CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 31 juillet 2019, n° 17-22866
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Izac Distribution (SARL)
Défendeur :
Tempur Sealy France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bedouet
Conseiller :
Mme Comte
Avocat :
Me Boubli
FAITS ET PROCÉDURE
La société Izac Distribution vend du mobilier de literie haut de gamme, de différentes marques, sous l'enseigne Mobilier Center. Elle a été créée en 2013, et vend aux particuliers ou aux collectivités.
La société Tempur Sealy France vend des produits de literie et d'ameublement de gamme supérieure de marque Tempur, Sealy et Stearns and Foster.
Les parties ont signé un contrat de distribution sélective, pour la marque Tempur, le 24 avril 2014, pour une période allant jusqu'au 31 décembre 2014, tacitement reconductible par période d'un an.
Par ce contrat, Izac s'est engagé à acheter à Tempur pour 80 000 euros HT minimum de produits Tempur chaque année, et à respecter des critères qualitatifs fixés (aménagement du point de vente, services et conseils à la clientèle etc).
Les relations se sont rapidement détériorées entre les parties, Izac se plaignant de retards de livraisons.
Reprochant à la société Izac diverses inexécutions contractuelles, la société Tempur lui a, par lettre du 5 août 2015, indiqué qu'elle entendait mettre fin à leur relation commerciale.
La société Izac, a alors assigné Tempur le 2 février 2016 devant le tribunal de commerce de Paris reprochant à la société Tempur des manquements contractuels, la résiliation abusive du contrat et la rupture brutale de la relation commerciale établie entre eux, et sollicitant une indemnisation de son préjudicie à hauteur d'environ 700 000 euros.
Par jugement du 13 novembre 2017, le tribunal de commerce de Paris a :
- dit abusive la résiliation, avec effet immédiat, par la SAS Tempur Sealy France, du contrat de distribution sélective signé avec la SARL Izac Distribution,
- condamné la SAS Tempur Sealy France à payer à la SARL Izac Distribution la somme de 35 045 euros au titre de la rupture abusive du contrat de distribution sélective pour la marque Tempur,
- débouté la SARL Izac Distribution de ses autres demandes,
- débouté la SAS Tempur Sealy France de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,
- condamné la SAS Tempur Sealy France à payer à la SARL Izac Distribution la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs autres demandes,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné la SAS Tempur Sealy France aux dépens.
La société Izac Distribution a relevé appel du jugement selon déclaration du 13 décembre 2017.
Vu les dernières conclusions de la société Izac Distribution, notifiées le 13 mars 2018 par lesquelles il est demandé à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit abusive la résiliation du contrat par la société Tempur Sealy France,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes reconventionnelles de la société Tempur Sealy France,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Izac au titre du préjudice subi au titre des marques Stearns & Foster et Sealy,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de la société Izac au titre du préjudice subi du fait de l'espace immobilisé parle matériel Tempur,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de la société Izac au titre du remboursement des frais publicitaires engagés pour vendre les produits Tempur.
En conséquence :
- condamner la société Tempur au paiement de la somme de 73 813 euros au titre de la privation pour la marque Tempur,
- condamner la société Tempur au paiement de la somme de 20 778 euros au titre de la privation pour la marque Stearns & Foster,
- condamner la société Tempur au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de la privation pour la marque Sealy,
- condamner la société Tempur au paiement de la somme de 25 000 euros au titre du préjudice subi par l'espace immobilisé par le matériel d'exposition,
- condamner la société Tempur au paiement de la somme de 71 687 euros au titre de des frais publicitaires engagés,
- condamner la société Tempur au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Tempur Sealy France n'a pas constitué avocat.
SUR CE, LA COUR,
Devant la cour, la société Izac Distribution ne fonde plus ses demandes indemnitaires sur le caractère brutal de la rupture de la relation commerciale ayant existé avec la société Tempur Sealy France, au visa de l'article L. 442-6, I, 5°, mais uniquement sur le caractère abusif de la rupture du contrat de distribution, et ce sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun.
Aux termes de l'article 8 du contrat souscrit entre les parties le 24 avril 2014, celui-ci prend effet dès sa signature, pour se terminer le 31 décembre de l'année en cours. Il se renouvelle par tacite reconduction dans les même termes et conditions pour des périodes successives d'une année, sauf résiliation adressée par l'une des parties par lettre recommandée avec avis de réception avant l'arrivée du terme de la première période contractuelle ou de chaque année civile suivante. Cette notification du non-renouvellement du contrat devra être adressée au plus tard 3 mois avant l'arrivée du terme de la première année contractuelle. Pour les années suivantes, le préavis sera augmenté d'un mois par année d'ancienneté avec un maximum de 6 mois de préavis au-delà de la sixième année d'exécution du contrat.
