CA Saint-Denis de la Reunion, ch. com., 26 juin 2019, n° 17-00135
SAINT-DENIS DE LA RÉUNION
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Prasarana (Sasu)
Défendeur :
Pages Jaunes Outre-Mer (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Karrouz
Conseillers :
Mmes Cros, Flauss
Avocats :
Mes Baillif, Chassard, Quenet
LA COUR
Par acte sous seing privé du 14 septembre 2015, la SA Pages Jaunes Outre-Mer (la société Pages Jaunes) a confié à la Sasu Prasarana un mandat d'agent commercial expirant le 31 juillet 2016 et consistant notamment en la conclusion de ventes, pour le compte de la mandante, de publicités sur les annuaires imprimés ou digitaux.
Par courrier du 30 avril 2016, la SA a unilatéralement résilié le contrat ;
Estimant que la SA avait abusivement rompu le mandat, la Sasu a, par acte d'huissier du 21 juillet 2016, saisi le tribunal mixte de commerce de Saint Denis aux fins de voir condamner, avec exécution provisoire, la société Pages Jaunes à lui verser, outre les dépens, les sommes suivantes :
. 346 euros TTC au titre des commissions dues entre le 14 septembre 2015 et le 30 avril 2016 ;
. 2 637,75 euros TTC au titre de sa commission spéciale prévue point 1.2 de l'annexe B au mandat ;
. 2 170 euros TTC au titre de la prime prévue point 1.3 de l'annexe B ;
. 12 217,10 euros TTC au titre de la perte des commissions qui lui auraient été versées jusqu'au terme du contrat ;
. 25 321,53 euros TTC à titre d'indemnité de fin de contrat ;
. 5 000 euros au titre du préjudice moral ;
. 14 800 euros au titre des préjudices matériels et financiers ;
. 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Par jugement réputé contradictoire du 13 janvier 2017, le tribunal mixte de commerce de Saint Denis, jugeant que les préjudices invoqués n'étaient pas démontrés, a rejeté l'ensemble des demandes formées par la Sasu et l'a condamnée aux dépens.
Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion du 21 janvier 2017, la Sasu a formé appel du jugement.
La Sasu sollicite de la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
- rejeter toutes les demandes et prétentions de la société Pages Jaunes,
- constater la rupture anticipée et abusive du contrat d'agent commercial par la société Pages Jaunes, et en conséquence :
A titre principal,
- condamner la société Pages Jaunes à lui payer la somme de 654,63 euros HT soit 710,27 euros TTC au titre des commissions d'un taux de 4,25 % dues sur le chiffre d'affaire produit par les contrats qui ont été signés par son intermédiaire entre le 14 septembre 2015 et le 30 avril 2016,
- condamner la société Pages Jaunes à lui payer la somme de 1 234,01 euros HT soit 1 338,90 euros TTC au titre de la commission spéciale prévue au point 1.2 de l'Annexe B du contrat d'agent commercial,
- condamner la société Pages Jaunes à lui payer la somme de 2 000 euros HT soit 2 170 euros TTC au titre de la prime prévue au point 1.3 de l'Annexe B du contrat d'agent commercial,
- condamner la société Pages Jaunes à lui payer la somme de 200 euros HT soit 217 euros TTC au titre de la prime prévue au point 1.4 de l'Annexe B du contrat d'agent commercial,
- condamner la société Pages Jaunes à lui payer la somme de 11 260 euros HT soit 12 217,10 euros TTC à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice que lui cause la perte des commissions qui lui auraient été versées jusqu'au terme du contrat,
- condamner la société Pages Jaunes à lui payer la somme de 24 397,96 euros, à la société Prasarana à titre d'indemnité de fin de contrat en réparation du préjudice résultant de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune,
- condamner la société Pages Jaunes à lui payer une indemnisation forfaitaire d'un montant de 5 000 euros au titre du préjudice moral subi,
- condamner la société Pages Jaunes à lui payer la somme de 14 800 euros au titre des préjudices matériels et financiers subis,
A titre infiniment subsidiaire,
- condamner la société Pages Jaunes à lui payer la somme de 11 914,62 euros HT soit 12 927,36 euros TTC à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice que lui cause la perte des commissions qui lui auraient été versées jusqu'au terme du contrat,
- condamner la société Pages Jaunes à lui payer la somme de 16 220,68 euros à titre d'indemnité de fin de contrat en réparation du préjudice résultant de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune,
- condamner la société Pages Jaunes à lui payer une indemnisation forfaitaire d'un montant de 5 000 euros au titre du préjudice moral subi,
- condamner la société Pages Jaunes à lui payer la somme de 14 800 euros au titre des préjudices matériels et financiers subis,
En tout état de cause,
- condamner la société Pages Jaunes à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Pages Jaunes aux entiers frais et dépens, y compris ceux de première instance.
