Livv
Décisions

CA Versailles, 12e ch., 9 juillet 2019, n° 18-01699

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

A2BCD (SA), Atrium Gestion (SAS)

Défendeur :

L2CA (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Andrieu

Conseillers :

Mmes Soulmagnon, Muller

T. com. Versailles, du 7 févr. 2018

7 février 2018

EXPOSE DU LITIGE

La société Touchet Immobilier - aux droits de laquelle se trouve désormais la société L2CA à la suite d'une transmission universelle de patrimoine - avait une activité de gestion de copropriétés et d'administration de biens immobiliers.

A compter du mois de février 2014, plusieurs copropriétés clientes de la société L2CA ont fait voter des résolutions désignant une société A2BCD en qualité de nouveau syndic.

La société L2CA s'est alors aperçue que l'un de ses anciens salariés, en la personne de M. B., avait intégré la société concurrente A2BCD. Estimant que celle-ci avait illicitement capté sa clientèle, la société L2CA a obtenu, sur requête adressée au président du tribunal de commerce de Versailles, la désignation d'un huissier de justice chargé de rechercher les éléments d'un éventuel détournement de clientèle.

Par ordonnances des 7 et 16 mai 2014, le président du tribunal de commerce de Versailles a fait droit à la requête et l'huissier a procédé à un constat et des saisies de documents le 13 juin 2014.

Par jugement du 15 octobre 2014, confirmé par arrêt de cette cour du 19 novembre 2015, et rejet du pourvoi en cassation, le Président du tribunal de commerce a rejeté la demande en rétractation de son ordonnance commettant l'huissier.

Par actes des 25 et 27 juillet 2017, la société L2CA a fait assigner les sociétés A2BCD et Atrium Gestion devant le tribunal de commerce de Versailles en concurrence déloyale et réparation de son préjudice.

Par jugement du 7 février 2018 le tribunal de commerce de Versailles a :

- mis hors de cause la société Atrium Gestion,

- débouté la société A2BCD de ses demandes de nullité du constat d'huissier et de rejet de certaines pièces produites par la société L2CA,

- dit que la société A2BCD a commis des actes de concurrence déloyale,

- condamné la société A2BCD au paiement des sommes de 118.202,41 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chiffre d'affaires, outre 10.000 euros au titre du préjudice moral, et 5.000 euros au titre des frais irrépétibles,

- rejeté le surplus des demandes,

- condamné la société A 2BCD aux dépens.

Vu l'appel interjeté le 9 mars 2018 par la société A2BCD.

Vu l'ordonnance d'incident du 22 novembre 2018 rejetant les demandes de communication de pièces formées par la société A2BCD.

Vu les dernières conclusions notifiées le 25 mars 2019 par lesquelles la société A2BCD demande à la cour de :

- Vu l'article 8 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'homme et des Libertés fondamentales,

- Vu les articles 16 et 233 du Code de procédure civile,

- confirmer le jugement du 7 février 2018 en ce qu'il a mis hors de cause la société Atrium Gestion,

- infirmer le jugement du 7 février 2018 dans toutes ses dispositions,

- dire que le procès-verbal établi le 13 juin 2014 par Me C., Huissier de justice, est entaché d'irrégularités graves,

- dire que l'huissier instrumentaire a outrepassé la mission qui lui a été confiée par l'ordonnance du 16 mai 2014 par le président du tribunal de commerce de Versailles,

- prononcer la nullité du procès-verbal de constat établi le 13 juin 2014,

- ordonner, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard et par document à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, la destruction par la société L2CA de l'intégralité des éléments issus des opérations de constat annulées, et ce sous contrôle d'huissier qui en dressera procès-verbal aux frais de la société L2CA,

-dire la société L2CA mal fondée dans ses demandes,

- dire que les sociétés A2BCD et Atrium Gestion n'ont commis aucun acte constitutif de concurrence déloyale au préjudice de la société L2CA,

- débouter la société L2CA de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- tirer, par application de l'article 11 du Code de procédure civile, toutes conséquences du refus ou de l'abstention de la société L2CA de communiquer les pièces suivantes, à savoir :

1) Le Registre d'Entrées et de Sorties du personnel de la société L2CA, société venant aux droits de la société Touchet Immobilier

2) Le procès-verbal de l'assemblée générale des copropriétaires des syndicats de copropriété suivants, établissant pour chaque copropriété le changement de syndic, à savoir :

* Le procès-verbal de l'assemblée générale des copropriétaires du SDC Les Rives de Seine (Poissy) et du SDC Les Chênes (Poissy) désignant pour nouveau syndic le Cabinet GIM, la convocation afférente à cette assemblée, les pièces jointes à la convocation, le rapport du Conseil Syndical, le contrat de syndic signé avec le successeur de Touchet Immobilier,

* Le procès-verbal de l'assemblée générale des copropriétaires du SDC L'ABBAYE désignant pour nouveau syndic le Cabinet L. Immobilier, la convocation afférente à cette assemblée, les pièces jointes à la convocation, le rapport du Conseil Syndical, le contrat de syndic signé avec le successeur de Touchet Immobilier,

