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Décisions

CA Montpellier, 2e ch., 2 juillet 2019, n° 16-07768

MONTPELLIER

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

RB Consulting (SARL)

Défendeur :

Groupe Checkpoint Expertises (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Prouzat

Conseillers :

Mmes Bourdon, Rochette

Avocats :

Mes Bertrand, Dejean, Salvignol, Reux

T. com. Montpellier, du 6 juill. 2016

6 juillet 2016

FAITS ET PROCEDURE - MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :

La SARL Groupe Checkpoint Expertises développe ses activités dans le conseil et l'audit en matière de sécurité (évaluation des risques professionnels, diagnostic accessibilité handicapés ...), les contrôles et inspections réglementaires des engins de levage (vérifications générales périodiques), le contrôle périodique des portes et portails, le contrôle périodique des équipements de protection individuelle, accessoires de levage, échelles et échafaudages, le contrôle périodique des cabines de peinture, les inspections réglementaires des installations électriques et la formation professionnelle des salariés et des dirigeants.

Elle a conclu, le 23 mars 2013, avec la SARL RB Consulting représentée par X un contrat de franchise aux termes duquel il était concédé à celle-ci le droit d'entrée au groupe Checkpoint Expertises pour le département du Jura, le droit de licence d'utilisation du ou des progiciels du groupe, le droit de commercialiser tous les produits et prestations proposés par le groupe, le droit d'accéder à toutes les formations internes liées à l'activité du groupe, le droit d'utiliser les documents types ainsi que le logo et la charte graphique du groupe Checkpoint Expertises et le droit d'assurer toutes les prestations de services négociées auprès des clients nationaux du groupe.

Le contrat de franchise a été consenti moyennant le paiement d'un prix de 10 000 HT (hors le matériel et la formation initiale) [article V] et d'une redevance proportionnelle au chiffre d'affaires réalisé [article VI] ; le franchisé s'est engagé à se fournir exclusivement auprès du concédant ou de ses partenaires pour l'obtention des produits contractuels [article III] et le franchiseur a contracté l'obligation d'assister le franchisé pendant toute l'exécution du contrat gracieusement ou moyennant paiement sur divers points (formation du franchisé ou des membres de son personnel, montage des dossiers d'accréditation selon les types de vérifications réglementaires, rédaction des documents administratifs et commerciaux, prospection de nouveaux marchés, sauvegarde des données informatiques du franchisé, cession de son activité à un tiers, service après-vente des moyens mis à disposition conformément aux conditions générales de vente) [article IV].

La société RB Consulting s'est plainte, par lettre recommandée du 6 février 2014, réitérée le 7 octobre 2014, de n'avoir pas reçu le matériel nécessaire à la réalisation des contrôles réglementaires, pourtant facturé et payé, et de n'avoir effectué que trois journées de formation sur les cinq prévues.

Reprochant à la société Groupe Checkpoint Expertises l'inexécution de ses obligations contractuelles, la société RB Consulting l'a faite assigner, par exploit du 3 mars 2015, devant le tribunal de commerce de Montpellier en vue d'obtenir la résiliation à ses torts exclusifs du contrat de franchise conclu le 23 mars 2013 et sa condamnation à lui payer la somme de 31 000 HT outre intérêts au taux de la BCE majoré de 10 points l'an à compter du 7 octobre 2014 et celle de 641 108 à titre de dommages et intérêts.

La société Groupe check point expertises s'est opposée à la demande et a sollicité reconventionnellement la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société RB Consulting et sa condamnation au paiement de la somme de 180 000 à titre de dommages et intérêts.

Par exploit du 25 avril 2016, la société Groupe Checkpoint Expertises a appelé en cause Y, associé au sein de la société et exerçant les fonctions de directeur technique, pour le voir condamner in solidum avec la société RB Consulting au paiement de la somme de 180 000 à titre de dommages et intérêts, reprochant à celui-ci, par ailleurs ami de M. X, un comportement déloyal à son égard.

