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Décisions

CA Colmar, 1re ch. civ. A, 3 juillet 2019, n° 17-00436

COLMAR

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Domaine Marie & Cécile (SAS), Vignoble Marie & Cécile (Sté), Les Tulipes Blanches (SARL)

Défendeur :

SCA Wolfberger - Cave Cooperative D'eguisheim (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Panetta

Conseillers :

M. Roublot, Mme Harrivelle

TGI Strasbourg, du 13 déc. 2016

13 décembre 2016

FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La SA Domaine Lucien A., crée en 1978, est une structure de négoce de vin.

Le 20 avril 1994, la société Domaine Lucien A. a déposé plusieurs marques dont la marque " Lucien A. ", les marques françaises " crémant d'Alsace ", " Weid ", " Clos des Recollets ", " clos Himmelreich " et " Le Bangard " avec modification le 19 mars 1998.

Par un jugement rendu le 13 novembre 2012, la SCA Wolfberger Cave Coopérative Vinicole d'Eguisheim (" Wolfberger " ci-après) a acquis le fonds de commerce SA Domaine Lucien A., moyennant le prix de 1 200 000 euros, par plan de cession suite à sa liquidation judiciaire.

Le 4 février 2013, l'acte de cession au profit de la société Wolfberger comprenait :

Le nom commercial et l'enseigne " Lucien A. ".

Plusieurs marques françaises, communautaires et internationales dont " Lucien A. ", " Weid ", les dépôts nationaux aux Etats-Unis et à Hong-Kong de la marque " Lucien A. ", les noms de domaines Internet " Lucien A. ".

Le 25 mars 2013, la SAS Marie & Cécile A., exerçant désormais sous l'enseigne Marie & Cécile A.-B., a été inscrite au RCS de Colmar.

Mme Cécile A. en est la présidente.

Le 8 novembre 2013, la SARL Jean A., exerçant désormais sous l'enseigne Les Tulipes Blanches, a été inscrite au RCS de Colmar.

Mme Cécile A. en est la gérante.

Le 1er avril 2014, la SCEA Domaine Marie & Cécile A.-B. a été inscrite au RCS de Colmar.

Mme Cécile A. en est la gérante.

Le 10 décembre 2012, les marques françaises " Marie A. Grands Vins d'Alsace Marie A. Cuvée Marie A. Cuvée Marie et Cécile ", " Weid Jean A.", " Cécile A. " sont déposées.

Les 6 décembre 2012 et les 22 mars, 27 mars, 6 mai 2013, les marques françaises " Jean A. ", " Famille A. ", " Cécile A. " et " Marie et Cécile A. " sont déposées.

Par plusieurs décisions du 27 août, 4 septembre, 30 septembre, 12 décembre 2013 et du 31 janvier 2014, l'INPI refuse les enregistrements.

Par plusieurs décisions du 15 octobre 2014, la Cour d'appel de Colmar a confirmé les décisions précédentes.

Elle a retenu qu'il y avait une similitude visuelle, auditive partielle et conceptuelle, et une imitation donc qu'il y avait un risque de confusion dans l'esprit du consommateur.

Par ordonnance du 1er avril 2014, le Juge des Référés a interdit à Mme Cécile A., à la société Marie & Cécile A.-B. et à la société Les Tulipes Blanches de faire usage du patronyme A., à titre de dénomination sociale, nom commercial, enseigne et nom de domaine. Il n'a pas retenu d'acte de contrefaçon.

Par un arrêt rendu le 18 novembre 2015, la Cour d'appel de Colmar a confirmé l'ordonnance rendue par le Juge des Référés le 1er avril 2014.

Les 4 juin, 19 septembre 2013, les marques " Jean a. ", " Marie & Cécile A. " sont déposées.

Par deux décisions du 8 septembre 2014 et du 28 janvier 2015, l'OHMI rejette les dépôts.

Les 4 juin et 26 août 2013 les marques " Marie & Cécile A. ", " Jean A. " sont déposées internationalement.

La marque " Marie & Cécile A. " est déposée aux Etats-Unis sur la base du dépôt français du 6 mai 2013.

Par actes délivrés le 23 avril 2014, la société Wolfberger a fait citer devant la chambre commerciale du Tribunal de Grande Instance, M. Jean A., Madame Marie A., Madame Cécile A., la société Marie & Cécile A.-B., la société Les Tulipes Blanches, la société Domaine Marie & Cécile A.-B..

En parallèle, en application de l'article L716-6 du Code de propriété intellectuelle, la société Wolfberger avait introduit une procédure de référé contrefaçon à l'encontre de Mme Cécile A., la société Marie & Cécile A.-B. et la société Les Tulipes Blanches.

Par un jugement rendu le 13 décembre 2016, le Tribunal de Grande Instance de Strasbourg a interdit à M. Jean A., Mme Cécile A., Mme Marie A., les sociétés Marie & Cécile A.-B., Les Tulipes Blanches et Domaine Marie & Cécile A.-B. :

- de faire usage du terme " A. " seul ou accompagné d'autres termes,

- de faire usage des termes " Weid ", " Clos des Récollets ", " Clos du Himmelreich ", " Lucien A. ", " Crémant d'Alsace ", " Le Bangard ", seul ou accompagné d'autres termes,

- de faire usage plus généralement des noms commerciaux, enseignes et marques de la société Domaine Lucien A. acquis par la société Wolfberger,

- de porter atteinte aux droits acquis par la société Wolfberger.