* Le procès-verbal de l'assemblée générale des copropriétaires du SDC Château Talma (Maisons-Laffitte) désignant pour nouveau syndic le Cabinet Real 31, la convocation afférente à cette assemblée, les pièces jointes à la convocation, le rapport du Conseil Syndical, le contrat de syndic signé avec le successeur de Touchet Immobilier,

* Le procès-verbal de l'assemblée générale des copropriétaires du SDC Villa Monceau (Poissy) et du SDC Bel Horizon (Triel sur seine) désignant pour nouveau syndic le Cabinet Nexity, la convocation afférente à cette assemblée, les pièces jointes à la convocation, le rapport du Conseil Syndical, le contrat de syndic signé avec le successeur de Touchet Immobilier,

* Le procès-verbal de l'assemblée générale des copropriétaires du SDC La Tour de Cote (Poissy) désignant pour nouveau syndic le Cabinet Sogesym, la convocation afférente à cette assemblée, les pièces jointes à la convocation, le rapport du Conseil Syndical, le contrat de syndic signé avec le successeur de Touchet Immobilier,

* Le procès-verbal de l'assemblée générale des copropriétaires du SDC [...], du SDC [...] et du SDC [...] désignant pour nouveau syndic le Cabinet L. Daigremont, la convocation afférente à cette assemblée, les pièces jointes à la convocation, le rapport du Conseil Syndical, le contrat de syndic signé avec le successeur de Touchet Immobilier,

* Le procès-verbal de l'assemblée générale des copropriétaires du SDC Le pré Rousselin (Verneuil sur seine) et du SDC [...] désignant pour nouveau syndic le Cabinet FONCIA, la convocation afférente à cette assemblée, les pièces jointes à la convocation, le rapport du Conseil Syndical, le contrat de syndic signé avec le successeur de Touchet Immobilier,

* Le procès-verbal de l'assemblée générale des copropriétaires du SDC Le Clos des Créneaux (Triel sur seine) désignant un syndic bénévole, la convocation afférente à cette assemblée, les pièces jointes à la convocation, le rapport du Conseil Syndical, le contrat de syndic signé avec le successeur de Touchet Immobilier,

* Le procès-verbal de l'assemblée générale des copropriétaires du SDC [...] ayant désigné pour nouveau syndic le Cabinet B., la convocation afférente à cette assemblée, les pièces jointes à la convocation, le rapport du Conseil Syndical, le contrat de syndic signé avec le successeur de Touchet Immobilier,

* Le procès-verbal de l'assemblée générale des copropriétaires du SDC [...] ayant désigné pour nouveau syndic le Cabinet Immobilier Foch, la convocation afférente à cette assemblée, les pièces jointes à la convocation, le rapport du Conseil Syndical, le contrat de syndic signé avec le successeur de Touchet Immobilier,

* Le procès-verbal de l'assemblée générale des copropriétaires du SDC [...] ayant désigné pour nouveau syndic le Cabinet S., la convocation afférente à cette assemblée, les pièces jointes à la convocation, le rapport du Conseil Syndical,

3) La liste de l'intégralité des syndicats de copropriété dont le mandat de syndic de la société Touchet Immobilier n'a pas été renouvelé et ce pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, avec indication du nom du successeur de Touchet Immobilier aux fonctions de syndic,

- condamner la société L2CA à payer à la société A2BCD une somme de 40 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société L2CA aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions notifiées le 26 mars 2019 au terme desquelles la société L2CA prie la cour de :

- Vu les articles 1240 et 1241 du Code civil,

- Vu les articles 233, 551, 699, 700, 909 et suivants du Code de procédure civile

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que le procès-verbal de constat établi le 13 juin 2014 par Maître C. est valide et que la société A2BCD a commis des actes constitutifs de concurrence déloyale à l'encontre de la société L2CA ;

Statuant à nouveau pour le surplus,

- dire la société L2CA bien fondée en ses demandes tant à l'encontre de la société A2BCD que de la société Atrium Gestion ;

- dire que les sociétés A2BCD et Atrium Gestion se sont rendues auteurs d'actes de concurrence déloyale au détriment de la société L2CA ;

En conséquence :

- débouter les sociétés A2BCD et Atrium Gestion de leurs demandes tendant à obtenir la nullité du procès-verbal de constat du 13 juin 2014, la destruction des pièces saisies et le rejet des débats des pièces visées page 50 de ses dernières écritures ;

- débouter les sociétés A2BCD et Atrium Gestion de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions ;

- condamner solidairement les sociétés A2BCD et Atrium Gestion à verser à la société L2CA les sommes suivantes :

- 297 870,26 euros HT au titre du préjudice résultant de la perte des clients détournés par les sociétés A2BCD et Atrium Gestion,

- 133 366,00 euros HT au titre du préjudice résultant de la perte des clients qui ont rejoint d'autres syndics du fait de la déstabilisation opérée par les sociétés A2BCD et Atrium Gestion,

- 54 573,03 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de la désorganisation de l'entreprise,

- 75 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- 35 000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- condamner solidairement les sociétés A2BCD et Atrium Gestion à verser à la société L2CA les sommes susvisées augmentées des intérêts de retard au taux majoré et de l'anatocisme, calculés à compter de la décision de justice à intervenir ;

- condamner solidairement les sociétés A2BCD et Atrium Gestion aux entiers dépens en ce compris les frais de saisie et d'expertise informatique et dire qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 28 mars 2019.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement dont appel.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 - Sur la demande tendant à la nullité du procès-verbal de constat du 13 juin 2014

Il résulte de l'article 175 du Code de procédure civile que la nullité des décisions et actes d'exécution relatifs aux mesures d'instruction est soumise aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure.

