TUE, 1re ch., 12 juillet 2019, n° T-292/17
TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Région Île-de-France (France)
Défendeur :
Commission européenne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pelikánová
Juges :
MM. Valancius, Öberg (rapporteur)
LE TRIBUNAL (première chambre),
I. Antécédents du litige
1 La requérante, la Région Île-de-France, a été instituée en tant qu'établissement public doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière en vertu de la loi no 76-394, du 6 mai 1976, portant création et organisation de la Région d'Île-de-France (JORF du 7 mai 1976, p. 2741). Au titre de l'article 6 de cette loi, elle a notamment été chargée de définir la politique régionale de circulation et de transport de voyageurs sur son territoire et d'assurer sa mise en œuvre.
2 L'article 17 de la loi no 76-394 prévoyait notamment ce qui suit :
" Le conseil régional règle par ses délibérations les affaires qui sont de la compétence de la [R]égion [...] "
3 Le 20 octobre 1994, le conseil régional d'Île-de-France a adopté la délibération CR 34-94, relative à l'aide pour l'amélioration des services de transport en commun routier exploités par des entreprises privées ou en régie, aux fins de reconduire un ensemble de mesures d'aide précédemment mises en œuvre en faveur desdites entreprises. Deux délibérations, à savoir les délibérations CR 44-98 et CR 47-01 (ci-après, prises avec la délibération CR 34-94, les " délibérations litigieuses "), lui ont succédé, respectivement en 1998 et en 2001, avant que le dispositif d'aide mis en place soit abrogé en 2008.
4 En application des délibérations litigieuses, la requérante accordait des aides financières aux collectivités publiques de son territoire ayant conclu des contrats d'exploitation de lignes régulières d'autobus avec des entreprises privées de transport collectif régulier par route ou exploitant de telles lignes directement par le biais d'une régie (ci-après les " collectivités publiques concernées "). Les collectivités publiques concernées reversaient ensuite les aides de la requérante auxdites entreprises de transport (ci-après les " bénéficiaires finaux ").
5 Dans le cadre du régime d'aide mis en place par les délibérations litigieuses (ci-après le " régime d'aide en cause "), les aides étaient octroyées sous la forme de subventions à l'investissement (ci-après les " subventions litigieuses ") et visaient à favoriser l'acquisition de véhicules neufs et l'installation de nouveaux équipements par les bénéficiaires finaux, en vue d'améliorer l'offre de transport collectif et de remédier aux externalités négatives liées à la circulation routière particulièrement dense du territoire de la requérante.
6 Selon les autorités françaises, 135 entreprises ont bénéficié du régime d'aide en cause entre 1994 et 2008. L'utilisation des subventions litigieuses était encadrée par des avenants aux conventions d'exploitation conclues entre les collectivités publiques concernées et les bénéficiaires finaux. Les avenants étaient contresignés par le président du conseil régional d'Île-de-France et détaillaient les obligations auxquelles étaient soumis les bénéficiaires finaux en contrepartie du versement desdites subventions.
7 Le 17 octobre 2008, une plainte a été introduite auprès de la Commission européenne concernant les régimes d'aide d'État présumés illégaux, constitués des mesures de soutien mises en œuvre en faveur de certaines entreprises de transport par autobus, entre 1994 et 2008, par la requérante sur son territoire, puis, à compter de 2008, par le syndicat des transports d'Île-de-France (STIF, France) sur ce même territoire.
8 Par lettre du 11 mars 2014, la Commission a notifié à la République française sa décision d'ouvrir la procédure formelle d'examen prévue à l'article 108, paragraphe 2, TFUE. Par la publication de cette décision au Journal officiel de l'Union européenne (JO 2014, C 141, p. 38), la Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations sur les mesures en cause.
9 Le 30 avril 2014, la République française a soumis ses observations à la Commission. L'ensemble des observations déposées par les parties intéressées, parmi lesquelles la requérante, a été communiqué à la République française, qui n'a fait part d'aucun commentaire.
10 Le 21 juin 2016, la Commission a reçu une note commune de la part de quatre des sept parties intéressées, visant à préciser leur position à la suite du prononcé de l'arrêt du 6 octobre 2015, Commission/Andersen (C 303/13 P, EU:C:2015:647). Le 9 novembre 2016, la requérante a complété ses observations.
11 Le 2 février 2017, la Commission a clôturé la procédure formelle d'examen, prévue à l'article 108, paragraphe 2, TFUE, et adopté la décision (UE) 2017/1470, concernant les régimes d'aides SA.26763 2014/C (ex 2012/NN) mis à exécution par la France en faveur des entreprises de transport par autobus dans la Région Île-de-France (JO 2017, L 209, p. 24, ci-après la " décision attaquée ").