Il a ordonné à la société Marie & Cécile A.-B. de modifier la dénomination sociale, le nom commercial et l'enseigne pour en supprimer le terme " A. " et de supprimer les noms de domaine utilisant ce terme, sous peine d'astreinte.

Il a ordonné à M. Jean A., Mme Cécile A., Mme Marie A., la société Marie & Cécile A.-B., la société Les Tulipes Blanches, la société Domaine Marie & Cécile A.-B. de procéder à la radiation des noms de domaines :

- mariececile-a..fr,

- mariececile-a..com,

- mariececile-a..eu.

Et plus généralement de tout nom de domaine comprenant le patronyme " A. " qui aurait été réservé, sous peine d'astreinte.

Il a condamné :

Les parties à verser une somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts à la société Wolfberger, en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon.

Les parties à payer à la société Wolfberger une somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Mme Cécile A., la société Marie & Cécile A.-B., la société Les Tulipes Blanches et la société Domaine Marie & Cécile A.-B. à payer à la société Wolfberger une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale.

M. Jean et Mme Marie A., ainsi que la société Les Tulipes Blanches (" les parties appelantes " ci-après) ont interjeté appel de la décision par déclaration faite au greffe le 25 janvier 2017.

Mme Cécile A., la société Marie & Cécile A.-B. et la société Domaine Marie & Cécile A.-B. (" les parties appelantes " ci-après) ont interjeté appel, par déclaration faite au greffe le 25 janvier 2017.

La société Wolfberger s'est constituée intimée le 10 février 2017.

Par une ordonnance de référé du 28 avril 2017, le Conseiller à la Cour d'appel de Colmar, délégataire de la première présidente, a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement rendu le 13 décembre 2016.

Par une ordonnance en date du 15 décembre 2017, le Juge de la Mise en Etat a ordonné la jonction des deux procédures d'appel.

Par des dernières conclusions du 21 Janvier 2019, auxquelles était joint le bordereau de communication de pièces récapitulatif, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, les parties appelantes demandent l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions.

A titre liminaire, elles soutiennent que seule la Cour d'appel de Paris est compétente. Ils demandent que cette dernière statue et retienne que les parties appelantes n'ont commis n'ont commis ni acte de contrefaçon, ni de concurrence déloyale.

Au soutien de leur prétention, elles invoquent l'article R. 717-11 du Code de la propriété intellectuelle disposant notamment que le Tribunal de Grande Instance de Paris est seul compétent pour connaître des actions en matière de marques et de dessins et modèles communautaires, entrainant la seule compétence de la Cour d'appel de Paris.

A titre principal, elles demandent que la société Wolfberger soit déboutée de l'intégralité de ses demandes.

Sur les demandes formulées au titre de l'atteinte aux droits de la société Wolfberger, elles soutiennent que les mesures d'interdiction prononcées par les premiers juges ne peuvent pas concerner toutes les marques de la société Wolfberger. Ils affirment, pour certaines, qu'aucun acte d'usage ou d'imitation des signes n'a été démontré, pour d'autres, qu'elles sont des noms de lieux-dits ou des appellations d'origine contrôlée pouvant être utilisées par tous les producteurs de vin.

Elles affirment également qu'il n'y aurait pas de risque de confusion avec les marques " Lucien A. " car le risque de confusion ne peut être exclu qu'au cas par cas, en fonction du type d'usage ainsi que du signe tel qu'il est utilisé.

Elles prétendent donc que les marques déposées par les appelants (" Marie et Cécile A.-B. ", " Jean A. ") se distinguent par la présence de prénoms.

Elles font valoir que Mme Cécile A. était de bonne foi dans l'utilisation de son nom dans le cadre de son activité viticole.

Sur les condamnations solidaires pour contrefaçon, Elles soutiennent qu'ils ne peuvent pas être condamnés pour contrefaçon. Au soutien de leur prétention, ils font valoir :

- que Mme Jean A. n'a pas exploité les signes argués de contrefaçon,

- que Mme Marie A. est uniquement associée des sociétés Marie & Cécile A.-B. et Domaine Marie & Cécile A.-B. et n'exerce aucune activité commerciale,

- que la société Les Tulipes Blanches est dissoute depuis le 31 décembre 2017.

Sur les demandes au titre de la concurrence déloyale, elles prétendent que l'utilisation du patronyme " A. " et de l'histoire familiale par Mme Cécile A. ne résulte que de la réalité de sa situation, elle exploiterait des vignes familiales depuis toujours. La société Wolfberger, en acquérant les marques " Lucien A. ", n'aurait pas acquis de monopole sur le patronyme et l'histoire familiale.

Sur le préjudice allégué, elles soutiennent que l'activité de la société Wolfberger n'a pas été affectée par les prétendus actes de concurrences déloyale et/ou de contrefaçon.

A titre reconventionnel, elles demandent que la société Wolfberger soit condamnée à verser à la société Marie & Cécile A.-B. la somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Elles demandent également l'interdiction pour la société Wolfberger d'utiliser le terme " A. " sans le prénom " Lucien ", sous astreinte de 500 euros par infraction constatée.

Elles demandent, en outre, l'interdiction pour la société Wolfberger d'utiliser des images ou éléments appartenant aux appelants, et notamment les photographies de parcelles et des bâtiments appartenant aux appelants, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée.

Elles demandent, enfin, la condamnation de la société Wolfberger à verser aux appelants la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, à supporter les dépens et à rembourser les sommes perçues au titre de la liquidation d'astreinte.

