CA Limoges, ch. économique et soc., 9 juillet 2019, n° 17-00909
LIMOGES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Mejand (SARL)
Défendeur :
SCP BTSG (ès qual.), La Pataterie Développement (SAS), La Pataterie Communication (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Conseillers :
M. Colomer, Mme Valleix
Avocats :
Mes Noirot, Chabaud, Deschamps
EXPOSE DU LITIGE :
La société La Pataterie développement a créé au début des années 2000 un concept de restauration à thème à l'enseigne La Pataterie. Ce concept a été principalement développé dans le cadre de la signature de contrats de franchise.
La société Mejand a été créée le 25 janvier 2012 pour devenir franchisée du réseau La Pataterie, Mme X étant la gérante de la société.
Le 8 mars 2012, la société La Pataterie développement et la société Mejand ont signé un contrat de franchise, permettant l'exploitation d'un restaurant à l'enseigne La Pataterie situé à Gonesse (95). L'établissement a ouvert le 25 juin 2012.
Au début de l'année 2013, des échanges ont eu lieu entre les parties en vue de régulariser un second contrat de franchise La Pataterie pour exploiter un restaurant sous cette enseigne à Montevrain (77).
Par ordonnance de référé en date du 2 novembre 2016 le tribunal de grande instance de Meaux a constaté la résiliation automatique du bail commercial pour l'établissement situé à Gonesse, liant la société BDM à la société Mejand et ordonné l'expulsion de cette dernière.
Des difficultés économiques ont amené le prononcé du redressement judiciaire de la société La Pataterie développement suite à un jugement du tribunal de commerce de Limoges en date du 18 octobre 2017, Maître Y étant désigné en qualité d'administrateur judiciaire et Maître Z de la société BTSG étant désigné en qualité de mandataire judiciaire.
Le réseau a été repris par un nouvel opérateur suite à un jugement du tribunal de commerce de Limoges en date du 21 novembre 2017, puis son placement en liquidation judiciaire a été prononcé par un jugement du même tribunal en date du 21 février 2018, Maître Z étant désigné en qualité de mandataire liquidateur.
La société La Pataterie communication, désormais dénommée La Pataterie services, était avant la reprise du réseau, une filiale à 100 % de la société La Pataterie développement ayant pour seul objet de gérer le budget de communication du réseau La Pataterie.
Mme X a saisi le conseil de prud'hommes de Limoges en vue d'obtenir la requalification du contrat de franchise en contrat de travail. Cette procédure a fait l'objet d'une radiation. De son côté la société La Pataterie développement a engagé une procédure de référé devant le tribunal de commerce aux fins d'obtenir condamnation de la société Mejand au paiement des sommes dues au titre de la redevance d'exploitation proportionnelle et de la participation au budget publicitaire, demandes dont elle a été déboutée par une ordonnance de référé confimée par arrêt de la cour d'appel de Limoges rendu le 19 janvier 2017.
Depuis le mois de mai 2018, le fonds de commerce situé à Gonesse n'est plus exploité directement par la société Mejand, celui-ci ayant été mis en location-gérance au profit de la société Assya.
Par acte d'huissier de justice en date du 19 avril 2017, les sociétés La Pataterie développement et La Pataterie communication ont fait assigner la société Mejand devant le tribunal de commerce de Limoges en vue d'obtenir la condamnation au paiement par cette dernière de sa redevance d'exploitation et de sa participation au budget publicitaire ainsi que des intérêts et indemnités en lien. L'affaire a été appelée à l'audience du tribunal de commerce de Limoges du 22 mai 2017 sous le numéro de rôle 2017/3447.
Par acte d'huissier en date du 5 mai 2017, la société Mejand et Mme X ont fait assigner la société La Pataterie développement aux fins d'obtenir la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs du franchiseur ainsi que le versement des indemnités en lien.