12 Dans la décision attaquée, la Commission a notamment estimé que les subventions litigieuses octroyées au titre du régime d'aide en cause par la requérante, entre 1994 et 2008, constituaient des aides d'État au sens de l'article 107, paragraphe 1, TFUE. Dans la mesure où les conditions des échanges entre les États membres n'avaient pas été affectées dans une mesure contraire à l'intérêt commun, elle a considéré que ledit régime était compatible avec le marché intérieur, au sens de l'article 107, paragraphe 3, TFUE. Elle a en revanche conclu que, dans la mesure où les aides n'avaient pas été notifiées et devaient être qualifiées d'" aides nouvelles ", le régime d'aide en cause avait été illégalement mis à exécution, en violation de l'article 108, paragraphe 3, TFUE.
13 Le dispositif de la décision attaquée se lit comme suit :
" Article premier
Le régime d'aide illégalement mis à exécution par [la République française] entre 1994 et 2008, sous la forme des subventions à l'investissement octroyées par la Région Île-de-France dans le cadre des délibérations CR 34-94, CR 44-98 et CR 47-01, est compatible avec le marché intérieur.
[...]
Article 4
La République française est destinataire de la présente décision. "
II. Procédure devant les juridictions nationales
14 En mai 2004, le syndicat autonome des transporteurs de voyageurs (ci-après le " SATV ") a demandé au président du conseil régional d'Île-de-France d'abroger les délibérations litigieuses. À la suite du rejet de cette demande, le SATV a saisi le tribunal administratif de Paris (France) d'un recours en annulation contre la décision du président du conseil régional d'Île-de-France, le 17 juin 2004.
15 Par jugement no 0417015, du 10 juillet 2008, le tribunal administratif de Paris a fait droit au recours du SATV et enjoint à la requérante de soumettre au conseil régional d'Île-de-France une nouvelle délibération au motif que le régime d'aide en cause n'avait pas été notifié à la Commission. Le tribunal administratif de Paris a, par ailleurs, enjoint à la requérante de procéder à l'abrogation des délibérations litigieuses.
16 La requérante, tout en faisant appel contre cette décision, a adopté la délibération CR 80-08, du 16 octobre 2008, visant à abroger les délibérations litigieuses.
17 Par l'arrêt no 08PA 04753, du 12 juillet 2010, la cour administrative d'appel de Paris (France) a confirmé le jugement du tribunal administratif de Paris no 0417015, du 10 juillet 2008. La requérante a formé un pourvoi en cassation contre cette décision devant le Conseil d'État (France). Par l'arrêt no 343440, du 23 juillet 2012, le Conseil d'État a rejeté ce pourvoi et indiqué que la circonstance que le marché du transport public régulier de voyageurs sur le territoire de la requérante soit fermé à la concurrence était sans incidence sur la qualification des subventions litigieuses d'aides d'État, dès lors que les bénéficiaires finaux opéraient également sur d'autres marchés ouverts à la concurrence.
18 À la suite du rejet de plusieurs recours en tierce-opposition par la cour administrative d'appel de Paris, le 27 novembre 2015, les bénéficiaires finaux qui avaient introduit ces recours ont formé des pourvois en cassation devant le Conseil d'État, lesquels étaient toujours pendants à la date d'introduction de la requête.
19 À la suite d'une nouvelle requête introduite par le SATV le 27 octobre 2008, le tribunal administratif de Paris a enjoint à la requérante, par le jugement no 0817138, du 4 juin 2013, d'émettre les titres exécutoires permettant la récupération des subventions litigieuses. Le 27 novembre 2015, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel de la Région contre cette décision (arrêt no 13PA 03172). La requérante a formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d'État, lequel était toujours pendant à la date de l'introduction de la requête.
III. Procédure et conclusions des parties
20 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 mai 2017, la requérante a introduit, en application de l'article 263 TFUE, le présent recours, tendant à l'annulation partielle de la décision attaquée.
21 La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- déclarer le recours recevable ;
- annuler la décision attaquée dans la mesure où la Commission a qualifié le régime d'aide en cause de " régime d'aide d'État " ;
- condamner la Commission aux dépens.
22 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- à titre principal, déclarer le recours irrecevable ;
- à titre subsidiaire, rejeter le recours ;
- condamner la requérante aux dépens.
IV. En droit
A. Sur la recevabilité
23 La Commission, sans soulever une exception d'irrecevabilité par acte séparé sur le fondement de l'article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, conclut à l'irrecevabilité du recours au motif de l'absence de qualité pour agir et d'intérêt à agir de la requérante.
24 La requérante soutient que, bien qu'elle ne soit pas le destinataire de la décision attaquée, le recours est recevable en ce qu'elle dispose tant de la qualité pour agir que d'un intérêt à agir contre la décision attaquée.
25 À cet égard, il convient de rappeler que le juge de l'Union européenne est en droit d'apprécier, suivant les circonstances de chaque espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond un recours, sans statuer préalablement sur sa recevabilité (arrêts du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C 23/00 P, EU:C:2002:118, points 51 et 52, et du 14 septembre 2015, Brouillard/Cour de justice, T 420/13, non publié, EU:T:2015:633, point 18).
