CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 26 juin 2019, n° 16-17437
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
XHS Services (SARL)
Défendeur :
Stade Malherbe Caen Calvados Basse Normandie (SASP)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bedouet
Conseiller :
Mme Schaller
Avocats :
Mes David, Moyersoen, Retout, Morice
FAITS ET PROCÉDURE
La société XHS Services est spécialisée dans la prestation de services dans le domaine de l'événementiel et intervient notamment dans l'accueil et l'organisation de manifestation sportives.
La Société Stade Malherbe Caen Calvados Basse Normandie (ci-après dénommée " Stade Malherbe Caen ") gère les activités du club de football de Caen.
La société Stade Malherbe Caen et la société XHS Services ont conclu le 23 août 2006, un contrat en application duquel cette dernière assurait la gestion du contrôle d'accès aux différents matchs organisés par la société Stade Malherbe Caen.
Ce contrat a été conclu pour une durée d'un an, reconductible pour deux ans. Postérieurement à cette période, les relations entre les parties se sont poursuivies sans qu'aucun nouvel engagement ne soit formalisé.
À compter de l'année 2015, la société Stade Malherbe Caen a décidé de soumettre à la concurrence trois de ses marchés de service, dont celui relatif au contrôle d'accès aux matchs.
Par courrier du 23 février 2015, elle a donc informé ses prestataires, dont la société XHS Services, de la fin de leur relation commerciale.
Elle a néanmoins indiqué la possibilité pour ces derniers de se porter candidats aux appels d'offre à venir.
La société XHS Services a participé à la consultation lancée par la société Stade Malherbe Caen pour l'attribution de la gestion de l'accueil et du contrôle d'accès au stade pour les saisons 2015/2016, 2016/2017 et 2017/2018. Par courriers des 10 et 12 juin 2015, cette dernière a notifié à la société XHS Services le rejet de ses propositions.
Par acte du 12 novembre 2015, la société XHS Services a assigné la société Stade Malherbe Caen devant le tribunal de commerce de Rennes aux fins de réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales établies, sollicitant de ce chef la somme de 191 933 euros.
Par jugement du 7 juillet 2016, le tribunal de commerce de Rennes a :
- débouté la société XHS Services de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamné la société XHS Services à payer à la société Stade Malherbe Caen Calvados Basse Normandie la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et a débouté cette dernière du surplus de sa demande,
- condamné la société XHS Services aux dépens.
La société XHS Services a, par déclaration du 11 août 2016 relevé appel de ce jugement.
Vu les dernières conclusions de la société XHS Services, notifiées le 2 janvier 2019, par lesquelles elle demande à la cour, au visa des articles L. 442-6, I, 5°du Code de commerce et 1382 du Code civil, de :
- réformer le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- dire que la société Stade Malherbe Caen a rompu brutalement ses relations commerciales avec la société XHS Services,
- en conséquence condamner la société Stade Malherbe Caen à lui régler les sommes suivantes :
* 169 441 euros en réparation du préjudice subi du fait du caractère brutal de la rupture des relations commerciales établies et de la dépendance économique,
* 22 492 euros en réparation du préjudice moral,
- débouter la société Stade Malherbe Caen de l'intégralité de ses demandes,
- condamner la société Stade Malherbe Caen à régler à la société XHS Services la somme de 8 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions de la société Stade Malherbe Caen, notifiées le 6 janvier 2017, par lesquelles il est demandé à la cour au visa de l'article L.442-6, I, 5° du Code de commerce, de :
- déclarer la société XHS Services mal fondée en ses prétentions et la débouter de son appel,
En conséquence,
- confirmer en toutes ses disposition le jugement entrepris,
- condamner la société XHS Services à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
SUR CE, LA COUR
Aux termes de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce :
" Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre unilatéralement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.
Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ".
Sur le caractère brutal de la rupture de la relation commerciale
Les parties sont convenues que la relation commerciale les ayant liées a commencé le 23 août 2006.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 février 2015, la société anonyme sportive Stade Malherbe Caen Calvados Basse Normandie (le stade Malherbe) a notifié à l'ensemble de ses partenaires commerciaux, dont la société XHS Services, l'information selon laquelle elle a décidé de lancer une consultation avant la fin du championnat du monde de Ligue 1 saison 2014 2015.
A raison de la mise en place de cette procédure d'appel d'offres elle lui a indiqué " Notre Collaboration prendra donc fin avec le dernier match de championnat à domicile, dont la date fixée le samedi 23 mai 2015 reste à confirmer ".