Par jugement en date du 3 juillet 2017, le tribunal de commerce de Limoges a :
Avant dire droit, ordonné la jonction des deux instances et en conséquence dit qu'il y avait lieu de retirer l'affaire 2017/4157 ;
En premier ressort, débouté la société Mejand et Mme X de toutes leurs demandes, fins et conclusions ; condamné la société Mejand à verser à la société La Pataterie développement la somme de 83 449,10 sauf à parfaire et à verser à la société La Pataterie communication la somme de 17 201,63 sauf à parfaire ; l'ensemble majoré des intérêts légaux de retard à compter de la mise en demeure du 18 novembre 2015 ; dit et jugé que la société Mejand s'acquittera de la condamnation ainsi mise à sa charge par le versement de 24 pactes mensuels d'égale valeur, le premier devant intervenir au plus tard dans le mois de la signification de la présente décision et le dernier inclure les intérêts dus ; et qu'en cas de défaut de paiement d'une seule de ces échéances aux dates ainsi définies que la totalité des créances détenues par les demanderesses redeviendra immédiatement exigible, ce avec toutes conséquences de droit ; ordonné l'exécution provisoire de ce qui précède ; condamné la société Mejand à verser à la société La Pataterie développement une indemnité de 1 500 et à la société La Pataterie communication une indemnité de 1 500 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens de l'instance dont le coût de la présente décision liquidé à la somme de 111,17 dont 18,53 de TVA.
Mme X et la société Mejand ont régulièrement interjeté appel de cette décision le 20 juillet 2017 leur recours portant sur l'ensemble des chefs du jugement.
Aux termes de leurs écritures du 12 décembre 2018, la société Mejand et Mme X demandent à la Cour de : dire et juger recevable et bien fondé l'appel formé par la société Mejand et Mme X ; dire et juger recevable et bien fondée la demande en intervention forcée de M. Z ès qualité de mandataire judiciaire de la société La Pataterie développement ; dire et juger recevable et bien fondée la demande en intervention forcée de M. Y ès qualité d'administrateur judiciaire de la société La Pataterie développement ; dire et juger recevable et bien fondée la demande en intervention forcée de M. Z ès qualité de liquidateur de la société La Pataterie développement ;
Y faisant droit, d'infirmer le jugement dont appel ; A titre principal et reconventionnel, sur la résiliation judiciaire du contrat de franchise souscrit entre la société La Pataterie développement et Mme X et la société Mejand : dire et juger que la société La Pataterie développement a gravement manqué à ses obligations contractuelles à l'encontre de M. X et de la société Mejand ; En conséquence, de : prononcer la résiliation judiciaire du contrat de franchise souscrit le 8 mars 2012 entre la société La Pataterie développement, Mme X et la société Mejand aux torts exclusifs de la société La Pataterie développement ; fixer la créance de la société Mejand sur la société La Pataterie développement à 598 338 au titre du remboursement des frais d'installation ; donner acte à la société Mejand de ce qu'elle entend solliciter le remboursement des frais de dépose ; fixer la créance de Mme X sur la société La Pataterie développement à :
- 300 000 au titre du préjudice moral ;
- 270 371 au titre du remboursement de son compte courant d'associé ;
- 270 371 au titre du remboursement du capital social ;
Débouter la société La Pataterie développement et la société La Pataterie communication de l'ensemble de leurs fins, demandes et conclusions ; condamner la société BTSG, ès qualités, à restituer la somme de 25 232,08 à la société Mejand ; Subsidiairement, de : dire et juger que la société BTSG, ès qualités, a déjà perçu la somme de 25 232,08 ; accorder à la société Mejand et à Mme X les plus larges délais de paiement ; En toute hypothèse, de : fixer la créance de la société Mejand et de Mme X sur la société La Pataterie développement à 7 000 en application de l'article 700 du Code procédure civile ; débouter la société La Pataterie développement et la société La Pataterie communication de l'ensemble de leurs fins, demandes et conclusions ; les condamner aux entiers dépens ; ordonner l'exécution provisoire de la décision à venir.
À l'appui de leur recours, Mme X et la société Mejand font valoir qu'elles sont fondées à demander la résiliation judiciaire du contrat de franchise aux torts exclusifs du franchiseur ainsi que l'indemnisation du préjudice subi au titre de la responsabilité contractuelle.