Au soutien de leurs allégations, elles affirment que la société Wolfberger aurait commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Marie & Cécile A.-B. car elle utiliserait le signe " A. ", seul et sans mention du prénom " Lucien " ainsi que des photographies du patrimoine familiale A. et de son historique.

Elles prétendent enfin que l'action de la société Wolfberger serait abusive car elle chercherait à obtenir la liquidation d'astreinte d'une décision non définitive.

Par des dernières conclusions du 22 janvier 2019, auxquelles était joint le bordereau de communication de pièces récapitulatif, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, la société Wolfberger demande la confirmation du jugement en toutes ses dispositions.

Elle demande la condamnation solidaire des appelants à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la concurrence déloyale et de parasitisme, ainsi que la somme de 50 000 euros du fait des actes de contrefaçon.

Elle demande la condamnation solidaire des appelants à lui payer la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Sur la compétence territoriale, elle soutient que le Tribunal de Grande Instance de Paris n'est compétent que pour les marques communautaires. Elle fait valoir que ses demandes ne portent que sur des marques françaises dont elle est propriétaire.

Sur les actes de contrefaçon, de concurrence déloyale et de parasitisme, elle affirme que les simples dépôts réalisés par les appelants ont porté atteinte aux marques antérieures, que l'usage des marques composées du patronyme " A. " porte une atteinte spécifique à la marque " Lucien A. " détenue par la société Wolfberger.

Elle soutient que les dépôts répétés des appelants illustreraient leur mauvaise foi. Elle prétend que les appelants veulent créer et entretenir une confusion dans l'esprit du consommateur moyen en continuant à utiliser le patronyme " A. " et en utilisant l'histoire familiale. Elle prétend avoir acquis le droit de mentionner l'histoire familiale lors de l'acquisition de la totalité des vignes de la société Domaine Lucien A..

Sur le caractère prétendument abusif de son action, elle soutient que les appelants n'ont jamais contesté la validité des droits invoqués par la société Wolfberger, que plusieurs décisions sont favorables à la société Wolfberger et que les appelants ont continué à utiliser leurs marques.

La Cour se référera aux dernières écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, et des prétentions des parties.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 mars 2019.

L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 24 avril 2019, à laquelle les parties ont développé leur argumentation et déposé les pièces à l'appui de leurs allégations.

MOTIFS DE LA DECISION :

I. Sur la compétence territoriale

Les parties appelantes invoquent à titre liminaire les dispositions de l'article R. 717-11 du Code de la propriété intellectuelle qui, renvoyant à l'article R. 211-7 du Code de l'organisation judiciaire, prévoient que les litiges relatifs à des marques communautaires ressortissent de la compétence du tribunal de grande instance de Paris. Elles estiment donc que Cour de céans est incompétente pour connaître du présent litige.

La société Wolfberger réplique que les seules marques communautaires mentionnées en la cause sont " Jean A. " (dépôt n° 011871266) et " Marie et Cécile A. " (dépôt n° 12154035), qu'elle prétend ne citer qu'à titre d'information, et pour lesquelles elle affirme ne former aucune demande. Elle en déduit que la présente procédure, qui est relative uniquement à des marques françaises, ressorti de la compétence de la Cour.

Les appelants ne peuvent valablement soutenir qu'en l'absence de précision de la part de l'intimée, l'ensemble des marques évoquées est visé par son action, y compris les marques européennes susmentionnées. En effet, ainsi que l'explique pertinemment la société Wolfberger, les dépôts des deux marques européennes ont été refusés par l'Office de l'Union Européenne pour la propriété intellectuelle. Il ne peut donc être considéré que ses demandes dans la présente procédure visent lesdites marques communautaires. Il s'en déduit que seules des marques françaises sont concernées dans le cadre du présent litige.

Les appelants évoquent encore la marque de l'union européenne " Lucien A. ", détenue par la société Wolfberger. Cependant celle-ci n'est pas concernée par la procédure.

Il convient dès lors d'écarter ce moyen de procédure, la Cour étant compétente pour connaître de toutes les demandes qui lui sont soumises.

II. Sur les demandes au titre de l'atteinte aux droits de la société Wolfberger

La demande initiale en contrefaçon de la société Wolfberger était relative aux marques verbales " Lucien A. " ; " Weid " ; " Clos du Himmelreich " ; " Le Bangard " ; " Clos des récollets " et à la marque figurative " crémant d'Alsace ". Toutes ont été acquises par l'intimée suite au rachat du fonds de commerce " Lucien A. ". Il convient de rechercher pour chaque marque individuellement si des actes de contrefaçon ont été commis par les appelants.

A/ Sur la marque figurative " crémant d'Alsace "

Ainsi que le rappelle à bon droit les appelants, la mention " crémant d'Alsace " est une appellation d'origine contrôlée insusceptible d'appropriation par une personne privée. Seule la marque figurative acquise par la société Wolfberger (n° 3337503) est donc susceptible de protection. Cependant la société Wolfberger, qui se réfère dans ses conclusions à l'emploi du terme " A. " par les appelantes, qu'elle considère contrefaisant, ne vise aucun fait de contrefaçon de sa marque figurative. En outre, les appelants avancent que ladite marque ne serait plus en vigueur, ce que ne conteste pas la société Wolfberger. La contrefaçon de cette marque ne peut dès lors être retenue. Le jugement devra être infirmé en ce qu'il a interdit aux appelants l'usage de la mention " crémant d'Alsace ".