Le tribunal n'a pas procédé, comme il le lui était demandé, à la jonction des deux procédures et, par jugement du 6 juillet 2016 (n° 2015-4103), il a, dans le litige opposant la société RB Consulting à la société Groupe Checkpoint Expertises :

- dit irrecevable et mal fondée la société RB Consulting sur l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société RB Consulting de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société Groupe Checkpoint Expertises,

- prononcé la résiliation du contrat de franchise entre la société Groupe Checkpoint Expertises et la société RB Consulting aux torts exclusifs de cette dernière en date du 23 mars 2013,

- dit irrecevable et mal fondée la société Groupe Checkpoint Expertises de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles à l'encontre de la société RB Consulting et de M. Y,

- condamné la société RB Consulting à payer à la société Groupe Checkpoint Expertises la somme de 3 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans un second jugement rendu le même jour (n° 2016-6308), dans l'instance opposant la société Groupe Checkpoint Expertises à M. Y, le tribunal a entre autres dispositions :

- dit irrecevable et mal fondée la demande de la société Groupe Checkpoint expertises à l'encontre de Monsieur Y,

- débouté la société Groupe Checkpoint Expertises de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société Groupe Checkpoint Expertises à payer à M. Y la somme de 500 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société RB Consulting a régulièrement relevé appel, le 31 octobre 2016, du premier jugement et la société Groupe Checkpoint Expertises a, à son tour, formé un appel régulier du second jugement, le 13 février 2017 ; ces deux procédures ont été enrôlées sous les n° 16-07768 et 17-00822.

En cours d'instance devant la cour, la société Groupe Checkpoint Expertises a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ouverte à son égard par un jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 24 octobre 2018, M. Z étant désigné comme mandataire judiciaire.

Dans ses dernières conclusions déposées le 28 mars 2019 via le RPVA, la société RB Consulting demande à la cour, au visa des articles 325 et 331 du Code de procédure civile, des articles 1134 et suivants du Code civil, de l'article 1315 (ancien) du Code civil, de l'article 1147 (ancien) du même Code et de l'article L. 441-6 du Code de commerce, de :

- rejeter la demande de jonction avec la procédure n° 17-00822,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Montpellier en ce qu'il a :

* dit irrecevable et mal fondée la société Groupe Checkpoint Expertises dans ses demandes reconventionnelles,

* débouté la société Groupe Checkpoint Expertises de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles à l'encontre de la société RB Consulting et M. Y,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Montpellier en ce qu'il a :

* dit irrecevable et mal fondée la société RB Consulting sur l'ensemble de ses demandes,

* débouté la société RB Consulting de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société Groupe Checkpoint Expertises,

* prononcé la résiliation du contrat de franchise entre Groupe Checkpoint Expertises et RB Consulting aux torts exclusifs de cette dernière en date du 23 mars 2013,

* condamné la société RB Consulting à payer à la société Groupe Checkpoint Expertises la somme de 3 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Statuant à nouveau et ajoutant du jugement,

- déclarer recevable et fondée la société RB Consulting,

- prononcer la résiliation du contrat de franchise conclu le 23 mars 2013 aux torts exclusifs de la société Groupe Checkpoint Expertises,

- fixer à titre chirographaire au passif de la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'encontre de la société Groupe Checkpoint Expertises les créances de la SARL RB Consulting aux sommes de :

* 31 000 HT outre intérêts au taux de la BCE majoré de 10 points l'an à compter du 7 octobre 2014 jusqu'à la date d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire,

* 641 108 à titre de dommages et intérêts,

* 69,97 au titre des dépens exposés devant le tribunal de commerce,

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétention de la société Groupe Checkpoint Expertises à l'encontre de la société RB Consulting,

- condamner la société Groupe Checkpoint Expertises à payer à la société RB Consulting la somme de 10 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile de première instance et d'appel.