La Sasu fait valoir que, par courrier du 30 avril 2016, la société Pages Jaunesa abusivement rompu le contrat de mandat d'agent commercial à durée déterminée les liant. Elle expose que les fautes invoquées par la société Pages Jaunes à son encontre sont inexistantes et que celle-ci est de mauvaise foi. Elle demande en conséquence l'octroi des émoluments prévus au contrat au regard du chiffre d'affaires réalisé, l'indemnisation de son préjudice résultant de la perte de ses commissions pour l'avenir, de son préjudice moral, de son préjudice matériel et financier né des investissements réalisés pour l'activité commerciale.
La société Pages Jaunes demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les prétentions de la Sasu ;
- la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Y ajoutant,
- la condamner en 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et en tous les dépens.
La société Pages Jaunes soutient que la Sasu a manqué à ses obligations de prospection et de loyauté au point de compromettre irrémédiablement le portefeuille de clients qui lui était confié et que cette faute grave justifiait la rupture du contrat. En particulier, elle expose que l'activité de la Sasu était radicalement insuffisante rendant impossible la poursuite du contrat. Elle relève que la Sasu n'établit pas la réalité des chiffres dont elle se prévaut.
Subsidiairement, elle souligne que l'indemnité compensatrice n'est pas due en cas de faute grave, que la Sasu ne disposait d'aucun droit de bénéficier à l'avenir de sa clientèle et que les parties ont convenu de limiter le montant de l'indemnité de fin de contrat, sans que le caractère abusif de cette clause ne soit démontré et sans cumul possible avec l'indemnité prévue à l'article L. 132-12 du Code de commerce.
MOTIFS DE LA DECISION
Vu les dernières conclusions de la Sasu Prasarana du 9 août 2017 et celles de la SA Pages Jaunes Outre-Mer du 18 janvier 2018 auxquelles la cour se réfère expressément pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties ;
Vu l'ordonnance de clôture du 19 mars 2018 ;
Sur le caractère abusif de la rupture du contrat d'agent commercial de la Sasu.
En application des dispositions de l'article 1184 du Code civil dans sa version antérieure au 1er octobre 2016, la gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'autre partie y mette fin de manière unilatérale à ses risques et périls.
En l'espèce, la société Pages Jaunes se prévaut de la faute grave commise par la Sasu consistant à ne pas avoir prospecté avec diligence le portefeuille de clientèle lui ayant été confié et les nouveaux clients potentiels au point de mettre en danger ce portefeuille.
Le " contrat d'agent commercial libre " signé entre la société Pages Jaunes et la Sasu prévoit que
" L'Agent s'engage à l'égard de Pages Jaunes Outre-mer à : / a) Faire tout ce qui est en son pouvoir pour réaliser les objectifs qui lui sont fixés en annexe A aux présentes, et en général pour développer et encourager la vente des espaces publicitaires des annuaires du groupe Pages Jaunes. / b) Visiter la clientèle existante ou potentielle. [...] / e) Transmettre immédiatement à Pages Jaunes Outre-mer les ordres recueillis auprès de la clientèle, ainsi que les règlements correspondants (espèces, chèques, effets, prélèvements...) / f) Suivre les dossiers litigieux et contribuer activement au recouvrement des créances Pages Jaunes sur la clientèle. ".
L'annexe A mentionne un portefeuille de 148 clients à prospecter, représentant un chiffre d'affaires de 417 766 euros avec l'objectif de le porter à la somme de 4261 21 euros en fin de contrat.
Le contrat "est conclu pour une durée déterminée débutant la 14 septembre 2015 et se terminant trente jours après la date de " forclusion " fixée par les Pages Jaunes Outre-mer pour l'Edition 2016 des annuaires du groupe Solocal du département de la Réunion ", soit le 31 juillet 2016.