B/ Sur la marque verbale " Weid "

Le seul usage du terme " Weid " allégué par la société Wolfberger est la demande de dépôt de la marque " Le Weid de Jean A. ", qui a par ailleurs été rejetée par l'INPI.

Les parties s'opposent sur la possibilité de qualifier de fait de contrefaçon le seul dépôt de marque.

La société Wolfberger prétend que, par le dépôt, même non suivi d'exploitation en raison du refus opposé par l'INPI, les appelants ont tenté de retirer un avantage économique et que donc, selon la jurisprudence, ils ont ainsi commis une contrefaçon. Elle ajoute que seule son opposition a conduit au refus d'enregistrement, dont les parties adverses ne seraient pas fondées à se prévaloir.

La société Wolfberger vise plusieurs décisions de jurisprudence pour étayer sa position, mais aucune ne concerne la situation d'un refus du dépôt de marque. Or, si le dépôt d'une marque, même non suivi d'actes d'exploitation, peut être constitutif d'un acte de contrefaçon, il n'en va pas de même pour la seule demande d'enregistrement, dans le cas où celle-ci aurait été refusée. Il ne peut en effet, par hypothèse, y avoir usage dans la vie des affaires " condition nécessaire à la qualification d'acte de contrefaçon " d'une marque n'ayant jamais été enregistrée, donc n'ayant jamais existé. La sanction de l'éventuelle illicéité de la marque dont le dépôt est demandé réside d'ores et déjà dans le refus d'enregistrement, aussi aucune sanction ne peut être recherchée de surcroît sur le fondement de la contrefaçon.

En conséquence, aucun fait de contrefaçon de la marque " Weid " ne peut être retenu. Il n'y a dès lors pas lieu d'interdire sous astreinte aux appelants d'en faire usage, le jugement devant être infirmé sur ce point.

C/ Sur les marques verbales " Clos du Himmelreich ", " Le Bangard " et " Clos des récollets "

Le constat d'huissier sur lequel s'appuie la demande principale (annexe n° 13 de l'intimée) ne comprend pas de mentions de ces trois marques. Pour leur part, les appelants nient tout usage ou imitation de ces marques. Le seul élément invoqué par la société Wolfberger pour justifier d'un usage contrefaisant à ce sujet consiste en un courrier envoyé par Mme Marie et M. Jean A. à une société d'import-export sise à Hong Kong (pièces de l'intimée n° 55-56).

Il convient d'abord de remarquer que la lecture dudit courrier permet de constater que, contrairement aux allégations de la société Wolfberger, aucune mention des termes " Le Bangard " ou " Clos des récollets " n'y est faite. En conséquence, aucun fait de contrefaçon des marques " Le Bangard " et " Clos des récollets " ne peut être retenu. Il n'y a dès lors pas lieu d'interdire sous astreinte aux appelants d'en faire usage, le jugement devant être infirmé sur ce point.

Néanmoins, s'agissant de la mention du " clos du Himmelreich ", la lecture du document permet de constater que les consorts A. affirmaient auprès de leur client être propriétaires du " Clos du Himmelreich ". Or cette marque est la propriété de la société Wolfberger. Les appelants ne peuvent soutenir qu'il s'agissait là d'une simple référence à un lieu-dit du " Himmelreich ", sur lequel ils indiquaient dans le courrier toujours exploiter des vignes, mention d'origine qui serait selon eux libre d'emploi. En effet, ils n'ont pas seulement employé le terme " Himmelreich ", mais bien l'expression " Clos de Himmelreich ", qui constitue une marque déposée, dont ils affirment en outre être propriétaires. L'emploi par les consorts A., auprès d'un de leurs clients, donc dans la vie des affaires, d'une référence à cette marque appartenant à la société Wolfberger, doit être considéré comme contrefaisant.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu la contrefaçon de la marque " Clos du Himmelreich ".

D/ Sur la marque verbale " Lucien A. "

1/ S'agissant des dépôts de marques comportant le terme " A. "

La société Wolfberger considère que constituent des imitations de sa marque " Lucien A. " les demandes de dépôts, effectuées par les consorts A., des marques " Jean A. " ; " Marie et Cécile A. " ; " Cécile A. " et " Famille A. ".

Néanmoins, ainsi que cela a été exposé précédemment, la seule demande de dépôt suivie d'un refus d'enregistrement ne peut être constitutive d'acte de contrefaçon.

Or il n'est pas contesté que les demandes de dépôt des quatre marques susvisées ont toutes été rejetées par l'INPI, rejet confirmé par la Cour de céans par des arrêts du 15 octobre 2014, devenus définitifs.

En l'absence d'enregistrement des marques, il ne peut donc être retenu d'acte de contrefaçon pour ces faits.

2/ S'agissant de l'usage de la mention " A. "

La société Wolfberger met principalement en cause l'utilisation par les appelants du patronyme " A. " pour désigner des gammes de vins d'Alsace. Elle a fait établir, par constat d'huissier (pièce n° 13), qu'étaient commercialisées des bouteilles de vin portant les mentions " Marie et Cécile A. " ; " Balthazar A. " ou encore " Romanus A. ". Elle considère que ces mentions sont des contrefaçons par imitation de sa marque " Lucien A. ", servant pour la commercialisation de produits similaires ' des vins d'Alsace.

La contrefaçon par imitation de marque suppose l'existence d'un risque de confusion dont la qualification suppose que les signes en conflit soient comparés au moyen d'une appréciation d'ensemble de leur similitude visuelle, phonétique et conceptuelle, en prenant particulièrement en compte leur composante dominante et distinctive. Il doit être procédé à une appréciation globale fondée sur l'impression d'ensemble produite par les signes en présence.

Les appelants soutiennent, citant à l'appui des décisions de jurisprudence, que l'adjonction des prénoms " Marie et Cécile " au patronyme " A. " suffit à exclure tout risque de confusion avec la marque " Lucien A. ". Ils ajoutent que les comparaisons conceptuelle, visuelle et phonétique font apparaître une absence de risque de confusion, dès lors, selon eux, que le consommateur moyen perçoit d'emblée les différences entre des prénoms masculins et féminins, ainsi qu'entre la structure et la sonorité des deux mentions concernées.

Toutefois, il convient de retenir que l'élément déterminant de la marque " Lucien A. " est le patronyme " A. ", étant rappelé que de manière générale, le consommateur français accorde davantage d'attention au nom de famille qu'au prénom. L'adjonction des deux prénoms " Marie et Cécile ", qui sont certes phonétiquement et visuellement différents, n'apparaît ainsi pas suffisante pour modifier la structure phonétique et visuelle de la marque dans son ensemble, l'accent étant mis sur le nom de la famille A., associé à une histoire et à une tradition de production vinicole. Au point de vue conceptuel, le seul remplacement du prénom Lucien par les prénoms Marie et Cécile s'avère secondaire par rapport à l'élément déterminant qu'est le nom de famille. L'impression d'ensemble des deux mentions laisse supposer un lien entre des produits issus d'une même exploitation ou d'entités économiques liées. Ce risque de confusion dans l'esprit du consommateur d'attention moyenne est d'autant plus important que les produits commercialisés sous étiquette " Marie et Cécile A. ", des vins d'Alsace de tous types, sont étroitement similaires à ceux commercialisés sous marque " Lucien A. ", laquelle dispose d'une forte renommée dans ce secteur d'activité ce que ne contestent pas les appelants.

Ainsi, l'emploi de la mention " Marie et Cécile A. " par les appelants est de nature à créer une confusion dans l'esprit du consommateur d'attention moyenne, qui n'est pas en mesure de comparer en même temps les deux mentions similaires et qui retiendra principalement la composante dominante " A. ". Ce consommateur risque alors d'opérer une confusion entre l'origine des vins des appelants et celle des vins de la marque antérieure " Lucien A. ".

Les appelants répondent encore que les conditions d'exploitations du signe " Marie et Cécile A. " rendraient toute confusion impossible, les bouteilles de vin et notamment leurs étiquettes étant nettement distinctes. Néanmoins, la qualification de la contrefaçon par imitation d'une marque verbale porte uniquement sur l'imitation des termes déposés au titre de la marque. Tout élément relevant de l'apparence graphique ou visuelle des produits concernés ne peut donc être pris en compte à ce titre. Ce moyen manque en droit et sera écarté.

Enfin, les appelants soulèvent, au cas où la Cour retiendrait la similarité des signes et le risque de confusion, l'exception prévue par l'article L. 713-6 du Code de la propriété intellectuelle. Ce texte dispose que l'enregistrement d'une marque ne fait pas obstacle à l'utilisation du même signe ou d'un signe similaire comme dénomination sociale, nom commercial ou enseigne, lorsque cette utilisation est, soit antérieure à l'enregistrement, soit le fait d'un tiers de bonne foi employant son nom patronymique. Les appelants soutiennent que les conditions d'application de ce texte sont réunies, de sorte qu'ils peuvent, de bonne foi, continuer à employer leur nom patronymique pour la commercialisation de leurs vins.

Cependant, ainsi que le souligne à bon droit l'intimée, l'exception prévue par l'article L. 713-6 du Code de la propriété intellectuelle vise spécifiquement l'utilisation d'un même signe ou d'un signe similaire comme dénomination sociale, nom commercial ou enseigne. Cette énumération, limitative, ne peut être interprétée largement, comme pouvant s'étendre à un usage du signe en question à titre de marque. Une telle interprétation serait contraire à l'esprit de ce texte, ainsi qu'à l'ensemble des dispositions protectrices des marques. Il s'en déduit que l'article L. 713-6 ne permet pas l'usage du nom patronymique à titre de marque.

En l'espèce, les appelants ne peuvent donc prétendre être, sur ce fondement, autorisés à employer le signe " A. " à titre de marque, pour l'identification de leurs produits sur le marché.

Il se déduit de l'ensemble de cette analyse que l'usage fait par les appelants du terme " A. " pour identifier des bouteilles de vin d'Alsace doit être considéré comme contrefaisant la marque " Lucien A. ", portant ainsi atteinte aux droits de la société Wolfberger. Le jugement sera confirmé sur ce point.

3/ S'agissant de l'usage de la mention " A.-B. "

Les appelants indiquent avoir modifié, depuis 2015, les mentions portées par leurs vins d'Alsace, qui sont désormais identifiés par les termes " Marie et Cécile A.-B. ". Ils en attestent par un constat d'huissier de justice réalisé par Me E., le 2 octobre 2017 (pièce appelants n° 53). Ledit document permet en effet de constater que toutes les bouteilles de vins, ainsi d'ailleurs que l'enseigne du domaine viticole, portent désormais la mention " Marie et Cécile A.-B. ". Les appelants considèrent que l'adjonction d'un second patronyme à celui de A., associé aux deux prénoms Marie et Cécile, permet d'exclure tout risque de confusion. Ils indiquent que le patronyme A.-B. se distingue suffisamment du seul A. pour que le consommateur ne risque pas de les confondre. Ils ajoutent que la présence, au sein du secteur d'activité du viticulteur alsacien, de plusieurs branches familiales, distinguées par des patronymes composés, est courante. Ils en veulent pour preuve que c'est le cas de leur famille, puisqu'il existe deux domaines viticole nommés " J.-A. " et A.-E. ".