Au soutien de son appel, elle fait valoir pour l'essentiel que :

- la société Groupe Checkpoint Expertises, qui prétend avoir respecté les obligations contractuelles lui incombant, n'en justifie pas, alors que la charge de la preuve pèse sur elle au regard des dispositions de l'article 1315 du Code civil,

- en effet, elle ne prouve pas avoir livré le matériel, bien que celui-ci ait été payé, à défaut de production d'un bon de livraison ou de transport, tant en ce qui concerne les pesons 10 tonnes que les équipements de protection individuelle (EPI) ou les divers appareils de mesure facturés,

- elle n'établit pas davantage la livraison par sa filiale Easy check des matériels informatiques,

- le contrat de franchise prévoit en outre l'obligation pour la société Groupe Checkpoint Expertises de dispenser au franchisé cinq jours de formation initiale et des jours de formation complémentaire de cinq jours par mois pendant 6 à 12 mois " selon les aptitudes du candidat ",

- le franchiseur prétend que la formation initiale aurait été dispensée mais sans apporter le moindre élément probant, tel que feuille de présence, feuille de suivi pédagogique, feuille d'émargement, etc,

- l'accès donné pour l'utilisation des logiciels VGP et Easy check ne répond pas à l'obligation de formation, que le franchiseur s'était engagé à fournir, ces logiciels n'étant pas des logiciels d'autoformation mais un simple support de cours,

- elle n'a jamais été mise en mesure de travailler du fait de la carence de la société Groupe Checkpoint Expertises, son préjudice correspondant au montant cumulé sur 3 ans des bénéfices calculés par celle-ci dans son document précontractuel d'information, soit une somme de 641 108,

- dans le cadre du contrat de franchise, elle a, d'une part, réglé une somme de 21 000 hors-taxes (10 000 hors-taxes au titre du droit d'entrée, 5 925 hors-taxes au titre de la formation initiale et continue, 1 200 hors-taxes pour les pesons 10 tonnes, 375 hors-taxes pour les équipements de protection individuelle et 3 500 hors-taxes pour les divers appareils de mesure) et, d'autre part, acheté pour 10 000 hors-taxes de matériels nécessaires pour la réalisation des prestations de la franchise à la société Easy check développement, société dirigée par M. W, gérant de la société Groupe Checkpoint Expertises.

Formant appel incident au premier jugement du 6 juillet 2016 et dans le cadre de son appel du second jugement rendu le même jour, la société Groupe Checkpoint Expertises sollicite, aux termes de conclusions déposées le 2 mars 2017 par le RPVA, de voir ordonner la jonction des deux procédures et condamner in solidum la société RB Consulting et M. Y, du fait de leur comportement déloyal, à lui payer la somme de 180 000 à titre de dommages et intérêts assortie des intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision, outre leur condamnation, également in solidum, au paiement de la somme de 10 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; elle conclut à la confirmation du surplus des dispositions du premier jugement rendu le 6 juillet 2016 dans l'instance principale.

Elle soutient en substance que :

- à la suite de la signature du contrat de franchise, elle a mis à la disposition de la société RB Consulting le logiciel d'exploitation dans sa version la plus complète, les mises à jour du logiciel et l'assistance du support technique (téléphonique et internet), le franchisé ayant également eu accès à l'application en ligne VGP,

- elle a, par ailleurs, fourni au franchisé l'ensemble des documents contractuels lui permettant de contracter avec les tiers et l'ensemble des documents types ainsi que le logo et la charte,

- en outre, elle a donné un accès total à son catalogue de tarifs professionnels et confidentiels à la société RB Consulting et a respecté son obligation contractuelle d'assistance en matière de prospection et de formalisation des offres,

- la formation initiale a été dispensée, de même que la formation complémentaire, sachant que certaines formations se suivent directement en ligne d'après les logiciels du groupe checkpoint,

- le matériel informatique et les appareils de mesure ont bien été fournis comme en attestent les échanges de courriels produits aux débats,

- la société RB Consulting n'a pas exploité la zone géographique, qui lui avait été concédée, et n'a pas procédé à la mise en place et l'exploitation du procédé conformément aux obligations mises à sa charge en vertu du contrat de franchise, aucun compte rendu d'activité n'ayant été fourni par elle et aucun document comptable permettant la facturation des diverses prestations et fournitures ne lui ayant été adressé,

- M. Y, qui entretenait avec le gérant de la société RB Consulting des relations amicales, a signé le contrat de franchise sans autorisation ou délégation de pouvoir et a conservé par devers lui les documents contractuels, sachant que le courriel contenant les projets de contrat, le DIP et le zonage pour les départements concernés, validés par la direction, a été envoyé à M. Y le 24 avril 2013, soit postérieurement à la date de signature du contrat de franchise,

- MM. X et Y ont également mis en place un suivi du développement de la clientèle de la société RB Consulting par l'apport de certains clients à l'insu du franchiseur,

- son manque à gagner sur trois ans, correspondant aux redevances non versées et aux chiffres d'affaires perdus sur des missions réalisées en sous-traitance, peut être estimé à la somme de 180 000 par comparaison avec les objectifs assignés à un autre franchisé pour l'exploitation d'un secteur équivalent.

