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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 10, 1 juillet 2019, n° 18/15322

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Union Syndicale CGT de la RATP

Défendeur :

SMRJ (SARL), Selarl C Basse (ès qual.), Couturier (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Loos

Avocats :

Me Penot, Me Goldenstein

TGI Paris, du 29 mai 2018

29 mai 2018

FAITS ET PROCÉDURE

Vu le jugement prononcé le 29 mai 2018 par le tribunal de grande instance de Paris qui a condamné l'Union syndicale CGT RATP à payer à la société SMRJ la somme de 215 280,83 euros ainsi que celle de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et a débouté les parties de toutes leurs autres demandes,

Vu les dernières conclusions du 4 avril 2019 de l'Union syndicale CGT RATP, appelante, qui demande à la cour d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il a réduit la pénalité de 64 284,24 euros réclamée par la société SMRJ à 1 euro, de juger nulle et non avenue la clause n° 3 de la convention d'" Autorisation de solde total ou partiel " sur le fondement des articles 1108, 1174 et 1131 du Code civil et de débouter la société SMRJ de ses demandes, à titre subsidiaire de juger nulle et non avenue la clause n° 3 de la convention d' "Autorisation de solde total ou partiel" sur le fondement de l'article L. 442-6-I du Code de commerce et de débouter cette société de ses demandes, à titre infiniment subsidiaire de juger que l'indemnité fixée dans la clause n° 3 de ladite convention est une clause pénale, la juger excessive et la réduire à 1 euro, à défaut, de juger que sa condamnation au remboursement des participations versées par la société SMRJ sera cantonnée à la somme de 128 970,10 euros compte tenu de l'absence de preuve des payements supérieurs allégués, de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé excessive la clause pénale de pénalité de 30 % insérée dans la clause n° 3 de la convention et l'a réduite à la somme de 1 euro et, en tout état de cause, de condamner la société SMRJ et la selarl FHB en qualité d'administrateur judiciaire et représentant de cette société à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Vu les dernières écritures de la SELARL C Basse, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société SMRJ, qui conclut à la confirmation de la décision déférée en ce qu'elle a condamné la Confédération générale du travail Régie autonome des transports parisiens dénommée CGT RATP à payer la somme de 214 280,83 euros, à son infirmation en ce qu'elle a réduit à un euro la majoration de 30 % et à la condamnation de la Confédération générale du travail Régie autonome des transports parisiens à lui payer la somme complémentaire de 64 284,24 euros ainsi que celle de 5 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

SUR CE,

Considérant que l'Union syndicale CGT de la RATP a commandé à la société SMRJ, à l'enseigne Allburotic, le 23 mai 2012 suivant bon de commande n° 3058, quatre photocopieurs moyennant un loyer de 39 280 euros hors taxes par trimestre sur une durée de 22 trimestres, un contrat de maintenance étant signé le même jour; que la société SMRJ s'engageait à participer à tout ou partie du solde de contrats antérieurs pour un montant total de 452 434 euros en contrepartie de la souscription par l'Union syndicale CGT de la RATP d'un nouveau contrat à l'expiration de onze trimestres; que le 25 juin 2013, étaient signés par les parties un nouveau bon de commande et un nouveau contrat de maintenance portant sur quatre autres photocopieurs pour un loyer de 14 673,90 euros hors taxes par trimestre durant 16 trimestres ; que le même jour, les parties signaient une autorisation de solde total ou partiel aux termes de laquelle la société SMRJ prenait en charge les frais de résiliation du contrat Lorequip en le soldant pour un montant de 121 367 euros hors taxe et reversai la somme de 14 790 euros pendant sept ans à sa cliente en contrepartie de la signature par cette dernière d'un nouveau contrat onze trimestres plus tard décomptés à partir du mois de juillet 2012 ; qu'il était prévu qu'à défaut de signature d'un nouveau contrat les sommes versées par SMRJ Allburotic devraient être remboursées par le client majorées d'une pénalité de 30 % ; que l'Union syndicale CGT de la RATP ayant refusé de souscrire un nouveau contrat à la fin de l'année 2015, le conseil de la société SMRJ l'a mise en demeure par lettre du 21 juin 2016 avant de l'assigner en remboursement des participations versées par elle augmentées de la pénalité de 30 %, soit la somme totale de 278 565,07 euros, par acte du 2 août 2016 devant le tribunal de grande instance de Paris qui a statué dans les termes susvisés ;

Considérant que l'Union syndicale CGT de la RATP critique le jugement en arguant de la nullité de la clause de remboursement figurant dans la convention d'autorisation de solde total ou partiel pour défaut d'objet et de mention de la durée du nouveau contrat et l'absence d'indication du prix ;

Considérant que la clause litigieuse insérée dans cette convention énonce que " 3-Dans le cas d'une participation de rachat partiel au contrat du " client " (remise de chèque, virement trimestriel selon accord stipulé au bon de commande), le client s'engage aux termes des loyers pris en charge à signer un nouveau contrat avec la société SMRJ Allburotic. En effet l'effort consenti par la société SMRJ est lié à un engagement de signature d'un nouveau contrat, faute de quoi les sommes versées par SMRJ Allburotic devront être remboursées par le client majorées d'une pénalité de 30 % " ; qu'il est mentionné en tête de la convention le numéro des contrats 3058 et 3556 ; qu'il est prévu que " par la présente, le client suscité, accepte la participation de la société SMRJ Allburotic au solde du/des contrat(s) tel que stipulé sur le bon de commande " ; qu'il est indiqué de façon manuscrite " signature à termes dans conditions analogues ou moins onéreuses " ainsi que le montant du solde comme suit : " Lorequip au 20/07/2012: 121 367 euros HT soldé en interne par Allburotic/ Solde externe 14 690 X 7 reversé trimestriellement " ; que ces diverses mentions éclairent suffisamment tant sur l'objet que sur la durée et le loyer du nouveau contrat par référence aux contrats 3058 et 3556; que la demande de nullité de la clause précitée fondée sur l'article 1108 ancien du Code civil doit être rejetée ;

