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Décisions

ADLC, 30 juillet 2019, n° 19-D-17

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation des fertilisants liquides pour la production hors-sol dédiés à la culture domestique

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré à la suite de l'instruction de Mme Laura Souty, rapporteure, sur le rapport oral de M. Stanislas Martin, rapporteur général, par Mme Fabienne Siredey-Garnier, vice-présidente, présidente de séance, Mme Séverine Larere, M. Alexandre Menais, membres.

ADLC n° 19-D-17

30 juillet 2019

L'Autorité de la concurrence (section II),

Vu la décision n° 14-SO-07 du 28 octobre 2014, enregistrée sous le numéro 14/0082 F, par laquelle l'Autorité de la concurrence s'est saisie d'office de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation des fertilisants liquides dédiés au jardinage domestique ; Vu la décision n° 18-D-26 du 20 décembre 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation des fertilisants liquides pour la production hors-sol dédiés à la culture domestique ; Vu le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), et notamment, le premier paragraphe de l'article 101 ; Vu le livre IV du Code de commerce et notamment son article L. 420-1 ; Vu la décision du rapporteur général du 21 février 2019, prise en application de l'article L. 463-3 du Code de commerce, qui dispose que l'affaire fera l'objet d'une décision de l'Autorité sans établissement préalable d'un rapport ; Vu les décisions de secret d'affaires n° 17-DSA-338 du 16 août 2017, n° 17-DSA-363 du 30 août 2017, n° 17-DSA-408 du 11 octobre 2017, n° 17-DSA-410 du 11 octobre 2017, n° 17-DSA-413 du 11 octobre 2017, n° 18-DSA-119 du 23 avril 2018, n° 18-DSA-266 du 22 août 2018 ; Vu les observations présentées par les sociétés Agrotechniek BV, CIS, Hydro Factory, Hydro Logistique et le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Agrotechniek BV, Hydro Factory et Hydro Logistique, entendus lors de la séance de l'Autorité de la concurrence du 11 juin 2019, la société CIS ayant été régulièrement convoquée ; Adopte la décision suivante :

Résumé *1

À la suite de la décision n° 18-D-26 du 20 décembre 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation des fertilisants liquides pour la production hors-sol dédiés à la culture domestique, l'Autorité de la concurrence sanctionne les sociétés Agrotechniek BV, CIS et Hydro Factory/Hydro Logistique, actives dans le secteur, pour des pratiques d'ententes verticales sur les prix entre producteur et grossistes, contraires aux articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce.

La société Agrotechniek Metrop, producteur de fertilisants liquides, avait été dissoute peu de temps avant la notification des griefs qui a donné lieu à cette décision. Cette modification, intervenue en cours d'instruction, a conduit l'Autorité à surseoir à statuer pour les pratiques impliquant cette entreprise, et à renvoyer l'affaire à l'instruction afin qu'une notification des griefs soit adressée à la société Agrotechniek BV assurant la continuité économique de la société Agrotechniek Metrop.

Par la présente décision, l'Autorité sanctionne la société Agrotechniek BV ainsi que ses revendeurs-grossistes Hydro Factory/Hydro Logistique et CIS pour s'être entendus, entre 2010 et 2013, sur les prix de revente des produits Metrop.

L'Autorité a suivi sa pratique décisionnelle constante en matière d'ententes verticales sur les prix selon laquelle, même si celles-ci ne sont pas regardées avec autant de sévérité que les ententes horizontales, elles figurent néanmoins parmi les pratiques anticoncurrentielles les plus graves. En effet, même si la concurrence entre les marques (concurrence intermarques) demeure, de telles pratiques, avantageuses pour les fournisseurs comme pour les distributeurs, tendent à éliminer la concurrence au sein d'une même marque (concurrence intra-marque), alors que les consommateurs, comme c'est le cas en l'espèce, peuvent être attachés aux marques.

L'Autorité a également relevé que les pratiques constatées comportaient des mesures de surveillance, de police et de représailles, allant jusqu'à la rupture d'approvisionnement du détaillant Indoorgrowing ne respectant pas les prix imposés par Metrop, ce qui est de nature à renforcer la gravité des pratiques en cause.

L'Autorité a prononcé une sanction de 13 000 euros à l'encontre du producteur Metrop, de 11 000 euros à l'encontre de la société CIS. Aucune sanction n'a en revanche été infligée à l'encontre d'Hydro Factory/Hydro Logistique, cette entreprise ayant connu de graves difficultés et devant être prochainement placée en liquidation judiciaire.

I. Les constatations

A. RAPPEL DE LA PROCÉDURE

1. Par décision n° 14-SO-07 du 28 octobre 2014, enregistrée sous le numéro 14/0082 F, l'Autorité de la concurrence (ci-après " l'Autorité ") s'est saisie d'office de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation des fertilisants liquides dédiés au jardinage domestique.

2. Cette saisine fait suite à la transmission de deux rapports d'enquête de la DGCCRF.

3. L'enquête, diligentée par les brigades interrégionales des enquêtes concurrence (BIEC) Ile-de-France, Haute et Basse-Normandie, La Réunion, Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte, avait pour origine la plainte d'un détaillant indépendant, directeur du magasin Indoorgrowing à Aucamville (31140), anciennement situé à Toulouse (31500). Ce détaillant, réalisant 60 % de ses achats avec la société Hydro Factory, avait dénoncé les pratiques des commerciaux de la société Agrotechniek Metrop qui lui avaient demandé, à plusieurs reprises, d'augmenter les prix de vente de leurs produits. À la suite de son refus, le grossiste Hydro Factory avait cessé de l'approvisionner, non seulement en produits Metrop, mais également pour tous les produits que la société Indoorgrowing se procurait chez lui (cotes 383 à 389 et 397 à 401).

4. Une opération de visite et saisie a été menée par la DGCCRF le 12 décembre 2013 au sein des entreprises CIS (Culture Indoor), Hydro Factory et Hydro Logistique (Indoor Gardens). Des investigations complémentaires ont également été effectuées auprès de distributeurs au détail.

5. Le premier rapport administratif d'enquête établi par la DGCCRF, transmis le 22 août 2014, concluait que le producteur néerlandais de fertilisants Agrotechniek Metrop avait mis en place une stratégie lui permettant de contrôler l'application en France du prix minimum de vente des produits de sa marque, sur le commerce de gros et de détail, en ligne et en boutiques. Cette stratégie reposait notamment sur la collaboration active de ses deux principaux grossistes, par ailleurs détaillants sur Internet et à la tête des deux plus importants réseaux de distribution au détail sur le marché français du jardinage d'intérieur et de ses fertilisants dédiés, les sociétés CIS et Hydro Factory (cote 4).

6. Le second rapport administratif d'enquête établi par la DGCCRF, transmis à l'Autorité le 21 octobre 2014, établissait que d'autres producteurs de fertilisants liquides (les sociétés Canna France, Bertels BV, General Hydroponics Europe, Biobizz Holding BV et Bio Nova) avaient également mis en place un contrôle des prix de vente minimum (cotes 206 à 342 et 2449 à 2450).

7. Par une décision du 25 avril 2018, prise en application des articles L. 463-3 et R. 463-12 du Code de commerce, le rapporteur général a décidé que l'affaire serait examinée par l'Autorité sans établissement préalable d'un rapport.

8. Conformément aux dispositions mentionnées ci-dessus, une notification des griefs simplifiée a été envoyée aux sociétés Agrotechniek Metrop, Canna France, JMB Holding BV, General Hydroponics Europe, Bertels Vastgoed BV, Bertels BV, QB Beheer BV, BioBizz France, Biobizz Holding BV, Biobizz Worldwide BV, CIS, Hydro Factory, Hydro Logistique et au commissaire du Gouvernement le 4 mai 2018.

9. Par décision n° 18-D-26 du 20 décembre 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation des fertilisants liquides pour la production hors-sol dédiés à la culture domestique, l'Autorité a sanctionné les producteurs Canna France, General Hydroponics Europe, Bertels et Biobizz et leurs revendeurs-grossistes Hydro Factory/Hydro Logistique et CIS pour s'être entendus, entre 2010 et 2013, la période précise variant selon les entreprises concernées, afin de fixer les prix de revente de leurs produits.

10. S'agissant des pratiques mises en œuvre par le producteur Agrotechniek Metrop et les revendeurs-grossistes Hydro Factory/Hydro Logistique et CIS (grief n° 1), l'Autorité a constaté que l'entreprise Agrotechniek Metrop avait été dissoute antérieurement à l'envoi de la notification des griefs et qu'elle ne disposait d'éléments complémentaires ni sur la situation de cette entreprise depuis sa dissolution, ni sur l'éventuelle reprise de son activité par une nouvelle société susceptible de répondre des agissements visés dans la notification de griefs. Elle a, par conséquent, disjoint le grief n° 1 du reste de la procédure, sursis à statuer sur les pratiques relevant du grief n° 1 et renvoyé l'affaire à l'instruction afin de clarifier ces différents points.

11. Par une décision du 21 février 2019, prise en application des articles L. 463-3 et R. 463-12 du Code de commerce, le rapporteur général a décidé que l'affaire serait examinée par l'Autorité sans établissement préalable d'un rapport.

12. Conformément aux dispositions mentionnées ci-dessus, une notification des griefs simplifiée a été envoyée le 21 février 2019 à la société Agrotechniek B.V, qui assure la continuité économique de la société Agrotechniek Metrop, société auteur des pratiques n'existant plus à ce jour, ainsi qu'aux sociétés Hydro Factory/Hydro Logistique et CIS. Seules ces entreprises sont concernées par la présente décision.

B. LE SECTEUR ET LES ENTREPRISES CONCERNÉES

1. LE SECTEUR DE LA COMMERCIALISATION DE FERTILISANTS LIQUIDES DÉDIÉS AU JARDINAGE DOMESTIQUE EN CULTURE HORS-SOL

13. Les " matières fertilisantes " sont définies à l'article L. 255-1 du Code rural et de la pêche maritime comme " des produits destinés à assurer ou à améliorer la nutrition des végétaux ou les propriétés physiques, chimiques et biologiques des sols. Elles comprennent, notamment :

1° Les engrais destinés à apporter aux plantes des éléments directement utiles à leur nutrition. Il peut s'agir d'éléments fertilisants majeurs ou secondaires ou encore d'oligoéléments ;

2° Les amendements destinés à modifier ou à améliorer les propriétés physiques, chimiques ou biologiques des sols ;

3° Les matières dont la fonction, une fois appliquées au sol ou sur la plante, est de stimuler des processus naturels des plantes ou du sol, afin de faciliter ou de réguler l'absorption par celles-ci des éléments nutritifs ou d'améliorer leur résistance aux stress abiotiques ".

14. Les stimulateurs de croissance ou de développement des plantes et les additifs agronomiques qui améliorent la nutrition des végétaux autrement qu'en apportant des éléments nutritifs, par exemple en favorisant le développement racinaire, sont réglementairement assimilés à des matières fertilisantes.

15. La mise sur le marché de matières fertilisantes est encadrée par des dispositions réglementaires européennes et nationales.

16. Le règlement (CE) n° 2003/2003 du 13 octobre 2003 modifié autorise la mise sur le marché, avec l'étiquetage spécifique " Engrais CE ", de certains types d'engrais minéraux dont la liste figure en son Annexe I - Liste des types d'engrais CE.

17. La mise sur le marché des matières fertilisantes hors " Engrais CE " est réglementée, sauf exceptions, par les articles L. 255-1 et suivants du Code rural et de la pêche maritime. Les matières fertilisantes peuvent être mises sur le marché, importées, détenues en vue de la vente, vendues, distribuées à titre gratuit ou utilisées en France, sous réserve qu'elles soient couvertes par une autorisation de mise sur le marché (AMM) délivrée par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) ou par un permis d'introduction, dans les conditions posées à l'article L. 255-7 du Code rural. Cette procédure vise à vérifier, avant la mise sur le marché, l'innocuité et l'efficacité des produits concernés.

18. Les engrais et les additifs peuvent exister sous trois formes distinctes : solide, liquide ou gazeuse.

19. La culture hors-sol, ou hydroponie, à la fois productive et économe en eau, est une technique de culture qui utilise des solutions nutritives renouvelées et un substrat inerte (minéral ou végétal) permettant de se passer du support et des apports d'un sol. Elle nécessite des fertilisants spécifiques, qui apportent les nutriments et les minéraux essentiels à la plante, et se présentent sous forme liquide.

20. Elle est très utilisée dans l'agriculture urbaine, l'horticulture et les cultures maraîchères, ainsi que dans la culture de plantes exotiques par les jardiniers amateurs et par les cultivateurs de cannabis.

21. Il existe environ une vingtaine de producteurs de fertilisants liquides pour la culture horssol, majoritairement néerlandais ou anglo-saxons (cotes 26 à 28).

22. La demande provient de clients avertis pratiquant un certain type de jardinage (" indoor "), connaissant les marques et prêts à payer pour des produits de qualité, différents des produits utilisés pour le jardinage traditionnel (" outdoor ").

23. Selon le premier rapport d'enquête, le marché des fertilisants liquides pour culture hydroponique peut être considéré comme un " marché de niche, caractérisé par des produits techniques mais à l'utilisation simplifiée et un marketing adapté [dont la] philosophie [serait de] mettre à disposition des particuliers et des professionnels les supports de culture et engrais permettant de démocratiser la culture hors-sol " (cote 22).

24. Alors que la distribution des articles de jardin au niveau national (évaluée à 7,5 milliards d'euros) est historiquement organisée autour des grandes surfaces de bricolage (GSB - 30 % des ventes en 2012), des jardineries (22 %), des grandes surfaces alimentaires (GSA - 19 %), des libres-services agricoles (LISA - 15 %), des spécialistes de la motoculture (8 %), les autres circuits (fleuristes, quincailleries, producteurs, etc.) n'en représentant que 6 %, il existe un circuit spécifique de la distribution des fertilisants dédiés au jardinage hors-sol, justifié par la nature des produits commercialisés et leur différenciation marquée avec les produits de jardinage classique.