Il résulte en outre de l'article 114 du même Code qu'aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu'à charge, pour l'adversaire qui l'invoque, de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

Les sociétés A2BCD et Atrium soulèvent la nullité du procès-verbal de constat d'huissier du 13 juin 2014 au motif de diverses irrégularités qu'il convient d'examiner successivement.

* sur l'exception de nullité soulevée pour absence de désignation nominative de la personne ayant assisté l'huissier

Il résulte de l'article 278-1 du Code de procédure civile que l'expert peut se faire assister dans l'accomplissement de sa mission par la personne de son choix qui intervient sous son contrôle et sa responsabilité.

Il résulte en outre de l'article 282 du même Code que lorsque l'expert s'est fait assister dans l'accomplissement de sa mission en application de l'article 278-1, le rapport mentionne les nom et qualités des personnes qui ont prêté leur concours.

En l'espèce, les appelantes soulèvent la nullité du procès-verbal au motif que l'ordonnance du 16 mai 2014 est " critiquable en ce qu'elle n'a pas désigné le technicien susceptible d'assister l'huissier de justice dans sa mission ". Elles ajoutent qu'il appartient au juge de s'assurer que l'huissier a bien recours à un technicien ayant des compétences professionnelles suffisantes, et qu'il agit en toute impartialité.

L'ordonnance sur requête, en ce qu'elle a dit que l'huissier pourrait se faire assister par une personne de son choix, ne peut être critiquée que dans le cadre du contentieux de la rétractation, de sorte que la société A2BCD n'est pas fondée à invoquer dans le cadre de la présente instance l'absence de désignation nominative de la personne pouvant assister l'huissier.

En outre, s'il est certain que le juge doit s'assurer que la personne choisie par l'huissier dispose de compétences professionnelles et qu'elle est impartiale, il n'est en l'espèce allégué aucun fait caractérisant l'incompétence ou la partialité de M. L.-R. qui a assisté l'huissier. Le nom et les qualités de ce dernier ont en outre été régulièrement mentionnées dans le procès-verbal de constat conformément à l'article 282 précité. Il n'y a donc pas lieu de prononcer la nullité du constat de ce chef.

* sur l'exception de nullité soulevée pour manquement à l'obligation d'effectuer personnellement la mission confiée

Il résulte de l'article 233 du Code de procédure civile que le technicien, investi de ses pouvoirs par le juge en raison de sa qualification, doit remplir personnellement la mission qui lui est confiée.

La société A2BCD soutient que l'huissier n'a pas rempli personnellement sa mission, dès lors qu'il s'est contenté de relater les recherches effectuées par " l'expert " l'ayant assisté dans ses opérations.

Au terme de l'ordonnance le désignant, l'huissier était autorisé " à s'adjoindre les services d'un ou plusieurs techniciens informatiques de son choix ".

S'il est exact que le technicien informatique, en la personne de M. L.-R., a effectué toutes les opérations techniques d'extraction des données de l'ordinateur utilisé par M. B. dans la société A2BCD, il apparaît toutefois que l'huissier a assisté à l'ensemble de ces opérations, constatant et décrivant celles-ci dans son procès-verbal au fur et à mesure de leur réalisation, de sorte qu'il n'est pas possible d'affirmer qu'il n'a pas rempli personnellement la mission. Le seul fait de déléguer les opérations techniques à un spécialiste autorisé par l'ordonnance ne peut être assimilé à une délégation totale de la mission. Il n'y a donc pas lieu à nullité de ce chef.

* sur l'exception de nullité tirée du fait que l'huissier aurait outrepassé sa mission, et réalisé une mission d'investigation plutôt qu'un constat

La société A2BCD soutient que l'huissier a outrepassé sa mission en ce que, contrairement à ce qui lui était demandé dans l'ordonnance le désignant, il n'a pas limité ses recherches puisqu'il a effectué celles-ci sur la base du mot-clé Touchet au lieu de " Touchet Immobilier ", en indiquant en outre que ses recherches étaient faites "notamment" sur ce mot clé, ce qui implique d'autres recherches non comprises dans sa mission. Elle ajoute que la mission n'autorisait l'huissier qu'à se faire remettre des documents et à en prendre copie, ce qui n'incluait pas la possibilité " d'effectuer des recherches ".

