CA Paris, Pôle 2 ch. 2, 27 juin 2019, n° 18-07576
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Delta Security Solutions (SA)
Défendeur :
MMA IARD Assurances Mutuelles (Sté), MMA IARD (SA), Avenir Telecom (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Poinseaux
Conseillers :
Mmes Bou, Hervé
Avocats :
Mes Lugosi, Boyance, Zohair, Grappotte Benetreau, Mimran
Vu l'appel interjeté le 20 octobre 2014, par la société Delta Security Solutions d'un jugement rendu par le 9 septembre 2014 par le tribunal de commerce de Bobigny, lequel, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, a ;
* écarté l'application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation,
* dit que l'article 5.6 des conditions générales de la société Delta Security Solutions est réputé non écrit,
* dit que la perte de chance imputable à la société Delta Security Solutions est souverainement appréciée à un taux de 2/3 et a condamné la société Delta Security Solutions à verser un million d'euros à la société Covea Risks,
* condamné la société Delta Security Solutions à verser 53 779,33 euros à la société Avenir Telecom,
* condamné la société Delta Security Solutions à régler à la société Covea Risks la somme de 10 000 euros au visa de l'article 700 du Code de procédure civile,
* condamné la société Delta Security Solutions en tous les dépens en ce compris les frais d'expertise à rembourser à la société Covea Risks ;
Vu l'arrêt rendu le 25 octobre 2016 par la cour d'appel de Paris, qui, confirmant le jugement entrepris, sauf en ce qui concerne le quantum des condamnations mises à la charge de la société Delta, a :
* condamné la société Delta à payer :
- la somme de 892 177,50 euros aux sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles, avec intérêts au taux légal à compter de la date du paiement entre les mains de la société Avenir Télécom, outre 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,
- la somme de 434 412,22 euros à Avenir Télécom, avec intérêts au taux légal à compter de ses premières conclusions de première instance, le 28 mars 2013, outre 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,
* débouté la société Delta Security Solutions de son appel et l'a condamnée aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Vu l'arrêt du 14 février 2018, par lequel la Cour de cassation, sur le pourvoi formé par la société Delta Security Solutions, a cassé et annulé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris, sauf en ce que, confirmant le jugement, il a écarté l'application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, a remis la cause et les parties en l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Vu la déclaration de la société Delta Security Solutions, notifiée par voie électronique le 11 avril 2018, saisissant la juridiction de renvoi ;
Vu les dernières écritures en date du 24 décembre 2018, par lesquelles la société Delta Security Solutions demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1147 anciens du Code civil et 5.6 des conditions générales du contrat de maintenance du 20 décembre 2005, de :
À titre principal :
* réformer le jugement en ce qu'il a jugé non écrit l'article 5.6 des conditions générales du contrat de maintenance,
* constater que la société Delta Security Solutions n'a pas commis de faute,
En conséquence,
* juger qu'elle n'a pas engagé sa responsabilité et débouter les sociétés MMA et Avenir Télécom de l'ensemble de leurs demandes,
* fixer la créance de la société Delta au passif du redressement judiciaire de la société Avenir Télécom à la somme de 53 779,33 euros en remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement attaqué,
À titre subsidiaire,
* confirmer le jugement en ce qu'il estime que les demanderesses n'ont pas apporté tout leur concours à la manifestation de la vérité durant l'expertise,
* constater que d'importantes zones d'ombre subsistent concernant les circonstances du vol et concernant le dispositif de protection mis en place et géré par B,
* confirmer le jugement en ce qu'il estime que les manquements d'Avenir Télécom et des autres parties à la sécurité ont facilité le vol,
* constater qu'en application des consignes contractuelles, la preuve de la perte de chance d'éviter le vol et à tout le moins d'en limiter les conséquences n'est pas rapportée,
* constater que la société Avenir Télécom est seule responsable de la perte de chance d'identifier les malfaiteurs en l'absence d'images exploitables,
En conséquence,
* réformer le jugement en ce qu'il estime la part de responsabilité imputable à l'appelante à 2/3 et dire et juger que la part de responsabilité de la société appelante ne saurait dépasser 15 %,