L'article 9 stipule pour sa part que sans préjudice des autres stipulations du contrat, en cas de manquement d'une partie à l'une de ses obligations substantielles du contrat, l'autre partie est en droit de résilier le contrat immédiatement et de plein droit au terme d'une période de 30 jours suivant une notification adressée par lettre recommandée avec avis de réception et demeurée sans effet, aux torts exclusifs de l'autre partie et sans que l'autre partie ne puisse prétendre à aucune indemnité.
Il précise qu'est considérée comme une obligation substantielle, toute obligation dont le non-respect rend impossible la poursuite du contrat, et notamment, sans que cette liste ne soit exhaustive, le non-respect des stipulations prévues à l'article 4 du Contrat relatives aux critères qualitatifs du Distributeur agréé par exemple, la non-atteinte du montant minimum d'achat prévue, la violation de l'article 4-6 relatif au site internet, la violation de l'article 4-9 relatif à l'utilisation de la marque, le non-respect de ses obligations de paiement telles que prévues aux Conditions générales de vente du Fournisseur par le Distributeur agréé.
Le 26 août 2015, la société Tempur a adressé à la société Mobilier Center, une lettre recommandée avec accusé de réception lui signifiant qu'elle procédait à l'arrêt immédiat de leurs relations commerciales lui reprochant :
- d'avoir procédé, sans aucun essai préalable en magasin et par téléphone, à la vente d'une literie électrique avec vibreur, à une cliente handicapée alors que ce produit nécessitait obligatoirement son installation par un monteur professionnel,
- de ne pas avoir atteint le montant minimum de commandes fixé contractuellement à la somme de 80 000 euros hors taxe.
Dans son jugement, le tribunal (devant lequel les deux parties ont comparu), a indiqué, s'agissant de la vente de la literie à une personne handicapée (Mme X), que la société Izac a immédiatement avisé Tempur des problèmes rencontrés par la cliente et que certains manquements ont été causés par la dite société Tempur (pièce manquante pour le montage, documentation non mise à jour), pour en conclure qu'aucune faute grave ne peut être reprochée à la société Izac.
Les pièces versées aux débats devant la cour par Izac et notamment les échanges de mails entre celle-ci et Mme X d'une part, et Izac et Tempur d'autre part, confirment l'appréciation des premiers juges quant à l'absence de faute avérée de la société Izac de ce chef.
Il en va de même du reproche tenant au non-respect du minimum d'achat annuel de 80 000 euros hors taxe, le tribunal ayant justement fait observer que dès lors que le contrat ne précise pas quelle est la période de 12 mois à retenir, il convient de dire que 2015 est l'année de référence et qu'il n'est pas possible de s'appuyer sur les seuls chiffres arrêtés au 5 août 2015 pour mettre en avant un chiffre d'affaire insuffisant de la part d'Izac, alors que, sur la base des 7 premiers mois de 2015, celle-ci était en mesure d'atteindre l'objectif contractuel.
Ainsi, outre le fait que la société Tempur n'a pas respecté le délai de préavis d'un mois prévu par l'article 9.1 en cas de résiliation du contrat dès lors qu'est invoqué un manquement à l'une des obligations substantielles, les griefs qu'elle formule dans sa lettre de résiliation n'apparaissent pas fondés, de sorte que la rupture du contrat est abusive et qu'elle engage sa responsabilité.
Si la société Tempur pouvait résilier unilatéralement le contrat, il lui appartenait alors de respecter les stipulations de l'article 8 du contrat de distribution et de dénoncer le contrat 4 mois avant l'arrivée du terme de la seconde période, soit au plus tard le 31 août 2015.
En suspendant toute relation commerciale entre les parties dès le 6 août 2015, elle a privé la société Izac de ventes sur la période du 6 août 2015 au 31 décembre 2015.
Compte tenu de la marge brute réalisée lors des 7 premiers mois de 2015 sur les produits achetés à Tempur et revendus à des clients tiers, dont il est justifié par les pièces comptables versées aux débats, soit 49 063 euros, la cour, reprenant l'évaluation faite par le tribunal prorata temporis, approuvée par l'appelante, condamne la société Tempur à payer à la société Izac la somme de 35 045 euros.