La mission de l'huissier de justice était ainsi définie dans l'ordonnance sur requête du 16 mai 2014 :

" - se faire remettre par M. B. et/ou par la société A2BCD (...) :

- toute correspondance (à l'exception de celles portant expressément la mention " personnel " dans leur intitulé),

- tout document (papier ou numérique) susceptible de mettre en évidence toute relation entre M. B., la société A2BCD et les copropriétés anciennement gérées par M. B. pour le compte de la société Touchet Immobilier et qui sont listées dans la pièce n° 3 produite par la société Touchet Immobilier qui sera remise à l'huissier ;

- (...)

- se faire remettre (...) les fichiers clients et la liste des mandats, comportant les noms des copropriétés et personnes figurant dans la pièce n° 3 susvisée et le nom " Touchet Immobilier ".

La mission confiée à l'huissier de se faire remettre des documents " susceptibles de mettre en évidence " les relations que pouvait avoir M. B. avec les copropriétés qu'il gérait anciennement incluait à l'évidence une mission de recherche. En effet, si aucune recherche n'avait été entreprise, l'huissier aurait alors dû saisir l'intégralité des fichiers de l'ordinateur.

Dans son constat, l'huissier indique : " à 9 h 55, en présence de M. B., Monsieur L.-R., à l'aide des outils intégrés de recherche de messagerie et de ceux de recherche de fichiers comme " search mes files " débute la recherche sur le poste informatique dont la configuration et le logiciel sont les suivants (... suivent les désignations de la configuration et du logiciel). A l'aide, notamment, des mots clés " Touchet " puis des noms des copropriétés, des présidents des conseils syndicaux visés dans la pièce n° 3, puis des adresses des immeubles figurant sur la pièce n° 3, l'expert effectue une recherche successivement sur le poste utilisé par M. B. et sur le serveur informatique de la société A2BCD. Concomitamment, il est créé sur le bureau dudit poste un dossier dénommé " HUISSIER " dans lequel sont copiés les 11 fichiers et les 251 messages au format pst obtenus à l'issue de la recherche ".

S'il est certain que l'usage de l'adverbe " notamment " est particulièrement maladroit en ce qu'il laisse planer un doute sur le fait que l'huissier ait pu faire usage d'autres mots clés que ceux autorisés par l'ordonnance, la société A2BCD n'établit pas toutefois qu'un tel risque se soit produit. La société A2BCD n'évoque aucun document que l'huissier aurait extrait alors même qu'il n'incluait aucun des mots-clés autorisés dans l'ordonnance. Il n'est donc pas établi que l'huissier ait outrepassé ses pouvoirs.

Il en est de même s'agissant de l'utilisation du mot clé " Touchet ", plutôt que " Touchet Immobilier ", aucun élément ne permettant de démontrer la saisie de documents non conformes aux termes de l'ordonnance.

La demande en nullité de ces chefs sera donc rejetée.

* sur l'exception de nullité soulevée pour violation du principe du respect de la vie privée

La société A2BCD fait valoir que, faute pour l'huissier d'avoir établi un inventaire des pièces saisies, elle n'est pas en mesure de savoir si ce dernier a porté atteinte au respect de la vie privée des personnes requises (salariés de sa société), ajoutant que " rien n'exclut que des pièces confidentielles et/ou personnelles aient été saisies ". Elle reproche à l'huissier de ne pas avoir mentionné les mesures de précaution prises pour éviter toute atteinte à la vie privée.

Là encore, la société A2BCD ne fait état que d'un risque d'atteinte à la vie privée, et ne justifie d'aucune atteinte effective, notamment dans les pièces communiquées par la société L2CA. Il n'est donc justifié d'aucune atteinte à la vie privée, de sorte que la demande en nullité de ce chef sera rejetée.

* sur l'exception de nullité tirée de l'absence d'indication des moyens de recherche utilisés et de l'absence de traçabilité des opérations.

La société A2BCD reproche à l'huissier de ne pas avoir mentionné les moyens et les modalités utilisés pour la recherche informatique, de sorte qu'il serait impossible de déterminer l'origine des pièces et des informations saisies, faisant dès lors valoir l'absence de valeur probante du constat. Elle ajoute que l'huissier n'a pas mentionné dans son constat l'empreinte numérique des documents saisis, ce qui la prive de tout contrôle de l'intégrité et de la conformité des pièces saisies.

Il convient de rappeler qu'aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul si la nullité n'en est pas prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public. En l'espèce, la société A2BCD n'invoque aucun texte prévoyant la nullité du constat en l'absence de traçabilité ou d'indication des moyens de recherche, et n'invoque aucune inobservation de formalité substantielle ou d'ordre public, de sorte qu'aucune nullité n'est encourue.

* sur les observations sur les pièces versées aux débats

La société A2BCD fait observer que le procès-verbal du 13 juin 2014 ne comporte aucune annexe, ni liste, ni inventaire des pièces saisies, de sorte que l'on ignore, parmi les pièces communiquées par la société L2CA lesquelles sont issues de la saisie. Elle affirme qu'en tout état de cause, l'huissier n'a trouvé aucune pièce emportée ou conservée par M. B., à la suite de la rupture de son contrat de travail avec la société L2CA.