* constater que les sociétés Avenir Télécom et MMA ne justifient pas de leur préjudice,
En toute hypothèse,
* condamner conjointement et solidairement les sociétés Avenir Télécom et MMA à verser à la société appelante la somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive,
* condamner conjointement et solidairement les sociétés MMA et Avenir Télécom à verser à la société appelante la somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de 1re instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise,
* fixer la créance de la société Delta Security Solutions au passif du redressement judiciaire de la société Avenir Télécom à la somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts pour la procédure abusive et à la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour l'expertise, les procédures de 1re instance et d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de 1re instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise ;
Vu les dernières écritures notifiées par voie électronique le 29 novembre 2018, aux termes desquelles la SA Avenir Télécom, la SCP X en la personne de Me A et la SCP Y en la personne de Me B demandent à la cour, au visa des articles 1131, 1134 et 1147 anciens du Code civil et L. 442-6, I 2° du Code de commerce, de :
* confirmer le jugement en ce qu'il a constaté que la société Delta Security Solutions avait engagé sa responsabilité contractuelle en manquant à son obligation de résultat quant au déclenchement du système d'alarme et à son obligation de conseil quant au système de télésurveillance,
* dire et juger que la clause limitative de responsabilité contenue à l'article 5.6 du contrat de la société Delta Security Solutions engage la responsabilité de cette dernière sur le fondement de l'article L. 442-6-2 du Code de commerce ou doit être réputée non écrite sur le fondement de l'article 1131 du Code civil,
Pour le surplus,
* réformer le jugement déféré au titre du quantum de la perte,
* dire et juger que la société Delta Security Solutions est responsable à hauteur de 95 % des conséquences du vol perpétré dans les entrepôts de la société Avenir Télécom à Garonor dans la nuit du 21 au 22 octobre 2010,
En conséquence,
* condamner la société Delta Security Solutions à payer à la société Avenir Télécom la somme de 550 255,50 euros à titre de dommages et intérêts, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2013,
* condamner la société Delta Security Solutions à payer à la société Avenir Télécom la somme de 35 000 euros au titre des frais irrépétibles,
* condamner la société Delta Security Solutions aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Grappotte Benetreau en application de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Vu les dernières écritures notifiées par voie électronique le 12 juillet 2018, par lesquelles la société MMA IARD et la société MMA IARD Assurances mutuelles, demandent à la cour, au visa des articles 1147 ancien du Code civil, L. 121-12 du Code des assurances, L. 442-6, 2° du Code de commerce, de réformer le jugement entrepris et, dans le cadre de leur appel incident, de :
* dire et juger la société Delta Security Solutions responsable à hauteur de 95 % des conséquences du vol perpétré dans les entrepôts de la société Avenir Télécom à Garonor, dans la nuit du 21 au 22 octobre 2010,
En conséquence,
* débouter la société Delta Security Solutions de l'ensemble de ses prétentions,
* condamner la société Delta Security Solutions à verser aux sociétés MMA IARD IARD et MMA IARD assurances mutuelles, venant aux droits de la société Covea Risks, la somme de 1 130 091,50 euros, à titre de dommages intérêts, avec intérêts à compter de la date de paiement entre les mains de la société Avenir Télécom,
* condamner la société Delta Security Solutions à verser aux sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles, venant aux droits de la société Covea Risks, la somme, complémentaire en cause d'appel, de 30 000 euros, en application de l'article 700 du Code de procédure civile, s'ajoutant à celle de 10 000 euros, allouée par le jugement dont appel,
* condamner la société Delta Security Solutions aux entiers dépens, y compris ceux du référé expertise et le coût de l'expertise, avec distraction directe au profit de la SCP Soulie Coste Floret, avocat, en application de l'article 699 du Code de procédure civile ;
SUR CE, LA COUR,
Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu'il suffit de rappeler que :