M. Z, pris en sa qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société Groupe Checkpoint Expertises, demande, aux termes de conclusions déposées le 29 mars 2019 par le RPVA, qu'il lui soit donné acte de ce qu'il fait sienne l'argumentation ainsi développée par son administré.

M. Y, en l'état de ses conclusions déposées le 13 avril 2017 par le RPVA, demande à la cour de :

- rejeter la demande de jonction,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Montpellier dans toutes ses dispositions et ajoutant audit jugement,

- condamner la société Groupe Checkpoint Expertises à lui payer la somme de 10 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile de première instance et d'appel.

Il expose principalement que :

- les liens d'amitié existants ne traduisent nullement une quelconque intention de nuire à l'appelante,

- le contrat de franchise a été signé le 23 mars 2013 par lui sur ordre de M. W, gérant de la société appelante et il était accompagné du règlement, qui a été encaissé et a donné lieu à l'émission de factures par cette dernière,

- sa mise en cause n'est intervenue que près de trois ans après la signature du contrat de franchise et un an après l'assignation de la société RB Consulting, sans que sa signature pour ordre du contrat et la validité de celui-ci ne lui aient été reprochées au préalable,

- la société appelante ne peut, sans se contredire, considérer avoir rempli ses obligations figurant dans le contrat de franchise et ne pas être en sa possession.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par deux ordonnances en date du 14 mai 2019.

MOTIFS DE LA DECISION :

Il convient, en premier lieu, de prononcer la jonction des procédures d'appel enrôlées sous les n° 16-07768 et 17-00822 en raison du lien de connexité les unissant et de statuer sur l'ensemble du litige soumis à la cour par un seul et même arrêt.

1- La résiliation du contrat de franchise : l'imputabilité de la rupture et les conséquences à en tirer :

Le contrat de franchise conclu le 23 mars 2013 entre les parties a pour objet de confier à la société RB Consulting le savoir-faire et la méthodologie correspondante pour réaliser les prestations de services et la commercialisation des produits relevant de l'activité de la société Groupe Checkpoint Expertises, exerçant celle-ci à travers quatre axes principaux, à savoir le conseil et l'audit sécurité, les contrôles et inspections réglementaires, les missions réglementaires et la formation professionnelle, ainsi qu'il ressort de l'exposé préliminaire ; dans cette perspective, il appartenait au franchiseur, aux termes de l'article IV du contrat, d'assister le franchisé dans la formation et le perfectionnement tant sur l'activité que sur les moyens mis à sa disposition (sic) ; même si elle soutient que le document d'information précontractuel n'a été remis à la société RB Consulting que le 24 avril 2013, soit postérieurement à la conclusion du contrat, qui prévoit que le franchisé recevra une formation initiale sur cinq jours puis une formation continue à raison de cinq jours par mois pendant 6 à 12 mois selon les aptitudes du candidat, la société Groupe Checkpoint Expertises ne conteste pas qu'elle avait l'obligation de dispenser au franchisé une formation initiale de cinq jours et une formation continue en fonction des évolutions du concept " Check-point Expertises " de nature à permettre l'acquisition du savoir-faire notamment nécessaire à la réalisation des vérifications générales périodiques (VGP).

La société RB Consulting soutient qu'elle n'a bénéficié que de trois journées de formation initiale au cours du mois de mai 2013 et que les deux journées de formation organisées les 11 et 12 septembre 2013 au siège de la société Groupe Checkpoint Expertises n'ont pas permis, faute de liaison à l'internet, d'apprendre à manipuler le logiciel Easy check ; elle produit en ce sens l'attestation d'un autre franchisé (M. A), présent à ces deux journées de formation, selon lequel il n'a pas été possible, au cours de cette formation, d'apprendre à manipuler le logiciel permettant de réaliser les contrôles techniques (sic).