La société A2BCD ne tire aucune conclusion de ces " observations ". En tout état de cause, l'affirmation selon laquelle l'huissier n'a trouvé aucune pièce emportée ou conservée par M. B. relève du débat au fond.

Aucun motif de nullité du constat n'étant fondé, la cour confirmera le jugement qui a rejeté cette demande. Il n'y a pas lieu en conséquence d'ordonner la destruction des éléments issus des opérations de constat.

2 sur l'existence d'actes de concurrence déloyale

La société L2CA reproche à la société A2BCD, d'une part d'avoir recruté son ancien salarié M. B. en violation de la clause de non concurrence stipulée à son contrat de travail, d'autre part des faits de détournement de clientèle réalisés avec la complicité de M. B. qui a conservé son ancien fichier client, enfin des faits de dénigrement.

2-1 sur l'embauche de M. B. en violation de la clause de non-concurrence

Le contrat de travail signé entre la société L2CA et M. B. comportait une clause de non-concurrence ainsi rédigée : " l'employé s'engage à ne pas travailler pour un cabinet concurrent de Maisons Laffitte, Poissy ou des communes adjacentes pendant toute la durée du contrat, ainsi que les deux années qui suivront sa rupture (...) ".

Force est ici de constater que le cabinet A2BCD qui a embauché M. B. immédiatement après sa démission de la société L2CA est bien situé à Maisons Laffitte. La société L2CA soutient dès lors que l'embauche de M. B. caractérise un acte de concurrence déloyale.

Pour soutenir qu'elle n'a commis aucun acte de concurrence déloyale, la société A2BCD indique qu'elle " a considéré " que la clause de non-concurrence imposée à M. B. était nulle dès lors qu'elle ne comportait aucune contrepartie financière.

Le seul fait qu'il existe un doute sur la validité de la clause de non-concurrence imposée à M. B. n'autorisait pas pour autant la société A2BCD à recruter ce dernier sans prendre, à tout le moins, la précaution de lui demander de dénoncer la validité de cette clause auprès de son ancien employeur.

Dès lors que la validité de la clause de non-concurrence n'avait pas été dénoncée, elle devait être considérée comme valable, peu important qu'elle puisse ultérieurement être annulée. Il apparaît ainsi que la société A2BCD a embauché M. B. en pleine connaissance du fait que ce dernier était lié par une clause lui interdisant de travailler pour un cabinet de Maisons Laffite, ce qui " à défaut de toute dénonciation de la validité de cette clause, tant au moment de l'embauche qu'ultérieurement " caractérise un acte de concurrence déloyale, peu important que la société L2CA n'ait pas elle-même agi en vue de faire sanctionner le non-respect de la clause.

2-2- sur les faits de détournement de clientèle

La société L2CA soutient que M. B. a emporté avec lui des fichiers clientèle et " documents stratégiques " de l'entreprise, et qu'il en a fait usage dans le cadre de son activité nouvelle au profit de la société A2BCD (démarchage des anciens clients, et signature de nouveaux contrats de gestion de copropriété), avec l'accord de cette dernière et la validation de sa direction, de sorte qu'il est faux d'affirmer que M. B. a agi de son seul chef. La société L2CA indique qu'une autre de ses salariées, en la personne de Mme G., a transmis à M. B. des éléments confidentiels et sensibles, tels que des dossiers relatifs aux honoraires, ce qui lui a permis de faire des propositions plus intéressantes pour les copropriétés démarchées. Elle ajoute que cette situation aurait été : " encouragée par la société Atrium Gestion ", précisant que Mme G., après avoir rejoint cette société, a également détourné une partie de la clientèle de la société L2CA au profit de la société Atrium. Elle précise ainsi qu'entre les mois de février et juin 2014, 13 copropriétés ont dénoncé leur contrat de syndic au profit de la société A2BCD, ce qui caractérise une " attaque systématique et organisée " de son portefeuille de clientèle, caractéristique d'un détournement fautif de clientèle. De même, une copropriété a dénoncé son contrat au profit de la société Atrium Gestion.

La société A2BCD soutient en premier lieu que M. B. n'a conservé aucun document de son ancien employeur hormis une liste de contacts clients. Elle fait valoir que les autres documents en possession de M. B. lui ont été adressés après son départ, notamment par les présidents de conseils syndicaux. Elle fait valoir que les anciens clients de la société L2CA, fidèles à M. B., étaient libres de le suivre chez son nouvel employeur, rappelant le principe de la libre concurrence. Elle estime que les départs de clients de la société L2CA ne sont pas liés à un prétendu démarchage illicite, mais au seul fait que cette société n'a pas remplacé M. B., laissant les copropriétés en déshérence, ce qui a provoqué le mécontentement des clients. Elle indique enfin que les agissements de M. B. ne peuvent lui être imputés, et qu'elle n'a personnellement commis aucune faute.

* sur le détournement de clientèle au profit de la société A2BCD

Il est constant que M. B. a quitté la société L2CA le 18 août 2013, et qu'il a débuté ses nouvelles fonctions dans la société A2BCD dès le 2 septembre 2013.

