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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 10, 19 juillet 2019, n° 18-08051

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

BNP Paribas Lease Group (SA)

Défendeur :

Cap Charenton (Association)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Loos

Avocats :

Mes Boccon-Gibod, Gallo

TGI Créteil, du 23 févr. 2018

23 février 2018

FAITS ET PROCÉDURE

L'association Cap Charenton a souscrit auprès de la société Holding Lease France (ci-après dénommée HLF), un contrat de location longue durée portant sur du matériel de reprographie dont elle a pris livraison le 15 décembre 2011. Ce contrat prévoyait le règlement de 21 loyers trimestriels d'un montant de 2 380 euros HT.

Par acte sous seing privé en date du 19 décembre 2011, la société HLF a cédé à la SA BNP Paribas Lease Group la propriété de l'équipement et transféré les droits résultant du contrat de location conclu avec la locataire.

L'association Cap Charenton avant cessé de régler les loyers à compter du 1er avril 2013, la société Eurorecx dûment mandatée à cet effet par la société BNP Paribas Lease Group lui a adressé une mise en demeure datée du 13 août 2013 de lui régler sous huitaine la somme de 5 919,45 euros TTC.

L'association Cap Charenton n'ayant pas déféré à cette mise en demeure, la société Eurorecx a constaté, dans un courrier du 4 septembre 2013, la résiliation du contrat et a demandé la restitution du matériel mis à disposition ainsi que le règlement des sommes dues.

Le matériel a été restitué à la bailleresse par l'association Cap Charenton mais les arriérés locatifs demeurant non régularisés la société Eurorecx a de nouveau mise en demeure l'association Cap Charenton de lui régler sous huitaine la somme de 49 539,25 euros TTC par courrier recommandé du 24 avril 2014, resté sans suite.

Par acte d'huissier du 4 novembre 2014, la société BNP Paribas Lease Group a assigné en paiement l'association Cap Charenton.

Par jugement du 14 avril 2016, le tribunal de grande instance de Créteil a mis l'association Cap Charenton en redressement judiciaire et a désigné Maître X en qualité d'administrateur judiciaire et Maître Y en qualité de mandataire judiciaire.

Par courrier recommandé avec AR du 11 juillet 2016, la SA BNP Paribas Lease Group a déclaré sa créance au passif de l'association Cap Charenton pour un montant total de 50 349,05 euros TTC auprés de maitre Y, ès qualités.

Suivants actes d'huissier signifiés les 14 et 15 septembre 2016, la SA BNP Paribas Lease Group a assigné en intervention forcée Maître Y et maitre X, ès qualités.

Vu le jugement prononcé le 23 février 2018 par le tribunal de grande instance de Créteil qui a :

Déclaré la SA BNP Paribas Lease Group recevable en son action ;

Débouté l'association Cap Charenton de sa demande de nullité du contrat ;

Fixé au passif de l'association Cap Charenton la créance de la SA BNP Paribas lease Group à hauteur de la somme de 5 692,96 euros TTC au titre des loyers échus impayés, avec intérêts au taux légal à compter du 4 septembre 2013 ;

Dit qu'en application de l'article1154 du Code civil (1343- 2 nouveau) les intérêts échus depuis plus d'un an seront capitalisés et produiront à leur tour des intérêts ;

Rejeté la demande de délais de paiement ;

Dit n'y ayoir lieu a indemnité de procédure sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamné l'association Cap Charenton aux dépens de l'instance ;

Ordonné l'exécution provisoire ;

Rejeté le surplus des demandes.