25. Toujours selon le premier rapport d'enquête, ce circuit " est organisé autour de quelques grossistes et importateurs spécialisés et des trois canaux de distribution au détail suivants :

- des réseaux de distribution (points de vente sous contrats de franchise, d'approvisionnement exclusif ou simple autorisation d'usage de marque ;

- des points de vente indépendants ;

- des web-marchands (notamment des " pure-players ") " (cote 23).

26. Les distributeurs spécialisés commercialisent des environnements de culture, des substrats, l'ensemble des produits fertilisants fluides adéquats et excluent, en règle générale, la vente de plantes et de semis (cotes 22 et 23).

27. Ils sont alimentés par une dizaine de grossistes, les plus importants à l'époque des faits étant les sociétés Hydro Factory et CIS qui représentaient à elles seules, selon le gérant de la société Hydro Factory, 60 % du marché de gros (cote 1685). Les grossistes fournissent les détaillants mais peuvent aussi exploiter un ou plusieurs sites Internet de vente directe aux consommateurs. Ces sites marchands portent généralement le nom du réseau de distribution développé par le grossiste et servent de vitrine publicitaire à l'ensemble des points de vente du réseau.

28. Au stade du commerce de détail, il existe aussi des " pure players " ou distributeurs uniquement présents sur Internet. Ces distributeurs peuvent utiliser les capacités logistiques d'autres grossistes (Hydro Factory, Florateck par exemple) pour livrer les particuliers. Il s'agit alors de sites Internet dits de " drop shipping " ou " livraison directe " (cote 3826).

29. Enfin, il existe des détaillants traditionnels (" en dur "), soit indépendants, soit appartenant à un réseau. Les deux réseaux les plus importants sont le réseau Culture Indoor, rattaché au grossiste CIS et le réseau Indoor Gardens, rattaché au grossiste Hydro Factory, ces deux réseaux disposant d'un site Internet dédié. La vente au détail des matériels et produits fertilisants destinés à la culture domestique s'inscrit principalement dans le paysage de la distribution de proximité (cote 23).

2. LES ENTREPRISES CONCERNÉES

30. Comme indiqué précédemment, seules les sociétés Agrotechniek B.V, assurant la continuité économique de la société Agrotechniek Metrop, CIS et Hydro Factory/Hydro Logistique sont concernées par la présente décision.

a) Le producteur Agrotechniek BV

31. La société Agrotechniek Metrop (Pays-Bas DUNS n° 3S73065S2 KvK n° 30142480) (ciaprès " Metrop ") était une entreprise de droit néerlandais, dirigée par M. X..., son fondateur, qui produisait et diffusait internationalement une gamme de fertilisants liquides (engrais, stimulateurs de croissance, de floraison, etc.) fortement concentrés et spécialement dédiés à l'horticulture et la culture domestique, notamment hors-sol. Le siège de cette société se situait à Rustenburg 5, 3405DV Benschop aux Pays-Bas.

32. Le 3 avril 2018, la société Agrotechniek Metrop a été radiée du Registre du commerce et des sociétés néerlandais (" Netherlands Chamber of Commerce Business "). Il a toutefois été inscrit au Registre à la même date que la gestion de la société continuerait d'être assurée par la société Agrotechniek BV, enregistrée depuis le 30 mars 2018 au Registre du commerce et des sociétés sous le numéro KvK 71322876 et domiciliée aux Pays-Bas, Edisonweg 32, 3404LC IJsselstein (cotes 5830-5833).

33. S'agissant des produits commercialisés par cette société, il résulte des déclarations du dirigeant d'Hydro Factory, non infirmées par les éléments au dossier, que " les produits METROP présentent la particularité d'être fortement concentrés (...) Du point de vue tarifaire, les prix des produits METROP, qui se situent dans la tranche supérieure des gammes, sont notamment liés à la concentration desdits produits " (cote 1687).

b) Les grossistes

CIS

34. La société CIS (443 193 271 R.C.S. Meaux), ayant pour nom commercial Culture Indoor, sise 32-34 Rue de la Régale à Courtry, est dirigée par M. Y..., président directeur général.

35. L'activité principale de la société est le commerce de gros d'articles pour la culture domestique. Elle exploite le site Internet de vente au détail www.cultureindoor.com.

36. Elle était initialement à la tête d'un réseau de 37 distributeurs (cotes 553 et 554, ce chiffre ayant évolué depuis), liés par des contrats d'approvisionnement et d'usage de la marque, prévoyant notamment (cotes 1394 à 1404) :

- une exclusivité d'approvisionnement de 95 % des achats du point de vente, le distributeur ne pouvant par ailleurs commercialiser les références non distribuées par CIS qu'après accord écrit de ce dernier ;

- un engagement exclusif de fourniture du fournisseur au détaillant sur un certain territoire ;

- une acceptation par le détaillant que son " fournisseur puisse exercer librement son activité de commerce par correspondance par le biais de son site CULTUREINDOOR.COM, et ce, sans que le distributeur, [...], ne puisse revendiquer de quelconques redevances ou "marges arrières", même si les ventes Internet du fournisseur s'effectuent sur la ville du distributeur " ;

- un droit d'usage de la marque et du concept Culture Indoor, en contrepartie d'une redevance sur le chiffre d'affaires total ;

- un droit de regard du fournisseur sur les publicités et campagnes promotionnelles mises en place par le détaillant ;

- une fixation " à son gré " par le distributeur du prix de revente des produits du fournisseur, après avoir cependant " pris connaissance des prix de revente conseillés par le fournisseur, [qu'il] se réserve le droit d'appliquer " ;

- une clause de non-concurrence bénéficiant au fournisseur pendant la durée du contrat et jusqu'à deux ans après sa date de rupture ;

- une adhésion au système de gestion informatique du réseau Culture Indoor. 37. Selon CIS, " le site Internet [Culture Indoor] est géré par nous-mêmes. Chaque magasin a sa propre page sur le site et a la possibilité de nous demander de modifier certains éléments. Tout ce qui est affiché est à leur demande, notamment les éléments concernant les "prix du web" " (cote 1105).

38. La société CIS commercialise ses produits essentiellement en France, la vente à l'étranger restant minime (cote 3826). Elle ne souhaite pas développer d'activité dite de " drop shipping " ou " livraison directe " (cote 1105).

39. Son chiffre d'affaires global, incluant les revenus liés à son activité de commerce de gros, ceux liés à l'usage de la marque Culture Indoor à la tête du réseau du même nom, et les produits de la vente directe sur le site www.cultureindoor.com, s'est élevé en 2012 à 15,5 millions d'euros (cotes 1154 à 1169).

40. D'après les déclarations des dirigeants de CIS et d'Hydro Factory, CIS serait le leader du marché français. Elle représenterait environ 30 % sur le marché du fertilisant et également 30 % sur le marché de la distribution (cotes 1685 et 3826). Par ailleurs, le chiffre d'affaires total de son réseau de détaillants sous enseigne Culture Indoor serait compris entre 25 et 30 millions d'euros.

41. CIS distribue de nombreuses marques de fertilisants liquides : Plagron (Bertels), Bio Nova, Biobizz, Canna, GHE et Metrop.

Hydro Factory et Hydro Logistique *2

42. Hydro Factory (490 705 621 R.C.S. Compiègne) a pour activité la vente en gros à des professionnels de produits de jardinage d'intérieur des marques Metrop, Canna, GHE, Bertels et Biobizz (engrais, minéraux, systèmes de ventilation et de contrôle climatique permettant la reproduction des conditions climatiques propices à la culture hors-sol (température, humidité) etc.). Le siège social de la société est situé au 6, route de la Seigneurie, 60520 Lamorlaye.

43. Hydro Logistique (508 858 065 R.C.S. Pontoise) a été créée en 2008 par le gérant de la société Hydro Factory afin de séparer la vente en gros de la vente en ligne au détail via le site Internet www.indoorgardens.fr (cote 1684). Son siège, initialement situé chemin du Jacloret 95820 Bruyeres sur Oise, était lors de l'instruction en cours de transfert à Lamorlaye (cote 3176). Hydro Logistique a pour activités, outre l'exploitation du site Internet de vente au détail www.indoorgardens.fr, le service de " drop shipping " pour le compte de vendeurs tiers. Les deux sociétés sont dirigées et représentées par M. Z..., gérant et associé unique (cotes 1715 et 1830).

44. L'intégralité du stock des produits appartient à la société Hydro Factory, également seule propriétaire de la marque Indoor Gardens. Hydro Factory facture les ventes réalisées via le site www.indoorgardens.fr à la société Hydro Logistique. Selon le gérant de ces deux sociétés, il " faut voir hydro logistique comme un prestataire " (cote 3155).

45. Le réseau de magasins Indoor Gardens, alors composé d'environ 80 points de vente, est né de la volonté de la centrale d'achats Hydro Factory de regrouper des détaillants indépendants sur le site Internet www.indoorgardens.fr, par ailleurs exploité par la société Hydro Logistique (cotes 1685, 1686 et 1832).

46. L'ouverture d'un magasin à l'enseigne Indoor Gardens est soumise à l'autorisation de la société Hydro Factory, dans le cadre d'un procédé de sélection basé sur un test écrit des compétences du candidat et un entretien oral, ainsi que sur un critère géographique (une liste des implantations disponibles figure sur le site Internet www.indoorgardens.fr).

47. Selon la société Hydro Factory, les détaillants sélectionnés ne sont soumis à aucun contrat de distribution et restent libres des produits qu'ils distribuent. Ils ne versent aucun droit d'entrée, ni commission sur leurs ventes et la société Hydro Factory ou son dirigeant ne détient aucune part dans les sociétés qui exploitent ces magasins. Enfin, toujours selon la société Hydro Factory, les détaillants de son réseau " ne disposent pas d'outils de logiciels de gestion de commandes, de stocks en lien avec Hydro Logistique et Hydro Factory " et sont " libres de déterminer leur prix de vente " (cote 1686).

48. En 2012, le chiffre d'affaires d'Hydro Factory en matière de commerce de gros a atteint 9,6 millions d'euros (cotes 1760 à 1785), celui d'Hydro Logistique (vente en ligne sur le site www.indoorgardens.fr) s'élevant à 1,6 million d'euros (cotes 1738 à 1759). Sur le marché des fertilisants, CIS estime qu'Hydro Factory représenterait à peu près 25 % du marché (cote 3826). Selon le dirigeant d'Hydro Factory : " S'agissant des éléments financiers de l'activité de mon groupe, l'activité de gros (Hydro Factory) a généré en 2012 un chiffre d'affaires de 9,6 millions d'euros alors que l'activité de vente en ligne " drop shipping " (Hydro Logistique) a généré en 2012 un chiffre d'affaires de 1 591 000 €. Le chiffre d'affaires de Hydro Logistique correspond à la vente en ligne indoorgardens.fr. (...) Le groupe Hydro Factory/Hydro Logistique est le deuxième opérateur sur le marché " (cote 1685).

C. LES PRATIQUES CONSTATÉES *3

49. Des pratiques d'entente verticale sur les prix ont été relevées entre 2010 et 2013 entre le producteur Metrop et ses revendeurs, CIS et Hydro Factory/Hydro Logistique.

1. LA DISTRIBUTION DES PRODUITS METROP

50. Historiquement, lors de son implantation en France, la société Metrop s'est adressée à un seul grossiste, la société " Le petit hydroculteur ". En 2010, elle a également distribué ses produits par l'intermédiaire de la société LCDC et de la société Hydro Factory et en 2012, de la société CIS.

51. Comme les autres fertilisants liquides pour la culture hors-sol, les produits Metrop sont vendus aux particuliers :

- par des détaillants (boutique en dur) qui s'approvisionnent auprès de grossistes ;

- sur Internet :

- soit sur les sites des grossistes têtes de réseau ;

- soit sur les sites Internet des détaillants (ex. : site indoorgrowing.fr de M. A...).

52. Metrop dispose d'un site Internet propre, mais ne fait pas de vente directe et renvoie à ses " points de vente " (les différents grossistes) et aux " webshops " commercialisant les produits de la marque.

2. LA DIFFUSION DE LISTES DE PRIX DE REVENTE DES PRODUITS METROP

a) La diffusion par le producteur Metrop aux grossistes de listes de prix de revente en gros et au détail

53. Des listes de prix de vente au détail établies par Metrop ont été saisies chez les grossistes CIS et Hydro Factory/Hydro Logistique :

- chez le grossiste Hydro Factory : années 2007/2008 (cote 1602) ; 2009 (cote 1603) (nouveaux prix applicables à partir du 1er juillet 2009), liste d'ailleurs strictement identique à la liste 2010-2011 (cote 396) figurant en annexe d'un courriel du producteur à un détaillant ; 2012/2013 (cotes 1539 et 1540) ; 2012/2014 (cotes 1541 et 1542) ;

- chez CIS : liste de prix 2012-2013 (cotes 762, 946 et 947) valable, selon le producteur, jusqu'en 2014-2015.

54. Ces listes de prix, dont la présentation est identique, contiennent les éléments suivants :

- la référence interne, la dénomination du produit et son conditionnement ;

- les quantités requises (i.e. les quantités minimum d'achat) par le producteur pour la vente en gros ;

- le prix de vente hors taxe de base pour les distributeurs, c'est-à-dire le prix applicable pour la vente aux professionnels (grossistes ou détaillants) ;

- le prix de vente HT pour les distributeurs pour une commande supérieure à 1 000 € ;

- le prix de vente au détail HT.

55. Certaines de ces listes étaient accompagnées de courriels de transmission, tels ceux adressés à la société CIS les 7 novembre 2011 et 15 mars 2012, reproduits ci-dessous : " Cher C... /En pièce jointe la liste de prix pour les magasins de 2012-2013-2014 (2015). /Il y aura une remise de 27 % sur la colonne des commandes > 1000€./ Pour cette année, le prix est bien plus faible avec une remise de 25 %, mais il n'y a plus de liste de prix disponible./X..., Directeur, Metrop " (cotes 946, 947 et 1601, traduction libre) ; " (Pièces jointes : Price List 2012 METROP.pdf) Bonsoir C..., voici la nouvelle liste de prix, légère baisse des matières premières donc les prix suivent. Le discount qu'on vous a accordé ne change pas. Cordialement, D... Metrop France " (cote 977).

b) La diffusion par le producteur Metrop aux détaillants de listes de prix de revente au détail

56. Metrop a également diffusé à plusieurs détaillants des listes de prix de revente au détail.

57. À titre d'exemple, le président de Metrop a transmis au détaillant Indoorgrowing, par un courriel du 3 septembre 2010, une liste de prix intitulée " pricelist shop 2010/2011 ", accompagnée des " selling price " (prix de revente au détail hors taxes) pour 19 produits de la gamme Metrop et des propos suivants : " Oh j'ai oublié de mettre la liste de prix avec .../dans la pièce jointe que vous voyez. / si vous voyez n'importe quel autre casseur de prix maintenant et dans le futur... n'hésitez pas et contactez-moi ou Hydro Factory (...) X... Metrop " (cotes 394 et 396, traduction libre, soulignement ajouté).