Dès le 16 septembre 2013, soit 2 semaines après son intégration dans la société A2BCD, M. B. a adressé un courriel à un certain nombre d'anciens clients de la société L2CA pour leur adresser ses nouvelles coordonnées professionnelles. Ce courriel - comportant le logo de la société A2BCD ainsi que ses coordonnées - avait pour objet : " nouvelles coordonnées professionnelles M. B. " cabinet A2BCD ". M. B. terminait son courriel en indiquant qu'il se tenait à la disposition de son interlocuteur : " car j'ai eu un grand plaisir à travailler avec vous ". Il n'hésitait pas dans certains messages à être plus direct, allant jusqu'à indiquer clairement : " si toutefois la prestation de Touchet (société L2 CA) ne vous satisfait pas, vous savez désormais où je me trouve " (pièce 29).

Dès le mois d'octobre 2013, M. B. relançait certains présidents de conseil syndicaux de manière plus directe en leur proposant ses services... " dans l'hypothèse ou votre syndic actuel ne vous apporterait pas satisfaction (...) " (pièces 34, 35).

Alors que M. B. gérait 47 copropriétés dans son ancien cabinet de gestion, il est justifié qu'il en a au moins contacté 13, soit près d'un tiers, qui ont tous fait le choix de signer un nouveau contrat avec la société A2BCD.

M. B. n'a jamais caché le fait qu'il avait conservé ses anciens contacts clients. Il a ainsi déclaré, le 13 juin 2014, à l'huissier désigné pour établir le constat : " je conserve les documents relatifs à mes contacts avec les copropriétés que je gérais précédemment pour la société requérante dans un dossier " prospects " créé dans le logiciel de messagerie Outlook que j'utilise sur cet ordinateur ".

Il apparaît en outre que M. B. s'est fait remettre, par l'intermédiaire d'un salarié de son ancien employeur, Mme G., un listing des mandats de syndic détenus par ce dernier (pièce n° 40), avec les dates de signature des contrats, leur échéance, ainsi que le montant des honoraires convenus, document particulièrement utile pour permettre à M. B., d'une part de connaître les dates d'échéances des contrats, et surtout le montant des honoraires convenus, afin de pouvoir proposer des contrats moins coûteux. L'objet du courriel adressé par Mme G. à M. B. était le suivant : " tu feras le tri:-) ".

Au regard de ces éléments, la société A2BCD ne peut sérieusement prétendre qu'elle n'a commis aucune faute personnelle, et qu'elle est étrangère aux agissements de M. B., alors d'une part que tous les courriels sont adressés par ce dernier avec le logo et les coordonnées de la société, d'autre part que M. B. n'était pas décisionnaire quant au contenu des nouveaux contrats de syndic qu'il proposait à ses anciens clients ainsi qu'il ressort des divers courriels adressés, et enfin que ce dernier indique expressément dans un courriel adressé à Mme R. : " la direction accepte ce rabais du fait que je connais la copropriété ".

S'il est exact que les clients de la société L2CA étaient libres de la quitter pour rejoindre la société A2BCD, il n'en reste pas moins que cette dernière, par l'entremise de M. B., a joué un rôle certain dans ces départs, dès lors qu'elle les a systématiquement démarchés, leur a proposé des contrats de syndics à des tarifs plus intéressants que la société L2CA, ce qui caractérise des faits de détournements de clientèle.

* sur le détournement de clientèle au profit de la société Atrium Gestion

La société L2CA précise que Mme G. a quitté la société Touchet Immobilier en février 2014 pour rejoindre la société Atrium Gestion qui dispose de la même présidence que la société A2BCD, et indique lui être adossée. Elle soutient que Mme G. a également entrepris de détourner ses anciens clients, faisant valoir que la copropriété du Parc des Annonciades a dénoncé son contrat de syndic pour rejoindre la société Atrium Gestion.

Le seul fait qu'une copropriété, anciennement gérée par la société L2CA, ait décidé de changer de syndic, alors même qu'aucun acte précis n'est imputé à Mme G. ou à la société Atrium Gestion pour favoriser ce changement, est insuffisant à caractériser un détournement de clientèle, de sorte que la cour ne peut que constater l'absence de tout fait de concurrence imputable à la société Atrium Gestion. Le seul fait que la demande formée à l'encontre de cette dernière soit mal fondée ne suffit pas pour autant à la mettre hors de cause. Le jugement sera infirmé de ce chef.

2-3- sur les faits de dénigrement

Ainsi que l'a justement relevé le premier juge, la société A2BCD s'est également livrée, par l'intermédiaire de son salarié M. B., à des actes de dénigrement à l'encontre de la société L2CA.

M. B., toujours par courriel à en-tête de la société A2BCD, écrit ainsi à Mme R. dès le 23 octobre 2013 (2 mois après son départ de la société L2CA) : " je crois savoir que je n'ai pas été remplacé et cela me laisse à penser que votre résidence n'est plus correctement suivie ". Il écrit à Mme Y. " j'ai quelques retours négatifs concernant mon ancien cabinet, et je voulais savoir s'il était opportun de vous proposer un nouveau contrat ".