L'appelante ne conteste pas, par ailleurs, avoir eu accès à l'application en ligne VGP permettant d'accéder à l'application Easy check ; la société Groupe Checkpoint Expertises produit à cet égard aux débats le manuel d'utilisation du logiciel VGP, le courriel du 22 mai 2013 confirmant à M. X son inscription sur le site " www.vgpenligne.com ", ainsi que divers courriels transmettant à l'utilisateur du site les éléments qui en permettent le fonctionnement ou diffusant des informations (ajout d'une fonctionnalité, création d'une clé d'accès, communication d'un contrat type d'apporteur d'affaires, informations sur le recrutement d'agents commerciaux, accueil sur la nouvelle boîte mail, envoi de nouvelles clés de licence, renvoi du mot de passe, renvoi d'un modèle de contrat d'apporteur d'affaires, renvoi d'une nouvelle clé d'accès au logiciel, envoi d'un courrier d'information avec questionnaire, note d'information sur la migration du système informatique, envoi d'un nouveau code d'accès au logiciel, envoi d'un contrat d'apporteur d'affaires, envoi de nouvelles clés pour le logiciel...).

Il appartient cependant à la société Groupe Checkpoint Expertises, qui était tenue d'une obligation de formation du franchisé permettant à celui-ci d'accéder au savoir-faire nécessaire à la réalisation des vérifications générales périodiques (VGP) des engins de levage et leurs accessoires et du contrôle périodique des portes et portails, des équipements de protection individuelle (EPI), des échelles, des échafaudages et des cabines de peinture, de rapporter la preuve, conformément à l'article 1315 du Code civil, qu'elle a exécuté, de manière effective et complète, l'obligation ainsi mise à sa charge ; elle affirme à cet égard que le logiciel Easy check donne la possibilité de réaliser tous les types d'inspections réglementaires périodiques pour environ 240 types de dispositifs et de matériels et d'effectuer ainsi les contrôles périodiques, que la société RB Consulting a bénéficié de plusieurs mises à jour du logiciel et que certaines formations se suivent directement en ligne d'après les logiciels du groupe checkpoint.

Pour autant, il n'est pas établi que la société RB Consulting a bénéficié d'une formation initiale, qui lui a permis de s'initier aux fonctionnalités du logiciel et d'accéder ainsi à la technique des contrôles ; rien ne permet, en effet, d'affirmer, en l'état du seul manuel d'utilisation et des divers courriels, produits aux débats, que le logiciel Easy check, accessible à partir de l'application VGP en ligne (en plus d'autres fonctionnalités liées à la gestion des données personnelles de l'utilisateur, de la gestion des rendez-vous avec les clients, de la gestion du fichier clients et de l'achat en ligne d'unités) permettait à lui seul au franchisé d'effectuer l'ensemble des contrôles et vérifications réglementaires hors toute formation théorique préalable, alors qu'il est communiqué l'attestation d'un ancien inspecteur de la société Groupe Checkpoint Expertises (M. b) affirmant que le logiciel Easy check n'est qu'une simple transcription des textes concernant les appareils de levage agrémentée des cases à remplir, que le listing des points de contrôle n'est qu'un simple copié-collé non corrigé suivant chaque type d'appareil, qu'il n'existe aucun pré-remplissage des anomalies, que ce logiciel n'est qu'une ébauche en cours de développement et qu'il ne permet, en aucun cas, la réalisation d'un contrôle technique sans formation technique, théorique et réglementaire préalable.