Par courrier du 31 mars 2016, la société Pages Jaunes a informé M. X, dirigeant de la Sasu qu'" un terme serait mis à la relation commerciale à la fin du mois d'avril si le volume des ventes n'évoluait pas sensiblement au cours des trois prochaines semaines ". Elle y expose que " nous vous avons confié un portefeuille représentant un chiffre d'affaires d'un montant de 398 677 euros, or, à la date, seuls 111 220 euros ont été produits, soit 28 % après six mois de prospection. Notre campagne commerciale se terminant en juin 2016, soit dans trois mois, il vous reste encore 72 % du Chiffre d'Affaires à produire. Cela représente un réel risque pour nos clients s'ils ne sont pas visités dans le délai imparti ".
Par courrier du 29 avril 2016, la société Pages Jaunes a résilié le contrat la liant à la Sasu en indiquant " Un mois plus tard, vous avez produit un CA total de 140 256 , soit 35 % du portefeuille confié. Nous notons également qu'à ce jour, seuls 34 des 147 clients confiés ont été produits, et ce, à 2 mois de la fin de notre prospection. Votre avancement étant nettement insuffisant, nous vous informons de notre décision de mettre fin dès ce jour à votre mandat d'agent commercial pour le motif suivant : Fort risque commercial de ne pas renouveler les clients confiés dans les délais impartis. Cette situation met en risque la société Pages Jaunes Outre-mer vis-à-vis de ses clients ".
A titre liminaire, la cour relève que le contrat d'agent commercial de la Sasu stipule des objectifs de fin de contrat, sans impartir contractuellement d'objectifs intermédiaires à l'agent.
En outre, il est rappelé que l'agent commercial est tenu à une obligation de moyens et de diligence au regard des objectifs qui lui sont impartis.
Enfin, le contrat prévoit que "l'agent prospecte à son gré le portefeuille confié conformément à l'Annexe A et organise ses tournées de manière indépendante. [...] ".
1/ Il s'en déduit que le seul fait que la Sasu ait, en cours de contrat, réalisé un chiffre d'affaires peu important au regard des objectifs de fin de contrat n'est pas de nature à caractériser une faute grave de celle-ci, avant l'échéance du contrat, l'agent commercial n'étant en outre tenu qu'à une obligation de moyens ;
En l'espèce, si l'on se réfère aux chiffres cités par la société Pages Jaunes dans son courrier de résiliation, contestés à hauteur de 14 131 euros, la Sasu avait réalisé au 29 avril 2016 un chiffre d'affaires de 140 256 euros correspondant à 35 % du portefeuille initialement confié.
Il convient néanmoins de relever que, par courrier de mise en demeure du 31 mars 2016, la SA a également retiré à la Sasu 99 979 euros du chiffre d'affaires représenté par le portefeuille de clientèle initialement confié.
Ainsi, le chiffre d'affaires de 140 256 euros équivaut aussi à 46 % du portefeuille de clientèle restant confié à la Sasu.
2/ Par ailleurs, la société Pages Jaunes affirme qu'eu égard à ses résultats, la Sasu était dans l'incapacité de renouveler les clients du portefeuille qui lui était confié alors que la campagne de prospection publicitaire pour Pages Jaunes Outre-mer s'achevait au 1er juillet 2016 (pièce 1 Pages Jaunes).
a- Au soutien de cette affirmation, la société Pages Jaunes se fonde sur un comparatif des résultats des différents commerciaux prospectant à la Réunion, Néanmoins, le tableau comparatif versé aux débats, lequel est établi par elle-même et non contradictoirement (pièce 24 SA), est contesté par la Sasu et ne peut valablement servir de preuve à la démonstration de la faute grave alléguée.
b- La société Pages Jaunes relève en outre qu'en dépit de plusieurs avertissements par le responsable des ventes et après mise en demeure, la Sasu s'est insuffisamment mobilisée pour rattraper son retard dans la prospection.