26 Dans les circonstances de l'espèce, le Tribunal considère que, dans un souci d'économie de la procédure, il y a lieu d'examiner d'emblée le bien-fondé du recours, sans statuer préalablement sur sa recevabilité.
B. Sur le fond
27 À l'appui de son recours, la requérante soulève, en substance, deux moyens. Le premier moyen est tiré d'une violation de l'article 1er, sous b), i) et v), du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d'application de l'article 108 TFUE (JO 2015, L 249, p. 9), en ce que la Commission aurait considéré, à tort, dans la décision attaquée, que les aides octroyées entre 1994 et 2008 en vertu du régime d'aide en cause étaient des aides nouvelles qui, en l'absence de notification, avaient été illégalement mises à exécution. Le second moyen est pris d'une violation de l'obligation de motivation, en ce que, dans le cadre de son appréciation relative à la qualification des subventions litigieuses d'aides d'État au sens de l'article 107, paragraphe 1, TFUE, la Commission n'aurait pas suffisamment motivé en quoi ces subventions étaient sélectives et conféraient un avantage économique indu aux bénéficiaires finaux.
28 À cet égard, il convient de relever que, dans ses conclusions, la requérante demande explicitement au Tribunal d'annuler la décision attaquée dans la mesure où la Commission y a constaté que les subventions litigieuses constituaient un régime d'aide d'État.
29 Toutefois, l'intitulé des moyens soulevés à l'appui du présent recours ne permet pas de présumer qu'ils tendent à remettre en cause la qualification des subventions litigieuses d'aides d'État.
30 En effet, il ressort de l'intitulé des moyens soulevés que ceux-ci viseraient uniquement, pour le second, à faire constater l'insuffisance de motivation dont la décision attaquée est entachée, à l'égard de la qualification des subventions litigieuses d'aides d'État, et, pour le premier, à contester l'appréciation effectuée par la Commission, dans cette décision, concernant le caractère nouveau du régime d'aide en cause.
31 Cependant, il ressort clairement de la requête que, par le second moyen, certes formulé comme étant tiré d'une violation de la seule obligation de motivation, la requérante fait, en réalité, également grief à la Commission d'avoir conclu que les critères de sélectivité et d'avantage étaient remplis en l'espèce. Par ce moyen, elle vise donc tant à faire constater une violation de l'obligation de motivation qu'à remettre en cause la légalité au fond de la décision attaquée, au motif que les subventions litigieuses ne constituaient pas des aides d'État au sens de l'article 107, paragraphe 1, TFUE.
32 En outre, il ressort tant des arguments formulés par la requérante dans ses écritures que de ceux qu'elle a développés lors de l'audience que la demande d'annulation de la décision attaquée ne vise pas uniquement à remettre en cause la qualification des subventions litigieuses d'aides d'État, mais également à contester le caractère nouveau du régime d'aide en cause. Dans ces conditions, il convient de considérer que le premier moyen, tiré de la violation de l'article 1er, sous b), i) et v), du règlement 2015/1589, est opérant à l'appui de cette demande.
33 Compte tenu de ces éléments, il y a lieu de considérer que les moyens invoqués interviennent à l'appui du chef de conclusions de la requérante tendant à obtenir l'annulation partielle de la décision attaquée au motif de l'absence d'aide d'État, au sens de l'article 107, paragraphe 1, TFUE, d'une part, et de la qualification erronée du régime d'aide en cause de régime d'aide nouveau, d'autre part.
34 Par ailleurs, il convient de rappeler que le défaut ou l'insuffisance de motivation vise à établir une violation des formes substantielles et requiert, de ce fait, un examen distinct, en tant que tel, de l'appréciation de l'inexactitude des motifs de la décision attaquée, dont le contrôle relève de l'examen du bien-fondé de cette décision (voir, en ce sens, arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C 367/95 P, EU:C:1998:154, point 67, et du 15 décembre 2005, Italie/Commission, C 66/02, EU:C:2005:768, point 26).
35 Il s'ensuit que le second moyen, en ce qu'il vise notamment à faire constater une violation de l'obligation de motivation et une erreur d'appréciation de la Commission s'agissant de la qualification des subventions litigieuses d'aides d'État, doit être examiné avant le premier moyen, lequel porte uniquement sur la légalité au fond de la décision attaquée.
1. Sur le second moyen, tiré d'une violation de l'obligation de motivation et d'une erreur d'appréciation dans la qualification des subventions litigieuses au regard de l'article 107, paragraphe 1, TFUE
a) Sur la violation de l'obligation de motivation
36 En premier lieu, la requérante soutient que la décision attaquée est entachée d'une insuffisance de motivation, en ce que la Commission se serait contentée de relever, dans cette décision, que le régime d'aide en cause opérait, de facto, une sélection parmi les opérateurs économiques du secteur du transport public régulier par route et favorisait ce secteur économique par rapport à d'autres secteurs. La question de la sélectivité des aides n'aurait fait l'objet que de trois considérants dans la décision attaquée (à savoir les considérants 222 à 224 de cette décision).