* la société Avenir Télécom, assurée auprès de la société Covea Risks pour le risque vol à hauteur d'un million d'euros, ayant pour activité la distribution de produits et accessoires électroniques et téléphoniques, a été locataire d'un entrepôt sur le site Garonor à Aulnay-sous-Bois ;
* le 11 juin 2002, la société Initial Télésurveillance (TSL) aux droits de laquelle vient la société Delta Security Solutions, lui a adressé une proposition d'installation de mise en sécurité portant sur un système de détection intrusion et de service sécurité ;
* le 13 juin 2002, la société Avenir Télécom a conclu avec la société Mory Group Logistic Communications (MGLC) un contrat de prestations de services logistiques, incluant le gardiennage ;
* le 29 novembre 2003, la société Avenir Télécom a souscrit auprès de la société Initial Télésurveillance un contrat de services de sécurité, pour une prestation de télésurveillance, avec détecteurs intérieurs surveillant les allées et les racks, un détecteur supplémentaire en angle, à côté d'une caméra, surveillant l'allée de circulation le long du mur, système connecté à un transmetteur de télésurveillance et mis en service la nuit ;
* la société Avenir Télécom a également adhéré à un système de télésurveillance implanté sur le site de Garonor et confié à la société VSE ;
* le 8 juin 2005, la société Delta Security Solutions a adressé une proposition de mise aux normes de l'installation, acceptée par Avenir Télécom le 30 novembre 2005 ;
* le 20 décembre 2005, la société Avenir Télécom et la société Delta Security Solutions ont conclu un contrat multi services maintenance et/ou télémaintenance incluant une prestation intrusion Delta service et une prestation vidéo ;
* dans la nuit du 21 au 22 octobre 2010, entre 22h35 et 3h09, un vol de marchandise a été commis, par une ouverture pratiquée dans le mur extérieur de l'entrepôt, indemnisé à hauteur de 1 189 570 euros par la société Covea Risks ;
* le 27 janvier 2011, la compagnie Covea Risks, assureur de la société Avenir Télécom, a assigné les sociétés MGLC, Delta Security Solutions et Avenir Télécom afin de solliciter une expertise judiciaire et, par ordonnance du 15 mars 2011, M. Z a été désigné comme expert, les opérations d'expertise étant étendues par décision du 29 septembre 2011 à la société de télésurveillance VSE et le rapport déposé le 30 mars 2012 ;
* le 13 décembre 2012, la société Covea Risks a assigné la société Delta Security Solutions devant le tribunal de commerce de Bobigny afin de faire reconnaître sa responsabilité à hauteur de 95 % dans les conséquences du vol perpétré dans les entrepôts de la société Avenir Télécom à Garonor dans la nuit du 21 au 22 octobre 2010, et de la voir condamnée à lui verser la somme de 1 130 091,50 euros à titre de dommages et intérêts ; la société Avenir Télécom est intervenue volontairement à la procédure, demandant la condamnation de la société Delta à lui verser la somme de 553 274,30 euros à titre de dommages et intérêts complémentaires ;
* le 9 septembre 2014, est intervenu le jugement dont appel ;
* le 4 janvier 2016, une procédure de redressement judiciaire de la société Avenir Télécom a été ouverte par le tribunal de commerce de Marseille et le 10 juillet 2017, un plan de redressement a été arrêté, Maîtres C et A désignés comme commissaire à l'exécution du plan et mandataire judiciaire et la société Delta a déclaré sa créance pour un montant de 53 779,33 euros ;
Considérant qu'il importe de rappeler à titre liminaire qu'en vertu des dispositions de l'article 638 du Code de procédure civile, la juridiction de renvoi juge à nouveau l'affaire en fait et en droit à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation de sorte qu'est exclue du litige la question de l'application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, dont l'exclusion n'a pas fait l'objet de la cassation ;
Sur la responsabilité de la société Delta Security Solutions :
Considérant que la société Avenir Télécom, la SCP X et la SCP Y recherchent la responsabilité de la société Delta au motif de l'absence de déclenchement de l'alarme, soit le défaut de respect d'une obligation de résultat, sans que soit établie l'existence d'une cause étrangère imprévisible et irrésistible ;
Considérant que les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles, venant aux droits de la société Covea Risks et légalement subrogées dans les droits de la société Avenir Télécom à hauteur de 1 189 570 euros, demandent la confirmation du jugement sur le principe de la responsabilité de la société Delta, fondée sur une obligation de résultat ;