Ces critiques de l'ancien cabinet dans lequel exerçait M. B. visent clairement à le discréditer aux yeux de ses clients. Elles sont en outre accompagnées d'offres de services, et caractérisent ainsi des actes de dénigrement, dans le but de détourner la clientèle.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société A2BCD s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société L2CA.

2-4 sur le lien de causalité entre les actes de concurrence déloyale et la perte de clientèle

L'argumentation de la société A2BCD qui soutient que le départ des anciens clients de la société L2CA à son profit a pour seule cause les dysfonctionnements rencontrés par celle-ci (absence de remplacement de M. B., défaut de suivi des copropriété) tend en fait à démontrer que le préjudice subi par la société L2CA du fait du départ de ses clients n'est pas en lien de causalité avec les actes de concurrence qui lui sont reprochés, et à l'exonérer de toute responsabilité dans la survenance du dommage.

Si l'on peut admettre, au regard des nombreuses attestations rédigées par des présidents de conseil syndical, que les dysfonctionnements de la société L2CA, non contestés par cette dernière, ont pu jouer un rôle dans le départ de la clientèle, il n'en reste pas moins que le démarchage systématique opéré par la société A2BCD est cependant à l'origine de ce départ.

En effet, si certains clients pouvaient être mécontents des dysfonctionnements de la société L2CA après le départ de M. B., ils auraient sans doute patienté et attendu une amélioration du service fourni par cette dernière s'ils n'avaient pas été démarchés par la société A2BCD qui est ainsi à l'origine même de ces départs. Au regard de ces éléments, la cour estime pouvoir imputer à la société A2BCD une part de responsabilité à hauteur de 85 % du dommage subi par la société L2CA. Le jugement sera donc infirmé en ce sens.

3 sur la réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale

* sur le préjudice lié à la perte de clientèle

Le premier juge a alloué à la société L2CA une somme de 118 202,41 euros en réparation de son préjudice, correspondant à une marge brute de 75 % sur un chiffre d'affaire de 157 603 euros (chiffre d'affaire perdu sur une période de 18 mois).

La société L2CA sollicite l'infirmation du jugement sur ce quantum, et la réparation de son préjudice à hauteur de la somme de 431 236,26 euros, dont 297 870,26 euros au titre de la perte de clients détournés par les sociétés A2BCD et Atrium Gestion, et 133 366 euros pour la perte de clients ayant rejoint d'autres syndic du fait de la " déstabilisation opérée par la société A2BCD ". Elle soutient qu'il convient de calculer son préjudice sur une période de 3,78 années correspondant à la durée moyenne des contrats de syndic, et non sur 18 mois.

La société A2BCD fait à nouveau valoir que le départ des clients de la société L2CA n'est pas lié à ses agissements, mais uniquement aux dysfonctionnements internes de cette dernière, ajoutant que la société L2CA a également perdu de nombreux contrats, non pas à son profit, mais au profit d'autres cabinets de gestion. Elle ajoute que la société L2CA a également fermé un de ses cabinets à Meulan, ce qui explique encore ses difficultés de gestion et la perte de nombreux mandats. Elle soutient dès lors que la perte de chiffre d'affaires est étrangère à une quelconque action déloyale de sa part. Elle fait encore valoir que le préjudice allégué n'est pas justifié, en l'absence de justificatifs, d'une part de la perte du chiffre d'affaires, d'autre part du taux de marge brute retenu par le premier juge

Pour justifier du préjudice qu'elle allègue, la société L2CA produit uniquement un tableau du détail de ses honoraires, d'une part pour les copropriétés qui ont été reprises par la société A2BCD, d'autre part pour les copropriétés reprises par d'autres syndics.

S'agissant des copropriétés reprises par des sociétés autres que la société A2BCD, force est de constater que l'éventuel détournement de clientèle ne s'est pas réalisé au profit de la société A2BCD, de sorte qu'il n'existe aucun lien de causalité entre les fautes relevées et le préjudice constaté. Le jugement dont appel sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société L2CA de sa demande indemnitaire à ce titre.

S'agissant des copropriétés reprises par la société A2BCD, il résulte des tableaux produits que le montant annuel total des frais et honoraires s'élevait à la somme de 91 806 euros, dont 64 416 euros au titre des honoraires principaux. Ainsi que l'a relevé à bon droit le premier juge, les refacturations de frais (frais de relance et frais de gestion) ne peuvent constituer un préjudice, de sorte qu'il convient de les extraire, le montant théorique annuel du chiffre d'affaires perdu pouvant ainsi être évalué à la somme de 85 277 euros.

Faute pour la société L2CA de produire aux débats ses bilans 2014 et 2015 qui auraient permis de constater une perte réelle de chiffre d'affaires, il n'est pas possible de retenir une perte sur plus d'une année, étant observé que les mandats de syndic sont en général des mandats annuels, une période d'un an étant en outre suffisante pour permettre à la société L2CA de retrouver de nouveaux contrats. Il convient dès lors de retenir une perte d'une année de chiffre d'affaires.