37 En second lieu, la requérante estime que l'insuffisance de motivation qui caractérise la décision attaquée provient de ce que la Commission n'a pas démontré en quoi les bénéficiaires finaux disposaient de marges de manœuvre spécifiques, à la suite de l'octroi des subventions litigieuses dans le cadre du régime d'aide en cause. La Commission aurait notamment omis d'analyser la manière dont ces subventions auraient permis aux bénéficiaires finaux d'atténuer l'incidence des charges susceptibles de peser sur eux et donc de leur conférer un avantage économique.
38 La Commission conteste les arguments de la requérante. En particulier, elle considère que la décision attaquée contient des explications détaillées concernant tant l'existence d'un avantage économique que le caractère sélectif de cet avantage. Elle précise que, dans la mesure où les délibérations litigieuses ne détaillaient aucun paramètre clé concernant l'amortissement de l'avantage perçu, ce serait à suffisance de droit qu'elle aurait conclu à l'existence d'un avantage économique indu en faveur des bénéficiaires finaux.
39 À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l'article 296, deuxième alinéa, TFUE, les actes juridiques sont motivés. De plus, aux termes de l'article 41, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, le droit à une bonne administration comprend l'obligation pour l'administration de motiver ses décisions.
40 Selon une jurisprudence constante, la portée de l'obligation de motivation dépend de la nature de l'acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté. La motivation doit faire apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement de l'institution, de façon, d'une part, à permettre au juge de l'Union d'exercer son contrôle de légalité et, d'autre part, à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise, afin de pouvoir défendre leurs droits et de vérifier si la décision est ou non bien fondée (arrêt du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, T 228/99 et T 233/99, EU:T:2003:57, point 278).
41 Il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, T 228/99 et T 233/99, EU:T:2003:57, point 279).
42 Toutefois, si la Commission n'est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés, elle doit exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l'économie de la décision (voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, T 228/99 et T 233/99, EU:T:2003:57, point 280).
43 En ce qui concerne la qualification d'une mesure d'aide, l'obligation de motivation exige que soient indiquées les raisons pour lesquelles la Commission considère que la mesure en cause entre dans le champ d'application de l'article 107, paragraphe 1, TFUE (arrêt du 13 juin 2000, EPAC/Commission, T 204/97 et T 270/97, EU:T:2000:148, point 36).
44 À cet égard, premièrement, il convient de constater que, avant de conclure à l'existence d'un avantage économique au sens de l'article 107, paragraphe 1, TFUE, la Commission a répondu aux arguments des autorités françaises et des parties intéressées, qu'elle a rappelés au considérant 198 de la décision attaquée et qui visaient à établir que les aides avaient été octroyées par la requérante en contrepartie de l'exécution d'obligations de service public et n'étaient pas susceptibles de conférer un tel avantage aux bénéficiaires finaux, conformément aux conditions posées dans l'arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C 280/00, EU:C:2003:415, points 87 à 94).
45 En particulier, la Commission a exposé, aux considérants 201 à 207 de la décision attaquée, les raisons pour lesquelles elle estimait que les subventions litigieuses ne visaient pas à compenser des obligations de service public, mais se greffaient sur le dispositif contractuel déjà en place entre les entreprises de transport public régulier du territoire de la requérante et les collectivités publiques concernées, aux fins de stimuler l'investissement. Elle a précisé que le fait que l'avantage conféré par ces subventions puisse être corrigé par un éventuel amortissement des sommes versées par ces mêmes collectivités aux bénéficiaires finaux, aux fins de compenser leurs obligations de service public, n'était pas pertinent aux fins d'une telle analyse.
46 Compte tenu de l'appréciation détaillée que la Commission a effectuée, dans la décision attaquée, quant à la question de savoir si les subventions litigieuses conféraient un avantage aux bénéficiaires finaux, il ne saurait lui être reproché de n'avoir, en l'espèce, pas fourni une motivation suffisante aux fins de vérifier que ce critère était satisfait.
47 Deuxièmement, s'agissant du critère relatif à la sélectivité des subventions litigieuses et de la motivation fournie à l'égard de ce critère dans la décision attaquée, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il incombe à la Commission de démontrer que la mesure en cause introduit des différenciations entre des entreprises se trouvant, au regard de l'objectif de cette mesure, dans une situation factuelle et juridique comparable (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2011, Commission/Pays-Bas, C 279/08 P, EU:C:2011:551, point 62 et jurisprudence citée).