Elles soutiennent en effet que les sociétés La Pataterie communication et La Pataterie développement ont manqué à plusieurs de leurs obligations contractuelles, soit : à leur obligation d'assistance technique et commerciale, aucune assistance ne lui ayant été apportée lorsqu'elles ont commencé à rencontrer des difficultés avec le bailleur vis-à-vis duquel elles ne se sont pas acquittées des loyers impayés malgré la garantie à première demande qu'elle avait souscrite, et à leur obligation de réussite commerciale, le modèle économique n'étant pas viable et en l'absence de stratégie nationale de marketing et d'une bonne gestion de l'image du réseau. Elles ajoutent que la présentation erronée du réseau ne reflétait pas les difficultés rencontrées par la franchise dont la tête de réseau n'a pas su faire évoluer le concept, la mise en place d'un plan de relance manquant de sérieux et intervenant tardivement.
La société Mejand et Mme X indiquent aussi que la société La Pataterie développement a détourné les remises forfaitaires annuelles devant revenir aux franchisés au profit de la société La Pataterie communication en vue de financer les campagnes publicitaires, le budget communication ayant été ainsi abondé de manière unilatérale sans consultation des franchisés et en contradiction avec les clauses, notamment de l'article 9, du contrat de franchise.
En outre, la société Mejand et Mme X font valoir l'absence de maîtrise de la politique des prix telle que prévue par l'article 8.6 du contrat de franchise, le logiciel de facturation étant directement relié à la base siège et l'autorisation préalable du franchiseur étant nécessaire pour toute modification des prix à l'initiative du franchisé.
De même, elles soulignent l'existence d'une modification substantielle du contrat de franchise par le biais d'un avenant, le programme de fidélisation devenant payant contrairement aux stipulations de l'article 8.7 du contrat de franchise.
A titre subsidiaire, la société Mejand et Mme X sollicitent de plus amples délais de paiement au regard de leurs situations économiques respectives.
Aux termes de leurs écritures en date du 18 décembre 2018, la SCP BTSG, ès qualité, la société La Pataterie développement et la société La Pataterie communication demandent à la Cour de déclarer irrecevable et en tous cas mal fondé l'appel de la société Mejand et de Mme X et de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, sous réserve d'actualisation du décompte des sommes dues ; En conséquence, de : Condamner la société Mejand à payer à la société BTSG, ès qualité, la somme de 83 449,10 sauf à parfaire, avec application de l'intérêt légal à compter de la mise en demeure du 18 novembre 2015 ; Condamner la société Mejand à payer à la société La Pataterie services la somme de 17 201,63 euro, sauf à parfaire, avec application de l'intérêt légal à compter de la mise en demeure du 18 novembre 2015 ; Condamner solidairement la société Mejand et Mme X à payer à la société BTSG, ès qualité, la somme de 5 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; ainsi qu'à payer à la société La Pataterie services la somme de 5 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; ainsi qu'aux entiers dépens qui pourront être recouvrés par Maître Chabaud, avocat au barreau de Limoges.
En réponse, les intimées exposent que la société Mejand n'a pas, à compter du mois de décembre 2014, réglé sa redevance d'exploitation due à la société La Pataterie développement et sa participation au budget publicitaire due à la société La Pataterie communication et ce, malgré les nombreuses mises en demeure de leur part.
En outre, les concluants font valoir qu'il n'existe de leur part aucun manquement, ni à l'obligation d'assistance au regard des comptes rendus de visites et des limites contractuelles à la garantie, les problèmes de trésorerie des franchisés ne pouvant par ailleurs pas entrer dans ce cadre ; ni à l'obligation de réussite commerciale, une telle obligation n'existant pas et la réussite reposant sur la capacité et l'implication du franchisé. Elles indiquent ne pas avoir détourné de remises forfaitaires annuelles, les pratiques évoquées étant en conformité avec le contrat de franchise et la réalisation d'économie d'échelle dans le cadre de la négociation avec les fournisseurs ayant bénéficié à l'ensemble du réseau.
Elles ajoutent qu'elles n'ont pas non plus pratiqué de prix imposés, les franchisés étant libres de la fixation de leurs prix de vente, dans la limite d'un prix maximum, modification que la société Mejand a par ailleurs pratiqué au regard de la modification des tarifs dans ses menus.