Vu l'appel de la société BNP Paribas Lease Group le 7 avril 2018,

Vu les conclusions signifiées le 3 janvier 2019 la société BNP Paribas Lease Group,

Vu les conclusions signifiées le 12 avril 2019 par l'association Cap Charenton et par Maître Y, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de l'association Cap Charenton,

La société BNP Paribas Lease Group demande à la cour de statuer ainsi qu'il suit Déclarer la société

BNP Paribas Lease Group recevable et bien fondée en son appel,

Débouter l'association Cap Charenton de l'ensemble de ses demandes,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* débouté l'association Cap Charenton de sa demande de nullité du contrat ;

* fixé au passif de l'association Cap Charenton la créance de la société BNP Paribas Lease Group à hauteur de la somme de 5 692,96 euros TTC au titre des loyers échus impayés, avec intérêts au taux légal à compter du 4 septembre 2013 ;

* dit qu'en application des dispositions de l'article 1343-2 du Code civil, les intérêts échus depuis plus d'une année seront capitalisés et produiront à leur tour des intérêts ;

* rejeté la demande de délais de paiement ;

* condamné l'association Cap Charenton aux dépens de première instance ;

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

* n'a pas constaté que la résiliation du contrat de location n° T0218046 est intervenue de plein droit le 4 septembre 2013,

* a débouté la société BNP Paribas Lease Group de sa demande d'admission au passif de l'association Cap Charenton des créances suivantes :

- 36 652 euros HT soit 43 835,79 euros TTC au titre de l'indemnité de résiliation,

- 726,59 euros au titre des intérêts au taux légal,

- 64,01 euros au titre des frais d'assignation,

- 19,20 euros au titre du timbre de plaidoiries.

Statuant à nouveau,

Constater la résiliation de plein droit du contrat de location n° T0218046 est intervenue le 4 septembre 2013,

En conséquence,

Fixer et admettre au passif de l'association Cap Charenton la créance de la société BNP Paribas Lease Group à hauteur des sommes supplémentaires suivantes :

- 36 652 euros HT soit 43 835,79 euros TTC au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation, outre les intérêts au taux légal à compter du 4 septembre 2013, date de la mise en demeure,

- 726,59 euros au titre des intérêts au taux légal,

- 64,01 euros de frais d'assignation,

- 19,20 euros de timbre plaidoirie.

Y ajoutant,

Condamner l'association Cap Charenton et Maître Y, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de l'association Cap Charenton à payer à la société BNP Paribas Lease Group la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner l'association Cap Charenton et Maître Y, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de l'association Cap Charenton aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de la Selarl Lexavoué Paris-Versailles

L'association Cap Charenton et Maître Y, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de l'association Cap Charenton demandent à la cour de statuer ainsi qu'il suit :

Dire l'association Cap Charenton recevable en l'ensemble de ses demandes,

Prendre acte de ce que, dans le cadre du plan de redressement homologué par le tribunal de grande instance de Créteil par jugement du 17 juillet 2017, la société BNP Paribas Lease Group a accepté l'option n° 2 qui était proposé aux créanciers, à savoir un remboursement de 100 % du montant de la créance par elle sollicitée avec un remboursement sur dix années,

Débouter la société BNP Paribas Lease Group de l'ensemble de ses demandes ;

En conséquence :

A/ In limine litis :

Infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la société BNP Paribas Lease Group était recevable en son action et, statuant de nouveau, dire et juger que la société BNP Paribas Lease Group BNP est irrecevable en son action en ce qu'elle ne justifie pas de sa qualité à agir ;

B/ A titre principal :

Infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que les contrats litigieux n'étaient pas entachés de nullité et, statuant à nouveau, dire et juger que les contrats de locations longue durée conclu entre l'Association Cap Charenton et la société HLF au droits de laquelle vient la société BNP Paribas Lease Group sont entachés de nullité ;

C/ A titre subsidiaire :

Confirmer le jugement en ce qu'il a dit et jugé que l'Association Cap Charenton devait être considéré comme un consommateur au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation ;

Confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que les clauses 7 " Absence de garantie du Bailleur " et 14 " Résiliation du Contrat " sont abusives et réputées non-écrites ;

Confirmer le jugement en ce qu'il a dit et jugé que l'Association Cap Charenton sera tenue au seul paiement des loyers restant dus jusqu'au jour de la résiliation du contrat,

Soit la somme de 5 692,96 euros ;

D/ A titre infiniment subsidiaire :