Lors de la conclusion du contrat, il a été facturé à la société RB Consulting, en plus du droit d'entrée et du coût de la formation, divers matériels (un peson 10 tonnes, un lot EPI et des appareils de mesure) pour un montant total de 3 500 HT et un matériel informatique (un ordinateur, un écran, une imprimante...) pour un montant total de 4 000 HT en plus du logiciel Easy check, sachant qu'en vertu de l'article III du contrat, le franchisé avait souscrit l'engagement, dans le seul but d'uniformiser l'ensemble des prestations de services du Groupe Checkpoint Expertises (sic), de se fournir exclusivement auprès du concédant ou de ses partenaires pour l'obtention des produits contractuels ; la société Groupe Checkpoint Expertises ne justifie pas avoir exécuté son obligation de livrer à son franchisé les matériels, que celui-ci avait achetés et payés, et a d'ailleurs laissé sans réponse la lettre recommandée de la société RB Consulting en date du 6 février 2014, dans laquelle celle-ci se plaignait de n'avoir toujours pas reçu le matériel nécessaire à la réalisation des contrôles réglementaires, réitérée par la lettre recommandée de son conseil en date du 7 octobre 2014 ; les pièces, qu'elle produit pour tenter d'établir la fourniture des matériels, consistant en un rapport d'évaluation Cofrac daté du 16 mars 2013 et la facture n° 201303-1 du 28 mars 2013 desdits matériels, sont insuffisantes à rapporter la preuve de ce qu'elle a effectivement mis à la disposition de son cocontractant les outils nécessaires à la réalisation des contrôles et vérifications réglementaires.

Il résulte de ce qui précède que la société Groupe Checkpoint Expertises a manqué à l'obligation de formation, qu'il lui incombait d'assumer à l'égard de son franchisé afin de permettre à celui-ci d'accéder au savoir-faire nécessaire à la réalisation des contrôles et vérifications règlementaires faisant l'objet du contrat, ainsi qu'à son obligation de mettre à sa disposition les matériels indispensables à son exécution et que son cocontractant avait pourtant payés ; en retenant que la société RB Consulting n'apportait pas la preuve lui permettant de justifier que la société Groupe Checkpoint Expertises n'aurait pas respecté ses obligations contractuelles, le premier juge a inversé la charge de la preuve, alors qu'en vertu de l'article 1315 susvisé, il appartient au débiteur d'une obligation qui se prétend libéré, de justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; le contrat de franchise conclu entre les parties le 23 mars 2013 doit dès lors être résolu aux torts exclusifs de la société Groupe Checkpoint Expertises en raison de l'inexécution des obligations lui incombant.

La société RB Consulting, qui n'a pas été mise en mesure de bénéficier du savoir-faire faisant l'objet du contrat de franchise, est fondée à obtenir, en conséquence de la résolution prononcée, la restitution de la somme de 31 000 HT correspondant au montant des versements effectués lors de la conclusion du contrat, créance qu'il y a lieu de fixer au passif chirographaire de la société Groupe Checkpoint Expertises ; les dispositions de l'article L. 441-6 du Code de commerce sur le taux d'intérêt exigible, égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majorée de 10 points de pourcentage, sont cependant applicables au paiement des factures de vente de produits et prestations de services, et non au paiement d'une créance de restitution consécutive à la résolution d'un contrat ; il n'y a donc pas lieu de majorer la somme de 31 000 d'un tel taux d'intérêt, mais du seul taux d'intérêt légal à compter du 3 mars 2015, date de l'assignation valant sommation de payer, jusqu'à la date d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire.

Pour solliciter le paiement de la somme de 641 108 à titre de dommages et intérêts compensatoires de la perte subie, la société RB Consulting se fonde sur le compte d'exploitation prévisionnel sur trois ans, inclus dans le document d'information précontractuel, faisant apparaître la perspective, pour le franchisé, de percevoir un résultat net après impôts de 19 394 la première année, de 319 052 la deuxième année et de 302 662 la troisième année ; le gain, dont la société RB Consulting a été privée en raison des manquements contractuels du franchiseur ne l'ayant pas mise en mesure d'exercer l'activité prévue, peut certes être évalué sur la base de ce compte d'exploitation prévisionnel, mais en tenant compte néanmoins de l'incertitude quant à la réalisation des gains escomptés, de l'absence de production par l'appelante de tout document comptable sur la période 2013-2016 et du fait que l'assignation aux fins de résiliation du contrat de franchise a été délivrée le 3 mars 2015, soit deux ans après la conclusion dudit contrat ; le dommage prévisible consécutif aux manquements contractuels de la société Groupe Checkpoint Expertises doit ainsi être limité à la somme de 60 000 EUROS, créance qu'il y a lieu également de fixer au passif chirographaire de cette société.

Le prononcé de la résolution du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société Groupe Checkpoint Expertises conduit nécessairement au rejet de la demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts formée par celle-ci à l'encontre de son ancien franchisé.