De même, ils expliquent que le nouveau programme de fidélisation n'a été mis en place que grâce à l'accord massif des franchisés, la société Mejand ayant refusé d'y souscrire.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 janvier 2019.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la résiliation
Aux termes de l'article 1184 du Code civil, dans sa version applicable au contrat litigieux antérieur à l'entrée en vigueur de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.
La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.
En l'espèce, Mme X et la société Mejand invoquent à l'encontre de la SAS La Pataterie Développement plusieurs manquements à ses obligations contractuelles découlant du contrat de franchise signé le 8 mars 2012 qu'il convient d'examiner successivement.
S'agissant de l'obligation d'assistance, l'article 7.5. du contrat de franchise prévoit que " le Master Franchisé assistera le Franchisé dès la conclusion du contrat, en continu et/ou sur demande de ce dernier pour tout problème pouvant être rencontré dans le cadre de l'exploitation du concept de La Papeterie. ".
A cet égard la SCP BTSG, ès qualités, produit les comptes rendus des visites réalisées par Le directeur régional du groupe La Pataterie les 14 janvier, 11 septembre et 9 octobre 2013 et 27 mars 2014, qui établissent que le master-franchisé a réalisé un accompagnement du franchisé au travers d'une visite sur site, de l'analyse de l'activité et des performances, du rappel des recommandations quantitatives et qualitatives du groupe, notamment en termes de pilotage de la gestion, de qualité de service et de respects des régles sanitaires, et de proposition de formations au sein du groupe.
Par ailleurs, les pièces produites par Mme X et la société Mejand démontrent que par acte sous seing privé du 30 décembre 2011, la SAS La Pataterie Développement a conclu un bail commercial avec la société du Parc d'Arc-en-Barrois portant sur un local à usage commercial d'environ 247 m2 sur la commune de Gonesse, avec faculté pour le preneur de se substituer dans le bénéfice du bail, toute personne physique ou morale ayant signé un contrat de franchise la Pataterie, la SAS La Pataterie Développement restant obligée envers le bailleur à l'exécution de toutes les clauses et conditions du bail, notamment en s'engageant à se substituer à première demande à tout impayé que ce soit de loyer ou de charge avec son substituant franchisé. Il était expressément convenu que cet engagement ne valait que dans la mesure où le franchiseur, qui disposait dans ce cas d'un délai de 20 jours pour procéder au règlement, aura été averti par le bailleur du non-respect du bail par le locataire en place dans le mois de la constatation de l'infraction ou du non-paiement d'une quelconque somme due en vertu du contrat de bail par lettre recommandée avec accusé de réception. Par avenant au bail commercial en date du 24 mai 2012 la SAS La Pataterie Développement s'est substituée Mme X agissant tant en son nom personnel qu'en tant que représentant légal de la société Mejand.
En l'occurrence, la SAS La Pataterie Développement a été avisée par le bailleur, la société BDM venant aux droits de la société du Parc d'Arc-en-Barrois, par une lettre recommandée avec accusé de réception du 14 mars 2016, du non-paiement du loyer commercial par la société Mejand, l'impayé cumulé ayant fait l'objet d'un commandement de payer signifié à cette dernière le 11 février 2016 dont les causes avaient été partiellement réglées par cette dernière, le bailleur réclamant le solde à la SAS La Pataterie Développement. Il n'est pas contesté qu'à la suite de ce commandement resté impayé la résiliation du bail commercial a été constaté par ordonnance de référé du 2 novembre 2016.
Toutefois l'article 7.5 du contrat de franchise ne vise l'assistance du franchisé qu'à l'occasion des difficultés rencontrées par ce dernier dans le cadre de l'exploitation du concept développé par la franchise, ce qui ne peut inclure les difficultés de trésorerie auxquelles le franchisé peut être le cas échéant confronté au cours de son exploitation.
En outre, la mise en œuvre de la clause de substitution susvisée intéresse à titre principal les rapports entre le bailleur et le preneur initial qu'était la SAS La Pataterie Développement de sorte que la personne physique ou morale que cette dernière s'est substituée, n'est pas fondée à invoquer le non-respect des obligations contractées par la SAS La Pataterie Développement à l'égard du bailleur dans le cadre de l'exécution d'un autre contrat, en l'occurrence le contrat de franchise.
