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Décisions

CAA Bordeaux, 3e ch., 25 juillet 2019, n° 17BX01995

BORDEAUX

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

2FCI (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. de Malafosse (rapporteur)

Commissaire du gouvernement :

Mme de Paz

Conseillers :

M. Pouget, Mme Beuve Dupuy

Avocat :

Me Delfly

TA Bordeaux, du 24 mai 2017

24 mai 2017

LA COUR : - Vu la procédure suivante : - Procédure contentieuse antérieure :

La société 2FCI a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 20 mars 2015 par laquelle la direction départementale de la protection des populations de la Gironde lui a enjoint de remettre à ses clients professionnels dont le nombre de salariés est inférieur ou égal à cinq un contrat comportant un bordereau de rétractation et l'ensemble des informations requises par les dispositions applicables du Code de la consommation.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement le 27 juin 2017 et le 14 février 2019, la société 2FCI, représentée par Me X, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 24 mai 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 20 mars 2015 par laquelle la direction départementale de la protection des populations de la Gironde lui a enjoint de remettre à ses clients professionnels dont le nombre de salariés est inférieur ou égal à cinq un contrat comportant un bordereau de rétractation et l'ensemble des informations requises par les dispositions applicables du Code de la consommation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision en litige est entachée d'un vice d'incompétence de son auteur ;

- l'achat d'un site internet, qui s'analyse comme une forme de communication commerciale, entre nécessairement dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité ; par suite, et contrairement à ce que soutient l'Administration, les dispositions de l'article L. 121-16-1 du Code de la consommation ne sont pas applicables aux contrats qu'elle propose ;

- la décision en litige porte atteinte au principe de libre concurrence.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 octobre 2018, le ministre de l'Economie et des Finances conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par la société requérante n'est fondé.

Par ordonnance du 27 février 2019, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 27 mars 2019 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le Code de la consommation ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 ;

- le décret n° 2009-1484 du 3 décembre 2009 ;

- le Code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Aymard de Malafosse,

- les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public,

- et les observations de Me Y, représentant la société 2FCI.

Considérant ce qui suit :

1. La société 2FCI, qui exerce une activité de communication, de conception et d'entretien de sites internet, a fait l'objet d'un contrôle par un inspecteur de la direction départementale de la protection des populations de la préfecture de la Gironde. Dans le cadre de ce contrôle, il a été constaté que cette société proposait à des entreprises employant moins de cinq salariés des contrats de vente ne comportant ni bordereau de rétractation, ni les informations destinées à protéger le consommateur prévues à l'article L. 121-17 du Code de la consommation alors applicable. Par courrier du 20 mars 2015, il a été enjoint à la société 2FCI de se mettre en conformité avec ces dispositions du Code de la consommation. Par courrier du 11 mai 2015, confirmé le 24 juillet, le préfet de la Gironde a rejeté le recours gracieux introduit par la société 2FCI à l'encontre de la décision du 20 mars 2015. Par la présente requête, la société 2FCI relève appel du jugement du 24 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 141-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. - Sont recherchés et constatés, dans les conditions fixées par les articles L. 450-1, L. 450-3 à L. 450-4, L. 450-7 et L. 450-8 du Code de commerce, les infractions ou manquements aux dispositions suivantes du présent Code : (...) / 2° Les sections 1 à 4 bis, 8, 9, 12 et 15 du chapitre Ier du titre II du livre Ier ; (...) ". Aux termes de l'article A. 450-1 du Code de commerce, dans sa rédaction alors applicable : " Les fonctionnaires de catégorie A et de catégorie B, agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sont habilités, en application de l'article L. 450-1, à procéder aux enquêtes dans les conditions prévues au présent livre. ". Ces agents sont désormais affectés à chaque direction départementale de la protection des populations, qui, en application du décret susvisé du 3 décembre 2009, réunit les compétences des services vétérinaires et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