Considérant que la société Delta Security Solutions, poursuivant l'infirmation du jugement entrepris, conteste toute responsabilité, aux motifs du bon fonctionnement de son système de détection, de l'absence de faute à laquelle conclut l'expert et de l'application de l'article 5.6 de ses conditions générales ;
Qu'elle fait valoir les essais de fonctionnement de l'alarme réalisés le matin de la découverte du vol et constatés par huissier, sur site et au PC de télésurveillance où le test automatique de communication électronique du 21 octobre 2010 à 5h35, ayant révélé un fonctionnement normal, confirmé par l'expertise ;
Considérant que l'expertise relève que, selon l'enregistrement de la vidéo surveillance, le vol a été commis entre 22h35 le 21 octobre et 03h09 le 22 octobre 2010, les voleurs bénéficiant ainsi de 4 heures et 15 minutes pour sortir les marchandises de l'entrepôt ; que l'enregistrement d'une caméra montre la présence de torches lumineuses épisodiques et le transfert au sol d'un colis de faible dimension ;
Que l'expert rappelle que, le 22 octobre, l'installation d'alarme a été mise hors service à 6 heures 33, avant la constatation d'une ouverture dans le mur arrière de l'entrepôt ; que, sur le " fil de l'eau " de l'imprimante d'une part et sur le relevé de mémoire de la centrale de télésurveillance d'autre part, il n'est pas mentionné de fonctionnement des cinq détecteurs volumétriques surveillant la zone impliquée par le cambriolage ;
Qu'il mentionne que le 22 octobre 2010, après la mise en service de l'installation, l'huissier a constaté le déclenchement des détecteurs d'intrusion, dans les secondes qui suivent son introduction par l'ouverture réalisée par les malfaiteurs et que ce déclenchement a été enregistré aussi bien sur le fil de l'eau de l'imprimante du site que sur la mémoire de la centrale de télésurveillance ; qu'il n'est pas été constaté d'autre détérioration pouvant expliquer les raisons du défaut d'information des alarmes dans la nuit du 21 au 22 octobre 2010 ; que les tests de communication téléphonique automatique du 21 octobre 2010 à 5 heures 35 du matin a révélé un fonctionnement normal, de même que le même test du 22 octobre 2010 à 5 h 34 ;
Que l'expert conclue que la seule défaillance imputable à Delta concerne le réglage anti-masquage des détecteurs. Il est cependant indiqué que ces défaillances n'ont pas de lien de causalité avec le vol.
De l'ensemble des analyses effectuées, j'estime que le dispositif mis en place ou géré par Delta 2S ne présente pas de défaut avéré susceptible d'expliquer l'échec de l'installation lors du vol ;
Sur la clause limitative de responsabilité :
Considérant que la société Delta Security Solutions fait valoir l'article 5.6 du contrat conclu avec la société Avenir Télécom, disposition contractuelle devant prévaloir sur l'obligation de résultat de l'installateur d'alarme et excluant sa responsabilité en l'absence de faute de sa part dans l'exécution de ses prestations, prouvée par le client ;
Que, rappelant que l'inapplicabilité de l'article L. 132-1 du Code de la consommation a été définitivement tranchée par une disposition de l'arrêt du 25 octobre 2016 exclue de la cassation, elle poursuit l'infirmation du jugement ayant déclaré cette clause non écrite en application de l'article L. 442-6 I 2° du Code de commerce ;
Qu'à cet égard, elle fait valoir l'absence de soumission ou de tentative de soumission de la société Avenir Télécom à cette clause, courante entre commerçants, en l'absence de rapports de force déséquilibrés, empêchant une partie de négocier dans ce secteur très concurrentiel, que la société Avenir Télécom n'établit pas, au vu de sa puissance économique comme ayant 160 établissements, 987 salariés, appartenant au groupe Télécom SA et détenant cinq filiales en Europe ;
Qu'elle en conclût que, par la signature du contrat, la société Avenir Télécom a nécessairement admis de supporter le risque de la preuve en cas d'absence de faute pour la réparation des dommages résultant du fonctionnement ou de l'absence de fonctionnement de l'installation ;
Que, subsidiairement, elle soutient l'absence de déséquilibre significatif, soit un abus contractuel et non un simple avantage au bénéfice d'une partie, alors que la clause impose la preuve d'une faute contractuelle et ne la dispense pas de l'exécution correcte de ses obligations, rappelant que la recommandation 97-01 de la Commission des clauses abusives dont se prévaut la société Avenir Télécom n'est pas applicable au contrat souscrit avec un professionnel du stockage ;
Qu'elle fait valoir, à titre infiniment subsidiaire, que si une clause blâmable engage sa responsabilité selon l'article L. 442-6 I 2°, ce texte ne prévoit pas qu'elle soit réputée non écrite ;