La société Wolfberger conteste, mais sans développer d'argumentation à ce sujet, que l'adjonction d'un second patronyme permettrait d'éviter le risque de confusion. Elle avance par ailleurs que les appelants continuent à user pour enseigne " domaine A. " et " A. ", et que la société Marie et Cécile A., bien qu'elle ait modifié sa dénomination sociale, continue à utiliser le nom commercial " Marie et Cécile A. ".

Toutefois, les allégations de la société Wolfberger relatives à l'usage persistant du terme " A. " ne sont étayées que par des pièces anciennes, datant de 2015, et sont contredites par le constat d'huissier effectué en 2017 et produit par les appelants, qui atteste que l'enseigne du domaine exploité par les consorts A. a bien été modifiée, tout comme les étiquettes de vins, pour comporter la mention " A.-B. ".

En outre, il convient de constater, ainsi que l'affirment pertinemment les appelants, que l'adjonction d'un second patronyme modifie substantiellement l'élément dominant " A. ", de sorte que le nom de famille n'a plus de similarité phonétique, visuelle et conceptuelle étroite. Si le terme A. reste présent, l'ajout de celui de B. permet de le distinguer de la marque " Lucien A. ". Les appelants invoquent d'ailleurs à raison l'existence d'autres domaines viticoles exploités par des collatéraux de la famille A.. La société Wolfberger admet elle-même, dans ses dernières conclusions d'appel, que les sociétés J.-A. et E.-A. se différencient suffisamment de sa marque " Lucien A. " par l'emploi d'un patronyme composé. À cela s'ajoute le fait, non contesté, qu'il est courant, dans le vignoble alsacien, que plusieurs branches familiales exploitent des domaines différents, précisément distingués par leurs patronymes composés. De plus, le patronyme composé " A.-B. " employé associé aux deux prénoms féminins Marie et Cécile. Il s'en déduit que la mention " Marie et Cécile A.-B. " se distingue suffisamment, y compris en son élément déterminant, de la marque " Lucien A. ", pour empêcher désormais tout risque de confusion par le consommateur d'attention moyenne.

Il échet alors de retenir que l'emploi de la mention " Marie et Cécile A.-B. " par les appelants, pour identifier leurs vins d'Alsace, ne constitue par une contrefaçon de la marque " Lucien A. " appartenant à la société Wolfberger. Il y a dès lors lieu d'infirmer le jugement sur ce point, et d'autoriser les appelants à poursuivre l'usage de cette mention.

III. Sur la concurrence déloyale alléguée par la société Wolfberger

La société Wolfberger considère qu'outre les faits de contrefaçon qui viennent d'être examinés, les appelants se sont livrés à des actes de concurrence déloyale. Elle met en cause le dépôt et l'usage des marques comportant le patronyme " A. ", la constitution de sociétés dont la raison sociale comporte le même patronyme, et la réservation de noms de domaines toujours relative à ce patronyme. Elle ajoute que les appelants ont cherché à entretenir la confusion pour détourner sa clientèle. Elle leur reproche également l'emploi à des fins commerciales de l'histoire de la famille A., estimant qu'il s'agit d'une reprise fautive des éléments de présentation liés à sa marque " Lucien A. ".

Néanmoins, il convient de rappeler que les faits qualifiés de contrefaçon ne peuvent en outre être poursuivis sur le fondement de la concurrence déloyale. Les emplois du patronyme A. ne peuvent donc être reprochés aux appelants sur ce fondement, la contrefaçon de marque ayant déjà été reconnue pour ces faits, quels qu'aient pu être le contexte ou le nombre de ces emplois.

En ce qui concerne l'emploi à fins commerciales de l'histoire de la famille A., la société Wolfberger ne peut en faire reproche aux appelants, dès lors qu'il s'agit de leur propre histoire familiale. Cette histoire familiale ne peut être considérée comme un élément distinctif tenant à la présentation des produits du titulaire de la marque " Lucien A. ", comme l'allègue la société Wolfberger. Ainsi que les appelants l'expliquent, la cession du fonds de commerce Lucien A. et des marques associées ne change en rien le fait que leur famille a depuis longtemps été active dans la production et le commerce du vin. En mettant en avant cet aspect de leur histoire familiale, ils n'ont en rien cherché à profiter des investissements ou de la notoriété de la société Wolfberger, dans le cadre de son exploitation de la marque " Lucien A. ", ceci pour bénéficier d'un avantage commercial indu. Ils n'ont fait qu'évoquer des faits réels liés à leur expérience familiale dans la production de vins d'Alsace.

Par ailleurs, la société Wolfberger reproche aux appelants des copies quasi-serviles de ses étiquettes de vin, notamment par la reprise des couleurs.

