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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 26 juin 2019, n° 17-18619

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Lidl (SNC)

Défendeur :

Rungis Market (SARL), ARG Distributions (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bedouet

Conseillers :

Mmes Comte, Schaller

Avocats :

Mes Kong Thong, Codevelle, Claisse, Eberlin

T. com. Créteil, du 11 juill. 2017

11 juillet 2017

FAITS ET PROCÉDURE

La société Lidl est une société de grande distribution alimentaire et de produits de petit électroménager et de bricolage. Elle exploite sur le territoire français une chaîne de supermarchés de près de 1 500 magasins.

La société Lidl distribue des produits alimentaires sous diverses marques détenues par la société Lidl Stiftung.

Les produits dit de marque Lidl sont en principe destinés à être distribués dans les seuls magasins sous enseigne Lidl, à l'exception de quelques distributions ponctuelles, notamment dans les épiceries de quartier à un prix supérieur à celui pratiqué en magasin Lidl.

La société Rungis Market exploite un magasin de déstockage situé à Rungis. La société ARG Distributions exerce une activité de grossiste essentiellement alimentaire, et fournit à ce titre la société Rungis Market.

La société Lidl fait grief à la société Rungis Market d'avoir commercialisé, notamment courant juillet 2014, un important volume de produits de marques Lidl, surgelés, frais et en conserves, impropres à la vente, acquis illicitement et vendus à perte.

La société Lidl a sollicité le 1er septembre 2014 l'autorisation du président du tribunal de commerce de Créteil de faire procéder à un constat sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile.

Les opérations de constat ont été réalisées le 25 septembre 2014. La société Rungis Market a alors déclaré avoir acquis les produits litigieux auprès de la société Sofrilog qui assure le stockage et l'entreposage frigorifiques des produits de marque Lidl.

La société Lidl a alors adressé un courrier du 13 octobre 2014 mettant en demeure la société Rungis Market de lui communiquer le nom des sociétés auprès desquelles elle s'approvisionne en produit Lidl, laquelle est restée infructueuse.

Elle a adressé également à la société Sofrilog, le 5 novembre 2014, une lettre de mise en demeure de s'expliquer sur les déclarations de la société Rungis Market selon lesquelles elle se serait fournie auprès d'elle en produits de marque Lidl. Par courrier du 12 novembre 2014, la société Sofrilog a nié les faits allégués.

Par acte du 31 décembre 2014, la société Lidl a assigné devant le tribunal de commerce de Créteil la société Rungis Market, et par acte du 9 mai 2016, elle a assigné en intervention forcée la société ARG Distributions, en réparation du préjudice subi en raison des actes de concurrence déloyale.

Par jugement du 11 juillet 2017, le tribunal de commerce de Créteil a :

- condamné solidairement les sociétés Rungis Market et ARG Distributions à payer à la société Lidl la somme de 5 000 euros et débouté la société Lidl du surplus de sa demande,

- dit n'y avoir lieu à la communication des documents saisis lors des opérations de constat du 25 septembre 2014 ou tout autre document établissant les noms des fournisseurs des produits Lidl incriminés ainsi que les quantités achetées,

- interdit la vente des produits Lidl dont le caractère illicite de l'acquisition a été démontré et ce, sous astreinte de 100 000 euros par infraction constatée à compter du 30e jour suivant la signification de la présente décision et ce, pendant une période de 3 mois à l'issue de laquelle, le cas échéant, il sera fait à nouveau droit,

- s'est réservé la faculté de liquider l'astreinte,

- débouté la société Lidl de ses demandes de publication dans la presse du jugement à intervenir,

- débouté les sociétés Rungis Market et ARG Distributions de l'ensemble de leurs demandes reconventionnelles,

- condamné solidairement les sociétés Rungis Market et ARG Distributions à payer à la société Lidl la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, débouté la société Lidl du surplus de sa demande et débouté les sociétés Rungis Market et ARG Distributions de leurs demande de ce chef,

- ordonné l'exécution provisoire de ce jugement sous réserve qu'en cas d'appel, il soit fourni par le bénéficiaire une caution bancaire égale au montant de la condamnation prononcée à son profit,

- condamné la partie défenderesse aux dépens.

La société Lidl a formé appel devant la présente cour par déclaration au greffe du 9 octobre 2019.

La clôture a été ordonnée le 14 mai 2019.