58. De même, le président de Metrop a répondu par un courriel du 18 mars 2012 au détaillant Green House, qui souhaitait vendre des produits Metrop, que la vente des produits Metrop n'était possible qu'à condition de respecter les prix de détail, dont il fournit la liste pour 2012-2014 : " Bonjour F..., Oui, depuis cette année, nous vendons directement à quelques magasins et nous avons ajouté quelques grossistes à notre réseau de distribution dans plusieurs pays. Que souhaitez-vous faire ? En pièce jointe, les prix pour les magasins. Nous espérons conserver ces prix pour les cinq années à venir. Cordialement, X..., Directeur, Metrop " (cotes 2452 et 2453, traduction libre, soulignement ajouté).

c) La diffusion par les grossistes aux détaillants de listes de prix de revente au détail

59. La distribution des produits Metrop est majoritairement assurée par les grossistes qui livrent les détaillants.

60. La diffusion des prix de détail par les grossistes s'effectue par plusieurs moyens :

- soit en transmettant les listes au détaillant, par courriel ou en leur fournissant un logiciel dédié avec l'édition de ces prix lors de la facturation ;

- soit en appliquant les prix transmis par Metrop sur leurs propres sites de vente sur Internet.

61. Dans le premier cas, le producteur ne transmettant que les prix de détail HT, les grossistes, ainsi qu'en attestent notamment les listes de prix saisies chez CIS, calculent les prix de détail TTC et les font figurer au regard des prix HT transmis par Metrop. Ces diligences sont illustrées par la liste saisie chez CIS correspondant à la cote 762, qui comporte, outre les prix TTC, la mention manuscrite " Saisie le 05/01/2012 ".

62. Plusieurs courriels attestent par ailleurs de la transmission par la société Hydro Factory de la liste de prix de vente au détail strictement identiques à ceux figurant sur son site Internet à différents détaillants du réseau :

" Bonjour à toutes et tous, Voici une liste de prix TTC pour vos clients détail. Je vous ai mis une " V1 " sans calcul du total et une " V2 " ou vous pourrez simuler des devis pour vos clients. Je vous joins également la liste de prix d'octobre modifiée sur les pot(s) Teku 7x7x8cm II y avait une erreur de tarif. (...) B..., Responsable commercial " (cote 2477). " Bonjour Ci-joint un fichier comportant nos références prix HT achat magasin. Le taux de TVA et le prix de vente TTC magasin. Le colisage et les remises quantitatives à l'achat (...) Z... " (cote 2458).

63. Un courriel du 7 janvier 2012 adressé à Hydro Factory/Hydro Logistique, par un des membres de son réseau (Green spirit), intitulé " pack metrop 5L marge trop faible ", lui demandant de pouvoir procéder à une modification du prix de revente car " les marges sont trop basses ", révèle que ces consignes de vente diffusées par le grossiste tête de réseau sont respectées (cotes 1832 et 2524).

64. La diffusion des prix de vente au détail s'effectue également à travers le logiciel de gestion des achats, des stocks et des ventes, dénommé " API COMMERCE " mis en place par le grossiste CIS. Ce logiciel, que les détaillants du réseau Culture Indoor doivent obligatoirement utiliser, en vertu de la convention les liant à la société CIS, permet à la fois d'éditer automatiquement les bons de commande des marchandises référencées dans la base de données et de connaître le prix de vente public à appliquer à ces mêmes produits.

65. La mise à jour de cette base de données, tant pour la disponibilité des produits, que pour les prix d'achat auprès de la centrale d'achat du réseau Culture Indoor ainsi que des prix de vente à appliquer auxdits produits, est effectuée par CIS (cotes 437 et 438).

66. Un extrait imprimé démontre que le logiciel indique le prix de vente à appliquer pour 12 références de produits de la marque Metrop. Les prix figurant dans ce tableau sont strictement analogues à ceux relevés précédemment, en septembre 2013, pour les 12 mêmes références de cette marque en vente sur le site Internet www.cultureindoor.com (cote 441).

67. Dans le second cas, la diffusion des prix de détail par les grossistes s'effectue par application des prix de détail " conseillés " sur leurs sites de vente sur Internet.

68. En ce qui concerne le grossiste CIS, la comparaison des prix TTC avec les prix de vente au détail relevés sur le site Internet www.cultureindoor.com en 2012-2013 (cotes 405 à 415 et 424 à 425) révèle que les prix sont systématiquement très légèrement supérieurs à ceux diffusés par le producteur et donc que la société CIS utilise manifestement les prix de vente au détail communiqués par Metrop afin d'établir la tarification de détail qu'elle applique et diffuse ensuite par le biais de son site Internet.

69. Par ailleurs, a été saisie dans le bureau de M. C..., directeur de la société CIS, une liste de prix à double en-tête " Culture Indoor/Metrop ", qui reprend les prix de vente en gros et ceux de vente au détail figurant dans les listes de prix " pricelist shop " à partir du 1er juillet 2009 et " pricelist shop " 2010-2011 diffusées par Metrop (cotes 803 et 804). Si la typographie, la mise en forme et la langue néerlandaise utilisées pouvaient, dans un premier temps, laisser penser que ce document émanait de Metrop, il apparaît qu'un autre tableau de prix saisi dans le bureau de M. C... est composé selon une mise en page à double en-tête strictement identique, alors qu'il est relatif à la gamme de fertilisants d'une marque concurrente, Canna (cote 804). Il apparaît ainsi que le document relatif aux prix des produits de Metrop a en réalité été rédigé par la société CIS et que celle-ci a repris à l'identique les grilles de prix communiquées par Metrop afin d'établir ses propres grilles tarifaires pour les reventes qu'elle effectue sur le marché de détail.

70. En ce qui concerne le grossiste Hydro Factory/Hydro Logistique, les relevés de prix réalisés sur le site Internet Indoor Gardens révèlent que les prix de vente au détail sur ce site web sont quasi systématiquement très légèrement supérieurs en 2012 et 2013 à ceux diffusés par le producteur (cotes 127, 128, 402 à 404, 422 et 423). S'agissant des prix pratiqués sur le site Internet en 2011 (cotes 2477 à 2523), les prix pratiqués sont quasi systématiquement soit égaux, soit très légèrement supérieurs à ceux diffusés par le producteur.

71. Les sociétés Hydro Factory et Hydro Logistique utilisent ainsi les prix de vente au détail communiqués par Metrop afin d'établir la tarification de détail qu'elles appliquent et diffusent ensuite par le biais du site Internet www.indoorgardens.fr.

72. En outre, le fait que les pages magasins des deux sites Internet fassent apparaître une ou des icônes " prix du web ", à savoir les tarifs pratiqués en matière de vente au détail sur ces sites, est intrinsèquement de nature à inciter les détaillants des deux réseaux à aligner leur prix de vente au détail sur les tarifs en question.

3. LE SYSTÈME DE SURVEILLANCE ET DE RÉTORSION MIS EN PLACE PAR METROP ET SES GROSSISTES CIS ET HYDRO FACTORY/HYDRO LOGISTIQUE À L'ENCONTRE DES DÉTAILLANTS INDÉPENDANTS NE RESPECTANT PAS CES PRIX DE DÉTAIL

73. Dans la mesure où la distribution des produits Metrop est majoritairement assurée par les grossistes, ceux-ci constituent un levier très puissant pour faire respecter les prix imposés par Metrop. La surveillance des prix est en outre facilitée par l'existence d'Internet, qui permet à la fois de diffuser les listes de prix de vente au détail souhaités par le fabricant et de vérifier que les prix des détaillants, et notamment ceux qui vendent sur Internet, correspondent aux prix " de référence " communiqués.

74. De nombreux éléments au dossier attestent de cette surveillance conjointe par Metrop et les deux grossistes susvisés.

75. Ainsi, dans un courriel du 16 juillet 2009, le président de Metrop indique au détaillant L'or vert qu'il doit respecter, en tant que prix de détail, " les prix minimum recommandés " : " Bonjour, Nous avons deux distributeurs en France qui possèdent les produits en stock et fournissent les autres sociétés. Ce sont LCDC Greencube et le Petit hydroculture [le Petit hydroculteur]. Vous pouvez les contacter et leur demander si vous pouvez être un revendeur Metrop ou non. La chose la plus importante est que vous ne vendiez pas à un prix inférieur au prix minimum recommandé. Tous ceux qui font cela perdront la concession Metrop. [...] X... Metrop " (cote 435, traduction libre, soulignement ajouté).

76. De même, les courriels des 2 et 3 septembre 2010 reproduits ci-après, adressés par Metrop à M. A..., gérant de la boutique Indoorgrowing (auteur de la plainte à l'origine de l'enquête voir supra au paragraphe 3), témoignent à la fois de l'existence de ce système de surveillance des prix et des menaces de représailles à l'encontre des détaillants refusant de s'y plier.

77. Le 2 septembre 2010, (cotes 392 et 393) le président de Metrop écrit : " Vous êtes sur la liste pour être bloqué à l'avenir parce que vous êtes un grand casseur de prix. Remplacez vos prix rapidement par les prix de vente figurant sur la liste, alors je mettrai votre bannière sur www.metrop.biz (français). Nous mettons tout en œuvre pour éliminer les casseurs de prix et les mettre sur liste noire parce que tout le monde doit garder le même prix minimum. C'est la raison pour laquelle certains magasins n'ont pas METROP (parce que nous ne leur fournissons pas) Cordialement. X... - Metrop " (traduction libre, soulignement ajouté).

78. Le 3 septembre 2010, le dirigeant de Metrop transmet la liste de prix et réitère ses menaces : " Bonjour Julien, Si j'étais en colère contre vous et que je n'étais pas compréhensif, vous seriez immédiatement sur la liste noire comme Culture Indoor. C'est ok si vous changez la semaine prochaine. Envoyez un courriel à Hydro Factory (Z...) après avoir changé les prix, que je vous donne la permission de rester détaillant... Nous avions l'intention de ne plus travailler avec les boutiques sur internet qui ne sont pas adossées à des boutiques normales parce qu'ils cassent les prix constamment et ne promeuvent pas les produits comme dans les boutiques normales " (cote 391, traduction libre).

79. Le même jour, le dirigeant de Metrop invite M. A... à dénoncer les détaillants qui ne respecteraient pas les prix de vente au détail conseillés par Metrop : " Si vous voyez un autre casseur de prix maintenant et dans le futur...N'hésitez pas à me contacter ou Hydro Factory " (cote 392).

80. La société Hydro Factory est donc explicitement désignée par Metrop comme participant au système de rétorsion et de surveillance à l'encontre des " casseurs de prix ".

81. Dans son témoignage recueilli le 5 avril 2012, M. A... a explicité la nature et la chronologie de ses relations avec Metrop et le grossiste Hydro Factory. Il a, notamment, déclaré que le non-respect des prix de détail demandés par Metrop avait entraîné, début 2012, une rupture d'approvisionnement de la part de son grossiste :

82. " J'ai commencé à avoir des problèmes avec HYDRO FACTORY suite aux prix de vente que je pratiquais sur les marques METROP (engrais) (...). J'ai été contacté plusieurs fois par mail puis par téléphone, par des commerciaux de chez METROP directement, afin que j'augmente mes prix de vente " (cote 385).

83. " J'ai refusé d'augmenter mes prix de vente des produits METROP : en conséquence, HYDRO FACTORY a cessé de m'approvisionner depuis début 2012, sur cette marque et sur l'ensemble des produits que j'achetais chez eux. [...] " (cote 386).

84. " Nous supposons que cette police des prix est une initiative conjointe d'HYDRO FACTORY [grossiste] et de METROP [fabricant] pour plusieurs raisons : l'image de marque de METROP et sa volonté de maintenir un certain niveau de prix ; la concurrence avec le site Internet d'INDOORGARDENS (réseau d'HYDROFACTORY) ainsi qu'avec leurs magasins physiques (deux sur le bassin Toulousain aujourd'hui) et enfin les plaintes de mes concurrents directs auprès de notre fournisseur commun HYDRO FACTORY en raison des prix très agressifs que nous pratiquons [...]. En revanche, mon fournisseur pour ces marques, HYDRO FACTORY, m'a dit que je ne respectais pas la politique de prix notamment pour les produits LUMATEK, SECRET JARDIN et METROP. Afin de leur donner satisfaction, il nous faudrait pratiquer à l'identique les prix de revente au détail que l'on peut consulter sur leur site internet. Pour les produits METROP, et le fournisseur HYDRO FACTORY et le fabricant METROP nous ont menacés de rupture d'approvisionnement et de déréférencement (ce qui fut le cas par la suite) " (cotes 398 à 399).

85. Cette rupture d'approvisionnement de la part d'Hydro Factory en raison du non-respect des prix conseillés est attestée par un courriel du 20 février 2012, adressé par Hydro Factory à M. A... : " Bonjour, Votre commande n'est pas partie et n'a pas été prise en compte. Pour cela il aurait fallu recevoir un devis et le valider par un bon pour accord. Au vu des prix pratiqués sur votre site et après avoir reçu des plaintes de la part de nos fournisseurs nous ne pouvons continuer à vous vendre des produits dont le tarif se retrouve dévalué sur votre site. Ces produits ont des tarifs conseillés par les fournisseurs qu'il faut respecter... Hydrofactory vous souhaite une bonne continuation. Cordialement, B... Responsable commercial HYDROFACTORY " (cote 390, soulignement ajouté).