48 À cet égard, aux considérants 222 et 223 de la décision attaquée, d'une part, la Commission a indiqué que les subventions litigieuses concernaient uniquement les entreprises de transport public privées avec lesquelles les collectivités publiques concernées avaient conclu une convention d'exploitation, de sorte que seul le secteur du transport public régulier par route sur le territoire de la requérante était concerné par ces subventions. D'autre part, elle a constaté qu'une sélection était opérée entre les entreprises de ce secteur en amont de l'octroi des subventions, pour déterminer celles qui seraient chargées de l'exécution des obligations de service public sur le territoire de la requérante.
49 La Commission a, dès lors, conclu, au considérant 224 de la décision attaquée, que le caractère sélectif du régime d'aide en cause pouvait être observé tant au niveau du secteur concerné qu'à l'intérieur de ce secteur, entre les entreprises auxquelles les subventions litigieuses étaient octroyées et celles qui étaient exclues dudit régime.
50 Il s'ensuit que la Commission a fourni des explications suffisamment détaillées pour permettre à la requérante de comprendre les raisons pour lesquelles elle estimait que les subventions litigieuses opéraient une différenciation, au sens de la jurisprudence rappelée au point 47 ci-dessus, entre les bénéficiaires finaux et les entreprises se trouvant, au regard de l'objectif poursuivi par les délibérations litigieuses, dans une situation factuelle et juridique comparable auxdits bénéficiaires.
51 Dans ces conditions, la requérante ne saurait reprocher à la Commission d'avoir commis une violation de l'obligation de motivation dans le cadre de ses appréciations relatives au caractère sélectif du régime d'aide en cause, d'une part, et à l'avantage économique indu accordé aux bénéficiaires finaux, d'autre part.
b) Sur l'erreur d'appréciation dans la qualification des subventions litigieuses d'aides d'État, au regard de l'article 107, paragraphe 1, TFUE et, en particulier, des critères relatifs à l'avantage économique et à la sélectivité
1) Sur le bien-fondé de l'appréciation relative à l'avantage économique
52 Selon la requérante, la Commission a considéré, à tort, dans la décision attaquée, que le critère relatif à l'avantage économique, prévu à l'article 107, paragraphe 1, TFUE, était satisfait. En particulier, cette dernière aurait omis de préciser quelles étaient les charges particulières susceptibles de peser sur les bénéficiaires finaux ainsi que la manière dont les subventions litigieuses permettaient d'alléger ces charges et, par conséquent, de leur conférer un avantage économique.
53 La Commission conteste les arguments de la requérante. Selon elle, les délibérations litigieuses ne détaillaient pas les paramètres clés relatifs à un éventuel amortissement de l'avantage économique perçu par les bénéficiaires finaux. Ce serait donc à bon droit qu'elle aurait conclu, compte tenu des considérations exposées au considérant 209 de la décision attaquée, à savoir, en particulier, le fait que rien ne laissait supposer, à la lecture des délibérations litigieuses, que les subventions litigieuses fussent correctement amorties, que les aides octroyées au titre du régime d'aide en cause conféraient un avantage économique indu aux bénéficiaires finaux.
54 À cet égard, il convient de relever, d'emblée, que la Commission a indiqué, au considérant 207 de la décision attaquée, que, dans la mesure où les subventions litigieuses visaient à couvrir une partie des coûts d'investissement normalement supportés par les entreprises du marché du transport public régulier, la requérante avait, en octroyant ces subventions, libéré des marges de manœuvre pour les bénéficiaires finaux, qui pouvaient, de ce fait, utiliser leurs propres ressources à d'autres fins.
55 Les éléments d'analyse détaillés au considérant 207 de la décision attaquée sont suffisants aux fins d'écarter l'argument de la requérante selon lequel la Commission aurait omis d'expliquer en quoi les subventions litigieuses permettaient d'alléger les charges pesant à l'égard des bénéficiaires finaux.
56 La requérante n'ayant présenté aucun autre argument ou élément de preuve aux fins de remettre en cause l'appréciation effectuée par la Commission, dans la décision attaquée, concernant le critère de l'avantage économique, prévu à l'article 107, paragraphe 1, TFUE, et s'étant contentée, au demeurant, d'affirmer le caractère erroné de cette appréciation, il n'y a pas lieu de remettre en cause le bien-fondé de l'appréciation, dans la décision attaquée, concernant l'existence d'un avantage économique.
2) Sur le bien-fondé de l'appréciation relative à la sélectivité
57 La requérante conteste que les subventions litigieuses soient sélectives. À cet égard, elle fait valoir qu'elle ne disposait d'aucun pouvoir discrétionnaire concernant l'octroi de ces subventions. Selon elle, tous les opérateurs actifs sur le marché du transport régulier de voyageurs étaient éligibles à ces subventions, sur simple présentation d'un dossier, à condition d'avoir conclu une convention d'exploitation avec l'une des collectivités publiques concernées. Parmi les 150 opérateurs de transport public régulier exerçant leurs activités sur son territoire, plus de 130 opérateurs auraient ainsi bénéficié des aides octroyées au titre du régime d'aide en cause.