Qu'elle réfute toute faute de sa part, que l'expertise, n'ayant pu déterminer la cause de l'échec de l'installation, n'a pas établie, pas plus que le défaut de conformité aux règles de l'art et aux dispositions contractuelles, toutes les hypothèses ayant été écartées par l'expert, lequel a relevé que sa défaillance concernant le réglage anti masquage des détecteurs était dépourvue de lien de causalité avec le vol ;
Qu'elle souligne que la question de la fréquence des tests de communication téléphonique, soulevée par la société Covea Risks, n'a pas été soumise à l'expert, lequel n'a relevé aucune irrégularité à ce titre, et demande la confirmation du jugement sur ce point ;
Considérant que la société Avenir Télécom, la SCP X et la SCP Y soutiennent l'application de l'article L. 442-6 I 2° du Code de commerce, au motif que la clause limitative de responsabilité crée un déséquilibre significatif entre les obligations respectives des parties, lui reprochant la modification de la nature de l'obligation, ainsi transformée de résultat en moyens par l'exigence d'une faute prouvée excluant la garantie du déclenchement de l'alarme et considérée par la Commission des clauses abusives, dans sa recommandation n° 97-01, comme vidant de son contenu la prestation de télésurveillance ;
Qu'elles interprètent ainsi comme disproportionnées et vidant le contrat de ce qui en fait l'essence même les obligations, du client, au paiement et du prestataire, ne garantissant pas le déclenchement de l'alarme en cas d'intrusion ;
Que, sur la soumission, elles exposent que la proposition de mise en sécurité est un contrat d'adhésion, dont la présentation ne laissait aucune possibilité de négociation, les conditions financières proposées devant être signées par le client et les conditions générales de vente figurant au verso du contrat pré rempli, avec pour seule option, celle de ne pas contracter ; qu'elles observent que la société Delta ne produit aucune pièce en faveur d'une négociation ;
Qu'elles soulignent que l'article L. 442-6 I 2° du Code de commerce n'exige pas une dépendance économique entre les parties, sa dimension ne la plaçant pas toujours en position de négocier alors que la prestation du fournisseur était essentielle pour son activité, que les compétences des parties n'étaient pas symétriques et que le prestataire est un leader du secteur ;
Considérant que les sociétés MMA rappellent que, si la disposition relative au déséquilibre significatif entre les parties, créé par la clause litigieuse, n'a pas été censurée par la Cour de cassation, l'existence d'une tentative de soumission ou d'une soumission de la société Avenir à cette clause reste dans le débat ;
Qu'à cet égard, elles soulignent le caractère de contrat d'adhésion, pré-imprimé, de la convention, dont les clauses n'ont pas été négociées, démontrant ainsi la soumission de la société Avenir Télécom à la clause litigieuse et demandent la confirmation du jugement l'ayant déclarée non écrite ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 442-6 du Code de commerce, "I - Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, (...)
2°) de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties" ;
Que, selon l'article 1.1 du contrat de prestations de services, "Les obligations du prestataire sont celles d'un prestataire de service sur lequel pèse une obligation de moyen" et aux termes de l'article 5.6, "Les obligations du prestataire sont exclusivement limitées aux prestations énumérées dans le présent contrat. Sa responsabilité ne saurait être engagée pour des dommages résultant du fonctionnement de l'installation ou de son non fonctionnement pour quelque cause que ce soit en l'absence d'une faute dûment prouvée par le client dans l'exécution des prestations prévues dans le présent contrat" ;
Que, nonobstant le caractère pré-rempli des clauses du contrat qui ne suffit pas à prouver la soumission ou la tentative de soumission au sens de l'article L. 442-6 précité, il convient de rechercher si la société Avenir Télécom, laquelle s'est reconnue au contrat comme professionnelle, en matière de logistique et donc de stockage, disposait ou non d'un pouvoir réel de les négocier ;
Qu'à cet égard, le rapport de force entre les parties, compte tenu de leur taille, de leur poids économique et de leur présence sur le marché ne traduit pas un déséquilibre économique, aucun élément n'étant produit en faveur d'un risque encouru par la société Avenir Télécom en cas de refus de la clause litigieuse ;