2- la mise en cause de M. Y :

Aucun élément ne permet d'affirmer que le contrat de franchise signé le 23 mars 2013 par M. Y au nom de la société Groupe Checkpoint Expertises, dont il était l'associé et le directeur technique, l'a été à l'insu de la société, alors qu'à la suite de la conclusion du contrat, la société Groupe Checkpoint Expertises a émis, le 28 mars 2013, deux factures à l'ordre de la société RB Consulting, en vue du paiement, l'une du droit d'entrée, du coût de la formation et du matériel et des appareils de mesure, l'autre du matériel informatique et des logiciels d'exploitation, et que le dirigeant de la société nouvellement franchisée, M. X, a participé en mai 2013 à trois journées de formation, ce qui traduit bien la connaissance qu'avait le gérant de la société, M. W, de la signature du contrat litigieux et de son acceptation ; il n'est d'ailleurs pas établi en quoi le contrat de franchise signé le 23 mars 2013, qui est rédigé à partir d'un contrat type établi par le franchiseur, comporterait des dispositions, qui auraient été ajoutées au détriment de la société Groupe Checkpoint Expertises ; le simple fait que MM. Y et X entretenaient des relations amicales, comme il résulte notamment du courriel du 27 mai 2013 produit aux débats, n'est pas de nature à établir l'existence du comportement déloyal reproché au premier nommé.

Il n'est pas davantage établi que le document d'information précontractuel destiné à la société RB Consulting a été remis à celle-ci seulement le 24 avril 2013 ou que M. Y a retenu par devers lui les documents contractuels, qu'il venait de faire signer au dirigeant de cette société ; la société Groupe Checkpoint Expertises se borne, en effet, à produire aux débats deux courriels adressés le 24 avril 2013 à M. Y, transmettant à celui-ci un nouveau contrat-type de franchise vierge de toute indication quant à l'identité du franchisé, un nouveau document d'information précontractuel, qui n'est pas communiqué, et un " zonage de la région Franche-Comté ", documents dont rien n'indique qu'ils étaient destinés à la société RB Consulting, au point d'en déduire qu'en faisant signer, le 23 mars 2013, au dirigeant de cette société le contrat de franchise litigieux, M. Y a outrepassé ses prérogatives.

C'est donc à juste titre que le premier juge a considéré qu'aucun comportement déloyal ne pouvait être imputé à M. Y dans des conditions de nature à justifier que celui-ci soit condamné à payer des dommages et intérêts de ce chef à la société Groupe Checkpoint Expertises.

3- les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile :

L'ensemble des dépens de première instance et d'appel doit être mis à la charge de la société Groupe Checkpoint Expertises ; celle-ci doit, par ailleurs, être condamnée à payer à la société RB Consulting la somme de 2 000 et à M. Y la somme de 1 500 au titre des frais non taxables que ceux-ci ont dus exposer en cause d'appel, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, Prononce la jonction des procédures d'appel enrôlées sous les n° 16-07768 et 17-00822, Au fond, infirme dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 6 juillet 2016, dans l'instance n° 2015-4103, par le tribunal de commerce de Montpellier et statuant à nouveau, Prononce la résolution du contrat de franchise signé le 23 mars 2013 entre la société Groupe Checkpoint Expertises et la société RB Consulting aux torts exclusifs du franchiseur, Fixe la créance de la société RB Consulting au passif chirographaire de la société Groupe Checkpoint Expertises aux sommes de : 31 000 HT correspond au montant des versements effectués lors de la conclusion du contrat, assortis des intérêts au taux légal à compter du 3 mars 2015 jusqu'à la date d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, 60 000 à titre de dommages et intérêts compensatoires des manquements contractuels, Déboute la société Groupe Checkpoint Expertises de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts, Condamne la société Groupe Checkpoint Expertises aux dépens de première instance, Confirme dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 6 juillet 2016 par le même tribunal, dans l'instance n° 2016-6308, Rejette toutes autres demandes, Met la charge des dépens d'appel à la société Groupe Checkpoint Expertises, La condamne à payer à la société RB Consulting la somme de 2 000 et à M. Y la somme de 1 500 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.