Vu les conclusions du 6 juillet 2018 par lesquelles la société Lidl, appelante, invite la cour, au visa des articles 1240 du Code civil, L. 442-2 et L. 444-4 du Code de commerce, à :

- constater que la société Rungis Market et la société ARG Distributions ont acquis illicitement des produits Lidl,

- constater que la société Rungis Market et la société ARG Distributions ont revendu à perte des produits Lidl,

- constater que les produits Lidl commercialisés par la société Rungis Market et la société ARG Distributions étaient impropres à la vente,

- constater que la société Rungis Market et la société ARG Distributions ont désorganisé le réseau de distribution mis en place par elle,

- constater que la société Rungis Market et la société ARG Distributions ont porté atteinte à son image,

En conséquence,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Rungis Market et la société ARG Distributions de l'ensemble de leurs demandes reconventionnelles,

- infirmer pour le surplus,

Statuant à nouveau,

- condamner solidairement la société Rungis Market et la société ARG Distributions à lui payer la somme de 50 000 euros, en réparation du préjudice subi,

- ordonné à la société Rungis Market et à la société ARG Distributions de lui communiquer tout document, notamment factures, établissant les noms des fournisseurs des produits Lidl ainsi que les quantités achetées, sous astreinte de 100 euros par infraction constatée et par jour de retard à l'expiration d'un délai de 10 jours suivant la signification de la décision à intervenir ;

- interdire à la société Rungis Market et à la société ARG Distribution d'offrir en vente et de vendre des produits Lidl acquis illicitement, sous astreinte de 100 euros par infraction constatée et par jour de retard à l'expiration d'un délai de 10 jours suivant la signification de la décision à intervenir,

- dire que la cour se réservera la liquidation de l'astreinte conformément aux dispositions de l'article 35 de la loi du 9 juillet 1991,

- ordonné la publication de la décision à intervenir, aux frais de la société Rungis Market ou de la société ARG Distributions, dans 5 journaux de son choix, à concurrence de 4 500 euros HT par insertion, et ce, au besoin, à titre de dommages et intérêts complémentaires,

- condamné solidairement la société Rungis Market et la société ARG Distributions à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et au remboursement des frais de constats réalisés les 25 septembre et 24 novembre 2014,

- condamné la société Rungis Market et la société ARG Distributions aux entiers dépens de la première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile,

Vu les conclusions du 30 avril 2019 par lesquelles la société Rungis Market et de la société ARG Distributions demandent à la cour, au visa des articles L. 420-1, L. 442-6, I, 6°, 2-6 III, D. 442-3 du Code de commerce, 9, 12 du Code de procédure civile, et 1240 du Code civil, de :

Statuant à nouveau,

- dire que les demandes principales de la société Lidl à leur égard doivent être requalifiées comme sollicitant l'application de l'article L. 442-6, I, 6° du Code de commerce,

- dire que le tribunal de commerce de Paris est compétent pour juger les demandes de la société Lidl tant à l'égard de la société Rungis que de la société ARG Distributions,

- infirmer le jugement du 11 juillet 2017 en ce que le tribunal de commerce de Créteil s'est déclaré compétent pour connaître des demandes de la société Lidl,

- renvoyer la société Lidl à se pourvoir devant le tribunal de commerce de Paris,

A titre subsidiaire,

- constater que la preuve de revente de produits à pertes n'est pas apportée,

- constater que la preuve de la commercialisation de produits impropre à la vente n'est pas apportée,

- constater que la preuve de la désorganisation d'un réseau de distribution n'est pas apportée,

- constater que la preuve d'un détournement de clientèle n'est pas apportée,

- constater que la preuve d'une désorganisation du système de distribution de la société Lidl n'est pas apportée,

En conséquence,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté ces moyens,

Statuant à nouveau,

- constater que le tribunal de commerce de Créteil a inversé la charge de la preuve en faisant grief à la société ARG Distributions de ne pas avoir apporté la preuve de la licéité de ses approvisionnements,

- constater que la société Lidl ne rapporte pas la preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité pour rechercher leur responsabilité,

En conséquence,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il les a condamnées in solidum au paiement de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- dire la société Lidl mal fondée en ses demandes,

- débouter la société Lidl de l'ensemble de ses demandes à leur égard,

Infirmation partielle sur leurs demandes reconventionnelles,

Statuant à nouveau,

- constater que la société Lidl a agi à leur encontre des sociétés Rungis Market et ARG Distributions dans le seul but de leur nuire et ainsi éliminer ce qu'elle considère être un concurrent,