Que la soumission ou tentative de soumission de la société Avenir Télécom à des conditions créant un déséquilibre significatif entre les parties n'est pas établie et que, par infirmation du jugement, l'application de l'article L. 442-6 I 2° du Code de commerce sera écartée ;
Sur l'obligation essentielle du contrat :
Considérant que la société Avenir Télécom, la SCP X et la SCP Y font valoir qu'en tout état de cause, la clause litigieuse porte atteinte à une obligation essentielle du contrat et le vide de sa substance, en tendant à limiter la responsabilité du prestataire et signifiant que celui-ci ne garantit pas le déclenchement de l'alarme, alors que le fonctionnement de l'installation est l'obligation principale et essentielle du contrat ;
Qu'elles soulignent que l'application de la clause doit être écartée en raison de la faute lourde de la société Delta, laquelle prévoyait des tests de contrôle par 24 heures, insuffisants au regard des risques et du défaut de déclenchement de l'alarme lors du vol et demandent en conséquence qu'elle soit déclarée non écrite en application de l'article 1131 du Code civil, dans sa rédaction applicable à l'époque des faits ;
Qu'elles concluent à la responsabilité de la société Delta du seul fait de l'absence de déclenchement de l'alarme lors du vol, nonobstant l'ignorance de la cause de ce dysfonctionnement que l'expertise n'a pas permis d'établir, soit une inexécution, en soi fautive et constitutive d'une faute lourde, de ses obligations contractuelles ;
Qu'elles ajoutent qu'aucune cause étrangère imprévisible et irrésistible, opposable à l'obligation de résultat de la société Delta à laquelle incombe la charge de la preuve, n'est établie, toutes les hypothèses d'actes malveillants ayant été écartées par l'expert, le fonctionnement de l'alarme lors des tests étant inopérant et la complicité de salariés sur place n'étant pas établie ;
Considérant que les sociétés MMA soutiennent que la clause limitative de responsabilité doit être réputée non écrite, ainsi que transcrit à l'article 1170 nouveau du Code civil, s'agissant d'un manquement à une obligation essentielle, soit d'assurer le bon fonctionnement de l'alarme et le déclenchement du système d'alerte à distance en cas d'intrusion, dont la limitation de la responsabilité contredit la portée ;
Qu'elles ajoutent que cette clause doit être écartée, en présence d'une faute lourde constituée par la défaillance du système et l'insuffisance de l'unique test de contrôle par 24 heures, contractuellement prévu au titre des prestations, et que, jointe à l'absence de déclenchement de l'alarme, cette faute lourde répond à la condition contractuelle de faute dûment prouvée ;
Considérant que la société Delta Security Solutions soutient l'absence de contradiction de son obligation essentielle avec la clause litigieuse, laquelle ne la dispense pas de l'exécution du contrat, n'exclut, ni ne limite sa responsabilité en cas de manquement avéré, mais aménage le risque de la preuve en imposant celle d'une faute contractuelle ;
Qu'elle conteste la faute, retenue à son encontre par le tribunal de commerce, résultant du seul défaut de déclenchement de l'alarme lors du vol, alors que l'expert a expressément exclu la défaillance de son obligation à fournir un dispositif fonctionnel, lequel ne présente pas de défaut susceptible d'expliquer son échec et rappelle que les carences de la société Avenir Télécom durant les opérations d'expertise ont contribué à la conclusion d'une cause indéterminée ;
Que, de même, elle réfute l'existence d'une faute lourde, nécessairement caractérisée par la violation d'une obligation essentielle du contrat, qui permettrait d'écarter une clause limitative de responsabilité ;
Considérant que selon l'article 1131 ancien du Code civil, L'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet ;
Considérant qu'en limitant la réparation du préjudice au cas de faute prouvée du prestataire, la clause litigieuse fait porter la charge de l'aléa d'un dysfonctionnement inexpliqué à l'acquéreur, en répartissant expressément le risque et la limitation de responsabilité qui en résulte, mais n'exclut pas son indemnisation, dans des conditions qui ne sont pas dérisoires ;
Qu'en effet, la clause prévue à l'article 5.6, librement négociable et acceptée par la société Avenir Télécom, n'a pas pour effet de décharger par avance la société Delta du manquement à une obligation essentielle lui incombant ou de vider de toute substance cette obligation, mais seulement de fixer une condition à son indemnisation ;
Qu'elle organise ainsi la répartition du risque et la limitation de responsabilité qui en résulte, mais ne prive pas la société Avenir Télécom de toute contrepartie et n'a donc pas pour effet de vider de toute substance l'obligation essentielle incombant à la société Delta ;