Mme X et la société Mejand, qui ne démontrent pas au surplus avoir requis en vain une assistance technique de la part du franchiseur avec lequel les pièces produites aux débats révèlent que Mme X a essentiellement entretenu des relations de nature plutôt conflictuelle, ne justifiant pas d'un manquement à cette obligation d'assistance que la SAS La Pataterie Développement démontre avoir remplie, au travers de la production de pièces de la SCP BTSG, ès qualités, ce moyen est inopérant.
S'agissant de l'obligation de réussite commerciale, si le principe de la franchise consiste en la reproduction par les franchisés du modèle de réussite du franchiseur, le contrat de franchise ne comporte à la charge de ce dernier aucune obligation de réussite commerciale de son co-contractant, puisqu'il se caractérise par la transmission d'un savoir-faire original effectuée par une assistance technique et commerciale et l'octroi d'un droit d'user d'une marque tout au long de l'exécution du contrat, moyennant le paiement d'une redevance, et que le bon usage de ce savoir-faire afin d'atteindre la réussite commerciale attendue repose sur la propre aptitude du franchisé à développer son activité commerciale par sa capacité à reproduire et respecter ce savoir-faire.
Mme X et la société Mejand soutiennent l'absence de viabilité du modèle économique proposé par la franchise que la tête de réseau n'a, selon elles, pas su faire évoluer et produisent à cette fin des échanges de courriers entre le franchiseur et Mme X, tant en sa qualité de gérante de la société Mejand ou de la société Giuver, exploitant le restaurant sis à Montévrain, qu'en sa qualité de présidente de l'association Horizon Franchise, au cours des années 2014 à 2017, qui établissent en substance la remise en cause, en ses deux qualités, des décisions prises au niveau du groupe La Pataterie, lequel, en la personne principalement de M. E..., s'employait à lui rappeler les principes du contrat de franchise et l'esprit collectif qu'imposait l'image et l'homogénéité de l'enseigne.
Elles produisent également des courriels échangés entres les franchisés en avril et mai 2017, à la suite d'une interpellation collective, dont ceux émanant de 4 d'entre eux, qui imputent leurs échecs commerciaux à la tête de réseau, outre les pièces d'une procédure menée devant le tribunal de commerce de Limoges par trois autres franchisés pour obtenir, en vain, le versement des RFA (remises forfaitaires) qu'ils considéraient leur être dues, qui étayent les pièces précédentes.
Néanmoins, si ces documents établissent l'existence d'une contestation, interne au réseau La Pataterie, des orientations prises par la tête de réseau pour la gestion de l'évolution de l'enseigne dont certains franchisés manifestaient la volonté de s'affranchir, ils ne sont pas suffisamment probants de l'absence de viabilité du modèle économique en ce qu'ils ne sont pas objectifs et découlent d'un contentieux entre ceux qui le soutiennent et le groupe La Pataterie.
Elles produisent également des documents, dont la provenance est inconnue, constitués par la liste des établissements ayant fait l'objet d'une procédure collective, ou ayant déposé l'enseigne ou n'ayant pas renouvelé leur contrat de franchise, l'étude de l'évolution des restaurants ouverts en 2012 et 2013 et le comparatif des résultats de l'enseigne entre 2015 et 2016. Ces documents, comme les documents comptables relatifs à l'activité de la société Mejand, pour les années 2012 à 2017, démontrent l'existence d'une baisse des résultats entre 2015 et 2016 pour de nombreux établissements, y compris celui exploité par la société Mejand dont les résultats nets comptables sont déficitaires depuis l'ouverture.
Toutefois en eux-mêmes ils ne permettent pas de considérer que les difficultés d'exploitation, même à considérer qu'elles sont généralisées, sont, même partiellement, générées par l'absence de viabilité du modèle économique franchisé, à défaut pour cette allégation d'être étayée, notamment, par une analyse approfondie d'une part, de l'évolution du marché pour le type de restauration proposée par l'enseigne et d'autre part, de l'évolution des résultats d'exploitation des établissements démontrant que leurs difficultés commerciales ont une origine identique et en lien avec les décisions et la dynamique de la tête du réseau de franchise.
En outre, la remise en cause du modèle de la franchise et la contestation des lignes directrices du groupe à partir de 2014 par Mme X, en sa double qualité, et par quelques autres franchiseurs, ne suffisent pas à démontrer l'existence d'un lien de causalité entre les résultats déficitaires de ces franchisés et des erreurs commises par le franchiseur dans la gestion de l'image de l'enseigne et de l'évolution du concept, erreurs dont la définition reste au demeurant imprécise, étant observé qu'au début de l'année 2017, un plan de relance du réseau a été mis en œuvre par la SAS La Pataterie Développement, aucune des pièces produites ne permettant de considérer qu'il était mal organisé et inapproprié. Les difficultés incontestables des sociétés composant la holding La Pataterie, la SAS La Pataterie Développement ayant été placée en redressement judiciaire le 18 octobre 2017, et des succursales gérées par MM. C et D, n'y suffisent pas en elles-mêmes par ailleurs, celles-ci pouvant avoir des causes multiples et complexes.
Enfin, il convient de relever qu'il ressort de compte-rendu des visites réalisées au cours de l'année 2013 et 2014 et de divers courriels adressés sur la même période à Mme X, en sa qualité de gérante de la société Mejand, que même si l'année 2013 s'annonçait comme une année difficile au plan commercial, Mme X s'est engagée dans l'ouverture d'un second restaurant à l'enseigne de La Pataterie sur le site de Montévrain, alors qu'elle prétend avoir rencontré des difficultés dès l'ouverture du restaurant de Gonesse en 2012 et qu'il résulte des pièces du dossier qu'il s'est écoulé un peu plus d'un an entre ses premiers contacts avec le groupe La Pataterie et la signature du contrat de franchise, de sorte qu'elle ne peut sérieusement soutenir que la présentation du réseau ne reflétait pas les difficultés de la franchise, ce qui n'est du reste pas établi par les pièces produites.
Aucun manquement n'étant caractérisé de ce chef, ce moyen est donc également inopérant.
S'agissant de la politique des prix, l'article 8.6. du contrat de franchise stipule : " le Franchisé est maître de sa politique de prix mais, pour ne pas nuire à l'image de marque du réseau, il s'engage à ne pas dépasser, dans la mesure du possible, la marge moyenne établie par le Master Franchisé. C'est ainsi que les prix de vente ou les marges bénéficiaires établies par le Master Franchisé sont donnés à titre purement indicatif et constituent un maximum, le Franchisé étant essentiellement libre de fixer ses prix et de s'adapter aux conditions locales de son marché et de la concurrence éventuelle existante. ".
Cet article stipule donc au profit du franchisé la reconnaissance de la maîtrise de sa politique de prix, dans une limite maximum qui ne doit toutefois pas être dépassée pour maintenir l'image de marque du réseau tenant à proposer une restauration copieuse et de qualité, financièrement accessible.
Mme X et la société Mejand soutiennent ne pas avoir eu la maîtrise de la politique de prix prévue au contrat sans produire les cartes qui auraient permis d'établir les prix pratiqués dans l'établissement de Gonesse, de sorte qu'elles ne démontrent pas avoir été dans l'impossibilité de faire varier les tarifs en deça ou au-delà de la fourchette préconisée par le franchiseur.
A cet égard les échanges de courriers entre M. D et Mme X, qui consistent pour le premier à inviter la seconde à ne pas s'écarter des prix recommandés par le groupe, et ceux échangés avec la société ETC, gestionnaire du logiciel de caisse dont les paramétrages étaient adaptés spécifiquement au réseau La Pataterie et ne pouvaient être modifiés sans l'accord de la SAS La Pataterie Développement, démontrent la contrainte à laquelle était soumise un franchisé pour la fixation des prix de sa carte mais ne constitue pas preuve suffisante de l'impossibilité pour la société Mejand de pratiquer des prix adaptés localement à son marché, lesquels ne pouvaient en toutes hypothèses être complétement libres compte tenu des termes du contrat de franchise. Il sera souligné en outre que la société Mejand admet dans ses dernières écritures avoir eu la possibilité de modifier ses prix dans le logiciel de caisse, sans préciser la date à laquelle elle a pu le faire.
Elle ne démontre pas davantage avoir été dans l'obligation d'éditer à ses frais des éléments publicitaires telle que sa carte, en infraction à l'article 7.4 du contrat qui met tous les frais de publicité à la charge du budget communication du réseau.
Enfin, la société et sa gérante ne démontrent pas, ni même ne soutiennent, que l'absence de maîtrise des prix aurait été à l'origine des difficultés d'exploitation de la société Mejand, de sorte qu'en tout état de cause aucun manquement de ce chef ne peut être utilement invoqué à l'appui de la demande de résiliation.
S'agissant des remises forfaitaires annuelles, l'article 9 du contrat de franchise, relatif à l'approvisionnement et la gestion du coût matière, prévoit l'engagement du franchisé à approvisionner son restaurant auprès de la plate-forme logistique référencée par le master Franchisé " (...) afin de de permettre par le biais de cette solution globale achat la réalisation d'économies d'échelle au profit de chaque unité franchisée (...) " , que " (...) le Master Franchisé a mis en place, de manière totalement transparente, un compte d'attente dit CRM (comptes de résultats marchandises) permettant de tracer les économies et/ou les dépenses avérées en regard de l'évolution du dossier, au mois le mois. La commission achat aura un droit de regard sur ce compte et sera régulièrement tenue informée. Les économies ou les dépassements pourront dès lors être affectés en fin d'année ou de période, sur décision de la commission achat La Pataterie, aux restaurants franchisés ayant respecté leur engagement d'achat. " et que " (...) le Master Franchisé et la plate-forme logistique référencée par le Master Franchisé s'engagent à tout mettre en œuvre pour que " si le volume d'achat par l'ensemble des franchisés affiliés à la plate-forme est respecté " il y ait nécessairement un reliquat qui sera reversé, à l'euro/l'euro, aux restaurants franchisés ayant respecté leur engagement d'achat, selon un décompte analytique, déduction faite des coûts réellement supportés par le Master Franchisé et/ou la plate-forme logistique. ".
De plus, l'article 11 du contrat de franchise, relatif à la communication publicitaire mentionne que le franchisé est redevable d'une somme correspondant à 1 % HT de son chiffre d'affaires HT réglé à la SARL La Pataterie Communication dans les mêmes conditions que la redevance proportionnelle et que ce budget, géré par le master Franchisé sera " complété par les apports financiers liés aux partenariats industriels, ce montant servant à améliorer la professionnalisation du réseau : système d'information (sites Internet, portails de communication), clients mystères, conventions nationales, événementiels ".
Il découlent de la lecture de ces stipulations contractuelles, qui doivent être interprétées les unes par rapport aux autres, d'une part, que l'affectation par la commission d'achat des économies d'échelle réalisées, matérialisés dans un compte d'attente, grâce à l'utilisation de la plateforme logistique imposée par le contrat de franchise aux restaurants franchisés ayant respecté leur engagement d'achat, est une possibilité et non une obligation pour le master-franchisé qui s'engage simplement à tout mettre en œuvre pour qu'il y ait un reliquat reversé à ces restaurants, et d'autre part, que le budget communication, géré par le master-franchisé, pouvait être abondé par des apports financiers liés aux partenariats industriels, que constituent à l'évidence, notamment, les remises et ristournes négociées au niveau du réseau avec les fournisseurs dans le cadre de la mise en œuvre de la plateforme d'achat.
La SCP BTSG, ès qualités, produit à cet égard de nombreuses attestations émanant de fournisseurs établissant qu'en application des accords passés avec le master-franchisé, les remises étaient, soit consenties directement aux franchisés avec remise directe ou application de tarifs préférentiels aux membres du réseau, soit versées directement à la SARL La Pataterie Communication dans le cadre d'une convention spécifique, ce que confirment les attestations de l'expert-comptable.
Il s'en déduit que le développement de conventions spécifiques destinées à abonder le budget communication et diminuant d'autant le reliquat visé à l'article 9, dont le reversement aux restaurants était seulement une possibilité et qui pouvait le cas échéant être affecté au budget communication sur décision stratégique du groupe, ne peut caractériser un manquement de la part de la SAS La Pataterie Développement susceptible d'être invoqué à l'appui d'une demande en résiliation.
