Cass. com., 9 juillet 2019, n° 18-14.029
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Beratti (EURL)
Défendeur :
Grandvision France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Orsini
Rapporteur :
Mme Laporte
Avocat général :
M. Debacq
Avocats :
SCP Capron, SCP Spinosi, Sureau
LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 novembre 2017), que la société Grandvision France (la société Grandvision) a conclu, le 24 août 2011, un contrat de franchise avec la société Beratti pour une durée de cinq ans ; que le 11 avril 2014, la société Grandvision a résilié le contrat aux torts de la société Beratti en se prévalant du comportement gravement fautif de celle-ci, puis l'a assignée en réparation du préjudice résultant de la résiliation anticipée du contrat ; que la société Beratti a demandé reconventionnellement réparation des préjudices que lui avait causés cette résiliation ;
Attendu que la société Beratti fait grief à l'arrêt de dire bien fondée la résiliation unilatérale du contrat par la société Grandvision, de la condamner à lui payer une indemnité pour préjudice économique et de rejeter ses demandes alors, selon le moyen : 1°) que sauf urgence, une partie à un contrat ne peut, en raison de la gravité du comportement de l'autre partie, mettre fin de façon unilatérale au contrat à ses risques et périls qu'après avoir mis en demeure cette autre partie de satisfaire à son engagement ou de remédier à l'inexécution de ses obligations dans un délai raisonnable ; qu'en considérant, dès lors, pour dire bien fondée la résiliation unilatérale en date du 11 avril 2014 par la société Grandvision du contrat de franchise qui la liait à la société Beratti aux torts exclusifs de cette dernière, pour condamner la société Beratti à payer à la société Grandvision la somme de 137 163,60 euros à titre d'indemnité pour préjudice économique et pour dire la société Beratti mal fondée en ses demandes reconventionnelles, que la société Beratti avait commis des manquements qui justifiaient que la société Grandvision eût prononcé la résiliation unilatérale du contrat de franchise pour manquement grave du franchisé, sans constater que la société Grandvision avait adressé à la société Beratti, avant de lui notifier, par sa lettre en date du 11 avril 2014, la résiliation unilatérale du contrat de franchise en date du 24 août 2011, une mise en demeure de satisfaire à ses obligations ou de remédier à l'inexécution de celles-ci, ni caractériser une situation d'urgence, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 1134 et 1184 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ; 2°) qu'à titre subsidiaire, lorsque le contrat prévoit qu'une partie pourra, en cas d'inexécution par l'autre partie de l'une de ses obligation, résilier unilatéralement le contrat sous réserve de suivre une procédure particulière, cette partie ne peut, en raison de la gravité du comportement de l'autre partie, mettre fin de façon unilatérale au contrat qu'après avoir suivi cette procédure particulière ; qu'en énonçant, par conséquent, pour dire bien fondée la résiliation unilatérale en date du 11 avril 2014 par la société Grandvision du contrat de franchise qui la liait à la société Beratti aux torts exclusifs de cette dernière, pour condamner la société Beratti à payer à la société Grandvision la somme de 137 163,60 euros à titre d'indemnité pour préjudice économique et pour dire la société Beratti mal fondée en ses demandes reconventionnelles, que la société Beratti avait commis des manquements qui justifiaient que la société Grandvision eût prononcé la résiliation unilatérale du contrat de franchise pour manquement grave du franchisé et que la société Grandvision était, dès lors, dispensée de suivre la procédure, régissant la résiliation unilatérale par la société Grandvision du contrat de franchise en cas de manquement de la société Beratti à l'une de ses obligations prévue au contrat dans le seul cas d'un manquement sans gravité particulière, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 1134 et 1184 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a exactement retenu que la gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'autre partie y mette fin de manière unilatérale à ses risques et périls, sans être tenue de mettre préalablement son cocontractant en demeure de respecter ses obligations ni de caractériser une situation d'urgence ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que la société Grandvision n'avait pas invoqué la clause résolutoire stipulée au contrat, mais s'était prévalue de la faculté de résiliation unilatérale du contrat pour manquement grave telle que définie par la jurisprudence, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que cette société n'était pas tenue de respecter les modalités formelles de résiliation contractuelle ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.