58 La Commission conteste les arguments de la requérante. Plus particulièrement, elle soutient que, ainsi que la requérante l'a elle-même reconnu, certaines entreprises exerçant leurs activités sur le marché du transport public régulier de voyageurs d'Île-de-France ont été exclues du cercle des bénéficiaires finaux. Le fait qu'un grand nombre d'entreprises aient été en mesure d'en bénéficier ne saurait suffire à remettre en cause le caractère sélectif des subventions litigieuses.
59 À cet égard, il convient de relever que, ainsi que la requérante l'a elle-même admis dans ses écritures, l'octroi des subventions litigieuses dépendait de la conclusion d'une convention d'exploitation entre les bénéficiaires finaux et les collectivités publiques concernées.
60 Il s'ensuit que les entreprises issues d'autres États membres ou d'autres régions françaises n'étaient pas éligibles à l'octroi des subventions litigieuses et que seules les entreprises actives sur le marché du transport régulier de voyageurs et exerçant leurs activités sur le territoire de la requérante pouvaient bénéficier du matériel subventionné par les aides octroyées au titre du régime d'aide en cause. Plus précisément, seules ces entreprises étaient susceptibles d'utiliser le matériel ainsi subventionné dans d'autres parties de l'Union et du territoire français, où elles pouvaient se trouver en concurrence avec des opérateurs de transport public n'ayant pas bénéficié des mêmes aides.
61 Dès lors, contrairement à ce qu'allègue la requérante, il y a lieu de considérer que, même si un grand nombre d'entreprises exerçant des activités de transport public régulier par route sur son territoire ont pu bénéficier des subventions litigieuses, le régime d'aide en cause comportait des différenciations de nature à favoriser " certaines entreprises ou certaines productions " par rapport à d'autres, qui se trouvaient, au regard de l'objectif poursuivi par ledit régime, dans une situation factuelle et juridique comparable.
62 Dans ces conditions, il convient de conclure que les arguments présentés par la requérante ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation effectuée par la Commission, dans la décision attaquée, concernant la sélectivité des subventions litigieuses.
63 Eu égard à l'ensemble de ce qui précède, il convient de rejeter les arguments de la requérante relatifs à l'appréciation, effectuée par la Commission, dans la décision attaquée, s'agissant de la sélectivité du régime d'aide litigieux et, partant, le second moyen dans son intégralité.
2. Sur le premier moyen, tiré d'une violation de l'article 1er, sous b), i) et v), du règlement 2015/1589, en ce que le régime d'aide en cause a été qualifié, à tort, de régime d'aide nouveau
64 La requérante fait valoir que le régime d'aide en cause est un régime d'aide existant, au titre de l'article 1er, sous b), i), du règlement 2015/1589, dès lors que la possibilité pour les collectivités publiques concernées d'octroyer des subventions aux entreprises de transport public de voyageurs par route a été introduite par l'article 19 du décret no 49-1473, du 14 novembre 1949, relatif à la coordination et à l'harmonisation des transports ferroviaires et routiers (JORF du 15 novembre 1949, p. 11104, ci-après le " décret de 1949 "), avant l'entrée en vigueur du traité instituant la Communauté économique européenne (devenu traité FUE) en France, le 1er janvier 1958.
65 La requérante soutient, par ailleurs, que, dans la mesure où la décision attaquée ne contient aucune conclusion précise quant à la date d'introduction du régime d'aide en cause, la Commission ne pouvait écarter la possibilité que ledit régime ait été introduit dans un marché initialement fermé à la concurrence et constitue, de ce fait, un régime d'aide existant, au titre de l'article 1er, sous b), v), du règlement 2015/1589.
66 S'agissant de l'argumentation de la requérante selon laquelle le régime d'aide en cause a été mis en œuvre par les dispositions du décret de 1949, la Commission rappelle avoir conclu, au considérant 236 de la décision attaquée, que ces dispositions ne définissaient aucun des paramètres clés de ce régime, à savoir, notamment, sa durée, son budget, ses bénéficiaires, la nature des biens éligibles à la subvention et le taux de subvention applicable, et qu'elles ne créaient aucun droit à recevoir des subventions.
67 De plus, s'agissant de l'argumentation de la requérante relative à la date à partir de laquelle les subventions litigieuses étaient susceptibles d'affecter la concurrence sur le marché intérieur, la Commission soutient que, comme l'aurait établi le tribunal administratif de Paris dans le jugement no 0417015, du 10 juillet 2008, les bénéficiaires finaux opéraient à la fois sur le marché du transport régulier de voyageurs et sur le marché du transport occasionnel de voyageurs. Or, le marché du transport occasionnel de voyageurs aurait déjà été libéralisé en 1979. Il s'ensuivrait que le régime d'aide en cause aurait été susceptible d'affecter la concurrence entre les États membres sur ce marché dès son introduction, quelle que soit sa date d'introduction, pour autant qu'elle se situe entre 1979 et 2008.