Dire que la clause 11 du contrat litigieux est une clause abusive au sens de l'article L. 442-6, I, 2 du Code de commerce et, en conséquence, déclarer nulle et non écrite la clause de résiliation litigieuse figurant au contrat de prêt ou, subsidiairement, condamner la société BNP Paribas Lease Group à payer à l'Association Cap Charenton une somme de 43 835,79 euros de dommages et intérêts eu égard au caractère abusif de ladite clause et de prononcer la compensation entre cette somme et celle réclamée par la demanderesse ;

E/ A titre infiniment plus subsidiaire :

Requalifier la clause 11, clause de résiliation, du contrat de location en clause pénale ;

Constater le caractère excessif du montant réclamée par la société BNP Paribas Lease Group au titre de cette clause pénale et en réviser le montant à la somme de 1 euro symbolique ;

F/ En tout état de cause :

Condamner la société BNP Paribas Lease Group à payer à l'association Cap Charenton une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'à la prise en charge des entiers dépens de l'instance.

SUR CE,

a) Sur la qualité à agir de la société BNP Paribas Lease Group

Considérant que, par de justes motifs que la cour adopte, les premiers juges ont justement écarté la fin de non-recevoir tiré du défaut de qualité à agir de la société BNP Paribas Lease Group ; qu'il convient juste d'ajouter que la société appelante verse aux débats l'acte de cession du 19 décembre 2011 par lequel elle a acheté à la société HLF le matériel ayant fait l'objet du contrat de location longue durée conclu entre la société HLF et l'association Cap Charenton ainsi que la facture du même jour d'un montant TTC de 52 498,71 euros; que la référence au contrat de location est suffisamment précise pour qu'il n'existe aucune incertitude sur l'identification du matériel nonobstant l'absence de reprise des références exactes du matériel dans l'acte de cession et la facture ; que le moyen ainsi soulevé par l'intimée doit être rejeté ;

b) Sur le prétendu défaut de qualité à agir des signataires des contrats

Considérant que, par de justes motif que la cour adopte, les premiers juges ont également écarté ce moyen en relevant que le signataire du contrat de location était le président du comité directeur de l'association avec apposition du tampon humide de l'association ; que la société HLF n'était dès lors pas tenue de vérifier les limites des pouvoirs de la personne avec laquelle elle contractait ; qu'en outre aucun obstacle n'a accompagné la remise du RIB et l'autorisation de prélèvement signée dans les mêmes conditions, les loyers ayant été prélevés pendant 2 années et un trimestre ; que ce moyen soulevé par l'intimée doit également être rejeté ;

c) Sur la demande de résiliation du contrat

Considérant que l'association Cap Charenton demande à la cour de confirmer le jugement qui a retenu sa qualité de consommateur et a dites abusives les clauses 7 et 14 des conditions générales du contrat de location en application dès l'article L. 132-1 du Code de la consommation ;

Considérant que l'article 132-1 du Code de la consommation dans sa rédaction applicable à l'espèce dispose que :

" Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat " ;

Considérant que l'association Cap Charenton n'a pas conclu en qualité de consommateur puisque cette qualité s'entend d'une personne physique ; qu'en prenant en location un matériel de reprographie pour les nécessités de son activité elle a agi à des fins qui entrent dans son activité professionnelle ; que contrairement à ce que soutient l'intimée, il importe peu que l'objet de l'association, en l'espèce la pratique d'activités sportives, soit étrangère à la conclusion d'un contrat de location longue durée ; que le jugement doit être infirmé en ce qu'il a dit que l'association présentait la qualité de personne morale non professionnelle ; qu'en sa qualité de professionnelle elle n'est pas éligible aux dispositions protectrices de l'article 132-1 du Code de la consommation dont le contenu a été ci-dessus rappelé ; qu'il n'y a dès lors pas lieu de se prononcer sur le grief se rapportant au caractère abusif des stipulations du contrat relatives à l'indemnité de résiliation ;

