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Décisions

Cass. 1re civ., 4 juillet 2019, n° 18-16.809

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Sanofi Pasteur Europe (SAS)

Défendeur :

Vigné, Caisse primaire d'assurance maladie du Lot

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Batut

Rapporteur :

Mme Duval-Arnould

Avocat général :

M. Sudre

Avocats :

SCP Gadiou, Chevallier, SCP Delamarre, Jehannin

Bordeaux, du 23 janvier 2018

23 janvier 2018

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, du 23 janvier 2018), que M. Vigné a reçu, en mars, avril et septembre 1996, trois injections du vaccin contre l'hépatite B, dénommé GenHevac B, produit par la société Sanofi Pasteur MSD (la société) ; qu'en avril 1997, il a présenté une sclérose en plaques dont il a imputé la survenue à la vaccination ; qu'après avoir sollicité une expertise en référé, il a, en 2009, assigné la société en responsabilité et indemnisation ;

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches : - Vu l'article 1147 du Code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016, et l'article 1382, devenu 1240 du Code civil, interprétés à la lumière des articles 4 et 6 de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux ;

Attendu que, selon l'interprétation des deux premiers textes, commandée par les deux suivants, le producteur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat, est responsable de l'inexécution de cette obligation en cas de dommage causé par son produit lorsqu'au moment où il l'a mis en circulation pour être vendu ou distribué, ce produit n'offrait pas la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s'attendre compte tenu de toutes les circonstances, et, notamment, de sa présentation, de l'usage qui pouvait en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation, et la preuve de l'existence d'un défaut du produit incombe au demandeur ;

Attendu que, pour retenir que le vaccin en cause est défectueux et imputer à la société la responsabilité de la survenue du dommage subi par M. Vigné, l'arrêt se fonde sur l'ajout, effectué en décembre 1996, au nombre des effets secondaires indésirables mentionnés dans la notice de ce produit et le dictionnaire Vidal, de l'éventualité d'une poussée de sclérose en plaques ainsi que sur l'arrêt, en 1998, par les pouvoirs publics de la campagne de vaccination contre l'hépatite B entreprise dans les collèges ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser le défaut du vaccin, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Sur le second moyen, pris en sa première branche : - Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Attendu que, pour admettre un lien de causalité entre la vaccination et la sclérose en plaques présentée par M. Vigné, l'arrêt se fonde sur le rapport d'expertise et retient que, s'il ne peut être affirmatif en l'état de la science sur le lien de causalité, il ne l'écarte pas complètement dès lors qu'il se borne à indiquer qu'il est très improbable, mais non impossible et mentionne qu'il n'est pas possible d'exclure que la vaccination puisse être un stimulus non spécifique déclenchant un épisode aigu de démyélinisation au même titre qu'une infection virale banale ou un autre vaccin à l'échelon individuel ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les experts avaient conclu que ne pouvait être retenu le rôle de la vaccination dans l'étiologie de la maladie et qu'un rôle favorisant l'émergence clinique de la première poussée était très improbable compte tenu des données de la science et du délai entre les injections et les symptômes, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du rapport d'expertise, et violé le principe susvisé ;

Et sur la troisième branche du même moyen : - Vu l'article 455 du Code de procédure civile ;

Attendu que, pour statuer comme il le fait, l'arrêt relève que la circonstance qu'il n'ait pas été établi de lien statistiquement significatif entre le vaccin et la sclérose en plaques n'est pas dirimant, la rareté de la causalité n'excluant pas son existence et une étude du professeur Confavreux ayant montré un risque relatif de 0.67 avec un intervalle de confiance 0.2-2.17, donc non insignifiant ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs inintelligibles, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.