Ce moyen ne peut donc être retenu.
S'agissant enfin du programme de fidélisation, l'article 8.7. du contrat de franchise stipule : " le Master Franchisé a développé un programme de fidélisation de la clientèle considéré comme un outil réseau est donc impliquant obligatoirement tous les restaurants à l'enseigne La Papeterie. Le Franchisé s'engage en conséquence à proposer à la clientèle la carte de fidélité La Papeterie et à en respecter le fonctionnement de même que les évolutions futures des programmes de fidélisation. Le programme de fidélisation pourra notamment permettre la constitution d'un fichier clients. Ce fichier clients sera exploité en copropriété entre le Franchisé et le Master Franchisé compte tenu de l'apport de chacun dans la limite de la zone de chalandise du franchisé. ".
Ainsi il résulte de la teneur de cette clause que Mme X et la société Mejand se sont engagées à proposer à la clientèle une carte de fidélité, à en respecter le fonctionnement et à s'inscrire dans les évolutions du programme de fidélisation de la clientèle, pouvant notamment permettre la constitution d'un fichier clients.
Tel est le cas du nouveau programme de fidélisation développée par le franchiseur au travers d'une carte informatisée qui a fait l'objet d'une adhésion massive de la part des franchisés, de sorte que Mme X et la société Mejand, qui n'ont pas voulu suivre cette évolution, ne peuvent utilement soutenir qu'elle est constitutive d'un manquement de la part du franchiseur par une modification substantielle du contrat, la stipulation contractuelle sus visée n'excluant pas que ce programme devienne payant le cas échéant.
Le manquement invoqué n'est donc pas caractérisé.
En définitive, Mme X et la société Mejand ne rapportant pas la preuve de l'existence de manquements suffisamment graves pour justifier la résiliation du contrat de franchise qui les lie à la SAS La Pataterie Développement, elles doivent être déboutées de leur demande en ce sens ainsi que des demandes indemnitaires qui en découlent.
Le jugement déféré sera donc confirmé sur ces points.
Sur les redevances et participations impayées
Le contrat de franchise prévoit à la charge du franchisé d'une part le paiement d'une redevance d'exploitation proportionnelle " mensuelle à hauteur de 4 % HT de son chiffre d'affaires HT " et d'autre part le versement d'une " somme correspondant à 1 % HT de son chiffre d'affaires HT qui sera réglée à la Pataterie Communication dans les mêmes conditions que la redevance proportionnelle ".
Mme X et la société Mejand ne contestent ni le principe ni le montant des deux créances revendiquées de ces chefs par la SAS La Pataterie Développement et la SARL La Pataterie Communication selon mise en demeure du 18 novembre 2015 pour les sommes dues depuis décembre 2014, les impayés ayant persisté par la suite.
La créance arrêtée au mois de février 2017 s'élève, pour la redevance d'exploitation, à la somme de 83 449,10, et pour la redevance relative au budget communication, à la somme de 17 201,63, au paiement de laquelle la société Mejand, qui en est seule débitrice, doit être condamnée outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 18 novembre 2015.
Sur ce point le jugement déféré doit être confirmé.
Les créances sont anciennes, aucune offre de paiement n'est faite par la société Mejand qui de fait disposait d'ores et déjà de délais pour acquitter lesdettes, de sorte qu'elle sera déboutée de sa demande de délai de paiement.
Le jugement sera réformé en ce sens.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Mme X et la société Mejand succombant à titre principal, elles seront solidairement condamnées aux dépens de l'instance en appel et à payer à la SCP BTSG, ès qualités, la somme de 1 500 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et serotn déboutées de leurs demandes de ce chef.
Par ces motifs : LA COUR, Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire, en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi ; Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il accorde à la société Mejand des délais de paiement, Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant, Déboute la société Mejand de sa demande de délai de paiement, Déboute Mme X et la société Mejand de leur demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Les condamne solidairement à payer à la SCP BTSG, ès qualités, la somme de 1500 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne Mme X et la société Mejand solidairement aux dépens.