L'appelante demande toutefois à la cour d'augmenter cette condamnation de la somme de 34 968 euros au titre du préjudice qu'elle a subi à raison du fait qu'elle n'a pu percevoir la marge brute de 42 % sur les commandes passées et non honorées et de la somme de 3 800 euros au titre des acomptes versés par certains clients sur des commandes passées mais non satisfaites par Tempur, qu'elle a du payer.
Elle ne verse toutefois pas aux débats d'élément de nature à justifier du principe et du montant des sommes qu'elle réclame de ce chef de sorte qu'elle en sera déboutée.
La société Izac sollicite en outre la somme de 20 778 euros au titre de la marge brute à laquelle elle aurait pu prétendre au titre du préjudice subi au titre de la marge sur les commandes passées et non honorées de la marque Stearns and Foster outre 5 000 euros sur le même fondement pour la marque Sealy.
Le tribunal a débouté l'appelante de ce chef en considérant qu'il n'était pas établi qu'elle a signé avec Tempur un accord de distribution pour ces deux marques.
Il résulte de l'article 1er du contrat, qu'est défini au contrat le terme de " marque " comme étant " la marque dénominative Tempur et le logo (femme inclinée) qui sont des marques communautaires (...) ou toute autre marque future devant faire l'objet d'une notification au distributeur ", l'article 2 du contrat prévoyant que Tempur accorde à Mobilier Center Malakoff (la société Izac) le droit de vendre les produits sous " la (les) Marque(s) " auprès de la clientèle.
S'il est effectivement établi que Tempur, selon courrier du 9 octobre 2014 et courriel du 10 décembre 2014, a indiqué à la société Izac, qu'elle avait acquis la marque Sealy, qu'elle allait distribuer la marque Sealy Access ainsi que la marque Stearns and Foster, et lui a adressé les fiches produits proposées, il n'est nullement démontré que l'appelante a finalement été agréée comme distributeur de ces deux nouvelles marques, contrairement à ce que cette dernière prétend. (pièces 1 à 4).
S'il est par ailleurs justifié (pièce n° 7 et 8) que nonobstant cette absence d'agrément une commande a été passée par Izac auprès de Tempur pour un matelas et un sommier Stearn and Foster à hauteur de 1 892,44 euros, aucune pièce ne permet en tout état de cause de justifier du principe et montant des sommes réclamées par l'appelante à hauteur de 20 778 euros.
La société Izac sollicite encore la somme de 25 000 euros au titre du préjudice qu'elle prétend avoir subi la raison de la perte de l'espace occasionnée pas l'exposition des produits Tempur.
Elle ne saurait toutefois obtenir réparation de ce chef pour la période antérieure à la résiliation du contrat, l'exposition des produits Tempur n'étant que l'application des normes fixées par les parties dans le contrat de distribution, aucune violation de ses obligations par Tempur n'étant alléguée.
S'agissant de la période postérieure à la résiliation du contrat, l'appelante ne démontre pas une attitude fautive de Tempur et notamment que cette dernière a tardé ou refusé de reprendre les différents produits exposés.
Elle sera en conséquence déboutée de sa demande indemnitaire de ce chef.
Elle sera également déboutée de sa demande au titre du remboursement des frais de publicité qu'elle a du exposer selon elle à raison de la tardiveté avec laquelle la société Tempur l'a référencée comme étant son distributeur sur son site Internet.
S'il est justifié de ce que la société Tempur a avisé la société Izac de ce qu'elle l'autorisait à utiliser le terme " Tempur " dans ses achats de mots clefs Google, le jeudi 30 septembre 2014, l'appelante, dans ses écritures devant la cour, ne produit aucun élément détaillant les opérations de publicité qu'elle prétend avoir dû mettre en place à raison de cette absence de référencement et leur montant.
Le jugement sera en conséquence entièrement confirmé s'agissant des demandes indemnitaires formulées par la société Izac.
Le jugement n'est pas contesté en ce qu'il a rejeté les demandes reconventionnelles de la société Tempur, cette dernière n'ayant pas constitué avocat. Il sera dès lors également confirmé de ce chef
Il sera enfin confirmé en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles.
La cour y ajoutant dit qu'il n'y a pas lieu, devant la cour, à condamnation de quiconque sur le fondement de l'article 700 et qu'il convient de laisser à chaque partie la charge des dépens d'appel.
Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement, y ajoutant, Dit qu'il n'y a pas lieu de à condamnation de quiconque sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel.