pas avoir cédé leur immeuble, ni omis d'en avoir spontanément informé l'agent immobilier, lequel établit leur avoir adressé le 27 mai 2013 l'imprimé qu'il a prévu en pareil cas, reprenant l'énumération des mentions contenues dans la clause et que les appelants ont retourné le 5 juillet 2013, mais qui ne porte que l'indication du notaire chargé de l'acte et de l'agence intervenue, de telle sorte que la date et le prix de vente en demeurent inconnus ;
Attendu tout d'abord que le simple fait que la clause litigieuse figure au verso du contrat ne peut ni entraîner son inopposabilité, ni signer un manquement de l'agent immobilier à son obligation précontractuelle d'information dès lors que les époux H. ont reconnu expressément avoir pris connaissance, tant par eux-mêmes que par les explications qui leur ont été données, préalablement à la signature, de l'intégralité des caractéristiques du mandat, en approuvant la mention correspondante figurant au recto et notamment la disposition litigieuse, écrite en majuscules, en corps gras et au moyen d'une police de taille supérieure à celle du reste du document ;
Attendu que pour s'opposer ensuite à la mise en oeuvre de la clause pénale dont les conditions d'application sont ainsi réunies, ils soutiennent que cette clause est abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation pour créer un déséquilibre au détriment du non professionnel ou du consommateur et lui imposer le versement d'une indemnité compensatrice d'un montant manifestement disproportionné ;
Mais attendu que cette clause n'a pas pour effet de remettre en cause l'économie générale du contrat et notamment l'absence d'exclusivité du mandat dès lors qu'elle ne leur interdit pas de présenter, et le cas échéant de vendre leur bien, à un autre acquéreur trouvé par eux-mêmes ou un autre agent immobilier que ceux présentés par l'agence, ni ne revêt le caractère d'une clause abusive au sens du texte invoqué en ce qu'elle ne crée pas un déséquilibre entre les parties mais assure le respect de la loyauté contractuelle, en mettant à la charge du mandant une obligation d'information particulièrement simple à remplir et en évitant corrélativement à l'agent immobilier d'effectuer des démarches, de procéder à des publicités ou d'organiser des visites le tout en pure perte alors que le bien n'est plus disponible à la vente ;
Attendu en conséquence que si la clause litigieuse doit recevoir application ainsi que l'a exactement décidé le premier juge, son montant apparaît en revanche manifestement excessif dans les circonstances de l'espèce au regard du préjudice qu'elle a pour objet de réparer ; qu'il convient de réduire ce montant à la somme de 1 500 euro ;
Que Guy et Anne-Marie H. ne caractérisent aucun abus du droit de leur adversaire d'agir en justice alors que succombant pour l'essentiel, ils doivent les dépens sans qu'il apparaisse toutefois justifié en équité de prononcer à leur égard la condamnation prévue par l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et en dernier ressort, Déclare les appels tant principaux qu'incident recevables en la forme, Infirme le jugement déféré, Et statuant à nouveau, Condamne solidairement Guy et Anne-Marie H. à payer à l'EURL Majestic Invest exerçant sous l'enseigne l'Européenne d'Immobilier la somme de 1 500 euro à titre de dommages et intérêts en exécution de la clause pénale insérée au mandat de vente, Rejette toute autre demande et dit inutiles ou mal fondées celles plus amples ou contraires formées par les parties, Condamne Guy et Anne-Marie H. aux dépens, Accorde à la SCP NPN, le bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.