68 En premier lieu, il convient de vérifier si, comme le soutient la requérante, le régime d'aide en cause a été introduit par le décret de 1949, à une date antérieure à l'entrée en vigueur du traité instituant la Communauté économique européenne en France, et constituait, par conséquent, un régime d'aide existant au titre de l'article 1er, sous b), i), du règlement 2015/1589.
69 Le décret de 1949 prévoyait notamment ce qui suit :
" Article 2
Les services de transports de voyageurs qui sont soumis à des mesures de coordination et d'harmonisation par application des dispositions de l'article 7 de la loi du 5 juillet 1949 sont :
[...]
2. Les services routiers de transports publics de voyageurs énumérés ci-après [...] :
Les services réguliers, y compris les services saisonniers et périodiques [...] ;
Les services occasionnels, c'est-à-dire ceux qui, bien que faits à la demande, répondent à des besoins généraux du public, se renouvelant à certaines époques de chaque année [...]
Article 19
Une collectivité territoriale peut subventionner un service routier en passant avec une entreprise un contrat qui fixe les obligations imposées à celles-ci en sus de celles résultant de son règlement d'exploitation.
Le tarif établi conformément à ce contrat doit respecter toutes les règles contenues dans les articles précédents. "
70 S'agissant de la question de savoir si les subventions litigieuses trouvent leur origine dans le décret de 1949, premièrement, il convient de préciser que les modalités d'octroi des subventions prévues par le décret de 1949 différaient de celles des aides accordées au titre de la délibération CR 34-94. Comme le fait valoir, à juste titre, la Commission, dans le cadre de la délibération CR 34-94, les subventions litigieuses étaient octroyées par la requérante aux collectivités publiques avant d'être reversées aux bénéficiaires finaux. Un tel mécanisme de reversement n'existait pas dans le cadre du décret de 1949.
71 Deuxièmement, il ressort de l'arrêt no 343440, du 23 juillet 2012, du Conseil d'État que les subventions accordées au titre de la délibération CR 34-94 visaient uniquement à faciliter l'acquisition de matériel par les entreprises de transport public d'Île-de-France, sans que le régime d'aide en cause ait pour objet ou pour effet d'imposer, en contrepartie, des obligations tarifaires aux bénéficiaires finaux. Tel n'était pas le cas de l'article 19 du décret de 1949, qui, tout en prévoyant, à titre général, la possibilité pour les collectivités territoriales françaises de conclure des contrats de subventions avec ces mêmes entreprises, visait le contrôle des tarifs appliqués. L'article 11 de ce décret disposait ainsi que, " pour les services ayant un contrat avec une collectivité territoriale, les tarifs [étaient] fixés [...] conformément au contrat passé entre l'entreprise et la collectivité qui vers[ait] la subvention ".
72 Troisièmement, les délibérations litigieuses ne comportaient aucune référence au décret de 1949. Ces délibérations ne mentionnaient que le code général des collectivités territoriales, la loi no 82-1153, du 30 décembre 1982, d'orientation des transports intérieurs (JORF du 31 décembre 1982, p. 4004) et plusieurs délibérations antérieures et décrets adoptés conformément au droit national, parmi lesquels ne figurait pas le décret de 1949.
73 Quatrièmement, les délibérations litigieuses s'inscrivaient dans un cadre législatif spécifique, relatif à l'organisation des transports en Île-de-France, lequel a été précisé, pour la première fois, dans l'ordonnance no 59-151, du 7 janvier 1959, relative à l'organisation des transports de voyageurs dans la région parisienne (JORF du 10 janvier 1959, p. 696), près de dix ans après l'adoption du décret de 1949.
74 Il découle de l'ensemble de ces considérations que le décret de 1949 ne constituait pas la base juridique du régime d'aide en cause.
75 Dans ces conditions, il convient de constater que la requérante n'a pas produit devant le Tribunal les éléments de preuve suffisants aux fins d'établir que le régime d'aide en cause doit être qualifié de régime d'aide existant au titre de l'article 1er, sous b), i), du règlement 2015/1589.
76 En second lieu, s'agissant de la question de savoir si le régime d'aide en cause doit être qualifié de régime d'aide existant au titre de l'article 1er, sous b), v), du règlement 2015/1589, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la notion d'" évolution du marché intérieur " figurant à cette disposition peut être comprise comme se référant à une modification du contexte économique et juridique dans le secteur concerné par la mesure en cause. Une telle modification peut, en particulier, résulter de la libéralisation d'un marché initialement fermé à la concurrence (voir, par analogie, arrêt du 24 mars 2011, Freistaat Sachsen et Land Sachsen-Anhalt/Commission, T 443/08 et T 455/08, EU:T:2011:117, point 188).