- dire que la société Lidl est responsable des préjudices subis par elles,

- condamner la société Lidl à payer à la société Rungis Market la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner la société Lidl à payer la somme de 1 000 euros à titre d'amende civile,

- ordonner la publication de la décision à intervenir, aux frais de la société Lidl, dans 5 journaux au choix de la société Rungis Market, à concurrence de 4 500 euros par insertion,

- ordonner la publication de la décision à intervenir, aux frais de la société Lidl, dans 5 journaux au choix de la société ARG Distributions, à concurrence de 4 500 euros par insertion,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit à la demande de la société Lild d'interdiction de vente de ses produits,

- débouter la société Lidl de cette demande,

En tout état de cause,

- condamner la société Lidl à leur payer chacune la somme de 10 000 euros en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Lidl à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel ;

SUR CE, LA COUR,

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

En application de l'article 954 alinéa 2 du Code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Sur la compétence du tribunal de commerce de Créteil

Les sociétés Rungis Market et AGR Distributions font valoir qu'en application des articles L. 442-6, I, 6°, L. 442-6, III et D. 442-3 du Code de commerce le tribunal saisi n'était pas compétent.

Elles estiment en effet que le litige porte sur la violation d'un réseau de distribution sélective ou exclusive, pour lequel seul le tribunal de commerce de Paris est compétent conformément aux articles susvisés. Elles soutiennent qu'en vertu de l'article 12 du Code de procédure civile, le réseau de distribution dit " spécifique " de la société Lidl doit s'analyser en un réseau de distribution sélective ou exclusive.

En réplique, la société Lidl fait valoir qu'elle n'invoque aucunement la violation d'un réseau de distribution sélective ou exclusive, affirmant ne jamais avoir mis en place un tel réseau, mais fait grief aux intimés d'avoir acquis et revendu illicitement des produits Lidl impropres à la vente, nuisant ainsi à son image, détournant sa clientèle et entraînant la désorganisation de son système de distribution. Elle explique que ces faits sont de nature à engager la responsabilité des sociétés Rungis Market et ARG Distributions sur le fondement de l'article 1240 du Code civil. Partant elle en déduit que le tribunal de commerce de Créteil était bien compétent pour statuer sur ses demandes.

Contrairement à ce que soutiennent les sociétés Rungis Market et AGR Distributions, la société Lidl n'invoque pas son réseau de distribution exclusif ou sélectif, puisqu'elle explique ne pas avoir mis en place un tel réseau. Les sociétés Rungis Market et AGR Distributions n'invoquant que les dispositions des articles L. 442-6, I, 6°, L. 442-6, III et D. 442-3 du Code de commerce pour contester la compétence du tribunal de commerce de Créteil, mais pas comme défense au fond, le présent litige ne relève dès lors pas desdites dispositions, de sorte que le tribunal de commerce de Créteil est compétent pour statuer sur les demandes de la société Lidl.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il s'est déclaré compétent pour trancher le litige.

Sur les actes de concurrence déloyales des sociétés Rungis Market et ARG Distributions

La société Lidl soutient que les sociétés Rungis Market et AGR Distributions revendaient les produits Lidl litigieux à des prix inférieurs à ceux proposés dans les magasins sous enseigne Lidl en violation de l'interdiction édictée à l'article L. 422-2 [sic] du Code de commerce. Elle précise que la société Rungis Market ne saurait soutenir que les dispositions de l'article L. 442-2 du Code de commerce excluent les produits alimentaires, dès lors que l'exception formulée au 5° de cet article ne concerne que les produits alimentaires commercialisés dans un magasin d'une surface de moins de 300 m² ou dans un magasin d'une surface de vente de moins de 1 000 m² dont le prix de revente est aligné sur le prix légalement pratiqué pour les mêmes produits par un autre commerçant dans la même zone d'activité. Elle explique aussi que le système de distribution mis en place au sein de son réseau empêche que les produits de marque Lidl ne soient distribués dans d'autres magasins que les magasins Lidl, sauf à ce qu'un commerçant se fournisse ponctuellement en produits dans un de ses magasins pour les revendre ensuite. Elle en déduit que le simple fait de revente à perte permet de caractériser l'acquisition illicite des produits. Elle en déduit qu'en s'approvisionnant de manière illicite en produits de marque Lidl et les revendant à des prix égaux ou inférieurs à ceux pratiqués au sein du réseau Lidl, les intimées ont détourné une partie de sa clientèle à leur profit. En vendant les produits Lidl, les sociétés intimées ont, selon elle, nécessairement ciblé la clientèle Lidl. Elle soutient aussi que les conditions de commercialisation des produits Lidl au sein du magasin Rungis Market vont à l'encontre de son image auprès des consommateurs, ce qui cause nécessairement une atteinte à son image. Elle souligne que les produits litigieux étaient refusés par les clients de la société Lidl ou bien abîmés. Elle indique donc que si elle refuse les produits c'est précisément en raison de leur caractère impropre à la vente. Elle en conclut que c'est donc à tort que le tribunal de commerce de Créteil a jugé que le caractère impropre à la vente des produits incriminés n'était pas établi.

La société Rungis Market affirme avoir apporté son meilleur concours pour faire la lumière sur ce dossier en impliquant directement son propre fournisseur la société ARG Distribution dès les premiers constats diligentés par la société Lidl. Elle explique que la société Lidl ne démontre pas avoir un réseau exclusif de distribution, ni a fortiori sa licéité, de sorte que l'approvisionnement auprès de la société Sofrilog n'est pas illicite. En outre, elle soutient que le contrat conclu entre la société Lidl et Sofrilog est terminé de sorte qu'il ne peut en être déduit une interdiction de vente aux tiers. Enfin, les intimées font valoir qu'il revient à la société Lidl de démontrer qu'elles connaissaient le caractère illicite au moment des faits d'un tel approvisionnement, mais que ce n'est pas le cas. Elles soutiennent en outre que société Lidl n'a jamais démontré qu'elle commercialisait elle-même ces produits, ni qu'elle détenait l'exclusivité d'exploitation en France de ces produits, qui ne sont pas commercialisés sous une marque " Lidl " mais sous différentes marques qui ne lui appartiennent pas. Elles allèguent que la société Lidl ne démontre pas non plus le caractère désorganisé de son réseau de distribution. Elles relèvent qu'aucun élément produit aux débats ne permet de démontrer que la société Rungis Market aurait ciblé d'une manière quelconque la clientèle de la société Lidl. Elles précisent que la marque " Lidl " ou les marques dont la société Lidl revendique l'exclusivité ne sont jamais mises en avant ni à l'intérieur ni à l'extérieur du magasin et qu'aucune démarche active n'est rapportée ou invoquée. Elles contestent donc avoir détourné la clientèle de la société Lidl.

Sur l'acquisition illicite des produits et leur revente à perte

Il est constant que les produits litigieux sont authentiques et que la société Lidl n'a pas de réseau de distribution exclusif ou sélectif pour commercialiser les produits des marques détenues par la société Lidl Stiftung. Les sociétés Rungis Market et AGR Distributions communiquent une facture de la société Sofrilog pour démontrer l'origine des produits litigieux. Si cette dernière conteste les faits dans un courrier adressé à la société Lidl, elle ne s'explique pas sur les produits ayant fait l'objet de la facture communiquée par la société AGR Distributions, de sorte qu'il y a lieu de considérer que les intimées établissent l'origine des produits litigieux.

Dans ces conditions, elle ne peut reprocher aux sociétés Rungis Market et AGR Distributions une acquisition illicite de ses produits, ceux-ci étant commercialisés en dehors de tout réseau de distribution sélective ou exclusive et le distributeur indépendant s'approvisionnant auprès d'un tiers, comme en l'espèce, en produits relevant d'un réseau non spécialement exclusif ou sélectif. Dans ces conditions, le distributeur ne commet pas, en dehors d'autres éléments, un acte de concurrence déloyale.

En outre, la société Lidl ne fait pas état des clauses contractuelles spécifiques du contrat la liant à la société Sofilog que les intimées auraient aidé à violer ni que celles-ci avaient connaissance de ces clauses. En tout état de cause, les éventuelles obligations contractuelles imposées par la société Lidl à certains de ses cocontractants ne peuvent être opposables aux intimées, celles-ci n'étant pas parties à ce contrat, et leur éventuelle violation ne pouvant leur être reprochées.

Enfin, la preuve de la vente à perte n'est pas démontrée, la facture produite démontre que le coût d'achat est inférieur au prix de revente, la seule circonstance que le prix de vente est inférieur à celui de ses magasins Lidl ne peut suffire à caractériser la vente à perte par la société Rungis Market au sens de l'article L. 422-2 [sic] du Code de commerce.

Les premiers griefs de la société Lidl à l'égard des intimées ne sont donc pas établis.

Sur le caractère impropre à la consommation des produits

La seule déclaration de la société Rungis Market dans le cadre des opérations de constat selon laquelle " Tous les deux mois environ, un acheteur est envoyé sur la plateforme de la société Sofrilog (...) qui stocke des produits refusés par leurs clients, ou bien abîmés dans leurs entrepôts, dans des chariots " ne peut suffire à démontrer le caractère impropre à la vente des produits puisque le refus par les clients n'est pas en soi un critère, tout comme la dégradation du produit peut signifier simplement celle de l'emballage, ce qui n'empêche pas la vente.

Ces autres griefs de la société Lidl à l'égard des intimées ne sont là encore pas établis.

Sur le détournement de clientèle

Les seules manœuvres déloyales reprochées par la société Lidl pour caractériser le détournement de clientèle sont la vente à perte ou par un procédé illicite de sorte que les fautes ne peuvent être retenues, puisque ces griefs ont déjà été rejetés supra.

Ce grief de la société Lidl à l'égard des intimées n'est ainsi pas constitué.

Sur l'atteinte à l'image de la société Lidl

Il convient de relever que la société Rungis Market n'a pas communiqué sur les marques des produits qu'elle commercialisait.

Elle ne peut reprocher la vente de produits abîmés et qui n'ont pas vocation à être vendus par ses magasins Lidl, la vente de ces produits sous forme de déstockage à un coût inférieur ne pouvant caractériser une atteinte à son image, le positionnement des deux magasins étant différent, ces produits n'étant pas spécialement identifiés par la société Rungis Market comme étant des produits Lidl à destination des consommateurs et aucune confusion n'est établie entre la société Rungis Market et la société Lidl. Les conditions de la commercialisation de ces produits n'est donc pas fautive et de nature à porter atteinte à son image. Au surplus, la société Lidl ne démontre pas que le consommateur fait le lien entre lesdits produits et elle, la notoriété et l'origine de ces marques comme étant celles de la société Lidl n'étant pas plus démontrée.

Ce dernier grief de la société Lidl à l'égard des intimées n'est dès lors pas caractérisé.

Il y a donc lieu de rejeter l'ensemble des demandes de la société Lidl.

Sur la demande reconventionnelle des sociétés Rungis Market et AGR Distributions

En application des dispositions de l'article 32-1 du Code de procédure civile, l'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou s'il s'agit d'une erreur grave équipollente au dol. L'appréciation inexacte qu'une partie se fait de ses droits n'est pas constitutive en soi d'une faute.

Les sociétés Rungis Market et AGR Distributions ne rapportent pas la preuve de ce que l'action de la société Lidl aurait dégénéré en abus. Elles doivent être déboutées de leur demande de dommages intérêts et de publication de la décision. Le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à réformer le jugement déféré sur le sort des dépens et des frais irrépétibles.

La société Lidl doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, ainsi qu'à payer à chacune la somme de 10 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du Code de procédure civile formulée par la société Lidl.

Par ces motifs LA COUR, Confirme le jugement sauf en ce qu'il a : condamné solidairement les sociétés Rungis Market et ARG Distributions à payer à la société Lidl la somme de 5 000 euros et débouté la société Lidl du surplus de sa demande, cnterdit la vente des produits Lidl dont le caractère illicite de l'acquisition a été démontré et ce, sous astreinte de 100 000 euros par infraction constaté à compter du 30ème jour suivant la signification de la présente décision et ce, pendant une période de 3 mois à l'issue de laquelle, le cas échéant, il sera fait à nouveau droit, s'est réservé la faculté de liquider l'astreinte, condamné solidairement les sociétés Rungis Market et ARG Distributions à payer à la société Lidl la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, débouté la société Lidl du surplus de sa demande et débouté les sociétés Rungis Market et ARG Distributions de leurs demande de ce chef, condamné la partie défenderesse aux dépens ; Statuant à nouveau ; Déboute la société Lidl de l'ensemble de ses demandes ; Condamne la société Lidl aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, ainsi qu'à payer à chacune la somme de 10 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette toute autre demande.