86. Elle est également établie par un courriel de la société Metrop à Hydro Factory, daté du 23 janvier 2012, recueilli lors des opérations de visite et de saisie, qui expose les mesures de rétorsion dont M. A... doit faire l'objet : " Il y a un magasin que je veux absolument mettre sur liste noire. C'est Indoorgrowing à Toulouse nous lui avons demandé à de nombreuses reprises de changer ses prix. Mais sans effet. Merci donc d'arrêter de l'approvisionner en produits Metrop ou ;) vendez-lui au prix client détail ;) " (cote 2525, traduction libre).

87. D'autres courriels saisis, datés du mois suivant, indiquent que les injonctions de Metrop ont bien été exécutées par Hydro Factory, et notamment un courriel interne de ce grossiste, envoyé par le gérant (Z...) à son responsable commercial (B...), lui demandant de ne plus livrer Indoorgrowing, M. B... répondant " Ok, c'est noté..." (cotes 2528 et 2529).

88. Enfin, des échanges entre Metrop et Hydro Factory témoignent de l'existence d'une liste noire (" blacklist ") de revendeurs et du suivi effectué par M. D..., recruté fin 2011 par la société Metrop : " E..., J'ai oublié de joindre la blacklist mais ce n'est pas important, on la met à jour pour le moment, d'ici quelques mois elle sera fin prête. D'ici là, on continue à suivre les indications petit à petit, ça sera plus simple que de faire parvenir une nouvelle liste tous les deux jours On fera ça plus tard une fois que le tri parmi les revendeurs aura été effectué de façon précise. De cette manière vous serez au courant des MAJ. A bientôt à Barcelone, D..., Metrop France " (courriel du 18 janvier 2012, cote 1506, soulignement ajouté).

89. Un autre courriel du 23 janvier 2012 du dirigeant de Metrop à la société Hydro Factory (cotes 2525 et 2526) fait également état d'une tournée de contrôle effectuée par MM. X... et D... auprès des détaillants à l'enseigne Indoor Gardens.

90. Si la plupart des courriels relatifs au système de rétorsion et de surveillance concernent le grossiste Hydro Factory/Hydro Logistique, le grossiste CIS, après avoir lui-même été placé sur liste noire en raison du non-respect des consignes données par le producteur (cote 391), a également, tout au long de ses relations commerciales avec Metrop, de fin 2011 à 2013 (cotes 908, 910, 911, 918, 923 et 1105) participé à ce système.

91. En attestent notamment les échanges de courriels des 13 décembre 2011 et 18 janvier 2012, entre M. C..., le directeur de CIS, et X..., le directeur de Metrop, dont l'objet s'intitule " problème de prix " (traduction libre) :

" Bonjour X..., Nous avons parlé de contrôle des prix voici en ce moment sur Internet toutes les promotions réalisées sur les produits de votre marque. Nous n'avons jamais vendu à ces clients. Regardez les sites Internet. Regardez les prix des packs " (traduction libre, cotes 939 et 940) ;

" Bonjour et merci. Indoorgardens applique les prix 2008-2011 sur son site Internet en janvier, il faudra qu'il les change. J'ai contacté les autres et j'en ai trouvé quelques autres encore sur eBay. On va les gérer et l'an prochain on aura seulement à vérifier ensemble [qu'ils appliquent les prix] ou simplement ne plus leur vendre. Avec les mentions sur les bouteilles on pourra facilement vérifier qui leur a vendu les produits. Merci. " (traduction libre, cote 941).

92. Un autre courriel du 18 janvier 2012 de M. D...à CIS confirme que Metrop a " blacklisté " l'enseigne Indoorgrowing et demande à CIS d'en faire autant : " C... bonjour, Nous avons blacklisté aujourd'hui même l'enseigne INDOORGROWING Toulouse. Merci d'en faire autant de votre côté et merci pour votre aide ainsi que pour le respect des tarifs sur votre site internet. Nous sommes en train de faire énormément de contrôles, pour nous faciliter la tâche n'oubliez pas de communiquer les nouveaux tarifs à vos clients (si ce n'est pas déjà fait bien entendu ...) A ce titre, je vous fais parvenir la liste de prix 2012 magasins, valable pour les 5 ans à venir si tout se passe bien (prix, pétrole, euro, matières premières...) N'hésitez pas à nous recontacter si besoin est. Bien à vous, Cordialement, D... Metrop France " (cote 938).

93. Entendu à nouveau le 17 avril 2013, le gérant d'Indoorgrowing a confirmé la généralisation de cette pratique de contrôle des prix de revente au détail : " C'est une caractéristique du secteur, il y a beaucoup de produits sur lesquels tout le monde a le même prix et j'ai très régulièrement (lors des salons, chez les grossistes, etc.) des remarques sur mes prix bas " (cote 399).

4. LE RESPECT DES PRIX MINIMUMS IMPOSÉS PAR METROP TANT AU NIVEAU DES PRIX DE REVENTE AU DÉTAIL PAR LES DISTRIBUTEURS ET LES DÉTAILLANTS QU'AU NIVEAU DES PRIX DE GROS PRATIQUÉS PAR LES GROSSISTES

a) L'application des prix minimums de revente au détail fixés par Metrop sur les sites Internet des réseaux Culture Indoor et Indoor Gardens

94. Le premier rapport d'enquête a permis de mesurer l'évolution des prix de vente au détail diffusés par Metrop de 2007 à 2014 en calculant le prix de vente TTC (cote 126). Pour les années 2012 et 2013, des relevés de prix sur les sites en ligne Culture Indoor (CIS) et Indoor Gardens (Hydro Factory/Hydro Logistique) ont été réalisés afin d'attester l'application des prix minimums de revente au détail fixés par Metrop sur les sites Internet des réseaux Culture Indoor et Indoor Gardens.

95. S'agissant du grossiste CIS, la comparaison des prix TTC mentionnés dans ce rapport avec les prix de vente au détail relevés sur le site web de l'enseigne Culture Indoor en 2012-2013 (cotes 405 à 415 et 424 à 425) révèle que les prix sont systématiquement très légèrement supérieurs à ceux diffusés par le producteur pour les 12 références de la marque Metrop (augmentation de moins de 1% - 0,03, 0,2, 0,3, 0,47, 0,7, 0,9 %).

96. S'agissant d'Hydro Factory/Hydro Logistique, les relevés de prix réalisés sur le site Internet de l'enseigne Indoor Gardens (cotes 127, 128, 402 à 404, 422 et 423) révèlent que les prix de vente au détail sur celui-ci sont, pour 9 références de la marque Metrop, systématiquement très légèrement supérieurs (à savoir augmentation de moins de 1% - 0,2, 0,47 et 0,7 %) en 2012 et 2013 à ceux diffusés par le producteur. Les prix de vente ne sont légèrement inférieurs que pour 3 références d'une gamme. Quant aux prix pratiqués sur le site web en 2011 (cotes 2477 et suivantes), ils sont quasi systématiquement soit égaux, soit très légèrement supérieurs à ceux diffusés par le producteur.

b) L'application par les détaillants des prix de vente au détail fixés par le producteur et diffusés par les grossistes

97. Il a également été procédé à un recueil de déclarations et à un relevé de prix auprès de 23 détaillants afin d'apprécier dans quelle mesure ceux-ci appliquaient, en pratique, les prix de vente au détail fixés par le producteur et diffusés par les grossistes.

98. S'agissant du réseau Culture Indoor (CIS), plusieurs détaillants ont évoqué la communication de prix conseillés par CIS. Certains ont indiqué être libres de leur politique tarifaire vis-à-vis de leur tête de réseau (cotes 147 à 150), l'un d'entre eux précisant que les prix de vente au détail figurant sur le logiciel " API COMMERCE " étaient modifiables, un autre déclarant toutefois que son utilisation sans modification présentait l'avantage de la simplicité. Tous ont cependant déclaré appliquer les prix de vente au détail pratiqués sur le site Internet Culture Indoor, en invoquant plusieurs raisons : " les clients consultent d'abord les prix en vigueur sur le site de la tête de réseau avant de venir acheter en boutique " ou " tous les magasins franchisés vendent à ces prix-là " (cotes 2338 à 2399 et 3691 à 3702).

99. S'agissant du réseau Indoor Gardens (Hydro Factory), plusieurs détaillants ont indiqué que leur tête de réseau ne leur communiquait pas de prix conseillés, contrairement à Metrop. Tous les détaillants ont toutefois mentionné s'aligner sur le prix de vente sur Internet de leur tête de réseau Indoor Gardens, aux motifs que : " cela ne sert à rien de s'écarter des prix [du site] car presque tous nos clients s'y réfèrent et ils veulent le même prix en boutique ", " il est clair que les magasins ont intérêt à maintenir leurs marges commerciales en pratiquant les prix conseillés ; je constate que les magasins respectent les prix conseillés " (cotes 141 à 147 et 2231 à 2337).

100. Le gérant des sociétés Hydro Factory et Hydro Logistique a d'ailleurs précisé, au sujet des pages Internet de chacun des magasins de son réseau : " Parmi ces icônes, peut figurer, depuis novembre 2013, une icône " prix du web " qui a été ajoutée à la demande de certains magasins. Ces prix correspondent aux tarifs que nous pratiquons sur le site indoorgardens.fr. En effet, nous avons été confrontés, de façon anecdotique, à des clients qui se plaignaient auprès de nous des prix supérieurs aux nôtres qui pouvaient être appliqués par certains détaillants. En conséquence, nous avons appelé ces détaillants pour leur faire part du mécontentement de ces clients " (cotes 1686 et 1687). Ce type d'icônes existe aussi sur le site Internet de CIS.

101. Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'à la suite de la diffusion des prix de vente conseillés par Metrop et par les grossistes CIS et Hydro Factory/Hydro Logistique, de nombreux détaillants des réseaux Culture Indoor et Indoor Garden, soit par crainte de perdre des clients, soit pour maintenir leur marge commerciale, soit en raison de l'absence d'une capacité financière leur permettant, à l'instar de leurs franchiseurs, de supporter de réelles baisses de prix de vente (cotes 2239 et 2263) - ces différents motifs pouvant se cumuler - ont donc décidé d'appliquer en boutique les prix de revente affichés sur Internet.

102. Par ailleurs, les relevés de prix réalisés auprès des 23 détaillants démontrent un très fort taux d'alignement des prix de vente au détail des fertilisants Metrop, notamment depuis l'année 2012, jusqu'à mars/mai 2014, 84,81 % des prix pratiqués étant identiques, voire légèrement supérieurs, aux prix diffusés par le producteur et 95,78 % des prix relevés ne variant que de quelques pourcents du prix de détail diffusé par le producteur (- 6,60 % au plus).

c) L'application par les grossistes des prix de vente en gros fixés par le producteur

103. Il ressort de l'examen des prix de vente en gros des distributeurs Hydro Factory et CIS que ces derniers ont scrupuleusement respecté les grilles tarifaires émises par le fabricant Metrop afin d'établir leurs propres tarifs en tant que grossistes, depuis l'année 2010 pour Hydro Factory et l'année 2012 pour CIS (cotes 163 à 170).

104. Ces deux grossistes ont, par ailleurs, également surveillé les prix pratiqués par chacun d'entre eux et les ont évoqués avec Metrop, ainsi qu'en atteste un échange de courriels des 24 septembre et 1er octobre 2012 entre Z... (Hydro Factory) et X... (Metrop) et un courriel de Z... du 4 octobre 2012 :

" Bonjour X..., Il semble que Culture Indoor a baissé son prix de gros. Merci de m'envoyer la dernière grille de prix que nous devons suivre. Z... " (cote 2531, traduction libre).

" Bonjour Z..., Je ne peux rien faire contre Culture Indoor si je n'ai pas de preuve. X..." (cote 2532, traduction libre).

" Bonjour X..., Ci-joint la liste de prix de Culture Indoor envoyée hier ! Merci de leur dire immédiatement de changer le prix. Z... " (cote 2534, traduction libre).

D. RAPPEL DU GRIEF NOTIFIÉ

105. Le 21 février 2019, le grief suivant a été notifié :

" Il est fait grief à la société Agrotechniek BV (Pays-Bas, KvK 71322876), qui assure la continuité économique de la société Agrotechniek Metrop, société auteur des pratiques qui n'existe plus à ce jour, ainsi qu'aux sociétés Hydro Factory (R.C.S. 490 705 621), Hydro Logistique (R.C.S. 508 858 065) et CIS (R.C.S. 443 193 271) de s'être entendues, de manière continue, avec l'ensemble de leurs distributeurs pour fixer les prix de revente aux consommateurs (au détail) et aux professionnels (en gros) des fertilisants liquides pour la production hors-sol à usage domestique de la marque Metrop :

- pour la période septembre 2010 à décembre 2013 en ce qui concerne Agrotechniek BV et Hydro Factory ;

- pour la période septembre 2010 à décembre 2013 en ce qui concerne Agrotechniek BV et Hydro Logistique ;

- pour la période décembre 2011 à octobre 2013 en ce qui concerne Agrotechniek BV et CIS.

Cette pratique est contraire aux articles L. 420-1 du Code de commerce et 101 du TFUE ".

II. Discussion

106. Seront successivement examinés la question de la langue de procédure applicable devant l'Autorité (A), l'applicabilité du droit de l'Union (B), le bien-fondé du grief notifié (C), l'imputabilité des pratiques (D) et la sanction (E).

A. SUR LA LANGUE DE PROCÉDURE DEVANT L'AUTORITÉ

107. La société Metrop soutient, dans des observations rédigées en néerlandais et traduites en français par ses soins à l'aide d'un traducteur en ligne, qu'elle ne comprend pas le français, langue de procédure de l'Autorité, que les rapporteurs n'ont pas répondu à ses demandes, qu'elle n'était pas en mesure de répondre dans des délais courts et qu'elle ne dispose pas des moyens financiers nécessaires pour recourir aux services d'un traducteur ou d'un avocat.

108. Sur ce point, il convient tout d'abord de rappeler que, conformément aux exigences issues de l'article 2 de la Constitution, reprises, s'agissant notamment des services publics, à l'article 1er de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française (JORF du 5 août 1994, p. 11 392), la langue de procédure devant l'Autorité est le français, comme le rappelle d'ailleurs l'article 26 de son règlement intérieur.

109. Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que l'Autorité, dont la décision n'intervient pas au terme d'une procédure pénale proprement dite, et ne vise pas des personnes physiques, mais des personnes morales disposant en règle générale de ressources plus importantes pour assurer leur défense, ne méconnaît pas les exigences de l'article 6, paragraphe 3, alinéa a) de la CEDH si elle établit, à la suite d'une demande faite par les parties, que celles-ci sont concrètement en mesure de saisir la portée des accusations formulées contre elles et d'exercer pleinement leurs droits, compte tenu notamment de leur maîtrise de la langue française, de l'assistance et des conseils dont elles sont entourées et de l'ensemble des moyens et des facilités dont elles disposent (voir, en ce sens, les décisions n° 14-D-19 du 18 décembre 2014 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits d'entretien et des insecticides et dans le secteur des produits d'hygiène et de soins pour le corps, paragraphes 779 à 786, confirmée sur ce point par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 27 octobre 2016, Beiersdorf AG e.a., n° 15/01673, p. 17-18 ; n° 12-D-09 du 13 mars 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des farines alimentaires, paragraphes 361 à 374, confirmée sur ce point par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 20 novembre 2014, Société Grands Moulins de Paris e.a., n° 2012/06826, p. 19-21, confirmé sur ce point par l'arrêt de la Cour de cassation du 8 novembre 2016, n° 14-28.234, p. 19).

110. En l'espèce, la société Metrop a été informée, dès le 30 août 2017, que la procédure devant l'Autorité se déroulerait en français (cote 3285). Elle a refusé, à plusieurs reprises, de répondre aux demandes des services d'instruction, les conduisant ainsi à se rapprocher de l'Autorité de la concurrence néerlandaise afin d'obtenir les réponses souhaitées. Elle a, par ailleurs, refusé de répondre aux services d'instruction dans des termes parfois particulièrement virulents (cote 5124).

111. À la suite de l'envoi de la seconde notification des griefs du 21 février 2019 et à la demande des services d'instruction, l'Autorité de la concurrence néerlandaise s'est de nouveau rapprochée de la société Metrop afin de lui communiquer, en néerlandais, des informations sur le déroulé de la procédure devant l'Autorité, et notamment concernant le délai imparti pour présenter des observations, les modalités de la procédure simplifiée, l'utilisation de la langue française comme langue de procédure ainsi que la possibilité de recourir, à ses frais, à un traducteur ou un avocat francophone.

112. La société Metrop n'a toutefois pas tenu compte de ces différentes informations et n'a, d'ailleurs, sollicité aucun délai supplémentaire pour répondre à la notification des griefs.

113. En séance, pourtant averti à de nombreuses reprises que les débats se tiendraient en français, le représentant de Metrop a refusé de s'exprimer en français.

114. Il convient de souligner que les données financières communiquées par Metrop dans ses observations permettent de conclure que même si celle-ci a son siège aux Pays-Bas, elle dispose à l'évidence de moyens financiers lui permettant de s'adjoindre les services de conseils ou d'interprètes-traducteurs pour l'assister, si nécessaire, dans sa réponse au grief notifié à son encontre.

115. Au demeurant, il ressort des observations communiquées par Metrop que celle-ci a bien, en réalité, saisi la portée du grief notifié à son encontre et a pu y répondre, dans la mesure notamment où elle explique " avoir toujours essayé de protéger les petits détaillants de France " et être " coupable d'essayer de faire en sorte que les détaillants conservent un prix avec une marge bénéficiaire raisonnable ", tout en précisant ne pas savoir " que cela n'était pas autorisé ".

116. Il résulte de ces différents constats, d'une part, que Metrop a été dûment informée de l'utilisation du français comme langue de procédure devant l'Autorité, d'autre part qu'elle disposait des ressources et de l'ensemble des moyens et facilités nécessaires pour assurer sa défense et était, partant, parfaitement en mesure de le faire.

117. Dans ces conditions, la violation alléguée des droits de la défense n'est pas démontrée.

B. SUR L'APPLICABILITÉ DU DROIT DE L'UNION

118. Selon la jurisprudence de l'Union synthétisée dans la Communication de la Commission européenne portant lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 101 et 102 du TFUE, trois éléments doivent être réunis pour que des pratiques soient susceptibles d'affecter sensiblement le commerce entre États membres : l'existence d'échanges, à tout le moins potentiels, entre les États membres portant sur les produits ou les services en cause, l'existence de pratiques susceptibles d'affecter ces échanges et le caractère sensible de cette affectation. S'agissant de ce troisième élément, le paragraphe 52 des lignes directrices précitées se réfère à deux seuils cumulatifs en deçà desquels un accord est présumé, selon la Commission européenne, ne pas affecter sensiblement le commerce entre États membres. Ainsi, faut-il que (i) la part de marché totale des parties sur le marché européen affecté par l'accord n'excède pas 5 % et (ii), dans le cas d'accords verticaux, que le chiffre d'affaires annuel total réalisé par le fournisseur dans l'Union avec les produits concernés par l'accord n'excède pas 40 millions d'euros.

119. S'agissant des accords verticaux, il est indiqué au point 88 des Lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce que : " Les accords verticaux qui couvrent l'ensemble d'un État membre et concernent des produits commercialisables peuvent également affecter le commerce entre États membres, même s'ils ne créent pas d'obstacles directs au commerce. Les accords aux termes desquels des entreprises s'engagent sur un prix imposé à la revente affectent parfois directement le commerce entre États membres en augmentant les importations en provenance d'autres États membres et en réduisant les exportations provenant de l'État membre en cause. Les accords impliquant un prix imposé peuvent aussi affecter les courants d'échanges d'une manière assez semblable à celle des ententes horizontales. Dans la mesure où le prix imposé est plus élevé que le prix pratiqué dans d'autres États membres, ce niveau de prix n'est défendable que si les importations en provenance d'autres États membres peuvent être contrôlées ".

120. En l'espèce, les pratiques en cause, qui concernent l'ensemble du territoire national, portent sur des produits fabriqués et commercialisés par des sociétés ayant leur siège dans plusieurs États membres, notamment aux Pays-Bas et en France. Les deux grossistes CIS et Hydro Factory/Hydro Logistique représentent ensemble 55 % du marché national.

121. Au vu de ce qui précède, le commerce entre les États membres est susceptible d'être affecté de manière sensible par les pratiques en cause. Celles-ci doivent donc être examinées tant au regard du droit national, notamment de l'article L. 420-1 du Code de commerce, que du droit de l'Union, notamment de l'article 101 du TFUE.

C. SUR LE BIEN-FONDÉ DU GRIEF NOTIFIÉ

1. SUR LE MARCHÉ PERTINENT

122. Il résulte d'une jurisprudence constante des juridictions de l'Union que l'obligation d'opérer une délimitation du marché en cause dans une décision adoptée en application de l'article 101 du TFUE s'impose aux autorités de concurrence uniquement lorsque, sans une telle délimitation, il n'est pas possible de déterminer si l'accord, la décision d'association d'entreprises ou la pratique concertée en cause a pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun (arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, William Prym/Commission, T-30/05, Rec. p. II-107, point 86, citant les arrêts du Tribunal du 15 septembre 1998, European Night Services e.a./Commission, T-374/94, T-375/94, T-384/94 et T-388/94, Rec. p. II-3141, points 93 à 95 et 103, et du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T-213/00, Rec. p. II-913, point 206).

123. En droit interne, l'Autorité considère de même que, lorsque les pratiques en cause sont examinées au titre de la prohibition des ententes ou des pratiques concertées, comme c'est le cas en l'espèce, il n'est pas nécessaire de définir le marché avec précision, dès lors que le secteur a été suffisamment caractérisé pour permettre de qualifier les pratiques observées et de les imputer aux opérateurs qui les ont mises en place (voir notamment la décision de l'Autorité de la concurrence n° 17-D-20 du 18 octobre 2017 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des revêtements de sols résilients, paragraphe 419).

124. En l'espèce, il ressort des éléments du dossier précédemment exposés que la culture hors sol nécessite des fertilisants spécifiques, produits par une vingtaine de producteurs, principalement néerlandais et anglo-saxons, s'adressant à des consommateurs avertis pratiquant un certain type de jardinage et qui souhaitent utiliser des produits différents du jardinage traditionnel. Ces produits font l'objet d'un marketing différencié et sont distribués par le biais de circuits de commercialisation spécifiques. À l'amont, les grossistes approvisionnant pour l'essentiel le territoire national en fertilisants liquides de ce type sont des sociétés établies en France (CIS, Hydro Factory/Hydro Logistique) et les réseaux de distribution approvisionnés par ces grossistes sont constitués principalement de magasins établis sur le territoire national.

125. Ces différents éléments permettent de définir un marché français de la distribution (en gros et au détail) des fertilisants liquides pour la production hors-sol dédiés à la culture domestique sur lequel les pratiques seront examinées.

2. SUR LE GRIEF D'ENTENTE VERTICALE SUR LES PRIX

a) Rappel des principes applicables

Sur l'existence d'une restriction de concurrence par objet

126. Les articles 101, paragraphe 1, TFUE et L. 420-1 du Code de commerce établissent tous deux une distinction entre les restrictions de concurrence par objet ou par effet.

127. À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union que certains types de coordination entre entreprises, tels que, notamment mais pas exclusivement, les ententes sur les prix, révèlent intrinsèquement un degré suffisant de nocivité à l'égard de la concurrence pour qu'il puisse être considéré que l'examen de leurs effets n'est pas nécessaire (voir en ce sens, notamment, arrêts de la Cour de justice de l'Union du 11 septembre 2014, Groupement des cartes bancaires, C-67/13, points 49 et 50 ; du 20 novembre 2008, BIDS, C-209/07, point 15, ainsi que du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a., C-32/11, points 34 et 35).

128. De manière générale, l'appréciation de l'existence d'un degré suffisant de nocivité nécessite d'examiner concrètement et cumulativement la teneur et les objectifs de la pratique ou de la disposition restrictive de concurrence, ainsi que le contexte économique et juridique dans lequel elle s'insère. Dans le cadre de l'appréciation dudit contexte, il y a lieu également de prendre en considération la nature des biens ou des services affectés, ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du ou des marchés en question (voir, en ce sens, arrêts de la Cour de justice de l'Union du 11 septembre 2014, Groupements des cartes bancaires, C-67/13, point 53 et du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a., point 36).

129. Dans son arrêt du 16 mai 2013, Kontiki (n° 2012/01227, confirmé par la Cour de cassation dans son arrêt n° 13-19.476 du 7 octobre 2014), la cour d'appel de Paris a rappelé que " les articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce prohibent notamment les ententes entre fournisseurs et distributeurs ayant pour objet ou pour effet d'empêcher, de fausser ou de restreindre la fixation des prix aux consommateurs par le libre jeu de la concurrence " (p. 5).

130. S'agissant plus précisément des prix imposés, la cour d'appel de Paris a souligné dans le même arrêt que " les pratiques de prix imposés sont considérées par le règlement (UE) n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 comme des restrictions caractérisées et que, dès lors, un accord ou une pratique concertée ayant directement ou indirectement pour objet l'établissement d'un prix de vente fixe ou minimal que l'acheteur est tenu de respecter, est présumé restreindre la concurrence ".

Sur le standard de preuve d'une entente verticale sur les prix

131. Il ressort d'une pratique décisionnelle et d'une jurisprudence constantes, tant en droit de l'Union qu'en droit interne, que la preuve d'une entente verticale requiert la démonstration de l'accord de volontés des parties à l'entente exprimant leur volonté commune de se comporter sur le marché de manière déterminée (arrêts de la Cour de justice du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, 41/69, Rec. p. 661, point 112, du Tribunal du 26 octobre 2000, Bayer/Commission, aff. T-41/96, Rec. p. II-3383, point 67 et de la cour d'appel de Paris, 28 janvier 2009, Epsé Joué Club, n° 2008/00255, p. 9, devenu définitif après les arrêts de rejet de la Cour de cassation du 7 avril 2010).

132. Selon le Tribunal de l'Union, la preuve d'un tel accord " doit reposer sur la constatation directe ou indirecte de l'élément subjectif qui caractérise la notion même d'accord, c'est-à-dire d'une concordance de volontés entre opérateurs économiques sur la mise en pratique d'une politique, de la recherche d'un objectif ou de l'adoption d'un comportement déterminé sur le marché, abstraction faite de la manière dont est exprimée la volonté des parties de se comporter sur le marché conformément aux termes dudit accord " (arrêt du Tribunal Bayer/Commission du 26 octobre 2000, T-41/96, point 173).

133. La démonstration de l'accord de volontés peut se faire par tout moyen, étant rappelé que la Cour de justice de l'Union considère qu'il n'est pas nécessaire, en présence de preuves documentaires ou contractuelles, de procéder à l'examen de preuves additionnelles de nature comportementale (voir, en ce sens, l'arrêt du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services c. Commission).

134. Dans son arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a c/ Commission (aff. C-204/00), la Cour de justice de l'Union qualifie de " preuves documentaires directes " des éléments suffisamment explicites, tels que des notes internes, des déclarations, des comptes rendus de réunion, des projets d'ordre du jour ou encore des notes prises lors de réunions : " Contrairement à ce que soutiennent Italcementi et Cementir, le Tribunal n'a opéré ni un renversement indu de la charge de la preuve ni une violation de la présomption d'innocence. Le Tribunal a conclu, d'une part, que les documents mentionnés au point 18 des motifs de la décision Ciment, à savoir les notes internes de Blue Circle, la déclaration de M. Y... et les déclarations de Cembureau elle-même (documents nos 33.126/11525 et 13568 à 13573), faisaient état explicitement de l'existence d'une entente entre les producteurs européens de ciment ayant pour objet le respect des marchés domestiques et la réglementation des ventes d'un pays à l'autre (voir point 920 de l'arrêt attaqué) et, d'autre part, que les documents mentionnés aux points 19 et 45 des motifs de la décision Ciment indiquaient qu'un accord, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, avait été conclu dans le cadre de la réunion du 14 janvier 1983 (voir point 1003 de l'arrêt attaqué). C'est à juste titre que le Tribunal a qualifié, au point 862 de l'arrêt attaqué, lesdits documents de " preuves documentaires directes " de l'existence de l'accord Cembureau " (point 237) (soulignement ajouté).