Considérant que pour la première fois devant la cour l'Union syndicale CGT de la RATP allègue la nullité de ladite clause sur le fondement de l'article 1131 ancien du Code civil, affirmant que l'obligation mise à sa charge de signer un nouveau contrat est dénuée de cause dès lors que l'effort financier de la société SMRJ mis en avant dans cette clause est nul puisque cette société a été instantanément remboursée de ses participations dès la vente des matériels à l'organisme de crédit, préalable à la signature des contrats de location ;

Que, toutefois, la cause de cette obligation est, comme l'objecte à juste titre l'intimée, la faculté pour celui qui s'engage de renoncer à son engagement en contrepartie du versement d'une somme représentant celles déjà versées par la société SMRJ ; que la demande de nullité de la clause litigieuse formée sur ce nouveau fondement sera rejetée ;

Considérant que l'Union syndicale CGT de la RATP soulève à titre subsidiaire, également pour la première fois devant la cour, la nullité de la clause visée au point 3 de la convention d'autorisation de solde total ou partiel sur le fondement de l'article L. 442-6-I 1° et 2° du Code de commerce; que la selarl C Basse, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société SMRJ, conteste l'application au présent litige de ce texte qui tend à la réparation d'un préjudice et ne peut donner lieu à annulation du contrat ou de clauses litigieuses et qui désigne le " partenaire commercial ", cette notion ne correspondant pas aux relations contractuelles ayant existé entre les parties ;

Considérant, en effet, que l'article L. 442-6 I du Code de commerce qui dispose que :

"Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

1°) d'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu (...),

2°) de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties",

vise le partenaire commercial; qu'un tel partenaire se définit comme le professionnel avec lequel une entreprise commerciale entretient des relations commerciales pour conduire une activité quelconque, ce qui suppose une volonté commune et réciproque d'effectuer de concert des actes ensemble dans des activités de production, de distribution et de services, par opposition à la notion plus large d'agent économique ou plus étroite de cocontractant ; qu'en l'espèce, le contrat régissant les rapports des parties ne fait pas de l'Union syndicale CGT de la RATP le partenaire économique de la société SMRJ au sens des dispositions précitées mais un simple cocontractant, locataire de photocopieurs pour les besoins de son activité syndicale ;

Considérant que l'Union syndicale CGT de la RATP soutient, à titre infiniment subsidiaire, que la clause de remboursement de la convention d'autorisation de solde total ou partiel est une clause pénale susceptible comme telle d'être révisée ce que dénie l'intimée qui affirme que cette clause constitue une clause de dédit ;

Mais considérant que ladite clause qui permet à l'Union syndicale CGT de la RATP de se délier de son engagement moyennant le versement d'une certaine somme n'a pas le caractère d'une clause pénale ; que ne sanctionnant pas une inexécution contractuelle, le juge ne peut la diminuer ; qu'en revanche, la somme représentant 30 % du dédit que la société SMRJ a qualifié elle-même dans la convention de " pénalité " est, en tant que telle, réductible; qu'au regard du préjudice réellement subi par la société SMRJ, elle apparaît manifestement excessive et le jugement doit être confirmé en ce qu'il l'a réduite à la somme de 1 euro ;

Considérant que l'Union syndicale CGT de la RATP allègue le défaut de preuve par l'intimée du payement des sommes dont elle lui demande le remboursement, ne contestant pas le versement de la somme totale de 128 970,10 euros TTC correspondant à cinq chèques dont copie a été produite mais celle de 85 310,73 euros hors taxes au soutien de laquelle n'est communiquée qu'une facture de cession de matériel et non de rachat du contrat Lorequip bail et aucune pièce justifiant du règlement de cette facture ; qu'il est exact que la facture versée aux débats par l'intimée qui s'intitule " facture de cession " et porte sur la vente de matériel avec la mention " payable par chèque ", n'est accompagnée d'aucun justificatif du payement intervenu; qu'ainsi la copie du chèque remis à la société Lorequip bail en règlement des photocopieurs visés dans la facture ne figure pas au dossier de la société selarl C Basse, ès-qualités, alors que la copie des chèques correspondant aux cinq versements d'un montant total de 128 970,10 euros TTC a bien été produite ; que le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a retenu la somme de 214 280,83 euros, l'Union syndicale CGT de la RATP devant être condamnée à payer la somme de 128 970,10 euros TTC augmentée de la somme de 1 euro au titre de la pénalité, soit la somme totale de 128 971,10 euros ;

Et considérant qu'il n'y a pas lieu d'allouer à l'une ou l'autre des parties une indemnité au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour, le jugement étant confirmé en ce qu'il a condamné l'Union syndicale CGT de la RATP à verser à la société SMRJ la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné l'Union syndicale CGT de la RATP à payer à la société SMRJ la somme de 215 280,83 euros ; Statuant à nouveau du chef infirmé, Condamne l'Union syndicale CGT de la RATP à payer à la selarl C Basse, prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société SMRJ, la somme de 128 971,10 euros ; Rejette toute autre demande ; Condamne l'Union syndicale CGT de la RATP aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.