77 Il s'ensuit qu'un régime d'aide institué dans un marché initialement fermé à la concurrence doit être considéré, lors de la libéralisation de ce marché, comme un régime d'aide existant (arrêt du 15 juin 2000, Alzetta e.a./Commission, T 298/97, T 312/97, T 313/97, T 315/97, T 600/97 à T 607/97, T 1/98, T 3/98 à T 6/98 et T 23/98, EU:T:2000:151, point 143).
78 Cependant, conformément à l'article 1er, sous b), v), du règlement 2015/1589, la date de libéralisation d'une activité par le droit de l'Union doit être prise en considération aux seules fins d'exclure que, à la suite de cette date, une mesure qui ne constituait pas une aide avant la libéralisation soit qualifiée d'aide existante (voir, par analogie, arrêt du 16 janvier 2018, EDF/Commission, T 747/15, EU:T:2018:6, point 369).
79 En l'espèce, il ressort de la décision attaquée, et plus particulièrement du considérant 18, sous a), et des considérants 19, 183 et 186 de cette décision, que la Commission a estimé que le régime d'aide en cause avait été instauré en 1994 et abrogé en 2008, avec pour conséquence que les aides octroyées au titre de délibérations antérieures doivent être considérées comme formant un régime d'aide distinct de celui mis en œuvre par les délibérations CR 34-94 et suivantes.
80 À cet égard, il convient de rappeler que la loi no 93-122, du 29 janvier 1993, relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques (JORF du 30 janvier 1993, p. 1588), qui a opéré la libéralisation du marché du transport régulier de voyageurs sur l'ensemble du territoire français, à l'exception de celui de la requérante, a été adoptée en 1993, soit avant la date d'entrée en vigueur de la délibération CR 34-94, et que cette dernière date coïncide, selon l'analyse effectuée par la Commission dans la décision attaquée, avec la date d'introduction du régime d'aide en cause.
81 Compte tenu de ces éléments, c'est à bon droit que la Commission a estimé, dans la décision attaquée, que les bénéficiaires finaux pouvaient, à compter de 1994, utiliser l'équipement financé par les subventions litigieuses sur d'autres marchés de transport public régulier de voyageurs, ouverts à la concurrence, et, par conséquent, que ces subventions étaient susceptibles, à compter de cette date, d'affecter la concurrence et les échanges entre les États membres.
82 À cet égard, il convient de souligner que la conclusion de la Commission selon laquelle l'ensemble des critères prévus à l'article 107, paragraphe 1, TFUE étaient satisfaits pour cette période est conforme à l'analyse qui figure dans les décisions des juridictions nationales, à savoir, en particulier, le jugement no 0417015, du 10 juillet 2008, du tribunal administratif de Paris et l'arrêt no 08PA 04753, du 12 juillet 2010, de la cour administrative d'appel de Paris, notamment cités au considérant 226 de la décision attaquée.
83 Par ailleurs, quand bien même la Commission aurait commis, ainsi que l'allègue la requérante, une erreur en considérant que le régime d'aide en cause n'a été introduit qu'en 1994, cette seule erreur ne saurait suffire à invalider la conclusion selon laquelle celui-ci doit être considéré comme un régime d'aide nouveau. En effet, il ressort des considérants 226 et 237 de la décision attaquée que, même en admettant l'hypothèse selon laquelle le régime d'aide en cause devrait être regardé comme ayant été institué dès 1979 ou au plus tard en 1994, à une date à laquelle le marché du transport régulier de voyageurs était encore fermé à la concurrence, les bénéficiaires finaux étaient susceptibles d'utiliser le matériel subventionné par la requérante dans le cadre d'activités de transport occasionnel ouvertes à la concurrence.
84 En l'espèce, la requérante n'a produit aucun élément de preuve aux fins d'établir que le marché du transport occasionnel ne faisait pas l'objet d'échanges entre les États membres au cours de la période ayant précédé l'introduction du régime d'aide en cause ou lors de son introduction. Elle s'est contentée de faire valoir, lors de l'audience de plaidoiries, que ce marché était marginal par rapport à celui du transport public régulier de voyageurs.
85 Or, la cour administrative d'appel de Paris avait déjà, à juste titre, souligné la pertinence du marché du transport occasionnel de voyageurs dans son arrêt no 15PA 00385, du 27 novembre 2015. C'est donc en se fondant sur les décisions des juridictions nationales que la Commission a constaté que le régime d'aide en cause devait être regardé comme ayant affecté, dès son introduction, les échanges entre les États membres et la concurrence et qu'elle a écarté sa qualification de régime d'aide existant au titre de l'article 1er, sous b), v), du règlement 2015/1589.
86 Eu égard à l'ensemble des éléments qui précèdent, il convient de constater que la Commission n'a pas commis de violation de l'article 1er, sous b), i) et v), du règlement 2015/1589.
87 Partant, le premier moyen doit être rejeté, de même que l'ensemble du recours.
V. Sur les dépens
88 Aux termes de l'article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens.
89 En l'espèce, la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) La Région Île-de-France supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.