135. La cour d'appel de Paris s'est inscrite en droite ligne de cette jurisprudence en indiquant, dans un arrêt du 26 janvier 2012 (Beauté Prestige International, n° 2010/23945, p. 44 à 45), que la démonstration de l'accord de volontés pouvait se faire par tout moyen, et en considérant que " la preuve d'un accord [vertical] peut être constituée par des preuves directes (tel qu'un écrit) ou indirectes (tel qu'un comportement) et qu'en présence de preuves documentaires ou contractuelles, il n'est pas besoin de recourir, au surplus, à l'étude de preuve de nature comportementale " (arrêt " Kontiki " précité, p. 5).

136. Ainsi, s'agissant d'une entente sur les prix, la démonstration de l'accord de volontés résulte soit de preuves documentaires directes, soit, à défaut, de preuves comportementales indirectes constituées par la réunion d'un faisceau d'indices graves, précis et concordants (arrêts de la cour d'appel de Paris du 28 janvier 2009, Espé Joué Club, et de la Cour de cassation du 11 juin 2013, n° 12-13961).

Sur la continuité des pratiques

137. Pour déterminer la durée d'une infraction aux règles de la concurrence, il convient de rechercher la période qui s'est écoulée entre la date de sa conclusion et la date à laquelle il y a été mis fin (arrêts du Tribunal du 27 juillet 2005, Brasserie nationale e.a./Commission, T-49/02 à T-51/02, Rec. p. II-3033, point 185, et du 5 décembre 2006, Westfalen Gassen Nederland/Commission, T-303/02, Rec. p. II-4567, point 138).

138. En l'absence d'éléments de preuve susceptibles d'établir directement la durée d'une infraction et son caractère continu, l'autorité de concurrence doit se fonder, au moins, sur des éléments de preuve se rapportant à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu'il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s'est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises (arrêts du Tribunal du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission, T-43/92, Rec. p. II-441, point 79, et du 16 novembre 2006, Peroxidos Orgânicos/Commission, T-120/04, Rec. p. 11-4441, point 51 ; arrêt du Tribunal du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T-279/02, Rec. p. II-897, point 153).

139. Enfin, la suspension d'une pratique anticoncurrentielle pendant une période déterminée n'empêche pas cette dernière de revêtir la qualification d'infraction continue dès lors que, après son interruption, elle a été reprise selon les mêmes modalités (arrêts du Tribunal du 20 mars 2002, Dansk Rorindustri/Commission, T-21/99, Rec. p. 11-1681, points 53 à 56, du 5 avril 2006, Degussa/Commission précité, point 178, et du 19 mai 2010, IMI e.a./Commission, T-18/05, Rec. p. II-1769, points 96 à 97, et de la cour d'appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix signalisation e.a., n° 2011/01228, p. 10).

b) Application en l'espèce

140. Il ressort des éléments du dossier que le producteur Metrop s'est entendu avec ses revendeurs Hydro Factory/Hydro Logistique et CIS sur les tarifs de gros et de détail de ses fertilisants liquides.

S'agissant de Metrop et Hydro Factory/Hydro Logistique

141. Metrop a transmis à Hydro Factory/Hydro Logistique les listes de prix de gros et de détail de ses produits à partir de l'année 2007 jusqu'en 2013 (cotes 1602 à 1603, 396, 1539 à 1542).

142. La société Hydro Factory/Hydro Logistique a participé à l'application de cette politique tarifaire en transmettant à ses clients, distributeurs détaillants indépendants, les listes établies par le producteur entre octobre 2011 et juin 2012 (cotes 2477 et 2458).

143. Son consentement à l'application de la liste de prix établie par le producteur est, notamment, établi par un courriel du 24 septembre 2012 adressé par ses soins à Metrop, où elle réclame " la dernière liste de prix qu'il faut suivre " (cote 2531). Par ailleurs, dans le courriel du 20 février 2012, cité infra (voir paragraphe 85), adressé au détaillant Indoorgrowing, Hydro Factory/Hydro Logistique relaie l'obligation pour le détaillant de respecter les prix conseillés par les fournisseurs et de ne pas dévaluer les prix de vente au détail (cote 390).

144. Afin de s'assurer du respect des prix minimum de vente, le producteur Metrop a également mis en place un système de surveillance auquel a participé Hydro Factory/Hydro Logistique, allant jusqu'à des menaces de représailles prises à l'encontre du détaillant Indoorgrowing, ainsi qu'en attestent les courriels des 2 et 3 septembre 2010 adressés par Metrop à ce détaillant (cotes 391 à 393, cités infra aux paragraphes 76 à 79). Le refus du détaillant Indoorgrowing d'appliquer les prix imposés a par la suite entraîné une rupture d'approvisionnement début 2012 de la part de son grossiste Hydro Factory/Hydro Logistique, ainsi qu'en attestent les déclarations du gérant d'Indoorgrowing (cotes 385 à 386 et 398 à 399, voir infra paragraphes 81 à 84) ainsi que les échanges de courriels entre Metrop et Hydro Factory/Hydro Logistique et en interne chez Hydro Factory/Hydro Logistique (cotes 2525, 2528 à 2529, et infra, paragraphes 86 à 87).

145. L'existence d'une police des prix, conjointement assurée par le producteur et le grossiste est également démontrée par plusieurs courriels échangés entre Metrop et Hydro Factory/Hydro Logistique, qui font mention d'une " liste noire " des détaillants ne respectant pas les prix imposés (cotes 1506, 2525 à 2526).

146. Enfin, un échange de courriels entre Metrop et Hydro Factory/Hydro Logistique entre le 24 septembre et le 1er octobre 2012 atteste de la surveillance par Hydro Factory/Hydro Logistique des prix pratiqués par son concurrent CIS. (cotes 2531, 2532, 2534).

147. Au vu des principes évoqués précédemment, il apparait que l'ensemble de ces éléments constituent des preuves documentaires directes démontrant explicitement un accord de volontés entre Metrop et Hydro Factory/Hydro Logistique, sans qu'il soit besoin de rechercher l'existence d'un faisceau d'indices graves, précis et concordants, caractérisé notamment par le constat de l'application significative des prix imposés par Metrop.

148. Au surplus, ainsi qu'il ressort des paragraphes 94 à 103 de la décision, ce constat est conforté d'une part par les déclarations des détaillants du réseau Indoor Gardens, d'autre part par les relevés de prix effectués lors de l'enquête attestant du respect des prix minimums imposés par Metrop au niveau tant des prix de revente au détail que des prix de revente en gros.

149. Cette conclusion n'est pas remise en cause par le fait, invoqué par Metrop, qu'elle ignorait que de telles pratiques étaient prohibées, une telle argumentation étant inopérante.

150. Par ailleurs, l'argumentation de Metrop dans ses observations écrites soutenant, d'une part, qu'elle ne serait pas en mesure d'imposer une politique de prix au vu de sa taille, d'autre part, qu'elle aurait été victime de pressions émanant des grossistes qui auraient menacé la famille du dirigeant de Metrop doit être écartée. Il en est de même de son affirmation selon laquelle la cessation des relations commerciales avec le détaillant Indoorgrowing ne serait pas liée au non-respect par ce dernier des consignes de prix mais au fait que ce dernier se livrerait à des activités illicites.

151. En effet, cette argumentation, outre qu'elle n'est pas suffisamment étayée, est contredite par les nombreux courriels précités échangés entre Metrop et ses grossistes, qui démontrent notamment que la cessation des relations commerciales avec le détaillant Indoorgrowing émane de la volonté même du dirigeant de Metrop et est directement liée au non-respect des prix qu'il souhaitait imposer (voir notamment cote 2525).

152. Les pratiques ont débuté en septembre 2010, date à laquelle un courriel de Metrop adressé au détaillant indépendant Indoorgrowing fait état d'un accord entre le grossiste et le producteur sur l'application de la liste de prix minimum et sur une police des prix (cotes 391 à 393). Les éléments documentaires relatifs à la transmission des listes de prix et au contrôle des prix, comme les déclarations du grossiste permettent d'établir la continuité des pratiques jusqu'à décembre 2013, date des opérations de visite et saisie effectuées chez le grossiste.

153. L'entente verticale entre Metrop et Hydro Factory/Hydro Logistique est dès lors établie de septembre 2010 à décembre 2013.

S'agissant de Metrop et CIS

154. Metrop a transmis à CIS des listes de prix de gros et au détail pour les années 2012 et 2013 (cotes 762, 946 et 947). Cette transmission s'est accompagnée de consignes du producteur visant à faire respecter sa politique tarifaire (cotes 946 à 947, 977 et 1601). Les déclarations de M. Y..., dirigeant de CIS, attestent de l'obligation mise en place par le producteur de respecter sa grille tarifaire (cotes 1103 à 1106).

155. La société CIS a contesté durant l'instruction avoir adhéré à cette politique de prix, en s'appuyant notamment sur son courriel en réponse au courriel de Metrop du 18 janvier 2012 par lequel Metrop l'informait avoir " blacklisté " l'enseigne Indoorgrowing et lui demandait d'en faire autant : " Je ne sais pas si tu connais la loi mais un mail comme cela peu te coûter très très cher ! La loi interdit d'imposer des prix de vente encore plus par les fournisseur c'est contraire au principe de la libre concurrence " (cote 938).

156. Il résulte toutefois de l'instruction que CIS a fourni aux distributeurs de son réseau un logiciel de gestion de caisse, API commerce, appliquant les tarifs fixés par le producteur. Elle a également élaboré une grille de prix de vente en gros et au détail, portant un double en-tête Metrop/CIS (cote 803). Ces différents éléments démontrent son adhésion à la politique de prix imposés mise en place par Metrop.

157. La société CIS a, en outre, participé au système de contrôle des prix mis en place par Metrop à l'encontre des distributeurs ne respectant pas les prix minimum de vente, ce dont attestent un courriel de signalement de décembre 2011 à Metrop concernant quatre sites Internet de détaillants ne faisant pas partie de ses clients et les remerciements de Metrop pour ce signalement, accompagnés de consignes de ne pas livrer les détaillants qui ne respectent pas les prix (cotes 939 à 941).

158. Au vu des principes évoqués précédemment, il apparaît que l'ensemble de ces éléments constituent des preuves documentaires directes démontrant explicitement un accord de volontés entre Metrop et CIS, sans qu'il soit besoin de rechercher l'existence d'un faisceau d'indices graves, précis et concordants, caractérisé notamment par le constat de l'application significative des prix imposés par Metrop.

159. Au surplus, ainsi qu'il ressort des paragraphes 94 à 103 de la décision, et comme indiqué précédemment s'agissant d'Hydro Factory et Hydro Logistique, ce constat est conforté par les déclarations des détaillants du réseau Culture Indoor et des relevés de prix effectués lors de l'enquête attestant du respect des prix minimums imposés par Metrop tant au niveau des prix de revente au détail qu'au niveau des prix de revente en gros.

160. Contrairement à ce que soutient CIS, cette conclusion n'est pas remise en cause par la cessation des relations commerciales avec Metrop, dans la mesure où celle-ci n'a pas pour origine le non-respect des prix imposés, mais le montant insuffisant des commandes passées par la société CIS, ainsi qu'en témoigne un courriel adressé à CIS par le dirigeant de Metrop le 10 octobre 2013 : " Bonjour C..., après le désastre de Manchester et la direction que prend le grossiste Culture Indoor, nous avons vérifié les ventes en gros de Culture Indoor et sommes arrivés à la conclusion que CI est bien loin du minimum des ventes dont CI et Metrop avaient convenu. Culture Indoor bénéficie sur ses achats en gros d'une remise de 30 % comme convenu pour un montant minimum d'achat de 100 000 euros par an chez Metrop. CI achète désormais en gros environ le quart du minimum de ce qu'il devrait acheter. Pour une entreprise détenant plus de 100 magasins, ce n'est rien. Nous avons donc décidé qu'il serait mieux de cesser nos relations avec le grossiste CI. Cordialement " (cote 908, traduction libre).

161. Les pratiques ont débuté en décembre 2011, date du premier courriel faisant état de la participation de CIS au système de surveillance des prix pratiqués par les détaillants (cotes 939 à 941). Les éléments documentaires relatifs à la transmission des listes de prix et au contrôle des prix, comme les déclarations du grossiste, permettent d'établir la continuité des pratiques jusqu'à octobre 2013, date avérée de la rupture des relations commerciales entre les deux sociétés (cote 908).

162. L'entente verticale entre Metrop et CIS est dès lors établie de décembre 2011 à octobre 2013.

D. SUR L'IMPUTABILITÉ DES PRATIQUES

1. RAPPEL DES PRINCIPES

a) Sur l'imputabilité au sein d'un groupe de sociétés

163. Il résulte d'une jurisprudence constante que les articles L. 420-1 du Code de commerce et 101 TFUE visent les infractions commises par les entreprises.

164. La notion d'entreprise doit être comprise comme désignant une unité économique, même si, du point de vue juridique, celle-ci est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales. C'est cette entité économique qui doit, lorsqu'elle enfreint les règles de concurrence, répondre de cette infraction, conformément au principe de responsabilité personnelle (voir notamment les arrêts de la Cour de justice du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C-97/08, points 55 et 56, et du 20 janvier 2011, General Quimica/Commission, C-90/09, point 36 ; voir également l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., 2011/01228, p. 18 et 20).

165. Ainsi, au sein d'un groupe de sociétés, le comportement d'une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu'ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché mais applique pour l'essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (voir les arrêts Akzo Nobel e.a./Commission, précité, point 58, General Quimica/Commission, point 37, et Lacroix Signalisation e.a., précité, p. 18 et 19).

166. Dans le cas particulier où une société mère détient, directement ou indirectement par le biais d'une société interposée, la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale auteur d'un comportement infractionnel, il existe une présomption selon laquelle cette société mère exerce une influence déterminante sur le comportement de sa filiale. Dans cette hypothèse, il suffit pour l'autorité de concurrence de rapporter la preuve de cette détention capitalistique pour imputer le comportement de la filiale auteur des pratiques à la société mère. Il est possible à la société mère de renverser cette présomption en apportant des éléments de preuve susceptibles de démontrer que sa filiale détermine de façon autonome sa ligne d'action sur le marché. Si la présomption n'est pas renversée, l'autorité de concurrence sera en mesure de tenir la société mère pour solidairement responsable pour le paiement de la sanction infligée à sa filiale (voir les arrêts Akzo Nobel e.a./Commission, précité, points 60 et 61, General Quimica/Commission, points 39 et 40, et Lacroix Signalisation e.a., précité, p. 19-20).