Toutefois, les pièces versées aux débats par la société Wolfberger ne permettent pas, en l'absence de photographie en couleur des bouteilles de vin de la marque " Lucien A. ", d'apprécier une éventuelle reprise du Code couleur de cette marque par les produits des appelants. Au niveau de l'apparence visuelle et graphique, les étiquettes comportent certes des similitudes, mais celles-ci demeurent explicables par la similarité des produits, à l'instar de beaucoup d'autres étiquettes de vins d'Alsace, sans que puisse être retenue la qualification de copie quasi-servile.

Enfin, le fait que, dans leur communication commerciale, les appelants n'évoquent pas la cession du fonds de commerce " Lucien A. " à la société Wolfberger n'est pas de nature à établir qu'ils chercheraient à accaparer la clientèle de ce dernier.

En conclusion, aucun fait de concurrence déloyale ne peut être retenu à l'encontre des appelants, la société Wolfberger devant être déboutée de ses prétentions à ce titre.

IV. Sur les conséquences des actes de contrefaçon

1/ S'agissant des mesures d'interdiction d'usage de certains termes

La contrefaçon des marques " Lucien A. " et " Clos du Himmelreich " ayant été retenue, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a fait interdiction aux appelants, sous astreinte, d'employer ces termes. Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a ordonné la radiation des noms de domaines comportant le terme " A. " seul, ce qui apparaît au demeurant avoir été fait.

Cependant, il ne peut être fait interdiction générale d'employer le terme " A. ", qui n'est pas en lui-même une marque déposée dont la société Wolfberger serait propriétaire. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a prononcé cette interdiction. C'est uniquement l'usage du terme " A. " seul qui peut être considéré comme contrefaisant, les appelants étant libres d'un usage non contrefaisant de ce terme, par le biais de la mention " Marie et Cécile A.-B. ".

De plus, aucune contrefaçon des marques verbales " Weid " ; " Clos des récollets " et " Le Bangard ", ni de la marque figurative " crémant d'Alsace ", n'ayant été retenue, il n'y a pas lieu d'en interdire l'usage, le jugement étant infirmé sur ces chefs.

2/ S'agissant de l'indemnisation de la société Wolfberger

A ce titre, il importe en premier lieu de souligner que les actes de contrefaçon ont été commis par les sociétés commercialisant les produits contrefaits. Des personnes privées ne peuvent être mises en causes à ce titre. Mmes Marie et Cécile A. ainsi que M. Jean A. ne peuvent donc pas être condamnés en leur nom propre à indemniser la société Wolfberger. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a prononcé des condamnations in solidum à l'encontre de ces trois personnes. De même, les mesures complémentaires, comme l'interdiction de faire usage de certaines mentions, qui sont des conséquences des faits de contrefaçon, ne peuvent concerner que les sociétés coupables de ces faits. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a prononcé ces mesures à l'encontre de Mmes Marie et Cécile A. ainsi que M. Jean A..

La société Wolfberger sollicite, à titre d'indemnisation de son préjudice subi du fait des actes de contrefaçon, la somme de 50 000 euros. Elle ne détaille pas l'évaluation de ce préjudice mais invoque l'article L. 716-14 du Code de la propriété intellectuelle. Ce dernier prévoit la possibilité, à titre d'alternative à l'évaluation détaillée du préjudice et sur demande de la partie lésée, de l'attribution d'une somme forfaitaire. Les termes employés par l'intimée doivent s'analyser comme une demande d'indemnisation forfaitaire.

Compte tenu des argumentations et pièces produites par les parties, et notamment de l'importance économique relative des sociétés concernées et des volumes commercialisés par elles ' ceux de la société Wolfberger étant très largement supérieurs à ceux des sociétés appelantes ' la Cour estime qu'une somme de 15 000 euros réparera adéquatement le préjudice subi par la société Wolfberger.

Si les appelants indiquent que la société Les tulipes blanches a été mise en liquidation, ils ne démontrent pas de la clôture de cette dernière. La personnalité juridique de la société subsistant jusqu'à la clôture de la liquidation, il convient de condamner la société Les tulipes blanches, in solidum avec les sociétés Domaine Marie et Cécile et Vignoble Marie et Cécile, à indemniser la société Wolfberger.

IV. Sur les demandes reconventionnelles formées par les appelants

1/ S'agissant des actes de concurrence déloyale

Les appelants, à titre reconventionnel, reprochent à la société Wolfberger des actes deconcurrence déloyale. Ils considèrent qu'elle a fautivement fait usage du terme " A. " seul pour identifier des vins d'Alsace, alors qu'elle n'a la propriété que de la marque " Lucien A. ", le prénom et le patronyme constituant selon eux un ensemble indissociable. Ils allèguent également que la société Wolfberger use indûment, dans sa communication commerciale, d'éléments associés à la famille A., notamment d'une photographie du corps de ferme de l'exploitation viticole de Mmes Marie et Cécile A., ou encore de l'histoire de la famille et de sa tradition d'activité viticole.

La société Wolfberger répond qu'en tant que titulaire de la marque " Lucien A. ", elle a la faculté d'en utiliser une forme légèrement modifiée, sans le prénom, étant donné que le patronyme " A. " en est l'élément dominant. Elle ajoute que la marque " Lucien A. " est toujours présente en intégralité et en évidence sur ses bouteilles, sauf pour celles montrées par la pièce n° 36 des appelants, qui ne concerne, selon elle, qu'une série limitée destinée uniquement au marché américain.

Elle argue, concernant l'histoire de la famille A., que celle-ci s'attache à l'histoire de la marque " Lucien A. ", qu'elle a valablement acquise. Elle affirme ainsi être dans son droit en exposant poursuivre l'histoire de la société Lucien A., ainsi qu'en utilisant une photo du siège historique de cette dernière.