Cependant, il résulte des courriers du 31 mars 2016 et 29 avril 2016 que la Sasu avait postérieurement à sa mise en demeure considérablement augmenté le nombre de souscriptions du portefeuille de clientèle puisqu'elle était passée d'un taux de souscription des clients de 28 % à 35 %.
c- De plus, comme l'indique la Sasu, des clients importants, ayant contracté l'année précédente après le 30 avril, lui ont été retirés le 31 mars 2016.
Il résulte de la mise en relation du portefeuille de clientèle initialement confiée (pièce 5 Pages Jaunes) avec les fiches clients de 2015 (pièce 44 Sasu) que, parmi les 17 clients retirés du portefeuille de clientèle de la Sasu le 31 mars 2016 (pièce 29 Sasu), 7 sont répertoriés dans les extraits de fiches client (pièce 44 Sasu) comme ayant contracté postérieurement à la résiliation du contrat, représentant un chiffre d'affaires de 48 869 euros.
Par ailleurs, s'agissant de la répartition du nombre de ventes sur l'année, ce même examen comparatif révèle que 48 clients sur 148, soit 32 %, avaient signé leur engagement auprès des Pages Jaunes entre mai et juillet 2015. Ces clients représentent un chiffre d'affaires de 98 819 euros, soit 23 % du montant du chiffre d'affaires initialement confié en portefeuille.
Ainsi, au regard de ces éléments, la société Pages Jaunes échoue à démontrer que la Sasu n'aurait pas été en mesure d'atteindre, en fin de contrat, les objectifs lui ayant été impartis, notamment après réduction du volume de son portefeuille. Le non6renouvellement des clients confiés à la Sasu au 31 juillet 2016 reste ainsi hypothétique.
En conséquence de l'ensemble de ce qui précède, s'il se déduit des résultats de la Sasu à la date de résiliation du contrat que celle-ci a manqué à son obligation de diligence. Cependant la gravité de cette faute au regard des objectifs à atteindre seulement en fin de contrat n'est pas établie à la date de résiliation du contrat.
Par suite, la Sasu est fondée à soutenir que le contrat d'agent commercial du 14 septembre 2015 a été abusivement rompu.
Elle peut, dès lors, solliciter l'indemnisation des préjudices résultant de cette rupture et le versement d'une indemnité compensatrice de cette rupture telle que prévue à l'article 134-12 du Code de commerce.
Sur les demandes en paiement présentées par la Sasu Prasarana
Sur les demandes au titre de l'exécution du contrat
Sur les demandes au titre des commissions demeurées impayées
La Sasu ne conteste le montant du chiffre d'affaires de 140 256 euros réalisé au 29 avril 2016 que dans la mesure où il n'intègre pas la somme de 14 131 euros correspondant à une créance recouvrée auprès de la société Canal +.
Il s'infère cependant de l'annexe B au contrat d'agent commercial qu'une créance recouvrée relevant d'un exercice précédent ou d'un autre agent, telle en l'espèce, celle de Canal+, ne constitue pas " un chiffre d'affaires produit quels que soit les produits vendus " ouvrant droit à une commission de 4,25 % au sens de cette annexe.
Il s'ensuit que la somme de 14 131 euros correspondant au recouvrement de la facture Canal + au titre de l'exercice 2015 n'a pas à être prise en compte dans le calcul du chiffre d'affaires réalisé par la Sasu au titre de l'exercice 2016.
Par suite, la Sasu doit être déboutée de sa demande en condamnation de la société Pages Jaunes à lui verser la somme de 710 euros TTC au titre des commissions impayées.
La demande au titre de la commission spéciale de 18 %
L'annexe B prévoit une commission spéciale à partir de la réalisation de 94 % du chiffre d'affaires confié.
En l'espèce, la Sasu se réfère à des tableaux d'activité (pièce 37 et 42 Sasu) récapitulant, client par client, le montant du chiffre d'affaires réalisé et le comparant à celui de l'année précédente. En dernière page de la pièce 37, un calcul reprend pour l'ensemble des clients ayant souscrit un nouveau contrat le montant du chiffre d'affaire confié et celui réalisé. Y figure ainsi un montant de chiffre d'affaires réalisé de 128 227 euros et un montant de chiffre d'affaires confié de 138 694 euros. La montant du chiffre d'affaires réalisé étant inférieur à celui confié, la Sasu ne peut en déduire une augmentation de 108,16 %.