Considérant, à titre subsidiaire, que l'association demande à la cour de constater le caractère abusif de la clause 11 du contrat afférente à l'indemnité de résiliation sur le fondement de l'article L. 442-6 I 2° du Code de commerce ;

Mais considérant que cet article, relatif au déséquilibre significatif subi par " un partenaire commercial ", est inapplicable à la relation commerciale ponctuelle qui a été conclu entre l'association Cap Chatrenton et la société HLF aux droits de laquelle se trouve la société BNP Paribas Lease Group en décembre 2015 ;

Considérant, à titre infiniment subsidiaire, que l'association Cap Charenton demande à la cour de requalifier en clause pénale soumise à révision la clause de résiliation figurant au contrat ; que cette clause qui figure à l'article 14.3 et non à l'article 11 comme indiqué par erreur par l'intimée stipule que, en cas de résiliation du contrat pour quelque cause que ce soit, le locataire versera outre les loyers échus impayés :

* une indemnité égale à la some des loyers restant à courir jusqu'au terme du contrat,

* les frais et honoraires de recouvrement,

* " à titre de pénalité pour inexécution du contrat ", une somme égale à 10 % du montant hors taxe de l'indemnité de résiliation,

Considérant que, selon l'intimée, la clause de résiliation ainsi rédigée remplirait les caractéristiques de la clause pénale au sens de l'article 1226 du Code civil et présenterai un montant excessif devant être réduit à 1 euro ;

Mais considérant que la société soutient que l'indemnité de résiliation telle que calculée à l'article 14.3 du contrat ne présente pas un montant excessif ;

Considérant en effet que la société BNP Paribas Lease Group a acquis le matériel d'une valeur de 52 498,71euros ; que si le contrat avait été exécuté jusqu'à son terme la société BNP Paribas Lease Group aurait perçu la somme de 60 437,51 euros ; que seules les 5 premiers loyers ont été réglés pour un montant de 14 770,07 euros ; que l'indemnité de résiliation réclamée est présentée comme suit :

- loyers HT restant dus du 1er octobre 2013 au 1er janvier 2017 : 33 320 euros,

- pénalité de 10 % : 3 332 euros,

- total HT : 36 652 euros,

Total TTC : 43 835,79 euros,

A déduire, prix de revente : - 216 euros,

Solde : 43 619,79 euros.

Considérant que ce montant n'apparaît pas excessif puisque l'indemnité de résiliation représente pour partie l'amortissement des sommes avancées par le bailleur et pour partie le préjudice financier constitué par le manque à gagner causé par l'inexécution du contrat ;

Considérant qu'il se déduit de ce qui précède qu'il convient de constater la résiliation de plein droit du contrat de location au 4 septembre 2013, date de la mise en demeure reprenant la clause résolutoire ; que la créance de la société BNP Paribas Lease Group au passif de l'association Cap Charenton doit être fixée à hauteur de 43 619,79 euros et 726,59 euros d'intérêts échus au jour de l'ouverture de la procédure collective soit au total 44 562,38 euros ;

Considérant que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a admis au passif de l'association Cap Charenton la créance de la SA BNP Paribas lease Group à hauteur de la somme de 5 692,96 euros TTC au titre des loyers échus impayés, avec intérêts au taux légal à compter du 4 septembre 2013 au 14 avril 2016, date du jugement d'ouverture de la procédure collective qui suspend le cours des intérêts ;

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la SA BNP Paribas Lease Group de sa demande d'indemnité de résiliation ; Statuant de nouveau de ce chef : Constate la résiliation de plein droit du contrat de location au 4 septembre 2013 ; Fixe la créance de la SA BNP Paribas Lease Group au passif de l'association Cap Charenton à hauteur de la somme de 44 562,38 euros au titre de l'indemnité de résiliation ; Rappelle que le jugement d'ouverture de la procédure collective suspend le cours des intérêts ; Condamne l'association Cap Charenton et Maître Y , ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de l'association Cap Charenton, à payer à la société BNP Paribas Lease Group la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette toutes autres demandes ; Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégies de procédure collective et accorde à la Selarl Lexavoué Paris- Versailles le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.