Cependant, si la société Wolfberger a acquis le fonds de commerce de la société Lucien A. et la marque éponyme, ceci ne lui confère pas pour autant des droits sur les éléments intellectuels et visuels liés à la famille A. et son histoire, qui n'y sont pas attachés. L'intimée ne dispose de même d'aucun droits sur le corps de ferme de l'exploitation de la famille, qui n'était pas concerné par la cession de fonds de commerce.

Dès lors, il y a lieu de retenir qu'en s'appropriant des éléments intellectuels et visuels attachés à la famille A., notamment son histoire familiale et l'image de ses bâtiments d'exploitation, dans le but d'obtenir un avantage commercial, la société Wolfberger a cherché à profiter indûment des efforts intellectuels et techniques des sociétés de la famille A.. Elle s'est, de ce fait, livrée à des actes de concurrence déloyale.

2/ S'agissant du caractère abusif de la procédure

Les appelants invoquent également un préjudice que leur aurait causé le comportement procédural adverse, qu'ils considèrent abusif.

Il convient cependant de rappeler que le rejet d'une partie des prétentions de la société Wolfberger en appel ne permet pas de caractériser sa faute ayant fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice, l'intéressée ayant pu légitimement se méprendre sur l'étendue de ses droits. Par ailleurs, les appelants ne démontrent pas l'existence d'un préjudice distinct de celui causé par la nécessité de se défendre en justice.

Le rejet de cette demande sera confirmé.

3/ S'agissant de la réparation du préjudice des appelants

La société Wolfberger ne peut prétendre dans sa communication poursuivre l'héritage de la famille de viticulteurs dès lors que la marque " Lucien A. " n'est plus associée à la famille. Elle ne peut pas davantage user de photographies du corps de ferme familial. Il lui sera donc fait interdiction d'utiliser le terme " A. " seul pour identifier ses produits, ainsi que d'utiliser des éléments incorporels et intellectuels liés à l'histoire de la famille A..

Les appelants sollicitent, en indemnisation des préjudices qu'ils allèguent avoir subi, une somme forfaitaire de 200 000 euros, sans distinguer entre les faits de concurrence déloyale, qui ont été retenus, et le comportement procédural abusif, qui a été écarté. Compte tenu des éléments en cause, la Cour estime que le préjudice au titre de la concurrence déloyale sera justement indemnisé par l'allocation d'une somme de 10 000 euros.

Aucune pièce n'étant produite au soutien de la demande des parties appelantes en remboursement des sommes perçues par la société Wolfberger au titre de la liquidation d'astreinte, cette demande ne sera pas admise par la Cour.

V. Sur les demandes accessoires

Considérant que succombent partiellement, l'intimée d'une part, et les sociétés appelantes d'autre part, la Cour ordonne qu'il soit fait masse des dépens, qui seront supportés, pour moitié par la société Wolfberger, et pour l'autre moitié par les sociétés Domaine Marie et Cécile, Les tulipes blanches et Vignoble Marie & Cécile, in solidum.

L'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement rendu le 13 décembre 2016 par le tribunal de grande instance de Strasbourg, en ce qu'il a : constaté sa compétence territoriale et déclaré l'action de la société Wolfberger recevable, fait interdiction sous astreinte aux sociétés Domaine Marie et Cécile, Les tulipes blanches et Vignoble Marie et Cécile, de : faire usage du terme " A. " seul, faire usage des mentions " Lucien A. " et " Clos du Himmelreich ", faire usage plus généralement des noms commerciaux, enseignes et marques acquis par la société Wolfberger aux termes du jugement du 13 novembre 2012, ainsi que de porter atteinte aux droits acquis par la société Wolfberger aux termes de ce dernier, ordonné aux appelants de procéder à la radiation des noms de domaines " mariececile-a..fr " ; " mariececile-a..com "et " mariececile-a..eu", débouté la société Wolfberger de sa demande de dommages et intérêts au titre de laconcurrence déloyale à l'encontre de Mme Marie A. et de M. Jean A., L'infirme pour le surplus, Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant, Déboute la société Wolfberger de ses demandes au titre de la concurrence déloyale, Condamne les sociétés Domaine Marie et Cécile, Les tulipes blanches et Vignoble Marie et Cécile, in solidum, à verser à la société Wolfberger la somme de 15 000 euros (quinze mille euros) contrefaçon de la marque " Lucien A. ", Condamne la société Wolfberger à verser aux sociétés Domaine Marie et Cécile, Les tulipes blanches et Vignoble Marie et Cécile, ensemble, la somme de 10 000 euros (dix mille euros), au titre des faits de concurrence déloyale, Fait interdiction à la société Wolfberger, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, passé un délai de dix jours suivant la signification de la présente décision, de : faire usage du patronyme " A. " seul, sans le prénom " Lucien ", faire usage d'images ou d'éléments intellectuels appartenant aux appelants, notamment relatifs à l'histoire de la famille A., Déboute les parties appelantes de leur demande en remboursement des sommes perçues par la société Wolfberger au titre de la liquidation d'astreinte, DIT qu'il sera fait masse des dépens, et y Condamne, pour moitié la société Wolfberger, et pour l'autre moitié les sociétés Domaine Marie et Cécile, Les tulipes blanches et Vignoble Marie et Cécile, in solidum, DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.