Il n'est pas contesté que les dernières prestations accomplies par l'appelante pour le Stade Malherbes l'ont été à l'occasion de cet ultime match de football de la saison.
C'est donc à cette date que les relations commerciales entre les parties, d'une durée d'environ 9 ans, ont cessé à l'initiative de la société Stade Malherbe, dès lors que la société XHS Service n'a pas été retenue à l'issue des procédures d'appel d'offres qui se sont déroulées en mars, avril mai et juin 2015.
Il ressort de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, que la brutalité de la rupture résulte de l'absence de préavis écrit ou de l'insuffisance de la durée de ce préavis au regard des relations commerciales antérieures. L'évaluation de la durée du préavis à accorder est fonction de toutes les circonstances de nature à influer son appréciation au moment de la notification de la rupture, notamment de l'ancienneté des relations, du volume d'affaires réalisé avec l'auteur de la rupture, du secteur concerné, de l'état de dépendance économique de la victime et du temps nécessaire pour retrouver un partenaire sur le marché de rang équivalent.
C'est à tort que le tribunal a, pour débouter la société XHS Service de ses demandes, considéré que le préavis réel dont elle a bénéficié a été de 6 mois au motif qu'il a pris fin avant le début annoncé du premier match annoncé de la saison suivante, le 15 août 2015, alors que les relations entre les parties ont pris fin le 23 mai 2015.
Il n'est pas contesté que le pourcentage de volume d'affaires réalisé par l'appelante avec l'intimée était d'environ 90 %, XHS Service ne pouvant toutefois arguer de l'état de dépendance économique dans lequel elle se trouvait vis à vis de la société Stade Malherbe Caen, aucune clause d'exclusivité n'étant prévue au contrat, alors qu'il lui appartenait, le cas échéant, de diversifier son activité auprès d'autres partenaires commerciaux, ce qu'elle justifie d'ailleurs avoir fait lors de divers événement locaux.
L'appelante soutient par ailleurs de manière inopérante que le caractère saisonnier de l'activité commerciale de la société du Stade Malherbe imposait que le préavis lui soit délivré au cours de la saison précédente et qu'il aurait dès lors dû être d'une durée de 13 mois, la fin des relations commerciales pouvant être notifiée à l'intersaison pourvu que le préavis soit d'une durée suffisante.
Ainsi, au vu de ce qui précède et de l'ancienneté de la relation ayant existé entre les parties, il convient de dire que la durée du préavis dont a bénéficié la société KHS Service est insuffisante et que celui-ci aurait dû être d'une durée de 6 mois.
Il s'ensuit que la rupture des relations commerciales a été brutale au sens du texte précité, seul un préavis de 3 mois lui ayant été accordé.
Sur le préjudice
Les parties s'accordent, sur l'assiette du préjudice indemnisable, et sur le fait que celui-ci correspond à la perte de marge brute à laquelle la société XHS Service pouvait prétendre.
Celui-ci sera évalué sur la base des trois derniers exercices de la société.
Il résulte des pièces comptables non contestées, qu'il s'établit comme suit :
71 551+ 96 611+97 134/3=88 432 euros.
Compte tenu du fait que la société aurait dû bénéficier d'un préavis de 6 mois alors que celui accordé par la Société Stade Malherbe n'a été que de 3 mois, le préjudice auquel elle peut prétendre s'élève à la somme de :
88 432/3= 29 477,33 euros.
La société Stade Malherbe Caen sera condamnée au paiement de cette somme.
L'appelante ne verse aux débats aucune pièce de nature à justifier de ses demandes formulées au titre du préjudice moral consécutif à la rupture brutale.
Sur les autres demandes
Le sens de la présente décision conduit la cour à infirmer les dispositions du jugement sur les frais irrépétibles et les dépens.
Ainsi, la société Stade Malherbe Caen sera condamnée à payer la somme de 6 000 euros à la société XHS Service au titre des frais irrépétibles.
Elle sera en outre condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
Par ces motifs LA COUR, Infirme le jugement en toutes ses dispositions, statuant à nouveau : Condamne la société anonyme sportive professionnelle Stade Malherbe Caen Calvados Basse Normandie à payer à la société XHS, la somme de 29 477,33 euros, Déboute les parties du surplus de leurs demandes, Condamne la société anonyme sportive professionnelle Stade Malherbe Caen Calvados Basse Normandie à payer à l'appelante, la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, La Condamne aux dépens de première instance et d'appel.