167. Ainsi que l'a rappelé la cour d'appel de Paris dans son arrêt Lacroix Signalisation e.a., précité, ces règles d'imputabilité, qui découlent de la notion d'entreprise visée aux articles 101 et 102 TFUE, relèvent des règles matérielles du droit européen de la concurrence. L'interprétation des juridictions européennes s'impose donc aux autorités nationales de concurrence lorsqu'elles appliquent le droit européen ainsi qu'aux juridictions qui les contrôlent (voir également, en ce sens, l'arrêt de la Cour de justice du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C-8/08, points 49 et 50).

b) Sur l'imputabilité en cas de transformation de l'entreprise

168. Il ressort d'une jurisprudence constante que tant que la personne morale responsable de l'exploitation de l'entreprise qui a mis en œuvre des pratiques enfreignant les règles de concurrence subsiste juridiquement, elle doit être tenue pour responsable de ces pratiques.

169. Si cette personne morale a changé de dénomination sociale ou de forme juridique, elle n'en continue pas moins à répondre de l'infraction commise.

170. En revanche, lorsque la personne morale responsable de l'exploitation de l'entreprise qui a commis les pratiques a cessé d'exister juridiquement, ces pratiques doivent être imputées à la personne morale à laquelle l'entreprise a juridiquement été transmise, c'est-à-dire celle qui a reçu les droits et obligations de la personne auteur de l'infraction, et, à défaut d'une telle transmission, à celle qui assure en fait sa continuité économique et fonctionnelle (arrêts de la Cour de cassation du 23 juin 2004, BNP Paribas e.a., n° 01-17896, 02-10066 et de la cour d'appel de Paris du 14 janvier 2009, Eurelec Midi Pyrénées e.a., n° 2008/01095, p. 5).

2. APPLICATION EN L'ESPÈCE

171. En l'espèce, les pratiques ont été mises en œuvre par les sociétés Agrotechniek Metrop, Hydro Factory/Hydro Logistique et CIS.

172. S'agissant de la société Metrop, il ressort des pièces du dossier que les pratiques relevées ont été commises par la société Agrotechniek Metrop. Cependant, cette société ayant cessé d'exister le 3 avril 2018, les pratiques dont elle était l'auteur seront imputées à la société Agrotechniek BV, qui assure sa continuité économique (cotes 5830 à 5833).

173. S'agissant des sociétés Hydro Factory et Hydro Logistique, il ressort des éléments du dossier que ces deux sociétés sont dirigées par le même gérant, M. Z..., qui détient l'intégralité du capital social des deux entités et les a représentées sans distinguer selon sa qualité de gérant de l'une ou de l'autre pendant la période examinée.

174. Par ailleurs, il résulte de l'organigramme de la société Hydro Factory et des déclarations de M. Z... que la société Hydro Logistique a été créée dans le seul but de séparer les activités de vente en gros de l'exploitation du site Internet à l'enseigne Indoor Gardens, marque appartenant à la société Hydro Factory. La société Hydro Factory facture les ventes réalisées via le site www.indoorgardens.fr à la société Hydro Logistique. Chaque société a ses propres salariés et sa propre gestion financière mais elles partageaient les mêmes locaux jusqu'en 2017, la majeure partie des personnels étant salariée de la société Hydro Factory. Le réseau de distribution Indoor Gardens est entièrement dirigé par la société Hydro Factory qui en constitue la tête et la centrale d'achat. La société Hydro Factory diffuse à ses clients aussi bien ses propres grilles tarifaires que les tarifs de vente au détail pratiqués sur le site Internet, exploité par Hydro Logistique, pour le réseau Indoor Gardens.

175. Par conséquent, l'ensemble de ces éléments permettent de conclure que la société Hydro Factory et la société Hydro Logistique forment une unité économique. Il y a donc lieu d'imputer les pratiques relevées solidairement à ces sociétés.

176. Il y a donc lieu d'imputer les pratiques constatées au titre du grief notifié aux sociétés Agrotechniek BV, assurant la continuité économique de la société Agrotechniek Metrop, et Hydro Factory/Hydro Logistique d'une part, et à Agrotechniek BV, assurant la continuité économique de la société Agrotechniek Metrop, et CIS d'autre part.

E. SUR LES SANCTIONS

177. Seront successivement abordés :

- les principes relatifs à la détermination des sanctions (1) ;

- la détermination du montant de base (2) ;

- la prise en compte des circonstances propres aux entreprises concernées (3) ;

- les ajustements finaux (4).

1. PRINCIPES

178. Le I de l'article L. 464-2 du Code de commerce habilite l'Autorité à imposer des sanctions pécuniaires aux entreprises et aux organismes qui se livrent à des pratiques anticoncurrentielles interdites par les articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce.

179. Aux termes du quatrième alinéa du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce "...Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante ".

180. Par ailleurs, le troisième alinéa du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce prévoit que " les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation individuelle de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le (titre VI du livre IV du Code de commerce). Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ".

181. L'article L. 464-5 du Code de commerce dispose que l'Autorité peut, lorsqu'elle met en œuvre la procédure simplifiée prévue à l'article L. 463-3 du Code de commerce, prononcer les sanctions prévues au I de l'article L. 464-2 de ce code. Toutefois, la sanction ne peut excéder 750 000 euros pour chacun des auteurs des pratiques prohibées.

182. En l'espèce, l'Autorité appréciera ces critères légaux selon les modalités pratiques décrites dans son communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires (ci-après " le communiqué sanctions ").

183. Les entreprises en cause dans la présente affaire ont été mises en mesure de formuler des observations sur les principaux éléments de droit et de fait du dossier susceptibles, selon les services d'instruction, d'influer sur la détermination des sanctions pouvant leur être imposées, à la suite de la réception de la notification des griefs simplifiée. La présentation de ces différents éléments par les services d'instruction ne préjuge pas de l'appréciation du collège de l'Autorité sur les déterminants des sanctions, qui relève de sa seule délibération.

2. SUR LA DÉTERMINATION DU MONTANT DE BASE DES SANCTIONS

a) Sur l'assiette des sanctions

184. Comme l'a indiqué l'Autorité dans le communiqué sanctions, au paragraphe 23, " pour donner une traduction chiffrée à son appréciation de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie, l'Autorité retient, comme montant de base de la sanction pécuniaire, une proportion de la valeur des ventes, réalisées par chaque entreprise ou organisme en cause, de produits ou de services en relation avec l'infraction ou, s'il y a lieu, les infractions en cause. La valeur de ces ventes constitue en effet une référence appropriée et objective pour déterminer le montant de base de la sanction pécuniaire, dans la mesure où elle permet d'en proportionner au cas par cas l'assiette à l'ampleur économique de l'infraction ou des infractions en cause, d'une part, et au poids relatif, sur le(s) secteur(s) ou marché(s) concerné(s), de chaque entreprise ou organisme qui y a participé, d'autre part ".

185. Certes, le Code de commerce, en ne se référant pas au chiffre d'affaires lié au secteur ou au marché en cause, mais uniquement au chiffre d'affaires mondial consolidé ou combiné, n'impose pas à l'Autorité de procéder de la sorte (arrêt de la Cour de cassation du 13 mai 1997, Société française de transports Gondrand frères, n° 95-16378). Pour autant, il est admis par la jurisprudence nationale et de l'Union européenne que la valeur des ventes constitue généralement une référence appropriée et objective permettant de proportionner au cas par cas l'assiette de la sanction à la réalité économique de l'infraction en cause, et plus précisément à son ampleur ainsi qu'au poids relatif sur le secteur concerné de chacune des entreprises qui y a participé (voir, en ce sens, arrêts de la cour d'appel de Paris du 11 octobre 2012, Entreprise H. Chevalier Nord e.a., n° 2011/03298, p. 72 et du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., n° 2011/01228, p. 37 à 38 ; arrêts de la Cour de justice du 7 juin 1983, Musique diffusion française/Commission, 100/80, points 119 à 121, et du 3 septembre 2009, Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, C-322/07 P, C-327/07 P et C-338/07 P, point 114).

186. En l'espèce, les pratiques poursuivies concernaient, pour tous les griefs, les fertilisants liquides pour la production hors-sol (culture hydroponique) à usage domestique au niveau national. Il y a donc lieu de retenir au titre de la valeur des ventes le chiffre d'affaires lié à la vente de ces produits.

187. Par ailleurs, ainsi que l'a rappelé la cour d'appel de Paris, une entente ne saurait être constituée entre deux entreprises qui ne sont pas autonomes l'une vis-à-vis de l'autre (arrêt du 20 janvier 2011, n° 2010/08165, p. 18, confirmant sur ce point la décision n° 10-D-13 du 15 avril 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la manutention pour le transport de conteneurs au port du Havre). Ainsi, dans l'hypothèse où un groupe de sociétés, formant une seule et même entreprise au sens du droit de la concurrence, participe à une entente au travers de plusieurs des personnes morales qui le composent, il convient de considérer que cet ensemble ne constitue qu'un seul et unique participant à l'entente et non pas plusieurs (décision n° 16-D-17 du 21 juillet 2016 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des appareils de chauffage mobiles à combustible liquide, paragraphe 180, n'ayant pas fait l'objet de recours).

188. En application de ce principe, une seule valeur des ventes sera retenue en ce qui concerne Hydro Factory et Hydro Logistique, ces sociétés formant une même entité économique.

189. Enfin, selon la méthode développée par le communiqué sanctions, la référence retenue par l'Autorité est généralement la valeur des ventes durant le dernier exercice comptable complet de participation de chaque entreprise en cause. Toutefois, dans les cas où elle considère que le dernier exercice comptable complet de participation à l'infraction ne constitue manifestement pas une référence représentative, l'Autorité retient un exercice qu'elle estime plus approprié.

190. En l'espèce, le dernier exercice comptable complet pour chacune des entreprises est :

- l'exercice 2013 pour l'entente entre les sociétés Metrop et Hydro Factory/Hydro Logistique ;

- l'exercice 2012 pour l'entente entre les sociétés Metrop et CIS.

191. Au vu des considérations qui précèdent, le tableau ci-dessous, établi au vu des données communiquées par les entreprises concernées, récapitule les valeurs des ventes servant d'assiette à la sanction individuelle de chacune d'entre elles (en euros) :

[TABLEAU]

b) Sur la gravité

192. Lorsqu'elle apprécie la gravité d'une infraction, l'Autorité tient compte notamment de la nature des pratiques qu'elle poursuit, des personnes susceptibles d'être affectées et des caractéristiques objectives de l'infraction (caractère secret ou non, degré de sophistication, existence de mécanismes de police ou de mesures de représailles, détournement d'une législation, etc.) (point 26 du communiqué sanctions).

193. Selon une jurisprudence et une pratique décisionnelle constantes, les ententes verticales impliquant des entreprises actives à des stades différents de la chaîne de production sont considérées avec moins de sévérité que les ententes horizontales entre concurrents.

194. Néanmoins, s'agissant d'ententes verticales sur les prix, la cour d'appel de Paris a précisé que " les ententes verticales sur les prix, constitutives de " restrictions caractérisées " au sens du règlement européen n° 2790 du 27 décembre 1999 [...] même si elles ne sont pas regardées avec autant de sévérité que les ententes horizontales, figurent parmi les plus graves des pratiques anticoncurrentielles ; que les effets de telles pratiques, avantageuses pour les fournisseurs comme pour les distributeurs, tendent en effet à éliminer la concurrence intra-marque, laquelle mérite d'autant plus d'être préservée que les consommateurs sont attachés aux marques, même si la concurrence inter-marque demeure " (arrêt du 28 janvier 2009, affaire dite " des jouets ", n° 2008/00255, p. 17) (soulignement ajouté).

195. En l'espèce, s'agissant de la nature de l'infraction, les pratiques incriminées ont contribué à harmoniser les prix des produits d'un producteur donné et ainsi, à réduire la concurrence intra-marque au sein des réseaux de revente, privant de ce fait les consommateurs finaux de la possibilité de profiter de prix concurrentiels.

196. S'agissant de la nature des personnes susceptibles d'être affectées, il convient de prendre en compte qu'il s'agit à la fois des distributeurs et des consommateurs individuels, dont la possibilité de faire pleinement jouer la concurrence entre les distributeurs et de bénéficier du meilleur prix a été limitée.

197. S'agissant enfin des caractéristiques objectives de l'infraction, les pratiques constatées comportaient, comme développé supra, des mesures de surveillance, de police et de représailles, allant jusqu'à la rupture d'approvisionnement du détaillant Indoorgrowing ne respectant pas les prix imposés par Metrop, ce qui est de nature à leur conférer un caractère de gravité certain.

198. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les pratiques en cause peuvent être considérées comme particulièrement graves.

c) Sur le dommage causé à l'économie

199. Il est de pratique décisionnelle et de jurisprudence constantes que l'importance du dommage causé à l'économie s'apprécie de façon globale pour les pratiques en cause, c'est-à-dire au regard de l'action cumulée de tous les participants, sans qu'il soit besoin d'identifier la part imputable à chacun d'entre eux pris séparément (décision de l'Autorité n° 13-D-09 du 17 avril 2013 relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché de la reconstruction des miradors du centre pénitentiaire de Perpignan, paragraphe 162, arrêts de la Cour de cassation du 18 février 2004, CERP e.a., n° 02-11754 et du 21 octobre 2014, Spie Sud-Ouest e.a, n° 13-16602).

200. Ce critère légal ne se confond pas avec le préjudice qu'ont pu subir les victimes des pratiques en cause, mais s'apprécie en fonction de la perturbation générale que ces pratiques sont de nature à engendrer pour l'économie (voir, par exemple, arrêt de la cour d'appel de Paris du 8 octobre 2008, SNEF, n° 2007/18040, p. 4).

