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Décisions

Cass. com., 3 juillet 2019, n° 18-10.580

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Borie Manoux (SA)

Défendeur :

Ballande (Consorts), Château Baret (SCEA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Sudre

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Foussard, Froger, SCP Boutet, Hourdeaux, SCP Richard, SCP Rousseau, Tapie

TGI Bordeaux, du 15 oct. 2015

15 octobre 2015

LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Borie Manoux que sur le pourvoi incident éventuel relevé par la société du Château Baret ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 septembre 2017), que la société Borie Manoux commercialisait, depuis 1964, les vins de la société du Château Baret, gérée par la société Compagnie financière calédonienne (la société Cofical), elle-même cogérée par M. Louis Ballande, Mme Marie-Thérèse Ballande, épouse Calmettes (Mme Calmettes), Mme Catherine Ballande, épouse Casteja (Mme Casteja), et M. Armand Ballande ; que la société Borie Manoux a fait, en 2010, une offre de prix pour le millésime 2009, qui a été refusée par M. Louis Ballande et Mme Calmettes et acceptée par les deux autres cogérants ; que les parties ne sont pas parvenues à un accord, en dépit de plusieurs échanges de courriels entre juillet 2010 et juillet 2011 ; que soutenant que la société du Château Baret avait brutalement rompu la relation commerciale établie qu'elles entretenaient depuis 46 ans, en refusant de lui vendre l'entière récolte du millésime 2009, la société Borie Manoux l'a assignée, ainsi que M. Louis Ballande et Mme Calmettes, au titre de leur responsabilité personnelle en qualité de cogérants de la société Cofical, en paiement de dommages-intérêts ; qu'en cours d'instance, M. Fosset a été désigné en qualité d'administrateur provisoire de la société Cofical ; que la société du Château Baret a formé une demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie et appelé en intervention forcée M. Casteja, époux de Mme Catherine Ballande, dirigeant de la société Borie Manoux, aux fins de condamnation solidaire ;

Sur la recevabilité du pourvoi principal, en ce qu'il est dirigé contre M. Louis Ballande, contestée par la défense : - Vu l'article 612 du Code de procédure civile, ensemble l'article 528 du même code ; - Attendu que le 12 janvier 2018, la société Borie Manoux a déclaré se pourvoir en cassation contre l'arrêt du 13 septembre 2017 ; que cet arrêt ayant été signifié le 10 novembre 2017 aux sociétés du Château Baret et Borie Manoux par M. Louis Ballande, ce pourvoi, en tant qu'il a été formé contre celui-ci après l'expiration du délai prévu par le premier des textes susvisés, est tardif et donc irrecevable ;

Sur la recevabilité de ce pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre Mme Calmettes, contestée par cette dernière : - Attendu que l'arrêt du 13 septembre 2017 n'a fait l'objet d'aucune signification à Mme Calmettes ; qu'en l'absence de condamnation solidaire de M. Louis Ballande et de Mme Calmettes, et à défaut d'une situation d'indivisibilité entre ces derniers, le délai du pourvoi n'a pas couru contre cette dernière ; que le pourvoi est dès lors recevable ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal : - Attendu que la société Borie Manoux fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnisation pour rupture brutale d'une relation commerciale établie alors, selon le moyen : 1°) qu'en cas de relations commerciales établies, l'auteur de la rupture doit ménager un préavis à son partenaire de manière à permettre à celui-ci de se réorganiser ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont estimé que les relations commerciales avaient cessé en juillet 2011, sachant qu'il est constant que les relations ont cessé à cette date ; qu'en refusant de considérer que la rupture était brutale, quand la brutalité se déduit de l'absence de préavis à compter du jour où il a été décidé de rompre les relations, les juges du fond, qui n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations, ont violé l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ; 2°) que l'absence de brutalité de la décision de rompre ne peut être déduite, dès lors que la décision de rupture n'a pas été prise sans équivoque au cours de la période antérieure, de ce que des échanges ont eu lieu antérieurement à la date à laquelle l'une des parties a décidé de mettre un terme aux relations ; qu'en décidant le contraire, pour déduire des échanges ayant lieu entre juillet 2010 et juillet 2011, que la rupture n'avait pas été brutale, les juges du fond ont de nouveau violé l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;

Mais attendu qu'après avoir relevé, d'un côté, que la société Borie Manoux imputait la responsabilité de la rupture de leur relation commerciale à la société du Château Baret qui avait refusé d'accepter son offre de prix, conforme au marché, formulée le 6 juillet 2010 pour la récolte du millésime 2009 et, de l'autre, que cette dernière reprochait à la première d'avoir rompu brutalement la relation en refusant d'acheter le millésime 2009 et de répondre à ses interrogations concernant ses tarifs, l'arrêt retient qu'il résulte des courriels et lettres échangés entre les parties que la rupture est intervenue au terme d'une période d'une année, entre juillet 2010 et juillet 2011, au cours de laquelle de longues discussions ont été menées sur la fixation du prix des vins, sans que les parties soient parvenues à un accord sur le prix du millésime 2009 ni sur celui de 2010 pour lequel elles n'ont entamé aucune négociation ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que la rupture ne pouvait être imputée à aucune des parties, la cour d'appel a pu exclure toute responsabilité sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce dans sa rédaction applicable à la cause ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen de ce pourvoi : - Attendu que la société Borie Manoux fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, qu'à supposer qu'il faille admettre que la rupture a été effective en juillet 2011 et qu'au cours de la période comprise entre juillet 2010 et juillet 2011, la société Borie Manoux a été informée de ce que les relations seraient rompues, bénéficiant ainsi d'un délai de préavis lui permettant de se réorganiser, encore fallait-il déterminer à quelle date exactement la décision de rupture était intervenue, ayant pris effet en juillet 2011, à l'effet de déterminer si elle avait bénéficié d'un préavis suffisant ; que faute de s'expliquer sur ce point, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;

Mais attendu que la cour d'appel ayant exclu toute responsabilité pour rupture brutale d'une relation commerciale établie entre les parties, le moyen tiré de l'insuffisance du préavis est inopérant ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident, qui est éventuel : Déclare irrecevable le pourvoi principal en ce qu'il est dirigé contre M. Louis Ballande ; Rejette le pourvoi principal.