Il est constant toutefois que le préjudice est constitué, non pas du chiffre d'affaires réalisé, mais de la marge brute perdue. A défaut de tout justificatif comptable permettant d'évaluer cette marge brute, la cour estime pouvoir retenir une marge brute de 55 %, soit un préjudice de 46 902,35 euros.

La part de responsabilité de la société A2BCD ayant été fixée à 85 % du dommage, il convient de condamner cette dernière à indemniser la société L2CA à hauteur de 39 866,70 euros. Le jugement dont appel sera donc infirmé de ce chef.

La société L2CA sollicite en outre paiement des intérêts au taux majoré, avec capitalisation de ces derniers. Faute pour cette dernière de justifier de l'application d'un taux majoré, les intérêts courront au taux légal, et il convient de faire droit à la demande de capitalisation.

* sur le préjudice lié à la désorganisation de l'entreprise

La société L2CA sollicite paiement d'une somme de 54 573 euros à ce titre, du fait de la désorganisation interne de son entreprise, faisant valoir qu'à la suite du départ de M. B. et de Mme G., ses autres salariés se sont trouvés dans une situation difficile du fait qu'ils ont dû reprendre les copropriétés abandonnées, ce qui a créé des tensions et de nouveaux départs. Elle sollicite réparation de son préjudice constitué des indemnités de départ versées à plusieurs salariés, outre des frais de recrutement.

La société A2BCD s'oppose au paiement de cette somme, faisant valoir qu'il n'est pas justifié des tensions alléguées. Elle ajoute que les frais de recrutement de personnel ne démontrent nullement une désorganisation de l'entreprise, mais simplement une nécessité de recruter après une démission de salarié.

S'il est certain que le départ d'un salarié peut entraîner des difficultés d'organisation dans une entreprise, ces dernières ne sont pas uniquement causées par ce départ, mais également par le fait que ce départ n'a pas été suffisamment anticipé, et que le recrutement d'un nouveau salarié a tardé. En l'espèce, les seuls reçus pour solde de tout compte d'anciens salariés de la société L2CA (dont deux seulement sont signés) ne permettent pas d'établir l'existence de tensions dans le personnel qui seraient en lien avec le départ de M. B.. Les frais de recrutement de personnel ne constituent pas en outre un préjudice en lien avec les faits de concurrence déloyale, mais sont la simple conséquence de démissions dont il n'est pas allégué qu'elles soient fautives.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en paiement à ce titre.

* sur le préjudice moral

La société L2CA sollicite confirmation du jugement en ce qu'il a retenu le principe de son préjudice moral, mais l'infirmation sur le quantum, sollicitant paiement d'une somme de 75 000 euros à ce titre. Cette société soutient avoir subi un important préjudice moral du fait du dénigrement orchestré par la société A2BCD, rappelant en outre l'envoi à un président de conseil syndical d'un article de presse affirmant qu'elle avait perdu sa garantie financière SOCAF. Elle soutient avoir été contrainte de changer de dénomination sociale " afin de refaire peau neuve ".

La société A2BCD s'oppose à cette demande, faisant observer qu'aucune pièce ne vient établir l'existence du préjudice moral allégué.

S'agissant de l'article de presse relatif à la perte supposée de garantie de la société L2CA, seule la copie du courriel du 26 mai 2014 est produite, non accompagnée de l'article de presse, de sorte que la société L2CA n'apporte pas la preuve d'un préjudice à ce titre.

Il a toutefois été démontré que la société A2BCD avait commis des faits de dénigrement visant à discréditer la société L2CA aux yeux de ses clients, et à porter atteinte à sa réputation. Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a évalué le préjudice moral de cette dernière à la somme de 10 000 euros.

Du fait du partage de responsabilité opéré plus avant, il convient toutefois d'infirmer le jugement et de condamner la société A2BCD à payer à la société L2CA une somme de 8 500 euros.

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile :

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge des frais irrépétibles qu'elle a dû engager pour faire valoir son droit en cause d'appel.

Par ces motifs LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, Confirme le jugement du 7 février 2018 en ce qu'il a : débouté la société A2BCD de sa demande de nullité du constat du 13 juin 2014, dit que la société A2BCD avait commis des actes de concurrence déloyale, condamné la société A2BCD au paiement des dépens, et d'une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles, L'infirme pour le surplus, Et statuant à nouveau, Dit que la société A2BCD est responsable à hauteur de 85 % du dommage subi par la société L2CA, Fixe le préjudice subi par la société L2CA, aux sommes de 46 902,35 euros du fait de la perte de clientèle, et 10 000 euros du fait du préjudice moral, Condamne en conséquence la société A2BCD à payer à la société L2CA les sommes de : 39 866,70 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice du fait de cette perte de clientèle, 8 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, Et y ajoutant, Dit que les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, et que les intérêts dus pour une année entière produiront eux-mêmes intérêts, Rejette toutes autres demandes, Condamne la société A2BCD aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l'article 699 du Code de procédure civile.