3. Par ailleurs, aux termes de l'article 5 du décret du 3 décembre 2009 relatif aux directions départementales interministérielles : " I. La direction départementale de la protection des populations est compétente en matière de politiques de protection de la population. / A ce titre, elle met en œuvre dans le département les politiques relatives à la protection et à la sécurité des consommateurs ; 1° En veillant : / (...) f) A la loyauté des transactions (...) ; 2° En contrôlant : a) (...) les pratiques commerciales réglementées, au besoin en réprimant les pratiques illicites ;(...) ". Les pratiques commerciales règlementées font l'objet du chapitre Ier du titre II du livre Ier du Code de la consommation, la section 2 de ce chapitre, qui regroupe les articles L. 121-16 à L. 121-25, traitant plus précisément des contrats conclus à distance et hors établissement, ce qui est le cas des contrats conclus par la société 2FCI.

4. Par suite, et contrairement à ce que soutient la requérante, la direction départementale de la protection des populations rattachée à la préfecture de la Gironde avait légalement compétence pour procéder au contrôle de ses activités au regard des règles alors fixées par les articles L. 121-17 et 121-16-1 du Code de la consommation.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-16-1 du Code de la consommation, alors applicable, dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 221-3 : " (...) III. - Les sous-sections 2, 3, 6, 7 et 8, applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq ". Les sous-sections mentionnées par ces dispositions prévoient notamment que, préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fournitures de services, le professionnel communique au consommateur les informations relatives au droit de rétractation selon un formulaire-type prévu à l'article R. 221-1 du Code de la consommation et, pour les contrats conclus hors établissement, que ce professionnel ne puisse recevoir aucun paiement ou aucune contrepartie, sous quelque forme que ce soit, de la part du consommateur avant l'expiration d'un délai de sept jours à compter de la conclusion du contrat.

6. La société 2FCI soutient que, dès lors que les contrats qu'elle propose portent sur la conception de sites internet, ils doivent être regardés comme entrant dans le champ de l'activité principale de ses clients dès lors que chaque site s'inscrit dans la stratégie de communication du professionnel pour lequel il est créé, est conçu sur mesure et de façon personnalisée et répond spécifiquement aux besoins de celui-ci.

7. Néanmoins, si un système de communication visant à porter à la connaissance du public une activité a un rapport direct avec celle-ci, dont il a vocation à faciliter l'exercice, il n'entre toutefois pas nécessairement dans le champ de cette activité qui, contrairement à ce que soutient la requérante, n'est pas défini par l'utilité d'un tel système pour celle-ci, mais bien par les caractéristiques propres au service proposé, rapportées à celles de l'activité qu'il a vocation à servir. Au demeurant, alors que l'objet de la modification apportée au III de l'article L. 121-16-1 du Code de la consommation par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation était d'étendre aux petits entrepreneurs la protection accordée par la loi au consommateur en matière de démarchage, retenir l'interprétation de la société requérante reviendrait à ôter toute portée à cette modification en donnant à la nouvelle rédaction de cet article la même portée que l'ancienne rédaction qui s'articulait autour de la notion de " rapport direct " entre l'objet du contrat proposé au petit professionnel et l'activité de celui-ci. Dans ces conditions, les prestations proposées par la société 2FCI, consistant principalement en la création et la maintenance de sites internet, doivent être regardées comme n'entrant pas dans le champ de l'activité principale de ses clients, à l'exception des cas où ces derniers exerceraient leur activité dans le domaine des communications électroniques.

8. En troisième lieu, la circonstance, à la supposer établie, que les autres opérateurs exerçant une activité similaire n'appliqueraient pas les dispositions du Code de la consommation dont il s'agit n'est pas de nature à faire regarder la décision attaquée comme portant atteinte au principe de libre concurrence dès lors que ladite décision ne fait qu'énoncer les principes posés par la loi, lesquels trouvent à s'appliquer de la même façon à tous les opérateurs se trouvant dans la même situation que la société requérante.

9. Il résulte de tout ce que qui précède que la société 2FCI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société 2FCI est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société 2FCI et au ministre de l'Economie et des Finances.