Ainsi, quelle que soit l'interprétation pouvant être faite de la clause de commission spéciale de 18 %, la Sasu échoue à démontrer l'existence d'une réalisation de 108,16 % qu'elle revendique. En se fondant sur les chiffres retenus par la Sasu, le taux global de réalisation est à l'inverse inférieur à 94 % puisqu'il s'établit à 92,25 %.
La demande en paiement à ce titre ne peut qu'être rejetée.
Les primes au titre de l'augmentation du nombre de clients
L'annexe B au contrat d'agent commercial prévoit :
- d'une part, une prime de 2 000 euros en fin de prospection dès lors que le nombre de clients réalisés est supérieur de 15 % au nombre de clients confiés.
- une prime à l'ordre pour chaque nouveau client dont le chiffre d'affaires est supérieur à 200 euros, de 20 euros si le nombre de ces nouveaux clients est inférieur à 28 et de 40 euros si le nombre de ces nouveaux clients est supérieur à 28.
La Sasu se prévaut ainsi de la mention " Ecart/Obj : 27,2 % " dans le récapitulatif des commissions établi par la société Pages Jaunes pour 2016, arrêté au 30 avril 2016, annexée à son courrier du 2 juin 2016 (pièce 36 Sasu).
Eu égard toutefois au nombre de clients ayant souscrit aux services de Pages Jaunes par l'intermédiaire de la Sasu, ce chiffre se lit comme un pourcentage du nombre de clients ayant souscrit auxdits services, non comme le pourcentage des clients ayant souscrit aux services en sus du portefeuille confié.
La Sasu n'est ainsi pas fondée à revendiquer le versement de la prime de 2 000 euros.
Par ailleurs, si la Sasu soutient que, pour bénéficier de la prime de 40 euros par nouveau client, il faut que le nombre de nouveaux clients représente 16 % des clients confiés, l'annexe B prévoit cependant une prime de 40 euros à compter de 28 clients, non à compter de la réalisation d'un pourcentage de nouveau clients/ clients confiés ayant été renouvelés.
Ainsi, c'est sur une lecture erronée des stipulations du contrat que la Sasu sollicite une réévaluation de sa prime au titre des nouveaux clients à la somme de 217 euros.
Enfin, si la Sasu énonce avoir apporté 9 nouveaux clients, et non 8, elle n'en apporte pas la preuve, le relevé annexé au courrier du 2 juin 2016 de la société Pages Jaunes faisant état de 8 nouveaux clients (pièce 36 Sasu).
Il s'ensuit que les demandes en paiement au titre des nouveaux clients doivent être rejetées.
Sur l'indemnité compensatrice
L'article 13 du contrat du 14 septembre 2015 stipule qu'" au terme du contrat, l'agent aura droit à une indemnité compensatrice du préjudice subi que les parties fixent d'un commun accord à un montant égal au montant total des commissions, hors taxes et hors frais, perçues par l'agent pendant la durée du présent contrat ".
L'article 134-12 du Code de commerce prévoit qu'" en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi. " L'article L. 314-16 [sic] du même Code précise qu'est réputée non écrite toute clause dérogeant, au détriment de l'agent commercial aux dispositions de cet alinéa.
Il s'en déduit que si le montant de l'indemnité compensatrice peut être contractuellement prévu, ce dernier ne peut avoir pour effet de limiter l'indemnisation du préjudice réellement subi par l'agent.
Ce préjudice, qui consiste en la perte pour l'avenir des revenus tirés de la clientèle commune, est estimé au regard des circonstances de l'espèce.
En l'espèce, le contrat entre la société Pages Jaunes, mandant, et la Sasu, mandataire, a été conclu pour une année. Le motif de la rupture du contrat étant lié à une productivité jugée insuffisante de la Sasu, l'affirmation de la Sasu suivant laquelle un nouveau contrat aurait pu être envisagé est hypothétique.
Aussi, s'il est d'usage d'allouer une indemnité compensatrice de rupture à l'agent équivalente à deux années de commissions, les circonstances de l'espèce ne le justifient pas, la cour ayant relevé une négligence imputable à la Sasu et le préjudice subi par l'agent du fait de la perte de la clientèle exploitée sera justement évalué aux commissions perçues pendant la durée du contrat.
Conformément au décompte des commissions établi lors de la rupture du contrat (pièce 22.3 SA), le montant total des commissions perçues pendant la durée du contrat s'établit à 8 110,34 euros.
En revanche, le décompte auquel la société Pages Jaunes se réfère pour alléguer du versement de ladite indemnité ne le démontre pas (pièce 22.3) et il est en outre démenti par le courrier du 2 juin 2016, adressé à la Sasu, auquel il est annexé, qui énonce " ...contrairement à ce qui a pu vous être indiqué par erreur, la résiliation anticipée du contrat d'agent commercial exclut le versement d'une indemnité de fin de contrat... ".
Il y a donc lieu de condamner la société Pages Jaunes à verser à la Sasu la somme de 8 110,34 euros et d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté cette demande.
Sur l'indemnisation de la perte des commissions jusqu'à l'échéance du contrat
Si la Sasu soutient que son préjudice au titre de la perte des commissions équivaut au montant des commissions sur le montant du chiffre d'affaires non encore réalisé au regard du chiffre d'affaire confié de 417 766 euros, le préjudice qu'elle invoque ne présente pas de caractère certain dès lors que la réalisation de la totalité du chiffre d'affaires confié est soumise à un aléa et à l'existence de diligences.
Aussi, le préjudice, tel que défini par la Sasu, au titre de la perte de ses commissions n'est pas démontré.
Sa demande indemnitaire à ce titre doit être rejetée.
Sur l'indemnisation du préjudice financier
La Sasu expose qu'elle a dû investir dans une moto pour accomplir les missions imparties par le contrat. Cependant, celle-ci, qui exerce librement son activité, n'établit pas de lien de causalité entre l'achat de ce véhicule et la rupture de son engagement avec la société Pages Jaunes. Sa demande en remboursement de ce véhicule, pour le montant inscrit au bilan de la Sasu, doit être rejetée.
La Sasu soutient en outre que l'annonce de recrutement d'un commercial élaborée par la société Pages Jaunes indiquait que l'activité engendrerait une rémunération annuelle de 45 000 à 90 000 euros mais qu'à l'inverse, elle a enregistré des pertes dans son activité.
L'appelante échoue toutefois à démontrer l'existence d'une faute de la société Pages Jaunes à avoir pu envisager cette fourchette de rémunération et, en l'absence de toute garantie de rémunération pour la Sasu, d'un préjudice résultant de cette évaluation, la rémunération étant liée à l'activité du commercial recruté. La demande indemnitaire en réparation du préjudice financier allégué doit ainsi être rejetée.
Sur l'indemnisation du préjudice moral
La Sasu affirme que la rupture contractuelle a préjudicié à son image auprès de ses clients potentiels mais n'apporte aucun élément de preuve au soutien de sa demande.
Aussi, seul le préjudice résultant du caractère abusif de la rupture sera indemnisé, lequel sera justement évalué à la somme de 1 500 euros.
Il ressort de ces motifs que le jugement entrepris doit être infirmé.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La société Pages Jaunes, qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel.
L'équité commande de condamner la société Pages Jaunes à verser à la Sasu la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel et en première instance.
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale, en dernier ressort par mise à disposition au Greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du Code de procédure civile, Infirme le jugement entrepris ; Et statuant à nouveau Dit que la société Pages Jaunes a rompu abusivement le contrat d'agent commercial la liant à la société Sasu ; Déboute la société Sasu de ses demandes au titre de l'arriéré de commissions ; Déboute la société Sasu de sa demande au titre de la commission spéciale de 18 % ; Déboute la société Sasu de sa demande au titre des primes ; Déboute la société Sasu de sa demande de dommages et intérêts au titre de la perte de commissions ; Déboute la société Sasu de sa demande au titre des préjudices matériels et financiers ; Condamne la SA Pages Jaunes Outre-Mer à verser à la société Sasu Prasarana une somme de 8 110,34 à titre d'indemnité compensatrice ; Condamne la SA Pages Jaunes Outre-Mer à verser à la société Sasu Prasarana une somme de 1 500 à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ; Condamne la SA Pages Jaunes Outre-Mer à verser à la société Sasu Prasarana la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la SA Pages Jaunes Outre-Mer aux dépens de première instance et d'appel.