201. L'Autorité, si elle n'est pas tenue de chiffrer précisément le dommage causé à l'économie, doit cependant procéder à une appréciation de son existence et de son importance en se fondant sur une analyse aussi complète que possible des éléments du dossier et en recherchant les différents aspects de la perturbation générale du fonctionnement normal de l'économie engendrée par les pratiques en cause (arrêts de la cour d'appel de Paris du 30 juin 2011, Orange France, n° 2010/12049, p. 5, confirmé par l'arrêt de la Cour de cassation n° 11-22.144 du 30 mai 2012, et du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International e.a., n° 2012/23945, p. 89). L'existence du dommage à l'économie ne saurait donc être présumée.

202. Conformément à une jurisprudence établie, l'Autorité tient notamment compte, pour apprécier l'incidence économique de la pratique en cause, de l'ampleur de l'infraction telle que caractérisée entre autres par sa couverture géographique ou par la part de marché cumulée des parties sur le secteur concerné, de sa durée, des conséquences conjoncturelles ou structurelles, ainsi que des caractéristiques économiques pertinentes du secteur concerné (voir, par exemple, l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 30 juin 2011, Orange France précité, et du 11 octobre 2012, Entreprise H. Chevalier Nord, n° 2011/03298, p. 70). Les effets tant avérés que potentiels de la pratique peuvent être pris en considération à ce titre (voir, en ce sens, arrêt de la Cour de cassation du 28 juin 2005, Novartis Pharma, n° 04-13910).

203. En l'espèce, il convient tout d'abord de relever qu'ainsi que le dirigeant de Metrop l'a lui-même précisé dans ses observations écrites, l'objectif visé par les pratiques était d'accroître les marges des revendeurs, ce qui suppose par définition même une hausse des prix supérieure aux variations de coûts.

204. Par ailleurs, il doit être souligné que le respect des prix imposés a été particulièrement suivi par les détaillants et les grossistes, hormis quelques promotions de la part de CIS effectuées sur son site internet en 2012 (cotes 129 à 135).

205. En outre, si, indépendamment de la pratique reprochée, plusieurs distributeurs se seraient vraisemblablement alignés spontanément sur les prix de vente affichés sur les sites internet de CIS. et Hydro Factory, d'une part, la pratique en question a pu artificiellement réduire la concurrence entre ces deux principaux distributeurs, et ainsi entre leurs deux importants réseaux, d'autre part, elle a pu empêcher certains détaillants moins renommés de pratiquer des prix bas comme ils avaient pu le faire avant la mise en œuvre de représailles.

206. Enfin, les pratiques se caractérisent également par le fait qu'elles ont été mises en œuvre vis-à-vis des deux principaux grossistes et de leurs prix de gros, dont le respect des prix recommandés a été très suivi.

207. S'agissant de l'ampleur des pratiques, si celles-ci sont d'envergure nationale, elles n'ont toutefois pas impliqué l'ensemble des grossistes en relation avec Metrop. La présence de grossistes vis-à-vis desquels les pratiques de prix de revente imposés n'ont, potentiellement, pas été mises en œuvre a donc pu permettre un maintien de la concurrence intra-marque. Cependant, cet effet doit, là encore, être relativisé, les grossistes visés par les pratiques étant les plus importants du secteur et représentant ensemble environ 60 % du marché de gros (cote 1685).

208. Par ailleurs, ainsi que vu précédemment, il existe environ une vingtaine de producteurs de fertilisants liquides pour la culture hors-sol (cotes 26 à 28) et Metrop est un opérateur de petite taille. L'ampleur de la hausse de prix résultant des pratiques de prix de vente imposés a ainsi pu être limitée par la concurrence entre fabricants.

209. Toutefois, il ressort des éléments du dossier que les produits Metrop présentent " la particularité d'être fortement concentrés ", et se situent, d'un point de vue tarifaire, " dans la tranche supérieure des gammes " (cote 1687). Le détaillant Indoorgrowing confirme, de son côté, que " les produits Metrop sont très demandés " en raison de leur qualité et de leur concentration en principes actifs et qu'ainsi " quelqu'un qui vient acheter du Metrop ne veut que cette marque, je ne peux lui vendre autre chose " et précise ainsi avoir perdu plusieurs clients importants à la suite de la rupture d'approvisionnement en produits Metrop (cote 386). Cette spécificité des produits de Metrop confirme l'existence d'une certaine différenciation des marques présentes sur le marché des fertilisants destinés à la culture domestique hors-sol, qui a donc pu limiter l'intensité de la concurrence inter-marques.

210. Enfin, comme l'a rappelé l'Autorité dans la décision n° 07-D-50 " Jouets ", " les pratiques restrictives verticales (particulièrement celles portant sur les prix) peuvent avoir des effets anticoncurrentiels même quand la concurrence inter-marque est forte. Les pratiques de prix imposés peuvent faciliter la cartellisation du marché si les structures verticales ne sont pas indépendantes et si les fournisseurs négocient avec les mêmes distributeurs " (paragraphe 718 de la décision citant la littérature économique sur les restrictions verticales, P. Rey et T. Vergé, 2007, " Economics of vertical restraints ", Handbook of Antitrust Economics, MIT Press). En l'espèce, ainsi qu'indiqué dans la décision n° 18-D-26 du 20 décembre 2018 précitée, les fabricants des produits concernés vendent ceux-ci au travers des mêmes grossistes, qui sont informés de la mise en œuvre de pratiques de prix de revente imposés par différents concurrents (cotes 2538 et 2539). Ces grossistes sont également, dans une certaine mesure, informés de la participation à ces pratiques de leur principal concurrent sur le marché de gros (cotes 2554, 2582 et 2583). Ils peuvent enfin servir de grossistes à des fabricants concurrents, non visés par les pratiques, mais qui vont indirectement être affectés par elles, dans la mesure où le grossiste va adapter la marge qu'il réalise sur ces produits à celle autorisée par les fabricants directement impliqués par les pratiques.

211. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le dommage à l'économie causé par les pratiques apparaît certain, mais modéré, du fait du maintien d'une relative concurrence entre fabricants d'une part, et entre revendeurs, d'autre part.

d) Conclusion sur la proportion des assiettes de sanctions à retenir

212. Compte tenu de l'appréciation qu'elle a faite ci-dessus de la particulière gravité des faits et de l'importance certaine mais modérée du dommage à l'économie dans le secteur concerné, l'Autorité retiendra, pour déterminer le montant de base de la sanction infligée aux entreprises en cause, une proportion de 9 % de la valeur retenue comme assiette du montant des sanctions pécuniaires.

e) Sur la prise en compte de la durée de participation des entreprises aux pratiques

213. La durée de l'infraction est un facteur pertinent qu'il convient de prendre en compte dans le cadre de l'appréciation tant de la gravité des faits que de l'importance du dommage à l'économie. En effet, plus une infraction est longue, plus l'atteinte qu'elle porte au libre jeu de la concurrence et la perturbation qu'elle entraîne pour le fonctionnement du secteur en cause, et plus généralement pour l'économie, sont susceptibles d'être substantielles.

214. Dans le cas d'infractions qui se sont prolongées plus d'une année, l'Autorité s'est engagée à prendre en compte leur durée selon les modalités pratiques suivantes : la proportion retenue, pour donner une traduction chiffrée à la gravité des faits et à l'importance du dommage à l'économie, est appliquée une fois, au titre de la première année complète de participation individuelle de chaque entreprise en cause, à la valeur de ses ventes pendant l'exercice comptable de référence, puis à la moitié de cette valeur, au titre de chacune des années complètes suivantes ; au-delà de la dernière année complète de participation à l'infraction, la période restante est prise en compte au mois près, dans la mesure où les éléments du dossier le permettent.

215. Dans chaque cas d'espèce, cette méthode se traduit par un coefficient multiplicateur, défini proportionnellement à la durée individuelle de participation de chaque entreprise à l'infraction et appliqué à la proportion de la valeur des ventes effectuées par chacune d'entre elles pendant l'exercice comptable retenu comme référence.

216. Le tableau ci-dessous récapitule les coefficients retenus pour chaque entreprise et chaque grief concernés en l'espèce.

COEFFICIENT DURÉE

Metrop-Hydro | 2,16

Metrop-C.I.S | 1,45

Hydro | 2,16

C.I.S | 1,45

f) Conclusion sur la détermination du montant de base

217. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, eu égard à la gravité des faits et à l'importance du dommage causé à l'économie par les pratiques en cause, que les montants de base des sanctions déterminés en proportion des ventes liées à la commercialisation des produits en relation avec les infractions commises par les sociétés en cause, d'une part, et de la durée des pratiques, d'autre part, sont les suivants :

ENTREPRISE | MONTANT DE BASE (en euros)

Metrop | 13 804

Hydro Factory/Logistique | 12 472

C.I.S | 11 114

3. SUR L'INDIVIDUALISATION DES SANCTIONS

218. L'Autorité s'est engagée à adapter les montants de base retenus ci-dessus au regard du critère légal tenant à la situation individuelle de chacune des parties en cause, qu'il s'agisse d'organismes ou d'entreprises, appartenant le cas échéant à des groupes plus larges.

219. À cette fin, et en fonction des éléments propres à chaque cas d'espèce, elle peut prendre en considération différentes circonstances atténuantes ou aggravantes caractérisant le comportement de chaque entreprise dans le cadre de la mise en œuvre des infractions en cause, ainsi que d'autres éléments objectifs pertinents relatifs à sa situation individuelle. Cette prise en considération peut conduire à ajuster la sanction tant à la hausse qu'à la baisse.

220. À cet égard, la société Metrop estime que les pratiques en cause avaient pour objectif de soutenir les détaillants en leur assurant une marge suffisante et que cette circonstance devrait, partant, jouer en sa faveur.

221. Néanmoins, de telles pratiques, anticoncurrentielles par objet, ne peuvent entraîner le bénéfice d'une quelconque circonstance atténuante.

222. Aucun élément du dossier ne permettant par ailleurs de considérer qu'une des entreprises en cause aurait joué un rôle particulier dans la conception ou la mise en œuvre de l'entente, aucune circonstance aggravante ou atténuante ne sera retenue en l'espèce.

4. SUR LES AJUSTEMENTS FINAUX

a) Sur la vérification du respect du maximum légal

223. En l'espèce, au vu des éléments d'appréciation exposés ci-avant, les sanctions que l'Autorité pourrait infliger aux sociétés mises en cause sont toutes inférieures au plafond légal, tel que rappelé ci-avant aux paragraphes 179 et 181.

b) Sur la situation financière des entreprises

224. Au titre des éléments propres à la situation de chaque entreprise ou organisme en cause, l'Autorité s'est en dernier lieu engagée à apprécier les difficultés financières particulières de nature à diminuer la capacité contributive dont les parties invoquent l'existence, selon les modalités pratiques indiquées dans le communiqué sanctions.

225. Il appartient à l'entreprise qui s'estime concernée de justifier l'existence de telles difficultés en s'appuyant sur des preuves fiables, complètes et objectives attestant de leur réalité et de leurs conséquences concrètes sur sa capacité contributive (voir, en ce sens, arrêt de la cour d'appel de Paris du 11 octobre 2012, Entreprise H. Chevalier Nord e.a, n° 2011/03298, p. 73).

226. En l'espèce, les sociétés Hydro Factory/Hydro Logistique et Metrop ont évoqué l'existence de difficultés financières particulières de nature, selon elles, à limiter leur capacité contributive.

227. S'agissant d'HydroFactory/Hydro Logistique, l'examen des éléments financiers et comptables communiqués à l'appui de sa demande conduit l'Autorité à constater qu'ils constituent, de fait, des preuves fiables, complètes et objectives attestant de l'existence de difficultés financières particulières et actuelles affectant sa capacité à s'acquitter de la sanction que l'Autorité envisage de lui imposer.

228. L'Autorité relève en particulier que l'activité de la société a cessé depuis plus d'un an, que l'ensemble des salariés a été licencié, que l'entrepôt a été rendu et, enfin, que cette société doit être prochainement placée en liquidation.

229. Au vu de la situation de cette société, il n'y pas lieu de lui infliger une sanction pécuniaire.

230. En revanche, la société Metrop n'apporte aucun élément de nature à démontrer l'existence de difficultés financières affectant sa capacité contributive, au regard du montant de sanction que l'Autorité entend lui infliger.

c) Sur le montant final des sanctions

231. Au vu de l'ensemble des éléments généraux et individuels tels qu'exposés ci-dessus, le montant des sanctions infligées aux entreprises mises en cause est fixé aux sommes arrondies suivantes :

ENTREPRISE | SANCTION FINALE (en euros)

Metrop | 13 000

C.I.S | 11 000

DÉCISION

Article 1er : Il est établi que la société Agrotechniek BV, assurant la continuité économique de la société Agrotechniek Metrop, société auteur des pratiques qui n'existe plus à ce jour, et les sociétés Hydro Factory/Hydro Logistique, en tant qu'auteurs, ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 101, paragraphe 1, du TFUE, en participant à une entente verticale sur les prix entre septembre 2010 et décembre 2013.

Article 2 : Il est établi que la société Agrotechniek BV, assurant la continuité économique de la société Agrotechniek Metrop, société auteur des pratiques qui n'existe plus à ce jour, et la société CIS, en tant qu'auteur, ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 101, paragraphe 1, du TFUE, en participant à une entente verticale sur les prix entre décembre 2011 et octobre 2013.

Article 3 : Il est infligé les sanctions pécuniaires suivantes :

- à la société Agrotechniek BV assurant la continuité économique de la société Agrotechniek Metrop, au titre des pratiques visées aux articles 1 et 2, une sanction de 13 000 euros ;

- à la société CIS, au titre des pratiques visées à l'article 2, une sanction de 11 000 euros.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de prononcer de sanction pécuniaire à l'encontre des sociétés Hydro Factory/Hydro Logistique.

NOTES

1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.

2 Les éléments figurant ci-dessous concernent la période des faits et de l'instruction. Pour la situation actuelle de ces entreprises, voir ci-après, paragraphe 228.

3 À titre liminaire, il convient d'indiquer que l'orthographe et la syntaxe d'origine ont été conservées dans tous les documents, et notamment les échanges de courriels, émanant des parties citées dans la présente décision.