Qu'aucune faute, au surplus lourde, ne pouvant résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle, n'a été relevée à l'encontre de la société Avenir Télécom, l'expert émettant des hypothèses, notamment l'intervention d'un préposé, sans pouvoir les confirmer, la question des tests de contrôle de l'installation n'étant pas même évoquée au cours de l'expertise et dénuée d'effet en l'espèce, au vu du bon fonctionnement de l'alarme ;
Qu'il s'ensuive que, cette stipulation n'ayant pas pour effet de vider de toute substance l'obligation essentielle de bon fonctionnement de l'installation, sa contrariété avec la portée de l'engagement de la société Delta n'est pas établie ;
Sur le défaut de conseil :
Considérant que la société Avenir Télécom, la SCP X et la SCP Y reprochent à la société Delta un défaut de conseil dans le cadre de la maintenance de la télésurveillance, soit des seize caméras qu'elle n'avait pas installées mais dont elle devait assurer la maintenance ;
Qu'elles exposent que les voleurs n'ont pu être identifiés en raison du défaut d'éclairage, ne laissant apparaître que les points lumineux des lampes torches et que la recommandation de laisser l'éclairage allumé la nuit ou de mettre en ... ne lui a jamais été adressée par la société Delta ;
Considérant que les sociétés MMA estiment que la société Delta a manqué à son devoir de conseil, faute de recommandation d'installation de caméras infrarouges, mais sans effet sur la défaillance du système d'alarme ;
Considérant que la société Delta Security Solutions demande la confirmation du jugement en ce qu'il a relevé qu'elle assurait la maintenance mais non l'exploitation des caméras et n'était pas nécessairement informée de l'extinction nocturne des éclairages ;
Qu'elle rappelle ne pas être l'installateur de ces caméras, sur lequel pesait l'obligation de conseil dans le choix du matériel et observe que les cahiers des charges et propositions commerciales alors soumis ne sont pas versés aux débats par la société Avenir Télécom ;
Considérant que l'obligation dont la violation est invoquée se rapporte à l'installation anti intrusion et non à la possibilité d'identifier a posteriori les auteurs d'un vol ; que les obligations de la société Delta, relatives à la maintenance et l'entretien du matériel ne portent pas sur le choix des caméras ; que la société Avenir Télécom avait les moyens de vérifier la lisibilité des enregistrements nocturnes et de prendre, en conséquence, la décision de maintenir l'éclairage durant la nuit si elle l'estimait nécessaire ;
Que le rejet de ce moyen par le tribunal de commerce sera confirmé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les demandes de la société Avenir Télécom, la SCP X en la personne de Me A et la SCP Y en la personne de Me B et des sociétés MMA IARD et la société MMA IARD Assurances mutuelles seront rejetées, par infirmation du jugement emportant restitution des sommes versées en application de l'exécution provisoire ;
Sur les autres demandes :
Considérant que la société Delta Security Solutions ne justifie pas de l'intention malicieuse ayant fait dégénérer la procédure en abus, pas plus que d'un préjudice autre que les frais exposés pour sa défense en justice, qui sera réparé en équité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Par ces motifs : Statuant publiquement et contradictoirement, dans les limites de la saisine de la cour, sur renvoi après cassation partielle de la décision de la cour d'appel de Paris du 25 octobre 2016, par arrêt de la Cour de cassation rendu le 14 février 2018, Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions déférées à la cour ; Statuant à nouveau et y ajoutant, Rejette l'ensemble des demandes de la société Avenir Télécom, la SCP X en la personne de Me A en qualité de commissaire à l'exécution du plan et la SCP Y en la personne de Me B en qualité de mandataire judiciaire et des sociétés MMA IARD et la société MMA IARD Assurances mutuelles ; Condamne in solidum la société Avenir Télécom, la SCP X en la personne de Me A et la SCP Y en la personne de Me B et les sociétés MMA IARD et la société MMA IARD Assurances mutuelles à payer à la société Delta Security Solutions la somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ; Rejette toutes autres demandes ; Condamne in solidum la société Avenir Télécom, la SCP X en la personne de Me A et la SCP Y en la personne de Me B et les sociétés MMA IARD et la société MMA IARD Assurances mutuelles aux dépens comprenant les frais d'expertise.